HELLO jjk fandom, me voici avec une nouvelle fic écrite il y a environ 1000 ans sur le thème "it could have been worse, we could have fallen in love". Bien sûr mon esprit, au lieu de rendre n'importe quel ship sensé, s'est dit que ça ferait un bon prompt pour Nobara et Sukuna, qui dans ma tête son des bff qui s'assument pas. OUI je pense à eux depuis des mois, pas forcément en tant que ship mais quel duo de choc. Cette fic leur est dédiée, en espérant que ce soit lisible.

Niveau ship, bon, personne n'est vraiment en couple sauf Itafushi, les seuls qui mérient

Sinon ce texte n'a aucun sens et je m'excuse d'avance pour la stupidité des situations et des personnages !

warning : langage (à cause de Nobara), propos parfois un peu limites (encore Nobara...), personnages lourds (Sukuna), consommation d'alcool, utilisation de Kamo comme comic relief, amour non réciproque pour plusieurs perso

Cette fic est dédiée à la team habituelle, Aeli (j'attends tu sais quoi en échange), Catharsis et Neil. Vous m'avez poussé à écrire sur eux j'espère que vous aimerez lol

Bonne lecture !


La règle veut que, quel que soit l'évènement en question, il ne soit jamais évoqué s'il s'est déroulé chez Todo. Sa forme n'a réellement aucune importance. Un meurtre ou bien une confidence qui ferait rougir quelqu'un d'aussi éhonté de Gojo Satoru. Peu importe ce que c'est, ça ne quittera pas ses quatre murs, son sol ou son plafond. Enfermé à jamais dans un souvenir flou, sans qu'on puisse jamais se décider à admettre qu'il soit réel ou non.

Car après tout, c'est l'appartement de Todo. Rien de bien ne peut arriver dans un tel lieu. Sur le long terme, du moins.

— Je me suis dit qu'on pourrait faire du shopping ensemble, lui dit Yuuji à la sortie de son cours de géographie.

Nobara comprend qu'il y a un problème à ce moment précis. Personne. Personne ne lui propose jamais de faire du shopping. C'est une sorte de règle, ça aussi. Il paraît que c'est dangereux, si on en croit les rumeurs. Elle l'a lu noir sur blanc sur une liste des choses à ne jamais faire si vous voulez vivre jusqu'à un âge respectable, publiée dans le journal de l'université.

— Qu'est-ce que t'as foutu, Itadori ? demande-t-elle, encore un peu étourdie par son cours de géographie (elle n'a même pas retenu le nom exact du cours. Tout ce qu'elle a retenu, c'est que l'Italie a la forme d'une botte qu'elle aimerait bien acheter au plus vite. Et qu'Itadori serait apparemment partant pour l'aider à accomplir cette quête. Mais avant, elle doit découvrir ce qu'il a bien pu foirer au point de devoir l'aborder ainsi).

— Rien du tout ! répond-il d'un ton très aigu, ce qui veut dire qu'il ment.

— Ah ouais ? T'es sûr ? T'as pas lancé une machine de blanc en foutant ton immonde sweat rouge dedans ? Ou t'as pas vidé ton vieux pot de beurre de cacahuète sur mon dernier repas ? T'as pas appelé mes amis d'enfance pour leur dire que je vivais avec un loser comme toi ? T'as pas accidentellement étranglé un des clébards de Fushiguro dans son sommeil ?

Yuuji la fixe dans un silence confus pendant dix secondes entières.

— Honnêtement, Kugisaki. Pourquoi est-ce que je ferais ça ?

— J'sais pas, tu l'as fait ou pas ?

— Je n'ai pas tué les chiens de Fushiguro. Je n'ai pas appelé… Tes amis…

— Tu dis ça parce que tu penses que j'ai jamais eu d'amis avant vous, avoues, grogne Nobara.

— Mais non, enfin—

— Alors ? C'est quoi le problème ? C'est quoi blème pro ? Y a quoi ?

— Rien ! s'exclame Yuuji, encore plus nerveux.

Et Nobara sent, profondément, depuis ses entrailles même, que la suite ne va pas lui plaire. Déjà qu'elle est d'une sale humeur. Qu'elle ne veut plus jamais avoir à penser à la forme de l'Europe. Qu'elle a la gueule de bois. Qu'elle se sent seule.

— C'est rien du tout, répète-t-il.

Mais en un clignement d'œil, une seconde version de Yuuji apparaît. Une qui porte un sweat noir et des tatouages débiles sur les poignets. Une qui se retourne vers Nobara avec un sourire confiant qu'elle aimerait soit partager, soit virer de là au plus vite. C'est cette fichue gueule de bois.

— Ah, Nobara, dit-il d'un ton grave. Je suis venu te présenter mes condoléances.

Puis il attrape Yuuji par la manche, lui raconte une histoire visiblement inventée de toute pièce, et se casse avec lui.

Nobara donne un coup de pied au bout de mur le plus proche, et un cadre tombe par terre.

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Jusqu'à la soirée de la veille, Nobara avait pour habitude de répondre par Maki à toutes les questions. Meilleure amie : Maki. Inspiration : Maki. Premier amour : Maki. Seule personne pour laquelle vous seriez capable de louper les ventes privées de votre marque préférée ou pour qui vous seriez capable de manger une araignée poilue et qui fait la taille de votre poing, ou pour qui vous seriez capable de faire quelque chose d'aussi humiliant que chanter la Macarena devant tout le reste du campus si ça avait le potentiel de lui faire plaisir : Maki.

Leur prof d'économie, qui se fait appeler Mei Mei et qui est la seule personne au monde à se faire une tresse à l'avant du visage (et à qui personne n'ose dire que c'est absolument stupide), lui a une fois fait savoir que lorsqu'elle demandait en test quelle était la personne la plus riche du pays, elle n'entendait pas par là la personne la plus riche de coolitude, et elle attendait une réponse différente de Zenin Maki. Bien entendu, Nobara l'avait immédiatement envoyée chier en affirmant haut et fort qu'elle n'avait rien à cirer de ces vieux hommes riches qui portaient tous d'affreuses perruques (contrairement à Maki), et qu'elle continuerait à répondre Zenin Maki aux questions qui s'y prêtaient. Inutile de préciser qu'il s'agit de la matière où elle comptabilise le plus de zéro.

— Question, lui dit Mai, un sourire perfide et infiniment agaçant sur les lèvres, quelle personne t'as brisé le cœur hier ?

Et Nobara n'a qu'un seul cours en commun avec cette pimbêche de niveau supérieur. Un seul. Celui d'économie. Pourtant, cette pouffiasse (qui est si stupide qu'elle tenterait probablement de se faire, elle aussi, une tresse à l'avant du visage si ses cheveux étaient plus longs) trouve encore le moyen de lui pourrir l'existence. Ce qui ne fait en réalité pas grand-chose, car Nobara est loin d'être une petite pute qui se laisse faire. C'est une grosse pute qui fout la tronche de ses adversaires dans la cuvette des toilettes les plus proches si on la provoque d'une quelconque façon.

— Question, répond-elle, tu penses que ça me prend combien de temps pour te briser ton cœur, littéralement, en utilisant juste ce cutter pourri pour te découper la poitrine ?

— Je dirais quatre minutes, intervient Sukuna, sorti de nulle part comme un démon qui se serait téléporté depuis les enfers.

Nobara voudrait répondre moins, mais elle sait de source sûre que Sukuna se fait appeler le pro du découpage depuis la maternelle, et suppose s'il y a un sujet où elle peut lui faire entièrement confiance, c'est celui-ci. Quatre minutes, donc.

— T'as un chronomètre ? demande-t-elle.

Maki, reprend Mai, visiblement vexée d'être ignorée de la sorte, t'as brisé le cœur hier soir.

— Aïe, coup dur, commente Sukuna (qui a pourtant l'air ravi, le fils de pute).

— Maki n'a littéralement rien fait du tout à part vous faire économiser de l'électricité en étant si lumineuse qu'on a pas eu besoin d'allumer la lumière de toute la soirée, pauvre conne, dit Nobara. Maintenant casse-toi, si tu veux bien.

Non sans un geste grossier et quelques promesses de revanche (bla, bla, elle n'écoute même pas), Mai finit par les laisser. Sukuna se retourne vers elle en haussant un sourcil.

— J'ai un souvenir légèrement différent, fait-il savoir.

— C'est arrivé chez Todo, grogne Nobara. Donc ce n'est pas vraiment arrivé.

— Comme la fois où Yuuji a renversé une bouteille d'huile sur ton écharpe préférée, acquiesce Sukuna.

Nobara lui jette un regard affligé.

— Sukuna. Tout le monde sait que ce pauvre type n'a rien à voir dans le massacre de cette magnifique et bien regrettée écharpe.

— Je croyais que ça n'était pas vraiment arrivé, répond Sukuna d'un ton léger.

Nobara pense à lui enfoncer le cutter qu'elle a saisi en menaçant Mai dans la gueule. Puis elle change d'avis. Elle ne veut pas se retrouver une fois de plus dans la liste des choses à ne jamais faire si vous voulez vivre jusqu'à un âge respectable. Une fois encore, ça passe, ça montre qu'elle est cool et un peu dangereuse et qu'il ne faut pas l'emmerder. Deux fois, c'est trop. Rappelons que Nobara est une jeune fille sensible et aussi adorable qu'attentionnée. Il ne faudrait pas que cette réputation lui échappe totalement.

Ils sortent tous les deux de la salle d'éco, car c'est un lieu glauque et vous ne voulez surtout pas qu'une information personnelle vous concernant finisse entre les mains de Mei Mei.

Nobara observe Sukuna intimider des gens au hasard et les forcer à leur acheter des cafés. Une fois la moitié de sa boisson descendue, elle laisse échapper un très long soupir.

— Sukuna ?

— Ouais ?

Elle a hâte de terminer son café juste pour pouvoir écraser son gobelet et le lancer sur quelqu'un.

— Maki m'a vraiment rejetée hier soir.

Sukuna se met à rire, ce qui veut dire qu'il sera sa future cible.

— Je sais. Pourquoi est-ce que tu crois que je t'ai présenté mes condoléances ?

— Enfoiré, grogne-t-elle.

Il lui tapote le dos d'une façon qui pourrait paraître amicale mais qui est en réalité diabolique.

— Allons. Je ne fais que rendre la monnaie de ta pièce. Tu m'as dit exactement la même chose il y a un an.

Nobara est si maussade qu'elle ne s'énerve même pas. Elle aurait dû accepter de faire du shopping avec Yuuji, quitte à sécher l'après-midi de cours. De toute façon, elle n'a pas écouté un mot de ce qui a été dit et n'a pas pris la moindre note.

Elle porte la main à ses yeux pour essuyer une larme qui menace dangereusement de couler.

— De toute façon, crois-moi mec, tu veux pas sortir avec Fushiguro. Je vis avec ce type, et je peux t'assurer que ça pue la merde. Déjà, il sort avec ton frère.

— Justement, ça lui ferait pas un trop gros changement, ricane Sukuna.

— Alors là, retire immédiatement ce que tu viens de dire. Si tu insinues que je pourrais sortir avec cette connasse de Mai sans trop voir la différence, faut te faire soigner.

— J'ai rien insinué, sourit Sukuna. Tu entends ce que tu veux entendre, bouffonne.

Et enfin, elle a terminé son gobelet. Elle l'écrase d'un coup net et le lui envoie au visage.

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C'est une bonne chose que Sukuna ne soit pas sorti avec Megumi, au final. Pas juste parce que Nobara n'aurait pas supporté un Yuuji larmoyant pendant plus d'une minute trente, mais principalement parce que Megumi est secrètement un psychopathe qui cognait des tyrans au collège. La plupart des gens semblent septiques lorsqu'elle évoque son sombre passé, mais ça crève les yeux, que ce gars n'est pas net. Mais ce n'est rien à côté de Sukuna. Si Megumi a la tête d'un type qui foutrait le feu à une mouette, Sukuna a celle du type qui foutrait le feu à une mouette avant de la balancer sur une table badigeonnée d'essence autour de laquelle dîneraient tranquillement une trentaine d'enfants coincés dans leurs sièges bébé à la con, et qui filmerait le tout en sifflotant un solo de guitare de Jimi Hendrix, sans perdre une seule seconde son Sourire d'Enfoiré Suprême, qu'il aurait perfectionné le matin même pendant trois heures devant le miroir.

Bref, tout ça pour dire qu'ils auraient formé un terrible couple et qu'elle aurait probablement dû déménager au bout de quinze minutes seulement. Pour vivre avec un Yuuji au cœur brisé. Quelle horreur.

De toute façon, les choses sont plus simples comme ça. Yuuji aurait été triste pendant des jours mais aurait fait semblant de rien et Nobara aurait été obligée d'essayer de lui parler, genre avoir une conversation et tout en rapport avec ses fichus sentiments, pour lui remonter le moral. Sukuna s'est contenté de lui demander si elle voulait jeter des chaussettes sales volées dans la machine à laver commune de son dortoir sur le club de théâtre en pleine répétition. Puis il a balancé la moitié des trophées des clubs sportifs par la fenêtre sur le chemin du retour. Ils retombaient comme une pluie d'or très bruyante. Ils se sont fait virer pendant une semaine et Nobara a pu se refaire sa garde-robe plutôt que de répondre Zenin Maki aux stupides questions des tests surprises d'économie.

— Alors ? Toujours en deuil amoureux ? demande Sukuna le mardi suivant, s'accoudant à son casier.

Le type a clairement l'air de vivre une expérience absolument merveilleuse, genre quelqu'un vient de lui donner six millions de yens sans aucune raison. Nobara estime que son sourire à elle vaut au moins ce prix. Toute personne venant lui parler devrait être ravie à ce point, mais pour des raisons différentes.

— Je vais t'arracher la tronche, dit-elle sans vraiment s'en rendre compte (les insultes quittent à présent naturellement sa bouche. Ça lui a valu un avertissement de la part de Geto, mais pour des raisons incompréhensibles, Gojo a semblé tout à fait ravi lorsqu'elle l'a traité de petit pédé sur échasses devant toute sa classe).

— Charmant, commente Sukuna d'un ton calme et posé, comme s'il trouvait réellement cela charmant (ce qui pourrait bien être le cas). Bon, qu'est-ce que tu veux faire à propos de cette histoire ?

— Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? grogne-t-elle, maussade, avant de reprendre. Je veux bien casser la gueule à Mai à la sortie du bahut.

— C'est juste ton état d'esprit naturel, soupire Sukuna. Aucun rapport avec Maki.

— C'est sa sœur, genre.

Elle entame un geste vaguement explicatif.

— C'est sa sœur, donc ça a un rapport, termine-t-elle laborieusement.

— Mmhh. Et une soirée chez Todo ? demande-t-il, pensif.

— Pour me faire tej une seconde fois ? Tu rêves.

Parce qu'elle a des sentiments aussi, d'accord ? Personne ne la croit mais elle en a vraiment, ok ? Personne n'aime se faire rejeter par quelqu'un qui signifie le monde entier pour vous. En public. Devant Mai.

Sukuna soupire, et elle lève le regard. Il n'a plus l'air amusé, ce qui éveille en elle une première vague d'irritation. Sukuna a l'air ennuyé. Comme s'il était face à un jouet défectueux ou comme si sa cible de jour venait de refuser de lui payer un café. Et Nobara n'aime pas se faire rejeter en public, mais il y a une chose qu'elle déteste encore plus.

— T'as un problème ? demande-t-elle d'un ton froid.

Il hausse les épaules.

— Aucun.

— Cool. J'me casse, fait-elle.

Elle referme son casier en faisant le plus de bruit possible et commence à s'éloigner. Au dernier moment, une boule de papier atterrit sur son épaule et elle se retourne furieusement.

— Hé, connasse ! fait Sukuna.

— Je vais te tuer, répond-elle en levant son bouquin de maths, prête à l'assommer avec.

— Je croyais que t'étais une grosse pute qui se laissait jamais faire ?

C'est terminé, pense-t-elle. Cette université de merde touche à sa fin. Je vais tout brûler.

Elle pourrait le faire, en plus. Elle a une boîte d'allumettes dans sa poche (ça ne lui sert à rien sauf à allumer les clopes de Sukuna quand ils prennent leur pause ensemble, mais elle trouvait la boîte jolie) et elle peut toujours démonter le réservoir de la Ferrari de Nanami pour lui voler son essence. Au cas où cela ne fonctionnerait pas, elle est quasiment sûre que Gojo garde de la dynamite quelque part dans ce bahut. Mais elle doute qu'il cache tout ça dans sa propre classe. Peut-être dans la classe d'Utahime ? C'est sa cible préférée…

Le temps que prend cet exercice mental lui permet de se calmer. Elle en conclut de tout cela qu'elle est bien une grosse pute qui se laisse jamais faire et qu'elle peut supporter de se faire rejeter quarante-six fois sans en mourir.

— Ouais, ça marche, pour Todo. Faut venir à quelle heure ? demande-t-elle.

Sukuna hoche la tête, en fin connaisseur.

— Pour l'instant il n'y a rien de prévu, donc on peut y aller quand on veut, dit-il.

— Ah ouais, tant mieux pour nous, sourit-elle. On se retrouve là-bas, alors.

Elle shoote dans la boulette de papier qu'il lui a lancée dessus, remet son sac sur son épaule, et se barre sans plus de cérémonie.

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Quand enfin cette fichue journée de cours prend fin, elle quitte la classe de Geto Suguru en résistant à l'envie de lui demander ce qu'il fout dans ses cheveux pour qu'ils paraissent si soyeux. C'est une pensée qui n'a pas quitté son esprit de tout son cours. Pour tout dire, elle n'est même pas sûre de savoir ce qu'il enseigne. Geto Suguru l'homme aux beaux cheveux sera à tout jamais défini par cette caractéristique seule pour elle (et la moitié de ses élèves).

Elle est donc à moitié en train de penser à tout cela, à moitié en train de penser à ce qu'elle pourrait ramener chez Todo pour se bourrer la gueule ce soir lorsqu'elle reçoit un appel de Yuuji, qui lui demande d'acheter de la glace sur le chemin du retour. Pour certaines raisons, Nobara pense qu'il veut de la glace pour faire des cocktails. Cela pourrait lui servir pour chez Todo.

Mais arrivée chez elle, elle trouve Yuuji et Sukuna en train de jouer à Mario Party 8 sur la Wii que Megumi a récemment achetée (mais qu'il n'utilise jamais), et comprend le pourquoi du comment.

— C'est quoi, ça ? demande-t-elle en désignant la cheville de Yuuji, surélevée par une pile de coussins, et aussi gonflée que l'égo de Mai.

— C'est mon pied, répond Yuuji.

Sukuna profite de cet instant d'égarement pour le battre à leur mini-jeu, puis balance sa manette par-dessus son épaule (il a encore une dent contre Megumi).

— C'est jaune et ça a une forme bizarre, rétorque Nobara.

— Il est tombé, explique Sukuna.

— Ah, et donc vous vous êtes dit que vous alliez jouer à la Wii au calme.

— Il a voulu me prouver qu'il était capable de passer d'un mur à l'autre du hall sans poser le pied à terre, sauf que le hall ressemble à tout sauf à un mur d'escalade, reprend Sukuna. Il est tombé.

— Super, j'avais pas demandé.

— Ouais, mais j'ai envie de te faire chier, soupire Sukuna. Tu veux toucher pour voir ? C'est tout chaud.

Nobara fait semblant de vomir. Yuuji les observe avec un air ravi au lieu d'être outré, mais Nobara a arrêté de se poser la moindre question.

— Je vais appeler Fushiguro, menace-t-elle.

— Ouais, c'est ça, appelle ce petit con, sourit Sukuna.

— Ne l'appelle pas ! s'exclame Yuuji. Il va penser que c'est grave.

— Je ne veux pas dire que c'est réellement grave, fait Nobara, mais tu devrais pas genre, t'inquiéter un peu plus que ça ? Tu peux marcher, au moins ?

— En pleurant de douleur, il peut, fait savoir Sukuna. Montre-lui, Yuuji.

— Bon, en attendant, tu peux me filer de la glace ? demande Yuuji, ignorant son frère.

Nobara lui jette un regard suspicieux.

— Et tu comptes en faire quoi ? Tu peux même pas marcher.

— Ben c'est pour la mettre sur ma cheville, répond Yuuji.

— T'es fou, et mes mojitos ? demande Nobara en faisant semblant de s'évanouir.

Le visage de Sukuna s'éclaire comme s'il venait d'apprendre l'emplacement du stock de dynamite de Gojo.

— Tu vas faire des mojitos ? Putain, parfait.

— J'ai quand même besoin de la glace, dit Yuuji.

— Pas tant que ça, si on y réfléchit bien, répond Sukuna.

— Pas sûr que t'utilises ta tête correctement, grimace Yuuji.

— Non mais c'est de l'égoïsme pur, là, Itadori, dit Nobara. T'y crois, toi, Sukuna ? Ton putain de frère là, qui veut nous gâcher notre soirée quoi.

— Il a toujours été comme ça, ce petit merdeux, soupire Sukuna. Tu veux que je te casse ton autre cheville, peut-être ?

— Finalement, je veux bien que tu appelles Fushiguro, fait Yuuji en regardant Nobara dans le blanc des yeux. Lui au moins n'est pas une horrible personne qui ne pense qu'à l'alcool. Il est quelle heure, d'ailleurs ?

Personne ne lui répond, alors il regarde sur son portable et se met à grimacer.

— Il est en retard de trente minutes.

Sukuna lui sourit de toutes ses dents.

— C'est sûr il te trompe, dit-il sur son ton d'Enfoiré Suprême.

— C'est sûr il a croisé un chien sur sa route et a été distrait, le corrige Yuuji avec un sourire remplit de haine (envers son frère et pas envers le chien).

— Pendant trente minutes ? demande Sukuna.

— C'est arrivé auparavant, intervient Nobara, sans développer plus que ça. Bref, on va être en retard, Sukuna, alors bouge ton cul.

— Vous avez peur que Fushiguro vous casse la gueule, donc vous fuyez ? sourit Yuuji. Aww, c'est mignon.

— Je reste, répond immédiatement Sukuna. On va voir qui casse la gueule à qui.

— On part, répond Nobara. Ou pas de mojito.

Sukuna semble considérer ses options. Finalement, il hausse les épaules, et attrape une veste qui appartient probablement à Yuuji. Nobara se demande s'il va encore tenter de se faire passer pour son frère et vouloir embrasser Megumi devant la porte d'entrée, ce qui jusqu'ici s'est toujours terminé avec un œil noir pour Sukuna et un air dégoûté pour Megumi et zéro baiser pour Sukuna et autant de baisers qu'il veut pour Yuuji. Littéralement personne ne confond ces deux-là, principalement parce que Sukuna est couvert de tatouages et porte toujours du vernis à ongles edgy et est absolument incapable de tirer une tronche potable. Le mec a l'air d'être sous drogues H24 et personne n'est dupe, même si elle ne peut pas nier l'existence d'un certain charme chez lui.

Ils croisent Megumi à quelques mètres de l'immeuble, et elle peut deviner rien qu'à son expression satisfaite qu'il était bien en compagnie d'un chien (cela ne veut pas dire qu'il sourit. Être capable de dire si Megumi est satisfait ou non relève d'une observation incessante. Tout n'est que subtilité chez cet homme. La forme de sa bouche bouge d'un millimètre et il passe de vaguement heureux à sur le point de commettre un meurtre).

— Salut, dit bêtement Sukuna.

Nobara hausse un sourcil. Megumi perd son air satisfait sans changer d'expression.

— J'vais vous frapper, ajoute Sukuna.

— Que d'éloquence, aujourd'hui, note Nobara.

— Je vois pas de différence avec d'habitude, dit Megumi.

— Tu préférais salut, chéri ? demande Sukuna, l'air absolument sincère.

— Tu veux un autre œil au beurre noir ? rétorque Megumi, l'air tout aussi sincère.

— C'est fascinant tout ça, mais on va être en retard chez Todo, et vous savez à quel point j'adore ce type, répond Nobara, sans la moindre once de sincérité.

Sukuna lâche l'affaire, ce qui est une bonne chose parce que Nobara aurait bien rejoint Megumi pour lui donner une bonne correction. Il faut avouer que Sukuna se débrouille bien au corps à corps et qu'il est très difficile de gagner contre lui. Mais à deux contre un, ils ont le dessus. C'est lâche, mais vous savez quelles personnes sont lâches ? Les personnes qui en ont marre de voir leurs meilleurs amis jouer les Enfoirés Suprêmes et qui ont envie de mojito. Alors soit. Nobara veut bien être lâche sur ce coup-là.

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Ils n'arrivent pas en retard chez Todo, principalement parce que Todo n'a rien prévu du tout. Nobara jette un regard en biais à Sukuna, qui était censé régler ce léger détail. Puis elle repense à leur conversation et se souvient qu'il n'avait rien promis du tout. Ça n'a au final pas d'importance, parce que ce n'est pas une plage horaire réservée (à savoir : son idole préférée ne passe pas à la TV ou à la radio ou sur internet ou peu importe où), ce qui veut dire que Todo est absolument ravi de voir des gens qui ne sont même pas ses amis débarquer chez lui. C'est loin d'être le cas de Mai, qui sort de sa douche en portant un peignoir de petite pute et leur jette un regard mortifié avant de jeter sa serviette sur Todo et de lui ordonner de les virer de leur appartement. Nobara, qui oublie tout le temps que ces deux-là vivent en colocation, commence à s'étouffer de rire alors que Sukuna lui jette un regard qui veut sûrement dire tu fais genre mais tu mattes. Ce qui est faux. La simple vision des jambes de Mai lui donne envie de se tirer une balle.

Quelques minutes plus tard, Mai revient en portant une tenue plus décente (selon le Code Mai. Pour toute autre personne, c'est totalement indécent et ça ne devrait pas être montrable), et Todo n'a toujours pas esquissé le moindre mouvement pour les virer. Nobara est en train d'essayer de convaincre mentalement Sukuna qu'elle n'a rien à faire du jean en cuir moulant de Mai et qu'elle en a fini à tout jamais avec les Zenin, mais Sukuna pourrait tout aussi bien penser à la quantité de sauce piquante qu'il faut mettre sur une pizza pour qu'elle ait bon goût, à ce stade. Nobara décide donc de cesser sa pratique pour le moins défectueuse de la télépathie.

— Et mon pote Itadori, quand est-ce qu'il débarque ? demande Todo.

— C'est moi, répond platement Sukuna, n'essayant même pas de faire semblant.

Mai hausse un sourcil. Todo écrase sa canette de bière de son poing comme si on venait d'insulter un membre de sa famille (et d'après lui, c'est à peu près la situation actuelle). Nobara soupire parce qu'elle veut boire un mojito.

— Il va pas venir, répond finalement Nobara. Il s'est pété la cheville ou j'sais pas quoi.

— IL EST À L'HÔPITAL ? demande Todo.

— C'est pas du tout ce que j'ai dit.

— IL N'EST PAS À L'HÔPITAL ? reprend Todo.

— Putain mais c'est pas possible, j'ai besoin d'alcool pour surmonter ça, marmonne Nobara.

— Je t'accompagne, répond Mai, et c'est probablement la pire phrase qui puisse quitter sa bouche.

Non, fait Nobara, horrifiée.

— Oui, l'encourage Sukuna au même moment.

— EST-IL À L'HOPITAL ? demande à nouveau Todo.

— Calme-toi, il est avec son mec, répond Sukuna.

Nobara s'enfuit dans la cuisine avant d'avoir à écouter la suite. Elle est malheureusement suivie par Mai et son jean moulant et les trois cent mille malédictions qu'elle trimbale partout avec elle.

— Je fais les meilleurs mojitos du coin, dit Mai (c'est un mensonge parce que Yuuji existe).

— Prouve-le, répond Nobara.

— Comme tu veux, chérie, fait Mai en versant du rhum jusqu'aux trois quarts du verre.

— C'est le verre de Sukuna, décide immédiatement Nobara.

Mai hausse les épaules et ajoute trois feuilles de menthe qu'elle ne lave même pas, un bout de citron déjà pressé et un demi-glaçon dans le verre qu'elle tend à Nobara.

— C'est juste du rhum en fait.

— Ouais, on s'en fout, c'est pour Sukuna, répond Mai.

— Pour une fois, je suis d'accord avec toi.

Elle pose le verre de côté pour plus tard, et se lance dans la confection de son propre mojito (même une flemmarde comme elle ne laisserait jamais Mai toucher à quelque chose qu'elle compte boire ensuite), qu'elle descend en deux coups, assoiffée.

— Wow, commente Mai. Impressionnant. C'est presque comme si tu venais de te faire jeter par la fille de tes rêves.

Après un gloussement absolument ridicule, elle reprend :

— Ah mais attend, c'est exactement ce qu'il vient de se passer.

— Mais tu fermes jamais ta gueule toi, grogne Nobara, préparant déjà son deuxième mojito. Tu veux t'battre sur le parking ? Ou dans les toilettes ? J'te prends en un contre un quand tu veux, ma belle.

— Pour me donner l'occasion d'abîmer ton joli petit visage ? Je ne peux pas dire non à ça.

Nobara s'apprête à passer aux poings lorsqu'elle est interrompue par un garçon à l'air tout à fait blasé.

— Mechamachin, le salue Nobara. Tu viens récupérer l'autre conne ?

— Non merci, grogne-t-il en attrapant de la menthe et en partant la laver comme une personne respectable. Tu peux la garder. Et m'appeler autrement. Genre, par mon prénom.

— Je l'ai pas retenu.

— Kokichi Muta, dit Mechamachin d'un ton plat.

— Pas celui-là, dit Nobara. Ton surnom chelou.

— Mechamaru ? répond une jeune fille aux cheveux bleus soyeux, dont Nobara oublie tout le temps l'existence.

— Ouais ? répond Mechamachin

— Ne t'embête pas, je vois qu'il y a un verre déjà fait à côté de Kugisaki, continue la fille (Mia ? Mimi ? Nobara n'arrive pas à se souvenir). Enfin, s'il n'est pas pour l'une d'entre vous ?

— Tu peux le prendre, Miwa, sourit gentiment Mai (parce que Mai est une connasse en toute circonstance : aussi bien avec ses ennemis qu'avec ses amis). Et toi, Kokichi, t'en veux un ?

Il secoue la tête, l'air soudainement très fatigué.

— Je suis supposé ramener tout le monde en voiture, fait-il savoir.

— Vous habitez à vingt minutes d'ici, dit Mai.

— Vingt minutes sobres, répond-il d'une voix sombre.

Sur ce, il part avec le mojito maudis de Mai, et va boire du Red Bull ou peu importe quelle connerie, parce qu'il est le conducteur désigné de la soirée et que par conséquent, sa vie doit être bien triste.

— Où en étions-nous ? sourit Mai après un long moment de silence.

— J'allais t'éclater la gueule, répond Nobara.

— Ah, j'arrive au bon moment, alors, commente Sukuna.

Les apparences ont beau donner l'illusion que Sukuna est le genre de type qui prendrait son pied en regardant deux filles se battre, la vérité est bien plus insensée : il prendrait son pied en regardant n'importe qui se battre (pour des questions de violence et parce qu'il devrait sérieusement penser à consulter), et prendrait encore plus son pied en regardant Megumi se battre (de préférence contre lui, parce que c'est un masochiste), et wow, Nobara devrait vraiment fréquenter d'autres personnes.

— Qu'est-ce que tu veux, toi ? demande Mai.

— Vous avez des Dolipranes ? Une fille vient de tomber dans le coma après avoir bu un de vos mojitos, soupire Sukuna.

— En quoi les Dilopranes vont t'aider ? demande Nobara.

— Elle s'est évanouie ? T'exagères, grogne Mai.

— Je sais pas. Le garçon avec la couette bizarre a appelé la police, je crois.

— Tu veux dire le Samu, fait Nobara.

— Ouais, bon, il a appelé quelqu'un, qu'est-ce que j'en ai à branler ?

Sukuna s'assoit à côté de Nobara et sort son portable, probablement pour raconter à son frère l'incroyable expérience qu'il vient de louper. Brièvement, l'image de la cheville gonflée de Yuuji lui vient en tête, et Nobara pousse un soupir dégoûté. Y a rien à faire, tout est naze, depuis quelques jours. Absolument tout.

— Ah. Yuuji a posté une photo de Megumi sur amstramgram, commence Sukuna.

Absolument tout.

— Par pitié, dis-moi que tu fais exprès de dire n'importe quoi, fait Nobara en se prenant la tête sous le regard amusé de Mai.

Sukuna hausse un sourcil, souriant comme le pire des connards venu d'une galaxie parallèle.

— Quoi, j'ai dit quelque chose qu'il fallait pas ? Explique-moi donc. J'suis pas sur amstramgram.

Absolument. Tout.

— — —

— — —

Comme la vie de Nobara n'est désormais plus qu'une longue chute vers les enfers, les choses ne vont pas en s'arrangeant : Miwa ne se réveille pas et Mechamachin boit tellement de Red Bull qu'il semble sur le point de s'évanouir aussi, puis Megumi et Yuuji arrivent et Todo manque de lui casser les côtes en plus de la cheville en l'étreignant pendant vingt minutes. Mai ne tient plus debout après trois verres et manque de peu de lui crever l'œil avec ses escarpins (apparemment sans faire exprès). Kamo débarque et réussit à rendre la soirée cent fois pire en essayant de les faire participer au jeu de société le plus ennuyeux auquel elle n'a jamais joué.

— J'ai bien compris la différence entre la carte vérité et la carte correction Kamo mais tu entends bien que je suis un peu préoccupé par l'état de Miwa et par le fait que personne ne semble plus impliqué que ça dans cette situation et par ce type avec les tatouages qui prend des selfies devant son corps inanimé, dit Mechamachin sans respirer. Mais oui, j'ai bien compris cette histoire de carte.

— La carte vérité te permet de demander une confession à quelqu'un, réexplique néanmoins Kamo. La carte correction te permet de demander à quelqu'un s'il dit la vérité.

— Ça n'a absolument aucun putain de sens, intervient Yuuji, dont le vocabulaire s'envenime un peu plus à chaque fois que quelqu'un essaye de toucher sa cheville.

— Si, ça en a, reprend Kamo. La carte vérité—

— Megumi, tu préfères qui entre Yuuji et moi, l'interrompt Sukuna en attrapant une carte vérité.

Megumi plisse les yeux, cherchant probablement le piège.

— Yuuji, répond-il immédiatement.

Sukuna soupire, et se retourne vers Kamo.

— Il ment, dit-il.

— Non, dit Megumi.

— Si, dit Sukuna.

— Sukuna, tu me fais vraiment de la peine, dit Yuuji.

— À moi aussi, dit Nobara.

— Tu viens de te faire tej, répond platement Sukuna.

Un léger silence suit sa déclaration. Kamo, que personne n'invite jamais aux soirées pour des raisons évidentes, n'était pas présent lors de la fameuse scène, et n'est donc au courant de rien. Il regarde tour à tour les personnes présentes et ose demander :

— Vraiment ? Par qui ?

Nobara s'apprête à lui casser la gueule. Dans un coin de la pièce, Mai se met à sourire diaboliquement. D'un ton mielleux, elle commence à répondre :

— Par—

— MAKI, gueule alors Todo depuis l'autre bout de la pièce, VIENT DE M'ENVOYER UN MESSAGE. ELLE ARRIVE DANS DIX MINUTES.

— — —

— — —

— Maki arrive dans cinq minutes, dit Nobara, en train d'avoir une crise existentielle.

— Quelle horreur, commente Mai.

— Dans quatre minutes, en réalité, dit Kamo.

— Tu ne vas pas en crever, dit Megumi.

— Tu le mérites un peu, dit Yuuji.

— J'ai hâte, dit Sukuna.

— J'espère qu'elle vient avec le Samu, dit Mechamachin.

Fermez-la, dit Nobara.

C'est vrai, quoi, il y a des choses plus importantes que d'autres. Si Mechamachin pouvait arrêter de parler de sa copine dans le coma toutes les trente secondes, peut-être que Nobara pourrait parvenir à trouver une stratégie de survie suffisamment efficace pour ne pas mourir sur le coup en croisant le regard de Maki. Et par pitié, que quelqu'un vire Kamo de cet appartement. De cette université. De ce pays.

— T'sais quoi, Nobaraaa ? demande Mai, laissant échapper un hoquet absolument pathétique. J'vais buter Maki pour toi. T'inquiète pas poulette. J'vais laver. Laver ton honneur. Et le MIEN.

— Non d'un petit bonhomme, dit Sukuna, j'adore cette soirée.

— Tu viens de dire quoi là, Sukuna ? s'étouffe Nobara.

— Que j'adorais cette soirée ?

Avant ça ?

Yuuji secoue sa main dans les airs.

— Cherche pas, Kugisaki, ce type dit juste n'importe quoi. Tu devrais être habituée.

— J'attends de lui qu'il commette un meurtre, pas qu'il utilise des expressions de darons, rétorque Nobara. Et rien de tout cela ne résout mon problème.

— Tu peux te taper Mai, suggère Sukuna.

— C'est juste une façon d'empirer ma vie, répond Nobara.

— Parce que tu serais pas au niveau, répond Mai avec un clin d'œil suggestif.

— Au niveau de quoi. Personne t'a sonnée, toi.

— Au niveau…. De la barre, dit Mai en haussant sa main à plat jusqu'à son menton. À peu près ici.

— Est-ce que quelqu'un comprend ce qu'elle dit ? demande Nobara.

— Elle dit que—

— Pas toi Kamo putain, je vais t'exploser la gueule et utiliser tes deux petits élastiques blancs de merde pour t'étrangler.

Il est compliqué d'élaborer deux plans en parallèle (un pour tuer Kamo d'une façon aussi respectable que créative, et l'autre pour échapper à la mort qu'entraînera l'apparition de Maki), aussi Nobara les mélange un peu. Elle peut tuer Kamo en le jetant sur Maki pour la laisser faire le travail, ou bien elle peut survivre à la présence de Maki en tuant Kamo sous son nez, se rendant plus respectable à ses yeux. Fantastique.

— Tu vas pas en crever, reprend Megumi, qui un an plus tôt s'étouffait avec de l'air dès que Yuuji lui adressait la parole. Dramatise pas, allez. Maki n'est pas si impressionnante que ça.

— Ouais, c'te bouffonne, dit Mai.

Nobara lui donne un énorme coup de coude dans les côtes, la faisant tomber du canapé.

— Bien sûr qu'elle l'est ! s'exclame Nobara. C'que tu comprends pas, Fushiguro, c'est que j'ai pas une once de respect pour quatre-vingt-dix-neuf pour-cent des crétins qui traînent sur ce campus. Je t'assure que je trouve tout le monde absolument minable et sans intérêt. Je déteste les tocards qui se contentent de ce qu'ils ont et font preuve d'aucune ambition. Maki est bien au-dessus de tout ça, et en plus elle sent bon, contrairement à vous.

— Qui tu traites de tocard sans ambition ? demande Megumi, la tête posée contre l'épaule de Yuuji comme s'il le considérait comme un coussin géant. Peut-être qu'on se contente de ce qu'on a parce que notre vie n'est pas misérable comme la tienne.

Sukuna siffle d'un air impressionné.

— C'est clair, ajoute Yuuji avec un grand sourire fier, le petit con. Tu nous cherches, Kugisaki ? On va voir qui sont les crétins, dans l'histoire.

— Ta cheville ressemble à un jaune d'œuf pas frais, commente platement Nobara.

— C'est vrai, admet Yuuji.

— Ma cheville à moi va très bien, dit Megumi.

— Elle pourrait aller mieux, commente Sukuna.

— Et comment ? fait Megumi en le fusillant du regard.

— À ton avis ?

— Ne lui demande pas d'élaborer, pitié, grogne Yuuji. Il va répondre quelque chose comme « en larguant mon imbécile de frère », j'en suis sûr. Non seulement ça n'a aucun sens, mais en plus ça commence à me casser les couilles. Dès que ma cheville va mieux, je t'affronte en duel, Sukuna.

— Te dérange pas, je vais le tabasser moi-même, dit alors Megumi.

— Non non, c'est mon frère, ma responsabilité, dit Yuuji.

— Quel gentleman, soupire Sukuna. Je t'ai bien élevé, ça se sent.

— Le Samu est en route, les interrompt Mechamachin. Ils devraient bientôt arriver. Ils s'étaient trompés d'adresse, apparemment.

— C'est parfait, dit Megumi. Comme ça ils pourront ramasser le cadavre de Sukuna au passage.

— Fushiguro, je crois que toute cette histoire fait remonter chez toi des pulsions passées qu'il serait temps d'oublier, commente Nobara. On avait dit plus de baston, mec. Tabasser c'est mal.

— Pas quand un pauvre type te harcèle, grogne Megumi. Tabasser… Peut être bien.

— Fushiguro.

— J'ai rêvé ou Nobara vient de dire que tabasser c'est mal ? fait Sukuna. Tu vas bien, poulette ? Tu veux un Doliprane ?

— Tu m'as appelé comment ?

— Tu vois, c'est mon quotidien, dit Megumi.

— Je vais lui casser la gueule.

— C'est la septième fois que quelqu'un prononce cette phrase ce soir, dit Kamo.

— Ah ouais ? Bientôt huit, fait Nobara.

— Ne sois pas en colère contre moi. À force d'entendre Mai t'appeler comme ça, on finit par croire que c'est ton vrai prénom, répond Sukuna, toujours aussi peu impressionné par l'air meurtrier de Nobara.

— Mais qui a ce genre de prénom à la con ? explose Nobara.

— Ben y a bien un type qui s'appelle Méchanicotruc, dit Sukuna.

— Encore une fois, soupire Mechamachin, c'est pas mon prénom.

Quelqu'un sonne à la porte.

— QUELQU'UN A SONNÉ, dit Todo.

— C'est le Samu ! s'exclame Mechamachin en se précipitant sur la porte.

Nobara se lève également, prête à kidnapper le premier secouriste qu'elle trouve pour lui demander comme la soigner elle et son mal d'amour, et aussi comment soigner ce taré de Sukuna qui vient brusquement de renverser son verre sur Kamo sans aucune raison avant de lui tendre un mouchoir usagé avec un grand sourire.

Malheureusement, la première personne à entrer dans la pièce ne possède aucun kit de secours ni seringue géante ou peu importe quelle connerie les types du Samu embarquent avec eux. Elle est grande et belle, s'avance d'une démarche assurée, porte des lunettes passées de mode depuis au moins dix ans mais qui lui vont quand même, et elle s'arrête devant la table pour juger les dégâts.

Nobara retient sa respiration. Dans sa poitrine, son cœur se fait à tambouriner comme s'il cherchait à se faire arrêter par la police pour tapage nocturne.

— Yo les losers, salue Maki. On m'a dit qu'il y avait de l'ambiance par ici.

Nobara attrape Sukuna par le bras et l'entraîne dans la cuisine sans répondre.

— — —

— — —

— J'étais sur quelque chose, dit Sukuna. Ne m'interromps pas en plein travail.

— Je vais mourir, dit Nobara.

En collant son oreille contre la porte, elle entend vaguement les voix de Mai et Maki se répondre et probablement s'insulter. Si l'enfer sur Terre devait avoir une forme, ce serait probablement celle-ci.

— Allez, Nobs', sois une femme et arrête de pigner deux secondes. On dirait mon frère.

— Admet que c'est effrayant, gémit-elle. C'est trop la honte.

— J'sais pas quoi te dire, meuf. Si t'as peur de te faire rejeter, fais pas de déclaration d'amour publique en état d'ébriété.

Nobara pousse un long soupir et se laisse tomber sur un tabouret pour cogner sa tête contre la table. Quelle idée, vraiment. Qui fait ça ? À part—

— Mais attends, accuse-t-elle, c'est exactement c'que t'as fait y a un an avec Fushiguro.

Sukuna s'est mis à boire du rhum directement à la bouteille. Nobara grogne en réalisant que cela signifie qu'elle ne pourra plus boire de mojito de la soirée.

— J'ai pas peur de me faire rejeter, répond-il.

— Tu veux rire ? T'es toujours dingue de lui.

— Ça veut pas dire que j'ai peur, ricane Sukuna. J'étais en colère, puis j'ai balancé deux ou trois trucs par la fenêtre et basta. Et je suis pas dingue de lui, au passage. Tout ça, c'est plus pour la blague qu'autre chose.

— Allez, arrêt ton char.

— Bon. Je l'aime bien, continue Sukuna.

— Quelle mauvaise foi.

Mais Sukuna ne semble pas le prendre personnellement. Il continue à lui sourire et hausse les épaules, et se remet à boire à la bouteille. C'est vrai, ce qu'il dit : il n'a pas peur. Nobara devrait savoir. C'est une constante à propos de Sukuna. Il n'a peur de rien. Elle a vu bien des émotions passer sur son visage, mais jamais la peur.

— Bref, fais quelque chose, grogne Sukuna. Ça devient chiant. Confronte Maki, tape-toi sa sœur, peu importe. Prends exemple sur moi.

Cette phrase n'aurait jamais dû sortir de la bouche de Sukuna, et Nobara est quasiment sûre d'entendre le ciel gronder à ces mots. Elle n'est pas superstitieuse, mais fouille tout de même la pièce du regard, comme pour juger d'un potentiel danger.

— Prendre exemple sur toi ? C'est le pire conseil que j'ai jamais entendu.

— Je serais probablement en train de passer du bon temps en bonne compagnie si tu m'avais pas interrompu, répond Sukuna.

Nobara s'apprête à rétorquer que Megumi ne laisserait jamais Sukuna l'approcher à moins d'un mètre de distance lorsqu'elle réalise qu'il ne parle pas de Megumi. Elle le fixe longuement, complètement immobile.

— Attends une seconde.

— Quoi ?

— Je dois rêver, c'est pas possible. Tu étais en train de draguer Kamo ?

Sukuna hausse les épaules.

— Mais ça va pas ? Je peux pas te laisser faire ça ! s'exclame Nobara. Tu vas ruiner ton futur à tout jamais.

— C'est pas parce que je peux pas me taper Megumi que je peux me taper personne, rétorque Sukuna.

— T'as bu combien de verres de rhum pour en arriver à cette conclusion ? grogne Nobara.

— Hey, je commence à arriver à court d'options, fait Sukuna. Et Kamo vaut mieux que Todo. Il est plutôt beau gosse, si tu veux mon avis.

— Tu vas pas me faire croire que t'as couché avec tout le campus sauf ces deux-là ?

— Je parle des gens présents ici, qui sont soit en couple, soit de ma famille, soit des lesbiennes.

Nobara sent un début de migraine la saisir.

— Si t'essayes de me piquer Maki je te défonce—

— Elle aime même pas les mecs.

— Et ta technique de drague c'est de lui renverser un verre dessus ?

— Mais t'as pas vu la suite ! Après je propose de l'aider à s'essuyer.

— Tu me dégoûtes.

— Ça a déjà marché plein de fois.

Elle ne veut pas savoir. Il y a vraiment des tarés sur ce campus. Et, bon. La moitié d'entre eux sont réunis dans cet appartement. Ça ne fait rien, car Maki est aussi dans cet appartement, donc le niveau est relevé.

Repenser à Maki la rend triste. Elle se lève et traîne des pieds jusqu'au frigo pour y prendre une bière. Elle n'aime pas particulièrement passer des cocktails aux bières, mais on fait avec ce qu'on a.

— Il reste encore une autre option, reprend Sukuna.

Elle claque la porte du frigo et revient sur son tabouret, sans même prendre la peine ne lui jeter le moindre regard. C'est plus fort qu'elle : Nobara déteste ne pas avoir ce qu'elle veut. Elle n'a jamais vraiment été gâtée, mais elle a toujours tout fait pour obtenir la poignée de choses qu'elle estimait essentielles. Maki est essentielle.

Sukuna donne un coup dans l'un des pieds de son tabouret, et Nobara sursaute. Elle se retourne vers lui.

— Quoi ? fait-elle.

— Il reste une dernière option, sourit Sukuna.

Sans donner plus d'explication, il donne un coup de coude à sa bouteille, qui en tombant répand son contenu sur Nobara. À ce stade, Nobara a déjà tellement envie de crever qu'elle se contente de lui jeter un regard aigri. Quelques pensées meurtrières lui passent par la tête, mais elles sont bien vite mises de côté lorsque Sukuna, muni d'un sourire d'Enfoiré Suprême qui mériterait une petite récompense tant il est réussi, se penche doucement vers elle et sort de sa poche un mouchoir plié en quatre.

Ce n'est pas grand-chose, mais la façon dont il chorégraphie les choses est suffisamment hypnotisante pour que Nobara oublie un instant qu'elle est en train de se transformer en éponge à rhum. Une main de Sukuna passe dans son dos lorsqu'elle recule par réflexe, et de l'autre, il déplie son mouchoir d'un mouvement de poignet qui semble avoir été répété mille fois, mais ce n'est pas le sujet — Nobara le fixe bêtement, distraite à la fois par la chaleur de sa main dans son dos, la proximité soudaine de son visage, l'éclat amusé dans ses yeux, et ce fichu mouchoir brodé de têtes de mort absolument ridicules.

— Tiens, dit Sukuna, le ton bas et étrangement doux.

— Merc— commence Nobara, avant d'attraper le mouchoir et de le lui jeter à la tronche.

Avec un éclat de rire, Sukuna s'éloigne tout d'un coup, et retient son mouchoir avant qu'il ne glisse au sol.

— Mais je rêve ! s'exclame Nobara, sentant le rouge lui monter aux joues. C'est ça, ta technique ?

— Oh, avoue que c'était pas mal, ricane Sukuna. Pendant un instant j'ai cru que ça allait marcher.

— Tu vas pas bien, admet Nobara. Je peux comprendre pourquoi ça marche, ceci dit. C'est comme un genre d'hypnose.

Devant l'air absolument enchanté qui s'affiche sur le visage de son ami, elle se reprend :

— Qui ne marche pas du tout sur moi !

— Ouais, c'est ça.

— Quand même, t'es complètement taré, reprend Nobara. T'aurais fait quoi si je t'étais tombé dans les bras ?

L'idée lui paraît grotesque, mais la réponse l'intéresse.

— Qu'est-ce que tu crois ? Je t'aurais quand même pas dit non, sourit Sukuna.

Nobara décide de mettre toute forme de bon sens de côté pour se mettre à rire au point de se cogner la tête sur la table. Au lieu d'être embarrassé comme une personne normale, Sukuna semble trouver toute cette situation absolument hilarante et la rejoint dans son délire. Rire lui fait du bien, et Nobara sent l'angoisse qui tordait son ventre disparaître peu à peu. L'odeur du citron pressé, l'épaule de Sukuna qui touche la sienne, le bourdonnement du lustre — elle laisse le présent lui inonder l'esprit et ne se concentre plus que sur lui, mais vous savez comment c'est. Ça ne peut jamais durer longtemps.

La porte s'ouvre tout d'un coup, et Maki débarque dans la cuisine, apparemment à la recherche de rhum pour se faire un mojito.

— Je fais les meilleurs mojitos au monde, dit Nobara dans une sorte de réflexe de survie (ce qui est faux). Tu le savais ?

— J'ai entendu ma sœur me dire ça, ricane Maki.

— Tu dis ça pour me foutre le moral à zéro, grogne Nobara.

Voilà son ventre qui se tord à nouveau, mais moins d'angoisse et plus de tendresse. Maki n'est jamais gentille, c'est quelque chose qu'elle adore chez elle.

— Il t'en faut si peu ? demande Maki. Allez, quelques cocktails et ce sera passé.

— Non merci. L'autre bouffon a bu à la bouteille, dit Nobara en désignant Sukuna du doigt.

Ce dernier rattrape le rhum et boit une gorgée au goulot, comme pour donner consistance à ses dires.

— C'est trois fois rien. Un coup d'éponge et on reprend, ricane Maki.

Une autre chose qu'elle adore chez Maki : Maki ne se laisse jamais troubler par les choses sans importance. Elle ne pense qu'à ce qui la fera aller vers l'avant. Et dans ce cas précis, les mojitos la feront aller vers l'avant. Nobara reste silencieuse et la regarde arracher la bouteille des mains de Sukuna pour la laver. Ce dernier pousse un grognement mécontent, mais ne tente rien contre Maki parce qu'il n'est pas si fou que ça.

Après avoir terminé, Maki tend la bouteille à Nobara.

— Alors, Nobara, qu'est-ce que tu en dis ? Tu me prouves un peu ce que tu vaux, avec ces mojitos ?

Il est évident qu'elle ne peut pas dire non à ça.

— — —

— — —

Maki ne s'excuse pas pour la soirée précédente, comme elle ne s'était pas excusée de l'avoir rejetée. Dire non est suffisant, et Nobara préfère que les choses restent ainsi, mais ce n'est pas comme si elle pouvait tout effacer d'un coup. Ils finissent par rejoindre les autres pour une partie de Time's Up qui ne dure pas très longtemps, car Sukuna est très mauvais joueur et terrorise la moitié de son équipe. C'est aussi, malheureusement, l'équipe de Nobara, ce qui est une mauvaise nouvelle, car Nobara n'est pas la meilleure personne pour jouer les médiateurs.

À son quatrième mojito, elle s'écroule à moitié contre Sukuna et se met à lui raconter la version révisée d'un conte qui l'a traumatisée étant enfant, qui implique des grenouilles en train de se noyer dans un pot de crème et une fin terrible où l'une des grenouilles reste en vie et trouve la casquette de son amie.

— La casquette, dit-elle d'une voix rauque et dramatique, était tout ce qui lui restait.

— Même pas un bout de cadavre ? demande Sukuna, visiblement déçu.

— Nanananan. Juste la casquette, mec. Qu'est-ce qui va pas chez toi, hein ?

— C'est pas réaliste, contre-t-il.

— Ben elles se noyaient dans un pot de crème qui finit par se transformer en beurre. Parce qu'une grenouille patauge dedans. Pas sûr que le réalisme soit le but du truc.

Sukuna laisse échapper un ricanement.

— C'est comme la meuf là, Miu Miu.

— Mei Mei ? demande Nobara, ne voyant pas ce que cette horrible bonne femme vient faire là.

— Celle aux cheveux bleus.

— Pff. Tu crains, mon pauvre vieux. Elle s'appelle pas du tout Miu Miu. Fais un effort, quand même. C'est Mia.

Mai, qui à son plus grand malheur a retrouvé ses esprits il y a près d'une heure, lui jette un regard meurtrier depuis l'autre bout du canapé.

— C'est pas Mia du tout, dit-elle.

— Toi ta gueule, répondent Sukuna et Nobara en chœur, avant de se regarder avec un grand sourire et de se lancer un tope là très réjouit.

Mai soupire mais ne cherche pas la confrontation plus que cela. Peut-être que la vision d'une Nobara suffisamment flemmarde pour ne pas chercher à retenir ses réelles pensées (plus que d'habitude) affalée contre un Sukuna suffisamment énergique pour la suivre dans n'importe quel plan diabolique improvisé est suffisante pour la décourager. Peut-être qu'elle est plus intelligente qu'elle en a l'air.

— Quelle heure est-il ? demande quelqu'un depuis la cuisine.

— Trois heures quarante-sept, répond Mai.

— Trois heures quarante-six, répond Kamo en même temps, avant de lancer un regard condescendant à Mai, qui lui fait un doigt d'honneur.

Sukuna se redresse subitement, laissant Nobara retomber derrière lui en l'absence de support. Elle n'a plus la vue sur son visage de démon mais sur son dos, ce qui n'est peut-être pas plus mal.

— Si tard ? fait Sukuna d'un ton faussement inquiet. Ça te fait beaucoup de chemin pour rentrer, non ? Surtout seul.

— Eh bien, nous avons perdu notre conducteur attitré, avoue tristement Kamo. Mais il est aux urgences avec Miwa.

— C'est bien dommage, continue Sukuna (et il est évident qu'il n'en pense pas un mot). Tu sais, j'habite pas très loin d'ici…

— Mai et Todo se proposaient de m'héberger, répond Kamo.

— Non, dit Mai. Non, jamais.

Kamo la regarde longuement. Mai également. Trois minutes plus tard, personne n'a prononcé un mot et Nobara menace de s'endormir. Sukuna choisit bien évidemment ce moment de crise pour passer à l'action.

— Comme je disais, j'habite pas très loin d'ici, et il y a de la place.

Ces deux affirmations sont, comme on pourrait s'y attendre, entièrement fausses. Sukuna habite si loin d'ici que personne n'a jamais eu le courage d'aller vérifier qu'il vivait bien dans un réel appartement (chose dont Nobara se met à douter de plus en plus), et trouve toujours le moyen de s'incruster on ne sait où. Pour ce qui est de la place, c'est une simple déduction. Sukuna n'a pas d'argent, et essaye toujours de leur refiler toutes les conneries qui ne sont d'après lui pas essentielles (comme des chaises, par exemple) par manque de place.

— Eh bien, pourquoi pas, après tout, dit Kamo.

Nobara hausse un sourcil — ce type ne peut pas être si stupide, c'est impossible. Mais après avoir scruté son visage plus de deux secondes, elle en vient à la conclusion qu'il sait parfaitement ce qu'il fait en acceptant de rentrer avec Sukuna (dont la réputation n'est inconnue de personne), et parallèlement, à la conclusion qu'à défaut d'être aveugle, il est complètement taré. Qui voudrait dormir avec Sukuna, sérieux. Certainement pas elle, pas plus d'une demi-seconde, du moins. Elle se met à grimacer.

— Pense à cette histoire de casquette, hein ? lance Nobara alors que Sukuna réunit ses affaires (à savoir : des bouteilles d'alcool qu'il n'a pas amenées ici mais qu'il estime pouvoir voler sans avoir de problème).

— T'as peur que je disparaisse mystérieusement ? dit-il.

— J'ai plus peur pour Kamo, fait remarquer Mai.

— Pourquoi on se fait chier ? demande Nobara. Que l'un ou l'autre disparaisse, c'est tout bénef.

— À la tienne, sourit Mai en levant un verre rempli d'une espèce de champagne à la noix de coco absolument immonde.

Nobara attrape sa bouteille de bière et trinque avec elle. Lorsque Sukuna passe une dernière fois devant le canapé, elle attrape son sweat et le retient en arrière. Sukuna se retourne, l'air tout fier et suffisamment sobre pour ne crever sur le chemin du retour.

— T'embrasses pas ta meilleure copine avant de partir ? se plaint Nobara. Mais je rêve.

— Jamais j'oserai, répond-il en se penchant en avant.

Et Nobara n'est jalouse de personne, vraiment, mais Sukuna a une façon de faire tout ce qu'il fait avec un air si sûr de lui qu'elle aimerait échanger de place avec lui, parfois. Contrairement à Maki, qui sait réellement tout faire, Sukuna est un vrai branleur qui ne prend jamais la peine d'apprendre correctement les choses. Alors elle sait. Elle sait qu'il n'a jamais apprécié quelqu'un au point d'apprendre la patience pour lui, ou qu'il n'a jamais été assez sérieux pour arrêter de se prendre pour le roi de l'univers.

Sukuna n'est jamais sérieux, mais il en tire un charme qu'elle ne comprend pas bien. Être amie avec des gens comme ça est dangereux. Elle n'a pas lu de conte là-dessus. C'est une règle qu'elle tire de sa propre expérience.

Il se penche et l'embrasse sur le front, comme s'il était patient et ne se prenait pas pour le roi de l'univers, comme s'il était sincère, puis se relève légèrement et lui chuchote :

— Je parie cinq mille yens que tu vas finir dans le lit de Mai.

— T'es pas riche à ce point, répond-elle immédiatement.

Elle a furieusement envie de lui attraper le bras, et chercher la bagarre, de se chamailler comme quand elle était en maternelle et avait pour mission de voler tous les doudous des garçons de la classe. Se chamailler sans aucune raison. Ne pas être sérieuse.

— On verra, dit-il.

Il s'éloigne finalement, et offre son bras à Kamo comme un gentleman très intentionné (mais Nobara sait que dans une quinzaine de minutes, il sera le premier à s'écrouler sur lui et a lui demander de le porter sur son dos jusqu'à chez lui). Après cela, il est parti, et Mai propose encore à Nobara de lui faire un mojito.

— Je fais les meilleurs mojitos, répète-t-elle, comme si la phrase allait sembler plus vraie à cette heure-ci.

— — —

— — —

Nobara ne sait pas qui a inventé cette règle (tout ce qui arrive chez Todo reste chez Todo), mais cette personne mérite toute sa gratitude, car personne ne revient sur les évènements de la veille — par exemple sur une ou deux choses concernant Mai, auxquels elle ne veut plus jamais penser. Cela veut dire que Nobara ne doit pas la moindre pièce à Sukuna, et que Sukuna n'est même pas obligé d'admettre que Kamo a passé sa nuit à le prendre pour son psy plutôt que de faire quoi que ce soit d'autre avec lui. C'est arrangeant pour tout le monde.

La fille aux cheveux bleus refait surface deux jours plus tard, accompagnée de son copain mort à l'intérieur, et demande très sérieusement à Nobara si elle va bien. Elle lui pose la question sans plus de manière, alors que Nobara est en train de donner un immense coup de pied dans la machine à café pour la faire réagir.

— Pourquoi ça n'irait pas ? demande Nobara.

Cette fille a passé une journée entière à l'hôpital. Nobara ne voit pas en quoi son cas serait plus inquiétant que le sien.

— Cette histoire avec Maki, reprend-elle.

— Miwa, laisse tomber, grogne Méchamachin. Cette fille ne voit pas plus loin que le bout de son nez.

Nobara tente de lui faire un croche-pied, mais il résiste.

— De tout ce qui se passe à cet endroit maudit, grogne Nobara, il a fallu que ce soit la seule information qui reste, hein ?

Miwa sourit gentiment. Nobara ne sait pas ce qu'elle a fait de bien dans sa vie pour qu'une presque inconnue gentille et jolie (mais en couple) vienne prendre des nouvelles. Peut-être qu'à force de se coltiner Sukuna, un équilibre se forme. Trop de mal invite le bien, quelque chose comme ça.

— Malheureusement, c'est souvent comme ça. Les choses importantes restent. Tu l'aimes vraiment, hein ?

— C'est ça, remue le couteau dans la plaie.

— Maki m'intimide beaucoup, reprend-elle. Tu as eu beaucoup de courage, pour te déclarer à elle comme ça.

Elle regarde la machine à café, puis Nobara.

— Ça ne risque pas de fonctionner si tu ne mets pas d'argent dedans, reprend-elle.

Avec un soupir, Nobara donne un nouveau coup de pied dans la machine, qui reste inerte.

— J'espérais avoir quelque chose gratuitement, reprend-elle.

— Bon, ben dans ce cas on va te laisser, dit le garçon en attrapant Miwa par le bras. Courage, je suppose.

— À plus tard, Kugisaki ! renchérit-elle.

— C'est ça.

Elle pense à Maki encore, pendant tout le cours de Gojo, puis pendant celui de Geto, où Gojo est également présent pour des raisons obscures. Elle y pense aussi devant Mei Mei, qui lui jette un regard amusé, comme si elle pouvait lire dans ses pensées. Elle y pense encore pendant le cours de géographie, et aucune forme de pays européen ne lui offre de distraction suffisante pour se la sortir de la tête.

Elle retrouve Sukuna à la sortie des cours, en train de fumer en gravant quelque chose sur un banc à l'aide de son couteau suisse.

— La fille aux cheveux bleus est venue me parler, dit-elle. Je crois que j'ai fait bonne impression, à la soirée de l'autre jour.

Sukuna hoche distraitement la tête.

— Pendant les trois secondes où tu l'as vue avant qu'elle tombe dans le coma ? dit-il. Impressionnant.

— Je l'avais déjà rencontrée avant, reprend Nobara.

— Elle est célibataire ?

Nobara secoue la tête, agacée.

— Nan. Arrête d'essayer de coucher avec n'importe qui.

— C'est pas n'importe qui. C'est ta pote.

Nobara décide d'ignorer cette remarque, et lui prend son couteau des mains avant qu'il ne s'ouvre la main et doive, lui aussi, être conduit à l'hôpital.

— Je vais jamais m'arrêter de l'aimer, confesse-t-elle soudainement, elle-même prise au dépourvu.

Sans excuse pour l'ignorer, Sukuna, la regarde dans les yeux. Pour une fois, elle y décèle une forme de sympathie. Pourquoi est-ce qu'ils sont si proches, tous les deux ? Nobara n'a pas envie de dire qu'ils se ressemblent. C'est trop la honte. Mais en même temps—

— Bienvenue au club, dit-il.

— Ça craint, grogne Nobara. On craint de ouf, mec.

— Hey. Je te permets pas.

— Mais c'est nul. C'est un truc de loser, ça. Je vaux mieux que ça. Pas toi, mais bon.

— Encore une fois—

— Et je vais jamais non plus coucher avec toi, je te rassure.

Sukuna arrête d'être faussement indigné pour se marrer franchement.

— C'est une bonne décision, dit-il. Il y a des choses qu'on peut pas ignorer, même nous.

Il lui tend son poing, et elle lui tend le sien. C'est une alliance. Nobara n'a jamais aimé ça parce que ça implique souvent de garder des secrets. Chose qu'elle ne sait pas faire.

— Maintenant, tu peux me rendre mon couteau, reprend Sukuna.

Elle secoue la tête et referme la lame, avant de l'enfouir dans la poche de son manteau.

— Je le garde pour couper la cheville d'Itadori, si ça s'infecte. Les amis avant tout.

— — —

— — —

— Mon offre tient toujours, dit Yuuji.

Comme tous les samedis, Nobara se réveille à onze heures passées seulement. Un bol de riz est déjà sur son côté de la table, et Yuuji est occupé à découper des photos de Jennifer Lawrence d'un magazine pour en faire on ne sait quoi. Megumi est à moitié en train d'essayer de faire ses devoirs, à moitié en train d'essayer de convaincre Gojo au téléphone qu'il ne peut pas faire exploser de feux d'artifice en cours, même pour illustrer quelque chose de bien précis.

— Ton offre pour quoi ? On me fait beaucoup d'offres, tu sais.

Yuuji grimace, et coupe accidentellement dans la tête de l'actrice.

— Le shopping, dit-il. Ne rends pas ça bizarre. Tu deviens comme mon frère.

— Hey ! Il y a des choses qu'on devrait jamais dire, s'indigne Nobara.

— Je fais qu'énoncer la vérité. Tu traînes trop avec ce pauvre type.

— Tu vas te faire virer, dit Megumi au téléphone. Et tu vas terminer en prison.

— Vous traînez aussi avec des types bizarres ! s'exclame-t-elle en désignant Megumi.

Yuuji, pris au piège, se redresse.

— Mais là on a pas le choix ! Il est de la famille de Fushiguro !

— Et Sukuna est de ta famille, je te rappelle !

— Pas la peine de me le rappeler !

Satoru, reprend Megumi, je te jure que j'arrête de te parler pour de bon si tu fais ça. Non, faire porter le chapeau à Utahime ne va pas arranger ton cas.

Shopping ou pas ? fait Yuuji, plus agité que jamais.

Nobara reste silencieuse quelques secondes. Megumi raccroche au nez de Gojo avec un air absolument scandalisé (ce qui veut dire qu'il hausse à peine les sourcils).

— J'espère que c'est pas encore pour me distraire d'une rumeur sur moi, dit-elle finalement.

— Les gens ont d'autres choses à faire, tu sais, fait remarquer Megumi. Que de parler de toi, je veux dire.

— Je t'emmerde.

— C'est par pure gentillesse, répond Yuuji d'un ton boudeur.

— Ta cheville, dit Megumi.

— C'est trois fois rien.

Nobara empêche Megumi de répondre en lui mettant une main sur la bouche. Elle se retourne vers Yuuji, ravie. Même elle n'est pas assez folle pour dire non à sa bonne humeur.

— Viens pas te plaindre si c'est trop sportif pour toi, Itadori. On va voir ce que tu vaux avec tes béquilles.

Quelques minutes plus tard, ils se font virer de chez eux par un Megumi à la recherche de tranquillité. Nobara s'étire longuement, haussant le nez vers le ciel ensoleillé, et laisse le vent lui couvrir le visage. Elle se sent prête à affronter n'importe qui. Si on pouvait mourir d'amour, ça se saurait. Elle aurait retrouvé le cadavre de Sukuna depuis longtemps déjà.

Yuuji rompt le silence après un court instant. Il donne un coup de coude à Nobara, puis lui tend son portable.

— Quoi ? fait-elle, prête à accueillir n'importe quelle mauvaise nouvelle.

— Todo me demande si vous êtes chauds pour remettre ça. Peut-être en évitant d'envoyer quelqu'un à l'hôpital, cette fois.

Nobara sort son portable à elle avec un grand sourire.

— Quand tu veux, mon vieux. Je préviens Sukuna.

— Pas d'hôpital, hein, reprend Yuuji, qui est lui-même en train de galérer avec ses béquilles.

Nobara adopte un rythme plus rapide pour le rendre fou. Elle a déjà commencé à taper son message. Cette soirée va être fantastique. Elle a une idée de cocktail.

— Allez, Itadori, soit raisonnable. On a rien sans pots cassés.

Il secoue la tête, sûrement blasé.

— Ce n'est pas à moi qu'il faut demander d'être raisonnable, dit-il à voix basse, comme s'il faisait une confidence.

Ils arrivent à l'arrêt de bus. C'est une bonne chose, car le vent commence à se faire frais. Nobara sort un vieux ticket qu'elle a probablement déjà utilisé, mais décide de fermer les yeux sur ce détail.

Par bonté d'âme, elle accepte d'aider Yuuji à monter dans le bus, puis sourit lorsqu'elle sent son portable vibrer dans sa poche.

— Ouais, peut-être. Et ce n'est probablement pas à moi de demander aux autres d'être raisonnables.

Yuuji hoche la tête un peu trop rapidement. Elle lui vole une béquille. Plutôt que de se fâcher, il se met à lui sourire. Puis à rire. Le son est avalé par le moteur du bus. Nobara hausse un sourcil.

— Qu'est-ce qui te fait rire ? Tu deviens fou comme ton frère.

— Bah, on partage le même cerveau, fait Yuuji, toujours en riant.

— Putain, Itadori. C'est tellement pas comme ça que ça marche.

— Je t'assure que si.

— Je vais te frapper avec ta béquille.

—Essaye un peu.

Son portable vibre encore et elle lit d'un œil distrait la réponse de Sukuna, tout en faisant attention à garder un air de délinquante intimidante face à Yuuji. Mais ce dernier continue à rire, comme l'abruti qu'il est.

— T'es pas si terrible que ça, Kugisaki, dit-il finalement.

— De la part du garçon le plus positif de la terre entière, ça sonne faux, avoue-t-elle.

— Tu pourrais faire pire. Tu pourrais sortir avec le garçon que ton frère kiffe.

— Je pourrais sortir avec ton frère, renchérit-elle, tout aussi hilare.

Le bus prend un virage serré et ils se retrouvent tous les deux projetés en avant. La béquille de Yuuji roule sur le côté, mais personne n'esquisse le moindre geste pour la rattraper. L'idée de Sukuna et Nobara ensemble semble aussi absurde à Yuuji qu'à elle, c'est une bonne chose. Il rit encore, puis baisse le ton, comme pour lui faire une confidence.

— T'es vraiment pas si terrible que ça.

Par pure envie de vengeance, elle ne ramasse pas sa béquille.

— — —

— — —

fin.


VOILÀ

Je m'excuse de ne parler que de mojitos tout le temps mais it be like that. Sinon je suis très honorée de poster la première fic qui comporte du sukukamo, un ship que j'aime de toute mon âme (un ship canon en plus ! Fantastique). Comme vous avez également pu le voir, je n'arrive pas à me décider entre le nobamai et le nobamaki et c'est très embêtant... Affaire à suivre.

N'hésitez pas à laisser un petit commentaire si ça vous a plu !

Des bisous !