Résumé : Scientifique embarquée dans l'avant-garde militaire durant la guerre contre Gamilas, Lorelei est capturée par un contingent gamilien et conduite sur la planète ennemie en tant qu'échantillon humain. Destinée aux études sociales, sa situation change peu à peu, tandis que son geôlier, qui n'est autre qu'Abelt Dessler, comprend qu'il ne pourra rien tirer d'elle.

Récupérée par le Yamato en 2199 lors du voyage vers Iscandar, la jeune femme a perdu presque huit ans de sa vie, et tout ce qui avait un jour compté pour elle. Ne parvenant à avorter sur le chemin vers la Terre, elle élève seule son petit garçon. Tout est à reconstruire, et fidèle à elle-même, Lorelei met au service de la Terre ce qu'elle a appris sur Gamilas. Embauchée par l'ambassade gamilienne au Japon, elle finit par travailler pour le Consulat en Angleterre, afin de rentrer chez elle.

Quitte à être en vie quand il ne nous reste rien, autant vivre pour les autres.


Chapitre 1


Janvier 2205, Londres. Temps gris, pas de pluie.

Lorelei tendit un manteau à son petit garçon.

- Tu veux bien t'habiller ? On va au cimetière.

- Je n'ai pas envie …

- S'il te plaît. On ira au parc après, si tu veux.

Un peu à reculons, il enfila sa veste, et mit ses chaussures, que sa mère lui laça.

Il faisait plutôt beau, malgré quelques nuages qui avançaient rapidement, portés par le vent. Le petit garçon traînait légèrement les pieds, peu ravi d'aller au cimetière plutôt qu'au parc. Pour l'amuser, la femme le fit monter sur une margelle, le long de laquelle il avança, puis elle le prit sur ses épaules en riant.

Ils prirent le métro. En début d'après-midi, l'Underground londonien n'était pas très fréquenté. Les rames neuves grinçaient moins que celles de ses souvenirs. La ville jaillie hors de terre était si différente de celle de son adolescence … Londres, ses corbeaux et ses lumières ne lui avaient jamais semblé si lointains. L'éclectisme de l'ancienne ville avait été rasé par les bombes. Les nouveaux immeubles sortis de terre ne remplaceraient pas les veines gothiques et les vieilles tours de Westminster près desquelles elle avait adoré se promener avec ses amis du lycée.

L'air au sortir de la bouche de métro les agressa presque : il faisait froid, et la pluie n'était jamais très loin. Il neigerait peut-être. Maintenant loin du centre-ville, la femme s'orienta facilement, suivant un chemin qu'elle avait trop emprunté.

Le cimetière était ceint d'une large grille. S'ils venaient souvent, l'enfant était toujours impressionné. Sa mère ouvrit le portail et l'invita à entrer. Un grand nombre de tombes blanches s'alignaient, l'une après l'autre. Ils avancèrent jusqu'au mémorial de la guerre dressé au centre de l'endroit.

Et comme un amer rituel, l'enfant avait toujours les mêmes questions et les mêmes doutes.

- Pourquoi on vient ?

- J'ai acheté une fleur à poser sur la tombe de Papy.

- C'est laquelle ?

Elle lui désigna le mémorial.

- Pourquoi ?

- Parce que quand il est mort, on n'a pas retrouvé son corps. On a juste trouvé sa carte d'identité et une chaussure avec son ADN. Du coup, on a marqué son nom sur ce monument, pour qu'il ait aussi une tombe.

- Mais pourquoi il n'a pas sa tombe à lui ?

Un sourire étrange fleurit sur le visage de sa mère. Elle lui ébouriffa les cheveux.

- C'est comme ça mon bonhomme, on n'y peut rien.

- Il est où son nom ?

Lorelei lui montra où était le nom de son grand-père. Charles Wyndham.

- Tu poses la fleur toi ?

- Oui !

Elle lui remit la plante qu'elle avait achetée, et il se précipita pour aller l'entreposer lui-même sur la dalle prévue à cet effet, très fier.

La femme était triste : elle n'était pas en bon termes avec son père quand elle l'avait quitté, et elle n'avait pas pu le revoir avant sa mort. Elle regrettait de ne pas lui avoir parlé une dernière fois.

L'enfant trouva un gendarme en posant sa plante, et ramena l'insecte à sa mère.

La vie revenait progressivement.

Ils restèrent tous deux pendant quelques instants devant le mémorial. La guerre avait fait beaucoup de victimes, et la femme sentait le besoin de prendre un temps pour ne pas laisser la mémoire de cet évènement disparaître. Elle œuvrait aujourd'hui pour organiser une nouvelle paix. Ses connaissances dans le système gamilien lui permettait de dialoguer à la fois avec ces derniers ainsi qu'avec les siens pour discuter de nouveaux accords.

- Tu viens Charles, on va au parc ?

- D'accord !

La femme sourit, et prit son fils par la main. Leur petite promenade jusqu'au cimetière et au mémorial leur avait fait du bien à tous les deux.

Ils firent quelques pas vers la grille, mais la femme se figea. Instinctivement, elle prit son fils dans ses bras, quoique l'enfant n'en eût pas vraiment envie. Elle avait cru reconnaitre la silhouette qui se profilait devant la grille. La peur coulait dans toutes ses veines.

Il devait être mort.

Elle délirait.

La femme avança d'un pas vif jusqu'à la grille, et dépassa l'homme. Celui-ci ne bougea pas, un peu sous le choc de se voir ignoré.

Elle, elle essayait de se persuader qu'elle était juste en train de faire une rechute post-traumatique. Après l'avoir dépassé, elle gardait comme objectif d'atteindre la grille au plus vite, quand une voix la retint :

- Lorelei !

La voix, cette terrible voix …

Pétrifiée sur place, la femme ne se retourna pas. D'une voix lourde et grossie par les larmes, elle ne trouva pas la force de dire autre chose que :

- Vous êtes mort.

L'homme ne sut pas trop quoi répondre à cela. L'enfant, dans les bras de sa mère, fixait l'homme, avec quelque curiosité. Il croisait parfois des gamiliens, dont un grand nombre était venu s'installer sur Terre. La plupart travaillant notamment dans les bureaux administratifs des affaires étrangères avec sa mère. Cet homme l'intriguait un peu, et quoique timide, il ne pouvait s'empêcher de le dévisager.

Abelt Dessler, monarque déchu de Gamilas, présumé mort dans les registres civils, se tenait à quelques mètres derrière elle.

- Il faut croire que non …

- Vous avez abattu les vôtres et vous auriez dû y rester avec les victimes de vos crimes.

- Il semblerait que ce ne soit pas les plans du destin …

Un frisson terrible parcourut ses épaules. Il lui fallait un considérable effort pour ne pas serrer Charles contre elle au point de l'étouffer.

- Et vous osez parler de destin ? siffla la femme. Vous êtes responsable de vos actes.

- C'est pour ça que je suis ici. Pour assumer mes actes.

- Sur la planète que vous avez voulu détruire.

Elle tremblait de rage. Pourquoi fallait-il qu'il soit là, toujours là ? S'il n'y avait pas eu Charles aurait-elle été capable d'agir ?

- J'aimerais te parler. S'il te plaît.

- Je n'ai aucune envie de parler avec vous. Pas après ce que vous avez fait. Pas après toutes les morts que vous avez causées.

L'enfant passait de l'un à l'autre, son regard interrogeant tour à tour les deux adultes, à propos de cet échange dont le sens lui échappait. Les yeux violets du petit garçon fixaient timidement ceux de l'homme, et le faisaient avec une grande curiosité. Dessler croisa son regard, et réalisa soudain de qui il s'agissait.

- C'est notre fils ?

- C'est mon fils, répliqua-t-elle sèchement.

- Je vois …

L'homme s'approcha doucement, et voulut caresser les cheveux du petit garçon. Sentant la présence derrière elle, la femme fit volte-face, et s'écarta d'un bond.

- Ne le touchez pas !

Elle serrait son bébé dans ses bras, terrifiée. Etudiant le visage de l'ancien empereur gamilien, la femme constata qu'il avait vieilli depuis six ans. Il avait toujours son affreuse prestance, mais ses traits s'étaient durcis, et les rides sous ses yeux avaient gagné du terrain.

Hochant la tête, l'homme se mit à fuir le regard de son ancienne captive. Il était empli de remords, et en quelque sorte, son échec avait été un choc pour lui. Il tenait vraiment à parler avec elle, et voir qu'ils avaient eu un enfant le surprenait un peu.

Le doute tourbillonnait de nouveau, toujours plus creux et plus terrible.

Qu'avait-il fait …

Charles se cachait dans le cou de sa mère, apeuré par la crainte que cette dernière ressentait, par le ton montant de la conversation, et cet homme qu'il ne connaissait pas.

- Je t'en supplie, laisse-moi te parler. J'ai des excuses à te faire.

Lorelei se mordit la lèvre. Etait-ce une plaisanterie ?

- Vous me suppliez maintenant ? Vous êtes tombé bien bas.

- Je suis sérieux.

- A quoi bon vous moquer de moi une fois de plus …

Serrant les mâchoires, il baissa le visage. La femme n'y allait pas avec le dos la cuiller.

Désespéré, il prit d'une main l'épaule de la jeune femme, pour l'empêcher de fuir.

- J'imagine que tu ne veux pas me voir, et je le comprends tout à fait. Néanmoins, j'aimerais vraiment que l'on discute. J'ai des excuses à te faire. S'il te plaît, accorde-moi cette discussion.

Elle n'essaya pas de se dégager, tentant seulement de retenir des tremblements intempestifs, le souffle court et la peur envahissant son regard.

Lorelei se détourna soudain de Dessler, posa son fils par terre, et lui prit la main. Elle s'assurait que le petit garçon reste loin de l'homme, mais elle craignait vraiment trop de s'effondrer pour le garder dans ses bras. Et les mains libres, elle pourrait le défendre. Se défendre, si besoin.

- On va au parc ?

- Oui … acquiesça l'enfant, inquiet.

Souriant pour rassurer son fils, la femme jeta un regard sans appel à l'homme, et prit le chemin de la grille du cimetière.

Sa mère marchait en bordure de route. Dessler avançait à côté de lui, et longeait un muret. Le silence était pesant. Le petit garçon, qui ne s'en rendait pas vraiment compte, insista pour marcher sur la délimitation du trottoir.

- Non, il y a la route, je préfère que tu marches au milieu.

- Mais je veux marcher sur le bord !

- Tu le feras quand il n'y aura plus de route.

Le garçonnet bouda, agacé par sa mère. Capricieux, il lui lâcha la main, et s'arrêta. Sa mère avança encore un peu, puis voyant que son fils ne la suivait pas, elle se tourna vers lui.

- Allez, viens !

Il refusa. Dessler, amusé par le caractère de l'enfant, s'approcha de lui et lui demanda :

- Tu veux marcher sur le muret ?

Hésitant un instant, il repensa à la façon dont sa mère le regardait. Mais il finit par acquiescer.

- Oui ?

Il le souleva dans ses bras. Lorelei, glacée, s'élança vers lui :

- Laissez mon fils.

Elle lui enleva doucement mais fermement l'enfant des bras.

- Je vous défends de le toucher, gronda-t-elle.

Se rembrunissant, l'homme acquiesça, mais ne put s'empêcher un rire sarcastique.

- Voilà la louve et son petit … ricana-t-il, amer.

Anxieuse, Lorelei fit un pas en arrière, et reposa son fils sur le trottoir. Ses mâchoires serrées tremblaient de rage. Ne comprenait-il pas qu'elle avait peur ?

Elle était vraiment inquiète : il y avait quelque chose qui clochait avec l'homme qui se tenait face à elle. L'ayant fréquenté longtemps, elle avait pu saisir un grand nombre de ses traits : narcissique, égoïste, charmeur et charismatique n'en étaient que les premiers d'une très longue liste. La mélancolie semblait parfois en faire partie, mais jamais elle ne l'avait vu ainsi, si …

Faible.

Ce fut le mot qui la frappa quand elle comprit ce qui la dérangeait. L'homme la dévisageait en attendait sa réaction. Il ne souriait plus comme il avait coutume de le faire auparavant. Ses traits tirés par la fatigue accusaient des événements difficiles.

Sa respiration n'avait plus rien de cohérent, et elle eut toutes les peines du monde à se reprendre, puis à lui demander de les accompagner.

Quand ils arrivèrent au parc, le petit garçon lâcha la main de sa mère, une expression ravie sur le visage, pour courir vers les structures en métal et les jeux pour enfants. Lorelei repéra un banc qui lui permettrait de surveiller toute l'aire de jeu, et de ne pas perdre son fils du regard. Ils s'assirent ensemble, mais elle ne put s'empêcher un mouvement de recul quand elle sentit qu'il était trop proche d'elle.

La femme avait énormément de mal à calmer ses nerfs, et à ne pas paniquer. La présence de Dessler était consciemment un danger, pour elle et pour son fils. Elle était terrifiée à l'idée qu'il ne tente quoi que ce soit, et le moindre geste qu'il exécutait la faisait sursauter.

Mâchoires serrées, elle posa ses poings comprimés sur ses genoux, fixant son fils du regard.

Silencieusement, Dessler faisait de même, suivant le petit garçon des yeux, et le regardant courir d'un jeu à l'autre.

- Il a quel âge ?

- Presque cinq ans.

La terrienne avait à peine desserré les dents. Dessler considéra un moment la réponse qu'elle lui avait donnée. Il ne s'était pas attendu à la trouver avec un enfant. Le sien, d'autant plus.

Et quelque part, il avait été lui-même surpris de voir que ce petit déclenchait dans son esprit une telle rafale de questions et d'inquiétudes. L'ancien tyran n'avait pas eu d'autres enfants, et jusqu'à ce jour, il ignorait en avoir eu un, avec une terrienne de surcroit. A part Sasha et Yurisha, il n'avait jamais vraiment côtoyé d'enfants une fois adulte lui-même, n'ayant qu'à peine connu son neveu. L'homme se demanda soudain s'il était capable de prendre la responsabilité d'élever un enfant. Il se rappelait seulement la haine qu'il avait ressentie à l'égard de sa mère, qui l'avait délaissé quand son frère était mort. Quelque chose chez Charles l'attirait, et il se sentait coupable de réserver le même traitement à ce petit qui était … son fils.

Mais Lorelei voyait les choses autrement.

- Qu'est-ce que vous faites sur Terre ? demanda-t-elle soudain, presque agressivement.

Il se tourna vers elle, qui ne le regardait pas.

- Je voulais te voir.

Un frisson parcourut toute l'échine de Lorelei.

- Pour quelles raisons ? articula-t-elle d'une voix blanche.

- Te parler.

Il serra les dents, cherchant comment verbaliser calmement ce qu'il voulait lui dire.

- Il m'est arrivé beaucoup de choses depuis notre bataille contre le Yamato. Mais récemment, j'ai eu du temps. Trop de temps. Je me doute que tu ne me pardonneras pas, et ce serait tout à fait légitime. Ce serait trop long de tout expliquer, mais …

- J'ai tout mon temps, le coupa-t-elle.


Hello !

Cela faisait une éternité ... J'ai galéré pour savoir comment j'allais découper les chapitres, si je faisais un nouveau document, ou si je mettais tout sur l'ancienne partie, donc me voilà finalement avec un nouveau "tome". On repart pour de nouvelles aventures, sur Terre cette fois !

Je ne suis pas très convaincue de mes chapitres jusqu'au quatrième, mais il les faut pour faire avancer le schmilblick, et je manque cruellement de temps pour les réécrire. Ils ne sont pas incroyables, mais permettent de faire repartir les problèmes (parce qu'on adore les problèmes, n'est-ce pas ^^)

J'espère que vous allez bien, et que ce texte vous permettra de vous détendre/reposer en cette période fatiguante ...

Prenez bien soin de vous, et à bientôt !

Yase