Chapitre 1 : Toujours la même journée

Le café était mauvais. Trop mauvais. Acre et brûlant, avec un arrière-goût de vinaigre. De toute façon, Livaï n'aimait pas le café. Si on lui avait demandé ou si la femme assise en face de lui le connaissait, elle lui aurait poliment proposé un thé, avec un sucre, deux s'il était fatigué. Dans ces cas-là, il avait trop tendance à laisser la gourmandise l'emporter. Mais comme il ne connaissait pas cette mère déjà assez éplorée devant lui et qu'on lui avait assez matraqué l'ordre de faire preuve de tact dans ce genre de situation, il n'avait pas refusé. Bordel, qu'il haïssait ces moments, il ne comprenait pas comment Erwin avait pu un instant le laisser s'occuper de cette corvée.

« Si tu acceptes de bosser en équipe, tu n'auras plus à te charger des entretiens avec la famille » Oui, oui, c'est cela Erwin. Le blond s'était encore bien foutu de sa gueule.

Il avait gentiment accepté de se coltiner la présence du lieutenant Auruo Bossard, non pas que ce dernier était un parfait incompétent, mais il l'ouvrait trop. Et puis Livaï avait toujours préféré faire cavalier seul, à ses risques et périls. Mais bon, il avait collaboré, il s'était adapté jusqu'en ses derniers retranchement, et quand, enfin, ils avaient tous les deux atteint le bout de leur enquête, Erwin lui avait retiré son binôme en le sommant d'aller annoncer la nouvelle à la famille de la victime. Et il n'avait pas eu d'autre choix que de quitter son bureau en soufflant, sans même avoir eu le temps de boucler son dossier pour aller sonner à une porte de bois peinte en rouge dans une banlieue résidentielle. Oh, il n'était pas venu tout à fait seul, un fonctionnaire de la mairie, un pauvre représentant qui ne savait rien des circonstances du meurtre l'avait rejoint sur place, histoire de procédure, mais à part donner ses plus plates condoléances au nom du système pendant que lui devrait expliquer les circonstances du meurtre et les souffrances qu'avait enduré le gamin d'une bonne mère de famille. La porte s'était ouverte avec lenteur, la matrone avait les yeux tirés, elle a immédiatement compris, pas besoin d'en dire plus. Pour les bonnes nouvelles, il ne se déplaçait pas, jamais.
Avec assez de dignité, la mère avait ravalé ses sanglots, elle avait ouvert plus largement la porte et sans rien dire leur avait servi le café. Depuis, elle leur faisait face, les yeux dans le vague, tellement rougis, devenus tellement secs d'avoir trop pleuré qu'il n'avait pas osé l'interrompre dans son état atone. Alors il se concentrait sur son café, se retenant d'être le parfait connard qu'on l'accusait trop souvent, et à raison, d'être. Il avait zieuté, du coin de l'œil, l'air agacé à peine voilé du fonctionnaire à sa gauche, qui fixait toutes les dix secondes la pendule au-dessus du frigo, s'empêchant de souffler. Au moins, il n'était pas la pire enflure de la pièce. Il continua d'attendre, en silence, jusqu'à ce que la femme aux cheveux blonds cendrés remue un peu les lèvres. Elle releva d'un coup ses yeux meurtris sur lui en laissant échapper un faible « comment » et Livaï passa l'heure suivante à lui expliquer comment son fils s'était retrouvé mêlé à un règlement de comptes et avait perdu la vie. Le type lui avait planté son couteau dans la poitrine une trentaine de fois et avait dissimulé le corps dans une forêt à une demi-heure de la ville. Remonter jusqu'à lui avait prit un moment, et honnêtement, Livaï avait fait ce qu'il pouvait pour garder espoir durant les investigations. Au moins, le dealer avait avoué directement lors de son audition, et plus il leur avait dit ou était le corps. C'était peut-être peu, mais au moins, il reconnaissait les faits. Une douleur de moins pour la famille, enfin, ça, ça ne le concernait pas vraiment.

Sur les coups de six heures, il était finalement parti. L'agent de la mairie commencé à pester, cherchant à ce qu'il le plaigne. Dommage pour lui, il était tombé sur le mauvais flic. Mais Livaï était dans l'un de ses bons jours et il se contenta de partir en méprisant l'homme, sans plus de cérémonies. Tranquillement, il avait reprit la direction du poste, il allait encore y passer la soirée, non pas que ça le déranger vraiment, il n'avait rien à faire de toute façon. Poser sa veste, prendre un thé pour faire passer le goût du breuvage infecte, reprendre son dossier et déchiffrer les pâtes de mouches illisibles d'Auruo, boucler les derniers fichiers et les envoyer chez le procureur… La soirée passa vite, il ne fit même pas attention au départ d'Erwin ou des autres, pas plus qu'à l'arrivée de l'équipe de nuit. Et personne ne se soucia de lui, grand mal leur en aurait pris. Il releva finalement les yeux aux alentours de trois heures jugeant qu'il en avait terminé. Il soupira bruyamment et s'étira péniblement avant de fermer les yeux. Il avait encore oublié de manger. Il se leva en marmonnant et se dirigea machinalement vers la salle de pause où il s'effondra sans grâce dans l'unique canapé. Il avait besoin de dormir un peu et rentrer jusqu'à son appartement ne l'enchantait guère, autant de rester ici. Personne n'oserait le déranger, à quoi bon s'emmerder ?
S'enfonçant un peu plus confortablement dans les coussins en cuir de la banquette, il fixa un instant le plafond. Qu'est-ce qui lui prenait en ce moment ? Pourquoi devait-il se montrer si apathique et blasé, enfin, bien plus que d'ordinaire ? Ce qu'il faisait avait un sens avant, il se souvenait pourquoi il avait souhaité devenir lieutenant, de la chance qu'il avait eu au vu de ses origines, pourtant, c'était comme si tout cela n'avait plus le moindre sens. Il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus, mais il le sentait, ce vide, cette lassitude au fond de lui, une belle connerie encore et ça commençait doucement à la faire chier. Aujourd'hui avait été le même jour qu'hier, et il ne doutait pas que demain serait fait exactement du même bois. Il souffla. Il était frustré. Il ne savait même pas pourquoi, ou même ce qu'il pouvait bien lui manquer. Ses taux d'arrestations n'avaient pourtant jamais été aussi hauts, il avait fini de rembourser ce putain de prêt pour sa voiture et devrait même être bientôt en mesure de se payer un appartement. Il sortait même, enfin un peu, à l'occasion, un verre avec l'équipe dans le bar à l'angle de la rue, ou un resto avec Erwin et cette dégénérée de Hansi. Rien ne lui manquait, donc rien ne devrait lui manquer. Un point c'est tout. Il était Livaï Ackerman et il obtenait tout ce qu'il voulait. Il avait travaillé dur pour en arriver là, ce n'était pas pour un petit sentiment de malaise de pacotille qu'il devait se permettre de flancher maintenant. Et pourtant, c'était le cas. Très vite, il ne faisait plus la différence entre sa fatigue et son sentiment de malaise, alors il s'endormit, faisant abstraction du froid qui l'habitait.

.O.

Il se réveilla tôt, enfin trop tôt à son goût, la bigleuse était juste au-dessus de lui, lui bavant littéralement sur le visage. Il lui flanqua rapidement son pied dans le ventre pour l'éloigner de lui en grognant.

- Hansi ! Un jour, je te buterai !

- Oui et quand tu goûteras à l'hygiène de la vie carcérale, tu feras une crise cardiaque, répondit Hansi avec une lueur de malice, pas le moins du monde décontenancée. Tu sais ce qui arrive aux mecs comme toi en taule, Lili ? Tu mettras un pied dans les douches et une dizaine de tordus s'entretueront pour ton petit cul tout maigre, continua-t-elle avec un sourire pervers.

Livaï la regarda avec dédain et se redressa avec raideur. Il tourna la tête vers la droite après avoir fait craquer ses articulations du cou et vit Erwin en train de lui tendre un thé fumant. Il l'accepta avec gratitude.

- Et je suppose que je serais celui qui devra payer pour vos conneries encore une fois. Vous me laisserez seul avec deux cadavres sur les bras, soupira le blond.

- Remarque ça te changera pas tellement de d'habitude, roucoula la brune à lunette en prenant place à côté de Livaï. Mon cercueil devra être capitonné de vert, Erwin.

Le blond soupira en secouant la tête.

- C'est exactement à cause de ce genre de phrase que les gens pensent que tu es barrée.

- C'est exactement à cause d'elle que les gens pensent qu'on est tous les trois barrés, corrigea Livaï en portant la boisson bouillante à ses lèvres. Du nouveau ? demanda-t-il à présent parfaitement réveillé.

Hansi soupira bruyamment.

- Pourquoi faut-il que tout est un rapport avec le bouleau avec toi ? gémit-elle.

- Le tribunal a appelé pour te remercier, répondit Erwin en ignorant la brune par habitude. Ils t'enverront les dates où Auruo et toi devrez témoigner. Donc pour l'instant, tu es tranquille.

Il observa Erwin. Le blond ne le regardait pas dans les yeux, ses oreilles étaient teintées d'une nuance rouge et son petit doigt gauche bougeait sans qu'il ne parvienne à le cacher. Oh non. Il savait ce que ça voulait dire. D'où la présence d'Hansi de si bon matin, et surtout sans aucun putain de motif. L'envie de se rendormir immédiatement était tenace et il soupira presque d'anticipation. Quand son ami attrapa une chaise pour la positionner juste en face de lui, il se sentit presque comme une souris piégée. Il n'allait pas aimer la conversation qui allait suivre.

- Roh ne me dites pas que vous allez me refaire ce coup-là ! grogna-t-il d'un ton bien plus lassé qu'énervé.

Hansi ricana.

- Oh Lili ! Tu nous connais si bien ! miauda-t-elle en se rapprochant de lui, trop près.
Il la repoussa aisément, provoquant un autre ricanement de sa camarade. Erwin secoua négligemment la tête en levant les yeux au ciel.

- Tu peux pas continuer comme ça, Livaï. Tu vas finir par te tuer à la tâche, commença prudemment son ami.

- Depuis quand tu dors ici ? demanda la bigleuse. Comment ton esprit tordu arrive à faire abstraction de la ribambelle de bactérie que doit contenir un poste de police ?

Hansi se rapprocha encore de lui et lui tata le bras, ce qui lui valut instantanément un coup de coude dans les côtes.

- Tu as encore perdu du poids ! s'exclama-t-elle avec un ton de reproche avant de lui taper l'arrière de la tête.

- Elle a raison LivaÏ, reprit Erwin, de façon bien plus mesurée. Tu devrais prendre des vacances, sortir… Enfin, t'occuper un peu plus de toi… C'est pas bon de travailler autant, même pour toi !

- Tu devrais te trouver une petite amie, histoire de te décoincer un peu ! Merde, certains de mes cadavres à la morgue ont plus de couleurs que toi !

- Ça s'appelle pourrir, lunettes de merde, cracha-t-il finalement, coupant ses amis dans leur petite intervention.

Il soupira bruyamment et leur jeta à chacun un coup d'œil. Livaï était orphelin, enfin pas vraiment, disons plutôt qu'il n'avait pas connu son père et que sa mère ne l'avait pas élevé. Il s'était retrouvé à l'âge de trois ans chez son oncle qui n'avait jamais vraiment cherché à lui apprendre quoi que ce soit si ce n'était la magouille et il l'avait d'ailleurs rapidement foutu dehors. Il n'avait jamais connu cette foutue autorité parentale, mais il était prêt à se couper la main qu'il en avait une démonstration à l'instant. Ce qu'il trouvait particulièrement stupide. Il allait très bien et seul lui était en droit d'évaluer les problèmes de sa vie pathétique, certainement pas Hansi et Erwin.

- Vous avez fini les merdeux ? demanda-t-il finalement. Je peux retourner bosser, c'est bon ?

Il se releva et jeta son gobelet à la poubelle. Il pouvait sentir sur sa nuque les regards inquiets de ses amis, c'était foutrement dérangeant, il n'avait certainement pas besoin de pitié. Il était irrité, il était déjà bien au courant de ce que ses amis disaient et il préférait gérer tout ça tout seul, dans l'intimité. Tout ça, ces belles paroles alarmantes, cette putain de mise en scène, ça ne l'irritait qu'un peu plus et lui donner envie de filer des beignes.

- On s'inquiète juste pour toi, reprit Hansi. Ton comportement montre au mieux un désintérêt pour ta propre personne, au pire un trouble dépressif.

Elle allait continuer mais Erwin leva le bras pour l'arrêter. Livaï l'aurait presque remercié s'il n'avait pas anticipé la suite de son discours.

- Écoutes, tu fais ce que tu veux, on est ami, mais on est aussi collègue. Là, ce sont les amis qui s'inquiètent pour toi, si c'étaient les collègues, tu sais bien que ça irait beaucoup plus loin…

- Oh, oh ! Donc, maintenant, tu me menaces ? se moqua-t-il en réajustant sa cravate et sa veste de costume. Il grogna.

- Tu pourrais au moins nous parler ! l'accusa Hansi en faisant la moue. Tu ne veux même plus nous voir !

- Pourquoi ? Pour vous entendre une fois encore décortiquer ma vie et m'expliquer comment je dois changer ? répondit-il en prenant une profonde inspiration, il fallait désamorcer la bombe maintenant, sinon il risquait d'envoyer chier les deux seules personnes qu'il appréciait un tant soit peu ici. Écoutez-moi bien, je sais ce que je fais et je connais mes limites. Je vais bien. Je ne vous ai pas demandé de l'aide et je n'ai pas à me lamenter. Oui, j'ai un peu déconné ces derniers temps, et alors ? Tout ce que je demande, c'est de bosser et ça tombe bien, c'est ce que je fais. Donc ne vous inquiétez pas, termina-t-il rapidement.

Il avait la gorge sèche, il lui fallait un autre thé. Et de quoi manger, quand il y réfléchissait, son dernier repas remontait à la veille au midi. Hansi ouvrit la bouche, prête à en rajouter une couche mais le téléphone d'Erwin sonna, il en profita pour s'esquiver. Il se dirigea directement vers le distributeur ou il récupéra un autre thé, Hansi arriva moins d'une seconde après.

- T'as pas d'autopsies à faire en bas, toi ? se plaignît-il.

- On n'en a pas fini !

Erwin ressortit au même instant de la salle de pause et le héla. Il réprima un sourire sarcastique, mauvais coups la bigleuse !

- On a un corps sur la 5ème avenue. Livaï, pars devant, je t'enverrai Auruo dès qu'il arrive. Hansi, on va avoir besoin d'un légiste sur place, j'appelle la scientifique.

Livaï arrêta de l'écouter. Ça ne le concernait plus. L'idée de devoir à nouveau travailler en binôme l'agaça, mais au moins, il avait réussi à échapper à l'horrible conversation avec ses démons d'amis. Il choppa ses clefs sur son bureau, entra l'adresse exacte sur son téléphone et prit la direction de la sortie.

.O.

Dix minutes plus tard, il était arrivé. Le trajet lui avait au moins permis d'avaler un muffin insipide et de s'éclaircir les idées. Erwin et Hansi avaient vraiment un problème avec lui. C'était vraiment si difficile de lui foutre la paix ? Et il n'avait même pas pu se changer avec toute cette merde. Il détestait ça. Maintenant, il était définitivement de mauvaise humeur. Pas sûr que la présence d'un lieutenant de mes deux un peu trop racontar à ses côtés l'aide. Il descendit de la voiture impeccable et se dirigea vers l'intérieur du bâtiment en se massant les tempes.

Une nouvelle enquête était tout ce qu'il désirait. On allait lui foutre la paix, il n'allait plus penser à quoi que ce soit ayant un rapport de prés ou de loin avec lui-même et oublier tous ses problèmes. La seule chose qui lui manquait à la rigueur était quelques heures de sommeil en plus.

Il s'engouffra dans l'ascenseur et appuya frénétiquement sur le bouton du 7ème étage. Foutue technologie à la con beaucoup trop lente. Les portes se refermaient enfin quand une main blanche se mit en travers, et pour sa plus grande frustration, il les vit se rouvrir sur une jeune femme. Ca allait continuer encore longtemps comme ça ?
Elle était simple, quelconque, oubliable. Asiatique, jeune, brune, les yeux noirs, d'une taille moyenne, la peau claire. Il nota à peine la cicatrice sous l'œil droit, trop focalisé sur l'expression vide et placide de son visage, presque hautaine. Cette idiote n'allait pas s'excuser visiblement. Elle ne lui jeta pas un regard alors qu'il soufflait encore. Pas la peine de lui faire une réflexion, Erwin l'avait longtemps briffé sur son vocabulaire fleuri, surtout quand il s'adressait à des civils, la dernière chose dont il avait besoin était un nouveau scandale sur comment la police de Shiganshina agressait ses habitants, même s'ils étaient des sacrés cons. Il se reconcentra sur les foutus boutons d'accès, enfonçant encore et encore sur le 7 éclairé en orange.

Il entendit un faible grognement à sa gauche. Si ce n'était pas lui qui attaquait, il pouvait bien se permettre une ou deux remarques acerbes ?

- Appuyer dessus ne le fera pas aller plus vite, intervint-elle d'une voix lasse. C'est juste bruyant.
- On t'a jamais dit qu'il ne fallait pas parler aux inconnus, sale gamine ? gronda-t-il alors que les portes se refermaient enfin.

- Je suis censée avoir peur ? demanda-t-elle, septique.

- Va savoir, éluda-t-il.

Une forte tête, les pisseuses de vingt ans seraient déjà parties habituellement. Il trouvait ce comportement ridicule et détestait avoir à jouer les intimidateurs passifs agressifs, mais parfois, c'était plus utile qu'autre chose. Il était fatigué, il aurait bien laissé tomber mais le jeu avait pourtant l'air plaisant, pour une fois qu'il tombait sur quelqu'un avec un peu de répondant. Ne pas la remettre à sa place, ce ne serait que du gâchis !

- C'est drôle, ta tête me dit quelque chose, énonça-t-il en mimant la réflexion alors que la brune haussait un sourcil. Ah oui ! Tu ressembles à cette fille qu'on a retrouvée la semaine dernière. Elle avait chaud, elle a laissé sa fenêtre ouverte et est partie dormir, le lendemain matin, on l'a retrouvée démembrée sur son lit, mais sa tête était manquante, récita-t-il en s'approchant doucement, menaçant. Ceux qui l'ont trouvé étaient déjà en train de vomir tripes et boyaux alors qu'ils baignaient dans son sang quand ils ont entendu un sifflement dans la cuisine. C'était la marmite qui débordait, alors ils ont éteint le feu et l'ont ouverte. Et tu sais ce qu'ils ont trouvé dedans ?

Ce regard, elle le regardait de haut, mais ses yeux trésaillaient, trahissant son malaise. Il y était. Ça y était. La petite chieuse allait retomber sur terre.

- C'était sa tête ! claqua-t-il en même temps qu'il frappait la taule derrière lui pour la faire sursauter.

Il laissa fleurir sur ses lèvres un petit sourire satisfait.

La fille écarquilla en grand les yeux une seconde puis ricana. Il perdit immédiatement son sourire.
- Ca, c'est un film. Donc c'était vraiment pour me faire peur, affirma-t-elle. Dommage.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et elle sortit, il la suivit. Elle chercha un instant son chemin, il s'arrêta à sa hauteur.

- Inspiré de faits réels, le film, corrigea-t-il.

- Et alors ? demanda-t-elle blasée. Il y a toujours eu des malades partout. C'est comme ça.

Elle tourna la tête vers la droite et sembla enfin apercevoir ce qu'elle cherchait. Il nota qu'elle prenait la même direction que lui.

- Et c'est une raison pour ne pas avoir peur ? Pour les laisser faire ? commenta-t-il alors qu'il marchait à côté d'elle en fouillant dans sa sacoche pour récupérer son badge.

- Le monde est cruel. Il faut s'adapter, conclu-t-elle simplement, aussi blasée que lui visiblement.

- Car toi tu l'as fait ? se moqua-t-il. Et si tu avais été cette fille, qu'est-ce que tu aurais fait à sa place ?

- J'aurais commencé par ne pas dormir la fenêtre ouverte. Et s'il s'était approché, j'aurais planté mes doigts juste ici, ajouta-t-elle en s'arrêtant pour positionner sa main au niveau de la gorge de Livaï, ce qui l'agaça.

Il lui arracha sa main avec rapidité. Il ne supportait pas qu'on le touche. Et puis, c'était une inconnue, il ne connaissait pas son nom. Avoir cette conversation était déjà assez surréaliste.

- Si tu es trop sûre de toi, alors sois sûre qu'il arrivera à s'en prendre à toi, récita-t-il en entendant la voix de son oncle au loin dans son esprit et il s'énerva, trop fatigué pour continuer la joute. Merde, je dois être trop vieux si même les gamines impolies dans ton genre ne sont plus impressionnées par tout ça.

- Allons, vous n'êtes pas encore trop boiteux pour un croulant, ironisa-t-elle en s'arrêtant devant une porte ou un agent attendait. Réessayez la prochaine fois, moi, je suis légiste. Vous êtes juste tombé sur la mauvaise personne, conclut-elle avant de le saluer de la tête.

Elle se tourna vers l'agent et se mit à fouiller dans son sac à main pour en sortir un papier. Il ne bougea pas d'un millimètre. Quand elle releva la tête, il eut la satisfaction de la voir surprise, réellement et pas son imitation grossière de l'ascenseur.

- Vous avez vraiment un problème, commença-t-elle, passablement agacée. Je voudrais aller au travail, là ! Au revoir !

Elle lui fit un vague geste de la main pour lui dire de déguerpir. L'envie de lui faire bouffer son poing lui picota les doigts, mais il se retint, savourant sa victoire.

- Oui, confirma-t-il. Et moi aussi, expliqua-t-il calmement. Je suis le lieutenant en charge de l'enquête.

Oh, il se délecta de son air choqué et de la façon dont elle rougit, très légèrement, mais il l'avait vu, tout comme son nez qui s'était plissé. Il y était ! La victoire était sienne ! Il avait réussi à clouer le bec à la gamine impolie ! Il n'était pas si vieux finalement ! Il la fixait droit dans les yeux, fier.

- Ah, fit la gamine, sans émotion.

Le bruit caractéristique de l'ascenseur se fit encore entendre, suivit du son d'une respiration sifflante, essoufflée.

- Ackerman ! gueula la voit d'Auruo dans le couloir.

Il se retourna vers le lieutenant en même temps que la brune. Ce crétin pouvait donc trouver le moyen de perdre son souffle dans un ascenseur ?

- Quoi ?

Les deux voix s'étaient élevées en même temps. Son regard retomba immédiatement sur la gamine, confus. Au moins, elle l'était aussi. Elle se reprit plus vite alors qu'il continuait à la dévisager attentivement.

- Intéressant, commenta-t-elle simplement.

Oui, il était d'accord. Intéressant. La journée promettait de n'être que plus agaçante. Et ils entrèrent, le crétin derrière eux.