Cette histoire est née de manière imprévue à l'occasion du concours "Les runes ou la ruines" sur le forum HérosdePapierFroissé. Il constitue une sorte de préquel ou de prologue à une prochaine fic en cours d'écriture, un UA qui se déroule 3 ans après la fin de la saga où Tris est toujours en vie.


Milwaukee, mars

Un souffle haletant troubla le silence nocturne. Peter tâtonna autour de lui pour se reconnecter à son environnement. Son cœur palpitait dangereusement, sa vision était trouble et l'endroit dans lequel il venait d'atterrir lui était inconnu. Sombre. Bien trop silencieux. Il se sentait perdu.

Finalement, après quelques instants à sonder intensément ce qui l'entourait, le garçon reconnut le toucher familier des draps, humides de transpiration, et le jour qui commençait à percer à travers les volets de la chambre. Assis au milieu de son lit dans la pénombre, il tenta de reprendre ses esprits.

Peter se força à respirer lentement, une main posée sur sa poitrine pour contrôler le ralentissement des battements de son cœur. Une inspiration à la fois, il retrouva la maîtrise de lui-même.
Une fois le calme revenu dans son corps, il tenta de faire de même avec son esprit. Il attrapa l'un des carnets au pied de son lit, et l'ouvrit à la suite de pages griffonnées. La pointe du stylo resta longtemps suspendue à quelques millimètres de la feuille pendant que Peter plissait les yeux en grimaçant, fouillant parmi les miettes de souvenirs qu'il lui restait de son rêve.

Comme à chaque fois, il n'y avait pas grand chose à noter. S'il vivait ces rêves de manière intense lorsqu'il était endormi, au réveil, tout s'évaporait. Ne lui restait en tête qu'une brume évanescente faite de sons, d'odeurs, d'impressions et de sensations parfois violentes. Son corps revivait une situation, mais son esprit était incapable de se souvenir laquelle. Parfois, il se réveillait les veines remplies d'adrénaline, prêt à en découdre avec le monde, et d'autres fois, il était tétanisé de peur dans ses draps.

Pendant un certain temps, son amnésie n'avait pas dérangé Peter outre mesure. Pendant un an, il n'avait eu aucun souvenir, et rien de son ancienne vie ne lui manquait - à supposé qu'il y eût quelque chose d'assez intéressant qui pourrait lui manquer - et il parvenait à donner le change auprès des personnes qu'il fréquentait. Mais l'apparition de ces flash quelques semaines auparavant avait changé la donne. À chaque fois qu'ils apparaissaient, ils laissaient Peter un peu plus confus et frustré. Il était comme un enfant courant après son ballon envolé. Sauf qu'il n'arrivait jamais à le rattraper. Il était toujours quelques centimètres trop loin, à un cheveu de réussir mais finalement incapable d'obtenir l'objet de ses désirs.
Peter finit par laisser tomber le carnet au sol dans un claquement sourd, sans rien avoir écrit à l'intérieur. L'objet chuta à côté de ses camarades où Peter compilait tout ce qu'il avait découvert sur lui-même depuis qu'il s'était réveillé sur ce banc à Chicago.

Bien trop réveillé, et agacé, Peter décida de se lever malgré l'heure matinale. Ce ne serait pas la première fois qu'il irait courir à cinq heures du matin. Peter enfila la première tenue adéquate qui lui tombait sous la main, et chaussa une paire de basket. Il s'engouffra dans la nuit à petites foulées pour détendre ses muscles avant d'accélérer la cadence.

À défaut de mémoire, Peter s'était montré à l'écoute de son corps. Il avait appris à en analyser les capacités et les réactions. Très vite, il avait remarqué sa force et son aptitude pour le sport. Dans la vie qu'il menait avant, cela devait être l'un de ses passe-temps. Aujourd'hui, cela lui permettait de se défouler. Chaque foulée sur le bitume l'éloignait de ses problèmes. Chaque muscle, chaque tendon, qu'il sentait se contracter au gré de sa course, chassait ses interrogations. Courir lui permettait de se vider l'esprit, de ne se concentrer que sur ses foulées et sa respiration. Tout devenait simple : inspirer, expirer, maintenir une cadence régulière.

Quel plaisir c'était d'avoir enfin le contrôle sur quelque chose. Ses muscles saillants s'activaient sous sa peau sans peine, ils ne lui posaient aucune résistance. Si la satisfaction ne se lisait pas sur le visage concentré de Peter, il la ressentait dans la moindre parcelle de son corps.

En ralentissant pour profiter du spectacle du soleil levant, il remercia son endurance de lui permettre de se sentir normal pour quelques heures.

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Une fois de retour chez lui, et après une rapide douche, Peter prit la direction du bureau dans lequel il travaillait. Comme à son habitude, il fut l'un des premiers arrivés au journal, suivant de près le concierge et les stagiaires. Jusqu'à récemment, il occupait encore le poste d'assistant. Son travail assidu et son aptitude à obtenir des informations l'avaient finalement hissé au rang de journaliste. Une nouvelle équipe, un nouvel étage où travailler, pourtant Peter avait gardé certaines habitudes, dont celle d'arriver tôt.

Il aimait la quiétude qui régnait dans les bureaux avant l'arrivée de ses collègues, quand on pouvait encore distinguer les bruits de pas sur la moquette. Il se servit une tasse de café noir et alluma l'ordinateur qui trônait sur son bureau.

Travailler au Milwaukee Journal Sentinel comportait plus d'un avantage. Le premier étant la quantité de travail que cela demandait, assurant à Peter d'être toujours actif, l'esprit occupé. Le second impliquait l'accès à quantité d'informations, sur la nouvelle ville où il vivait, ce pays que l'on appelait États-Unis, et même le reste du monde. Si le jeune homme se donnait au maximum dans son travail, il se servait aussi des ressources à sa disposition pour combler ses lacunes personnelles. Ses recherches restaient principalement centrées sur Chicago, sa ville natale d'après les médecins qui l'avaient pris en charge au Bureau du Bien-être Génétique. Peter lisait de manière compulsive tout ce qu'il trouvait à propos de celle que l'on surnommait La ville des vents.
Il tentait d'en comprendre l'histoire, le fonctionnement durant l'expérimentation génétique, les tenants et les aboutissants de la guerre qui avait mis un terme aux "factions", aux "divergents" et à la "clôture".Si Peter avait fini par assimiler le fonctionnement global d'avant-guerre, de nombreuses questions lui brûlaient encore les lèvres. Questions qu'il n'avait jamais osé formuler à voix haute. Il avait une excuse pour poser des interrogations à propos de Milwaukee, ou de toute autre ville qui n'était pas une expérience génétique. Mais il n'en avait aucune pour ne pas savoir comment il était supposé avoir vécu ces vingt dernières années.

Sullivan et Murphy, les deux collègues de son équipe avec qui Peter partageait l'open space depuis sa récente promotion, arrivèrent presque simultanément. En entendant leur voix dans le couloir, Peter s'empressa de fermer les onglets sur son navigateur, et s'efforça de prendre un air décontracté, celui qu'il avait l'habitude de montrer en public. Peter ne savait pas pourquoi il avait menti à ses collègues à propos de son amnésie. Lors de leur rencontre, une voix intérieure lui avait soufflé qu'il ne voulait pas être pris en pitié. Que cela ne ferait qu'apporter plus de questions auxquelles il n'avait toujours pas de réponse. Et maintenant il était trop tard pour faire marche arrière, il devait continuer sur la même ligne de conduite s'il voulait garder sa crédibilité. Les choses étaient plus simples pour tout le monde quand il était le Peter sympathique, alors il jouait le jeu. C'était devenu naturel.


Consigne : votre personnage accompli quelque chose de satisfaisant