Ne plus avoir peur
Un regard, un sourire. Juste une expression.
Le coin de ses yeux qui se relève, sa bouche délicieuse qui s'étire. Si humaine, si pleine de vie.
Elle virevolte d'un pas, chantonne en cuisinant. Son regard pétille. Elle est heureuse.
Elle nous attire, si subtilement qu'elle-même l'ignore. Et je suis fasciné. Époustouflé par sa force, par sa joie de vivre, par le bonheur qu'elle porte et communique. Je la regarde. Ses yeux trop grands, trop expressifs. On lit en elle si facilement. Et pourtant, elle reste un mystère. Si on sait ce qu'elle ressent, on ignore tout de ce qu'elle pense, ce qu'elle cache. Parce qu'il y a une évidence avec Hermione Granger : elle garde toujours une longueur d'avance. Quoi qu'il se passe, son cerveau avait déjà analysé chaque situation, chaque possibilité, chaque solution, chaque problème à résoudre.
Parfois, je me demande si quelqu'un arrivera à la prendre par surprise. S'il existe une personne au monde qui passera au travers de ses radars. Quelle serait sa réaction ? Serait-elle fascinée ou agacée ? Charmée ou offensée ? Personne ne le sait, personne n'a su la surprendre. Ou du moins, c'est ce qu'elle fait croire à tout le monde.
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Il sourit gentiment. Toujours soucieux de ne contrarier personne. Il est là, au centre de l'attention. Mais il reste réservé. Il affiche sa couverture, son masque de gentillesse calme. Mais ce n'est pas qui il est réellement. Ce n'est qu'une façade, un faux-semblant. Car Harry Potter est virulent. Dans son coeur s'affronte une bataille entre une violence continuelle et son envie d'être calme et serein. Il a perdu trop d'innocence et mené trop de batailles pour être une personne stable et patiente. Au fond de lui, il y a trop de colère, de haine, de peine, trop de souffrance. Alors il s'affronte lui-même, plutôt que blesser les autres. Il refrène ses émotions. Peu de ses sourires sont vrais. Peu de ses colères aussi.
Harry garde en lui un tsunami. Il pourrait tout emporter sur son passage, tout détruire. S'il se laissait aller un instant, rien qu'un, il pourrait détruire tout un équilibre. Je connais Harry mieux que moi-même, je vois la noirceur de son âme, je connais les mots acérés qu'il pense en secret. Et je sais que, bientôt, il va briser une famille.
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Hermione ne sait pas faire semblant. Elle est incapable de bien mentir. Sauf si elle s'est préparée au préalable. Si elle n'est pas en mesure de répondre à toutes les questions possibles, si son mensonge n'est pas cerné de toute part, alors elle panique et devient immédiatement visible. Mais Hermione me connaît sur le bout des doigts. Nous avons interagit en symbiose si longtemps que cela est devenu naturel. Nous comprenons comment aider l'autre, dans chaque situation. Si je lance un mensonge dans une discussion, Hermione sait rebondir et le rendre crédible. Avant tout, Hermione me protège, me défend. Cela a plus d'importance à ses yeux que toute sa morale.
Parfois, je m'en veux d'avoir mis à mal sa valeureuse justice. D'autres, je me sens terriblement chanceux de l'avoir dans ma vie. Elle est mon alliée, ma force. Nous sommes le duo invincible. Des âmes-soeurs. Et lorsque je lance la bombe, je l'observe ne pas réagir. Aujourd'hui elle sait que nous arrêtons de mentir.
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Quand Molly interroge Harry sur sa vie sentimentale, je le vois prendre une inspiration. Le moment est venu. Tout nous appartient.
-La vérité Molly, c'est que j'aime quelqu'un depuis toujours.
Surprise, Ginny remonte la tête. Elle mord sa lèvre. Son mari est là, une mine fâché au visage. Il s'attend à ce qu'Harry Potter détruise son couple, lui vole celle qu'il aime. Mais ce n'est pas cet homme-là qui doit s'inquiéter. Non. Celui qui aurait dû s'inquiéter mais qui ne le sait pas encore, c'est l'homme à côté de moi. L'homme que j'ai épousé et aimé. L'homme qui est notre meilleur ami. Et le pire, c'est que je n'ai pas envie d'arrêter Harry. Je veux qu'il la détruise, cette famille. Je veux que les faux-semblants cessent. Aujourd'hui, nous décidons d'être égoïste. Je n'invente pas une autre fille, ne le reprend pas comme je l'aurais fait dans une autre réalité où j'aurais été sa meilleure amie et où il aurait parlé de Ginny. Aujourd'hui, tout s'inverse. Aujourd'hui, nous brisons une famille. Mais nous le faisons ensemble.
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-Oh Harry chéri tu sais que…
Mais je la coupe. Je ne veux pas que Molly spécule, qu'elle s'imagine un scénario hors de propos. Je veux être direct, franc. Je ne veux plus faire semblant. Je n'ai pas à avoir honte d'aimer.
-Cette personne, c'est Hermione.
Un bruit de vaisselle suspend le temps. Ron a lâché sa cuillère. Il me regarde, entre rire et larmes, incertain. Je devine qu'il se demande si je fais une blague de mauvais goût ou si je suis en train de lui voler sa femme. Il a toujours douté, mais on ne doute pas sans raison. Peut-être avait-il compris avant nous que certaines personnes sont destinées. Hermione et moi avons mis des années à comprendre. Mais Ron, lui, a toujours été septique sur cette amitié.
Je balaye la salle du regard. Ginny a les yeux déjà gonflés de larmes et cela me fait de la peine. Nous nous étions quittés pour les bonnes raisons mais elle a toujours espéré qu'un jour, le prince charmant qu'elle voyait en moi la sauverait. Sauf que ce n'est pas elle la princesse de ce conte.
Bill s'est levé, dans un grincement de chaise, prêt à me frapper. C'est Arthur qui l'a retenu en lui agrippant le bras.
Molly, elle, a mis une main devant sa bouche, comme tétanisée. Fleur n'a d'yeux que pour son enfant, comme si la fillette pouvait la faire disparaître de la salle. Le mari de Ginny semble soulagé et c'est bien le seul qui semble heureux de cette annonce.
Le mari d'Hermione, par contre, a dû mal à s'en remettre. Il se tourne vers sa femme.
-Et toi, tu l'aimes ?
Hermione relève la tête qu'elle avait baissé. Le regard déterminé, plein de promesses, se fixe dans le mien.
-Oui, je l'aime.
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Ron se lève et quitte la maison en claquant la porte. Un instant, la culpabilité me prend le coeur. Il a été mon compagnon, mon premier amour. J'aurais aimé que cela se passe autrement.
-N'y avait-il pas d'autre manière ?, demande Arthur déçu.
-Il n'y aura jamais de bonne manière, je réponds.
-Sortez de cette maison, annonce Molly.
Je me lève et Harry exerce le même geste, comme une ombre. Nous nous regardons, oublions le monde. Il tend sa main et je la prends dans la mienne. Nos doigts s'entremêlent, se soudent. Nos sourires nous dévorent.
Adieu les faux semblants. Terminés les rendez-vous cachés et retenus. À partir d'aujourd'hui, nous pouvons nous aimer sans limite, sans trahir. À compter de ce jour, je peux rêver de sa peau sans rougir. Nous détruisons une famille, oui, mais nous en créons une autre. C'est une palette de possibilité qui s'ouvre à nous. Et soudain, je n'ai plus peur de rien.
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Je vais être honnête : ce n'est pas un couple dans lequel je crois spécialement. Je fais partie de ceux pour qui « Harry » va avec « Ginny ». Mais j'avais envie de tester un nouveau pairing quand même. Pardon à Ron, que je n'épargne jamais (alors que je l'apprécie...)
