- Est-ce que tu es un tant soit peu sûre de toi, Hermione ?
Dans l'antre d'une maison encore en ruine, Harry regardait son amie de toujours comme s'il ne la connaissait plus. La guerre avait fait ses ravages, indéniablement.
- Je pense honnêtement qu'il s'agit de la meilleure chose à faire.
Peut-être était-ce là le problème. Existait-il réellement de "bonnes choses à faire" ? Autre que tenter de se reconstruire, évidemment. Hermione avait cette envie depuis longtemps et, en tant qu'ami, Harry savait qu'il était censé la suivre, l'accompagner dans ces démarches, alors pourquoi n'y arrivait-il pas ?
- Tu es sûre de vouloir partir ? Ron va mal le prendre.
Hermione soupira. C'était exactement la raison pour laquelle elle avait décidé d'en parler à son meilleur ami plutôt qu'à son petit-ami en premier.
- Je vais exploser si je reste. Molly est en train de m'adopter et…
- Et ce n'est pas pareil, n'est-ce pas ?
Parfois, Harry s'en voulait d'avoir si facilement accepté l'amour maternel de Molly Qu'auraient pensé Lily et James face à cette adoption ? Auraient-ils été d'accord avec tout cela ou auraient-ils préféré que leur fils s'écarte un peu de cette famille qui n'était pas la sienne ? Il ne pouvait cependant pas se comparer à Hermione. Elle avait connu ses parents, avait vécu avec eux pendant presque douze ans à temps plein puis, après, par à-coups pendant quasiment six années. La relation qu'elle entretenait avec eux n'avait rien à voir avec le vide qui existait dans la famille Potter.
- Mes parents me manquent. Je m'étais dit que, dès la fin de la guerre, j'irai les chercher.
Hermione n'avait pas besoin de finir cette phrase pour que Harry sache de quoi il en retourne. Les Weasley n'avaient pas été très fins de ce côté-là, même si cela devait sûrement venir d'une bonne attention : occuper tellement la jeune femme qu'elle en arrive à ne plus avoir le temps de préparer ce fameux voyage.
- J'adore Molly, et tu le sais, mais elle n'est pas ma famille. J'ai besoin de mes parents, de mon chat, de mon chez-moi. Je ne compte pas vivre au Terrier toute ma vie.
Définitivement, Harry ne pourrait jamais comprendre cette partie de la vie de ses amis, mais après tout, qui était-il pour abandonner Hermione là-dessus ?
- Je viendrai avec toi. Peut-être que Ron voudra…
- Non Harry. Ron ne viendra pas.
Il s'agissait peut-être d'une vérité dure à comprendre, peut-être horrible à dire mais Ron ne la suivrait pas, Hermione le savait. Elle l'avait toujours su. Non pas qu'il soit un mauvais petit-ami, juste que, depuis la fin de la guerre, il avait d'autre choses en tête, se reconstruire après la mort de Fred, par exemple.
- D'ailleurs, je préfèrerai que toi non plus, tu ne viennes pas.
Harry ne parvenait pas à comprendre où elle voulait en venir. Pourquoi ne voulait-elle pas qu'il l'accompagne ?
- Je ne sais pas combien de temps je vais y rester.
"Si je vais revenir" disaient ces yeux.
- Prend juste le temps de prévenir Ron et prend soin de toi. Pense aussi à envoyer des lettres, je serai là, peu importe l'heure, si tu as besoin de moi.
Il la prit dans ses bras, sachant pertinemment que, si et lorsqu'il la reverrait, elle aurait irrémédiablement changé.
Elle le remercia avant de transplaner. Ron serait une étape bien moins facile.
Le Terrier était en pleine effervescence, comme toujours. Molly tentait encore d'oublier qu'il manquerait quelqu'un à sa table. Hermione traversa le jardin depuis la petite flaque dans laquelle tout le monde transplanait pour atteindre l'intérieur où elle salua la mère de famille.
- Bonjour Molly.
- Hermione, ma chérie ! Comment tu vas ? Tu as vu Harry récemment ? Est-ce que tu veux rester manger ?
Son habitude de poser trop de questions pour qu'on puisse y répondre était toujours d'actualité.
- Ron est là-haut ?
Elle acquiesça avant d'essayer de l'appeler pour le forcer à descendre les escaliers mais Hermione l'arrêta, lui indiquant qu'elle irait elle-même. Il ne restait plus qu'à espérer que Ron ne soit pas dans une mauvaise humeur.
Pour le coup, il était surtout allongé en diagonale de son lit aux couleurs des Canons de Chudley.
- Hey Ron.
Il tourna la tête et, en voyant que c'était Hermione qui venait la voir et non pas sa mère, l'un de ses frères ou Ginny, un sourire sincère se dessina sur son visage. Ces derniers temps, elle était la seule qui lui apportait un peu de bonheur.
- Hermione. Qu'est-ce que tu fais ici ?
C'est ici que commençait la partie ardue de ce travail. Hermione rechignait à aller trop vite en besognes et préférait préparer un peu le terrain. Cependant, elle ne pouvait pas non plus lui dire qu'elle venait de chez Harry; si Ron comprenait qu'il n'était pas la première personne à qui elle en parlait, il ne faisait aucun doute qu'il lui ferait une crise de jalousie.
- J'avais besoin de te voir.
- Ca me fait plaisir.
L'époque où Ron savait faire la discussion était loin.
- J'ai retrouvé mes parents.
Cela faisait d'ailleurs plusieurs semaines que c'était le cas mais Hermione n'avait osé en parler à personne. Au départ, elle avait même eu énormément de mal à y croire mais il fallait avouer que Pattenrond était plus que reconnaissable et qu'il n'y avait aucun doute possible. Ron serra la mâchoire.
- Super. Ils sont heureux, là-bas ?
- Ils ont l'air, Pattenrond est devenu un champion d'agility.
Il leva les yeux au ciel à la mention du chat.
- Super. Je suis pas sûr que les avoir retrouvés va t'aider à les oublier mais soit.
Le coeur d'Hermione rata quelques battements. Elle eut presque envie de rire. Ron n'avait jamais eu à l'esprit le fait qu'elle ait envie de les retrouver en chair et en os. Il n'avait jamais pensé qu'elle puisse aller à leur rencontre. Pour lui, il ne faisait aucun doute que, lorsqu'elle avait choisi de leur retirer tous leurs souvenirs du monde sorcier, Hermione avait aussi surtout choisi que cette situation soit définitive.
- Je compte aller leur rendre la mémoire.
- Hermione…
La lueur d'ordinaire triste qui avait élu domicile dans les yeux de Ron s'était un instant changée en pitié.
- Hermione, tu sais bien que c'est impossible.
- C'est possible, ça fait des mois que je travaille dessus, je sais comment faire.
Dire qu'elle y travaillait depuis aussi longtemps sans lui en avoir parlé était sûrement une mauvaise idée mais il ne dit rien.
- Et ça va t'apporter quoi d'y aller ? Et si ça fonctionne pas ?
- Ce sont mes parents Ron, que penses-tu que ça va m'apporter de les retrouver ?!
Il ne fallait pas s'énerver, Hermione le savait, mais c'était plus fort qu'elle. Elle sentait totalement qu'il ne la laisserait pas partir alors même que c'était ce qu'elle avait le plus besoin de faire.
- De toute façon, maman ne te laissera pas y aller pour le moment. On a trop besoin de toi ici, ce serait égoïste de partir à l'autre bout du monde pour rien.
- Molly n'a rien à dire sur mes décisions.
Bien sûr que Molly ne serait pas d'accord et bien sûr que Hermione tenterait tout de même d'argumenter alors même que rien ne l'y obligerait, mais c'était ainsi. Les Weasley étaient ainsi : aimants et protecteurs mais empoisonnants.
- Sérieusement Hermione, tu veux pas y aller à un autre moment ? On a fêté la fin de la guerre le mois dernier, personne n'a encore fait le deuil de Fred. Harry n'a même pas fait celui de Sirius, ni celui de Remus d'ailleurs !
Sa voix s'élevait de plus en plus haut, à tel point que Hermione était sûre que, si elle n'étaient pas déjà là depuis longtemps, les Oreilles à Ralonges arriveraient bientôt. Ron lui demandait, presque mot pour mot, de laisser tomber ses propres parents, son deuil à elle, pour aider les deuils des autres ? Pourquoi devait-elle être là pour les autres quand personne ne prenait le temps d'être là pour elle ? De toute façon, Harry était d'accord, ça s'arrêtait là. Ron était bien entouré, il fallait arrêter.
- Harry ira bien et toi aussi. Tu es très entouré par ta famille, Ron.
- Parce que toi non ?! Toi aussi t'es entourée, Hermione !
Plus tard, avec le recul, Hermione se demandera s'il ne faisait pas tout simplement exprès.
- Ron. Ta famille ne remplacera jamais la mienne, il va falloir que tu l'acceptes.
Il grommela quelque chose que Hermione ne comprit pas, quelque chose entre "on est pas assez bien pour toi ?", "va-t-en" et "maman va te faire changer d'avis".
- J'ai fait mon choix Ron, je veux les retrouver parce qu'ils sont ma famille. J'aimerais autant que tu l'acceptes.
Devant l'absence de réponse de la part de Ron, Hermione sortit de la chambre pour descendre au rez-de-chaussée. Harry venait tout juste d'arriver et, rien qu'en l'espace d'un seul échange de regards, il sut que la discussion ne s'était pas très bien passée. Le reste des Weasley aussi était arrivé et Hermione prit le temps de discuter avec chacun d'entre eux, en finissant par Ginny qui réussit à la convaincre de rester pour le repas familial.
Alors qu'ils allaient arriver au dessert, Hermione se leva et demanda un peu d'attention. Ses mains étaient devenues moites à cause du stress et elle sentait que sa voix n'était pas très assurée. De la même façon, le regard meurtrier de Ron, en face d'elle, ne l'aidait pas à avoir confiance en elle.
- J'ai retrouvé mes parents, en Australie. J'ai trouvé un moyen de leur rendre la mémoire.
Quelques "C'est super Hermione" et autre exclamations fusèrent mais s'éteignèrent rapidement.
- J'ai choisi d'aller leur rendre leurs souvenirs, là-bas.
Personne ne parla. La plupart n'en avaient pas grand chose à faire, honnêtement, surtout chez les plus vieux. George, Bill, Fleur et Percy ne changeraient rien à leurs habitudes, que Hermione soit là ou non. Harry n'eut aucune réaction mais posa sa main sur celle de son amie pour lui indiquer son soutien tandis que Ginny haussait les épaules à cette vue avant d'attendre, prête à voir qui allait oser parler en premier. Molly et Arthur échangèrent un regard avec et Ron, seul au milieu de la table, avait l'air renfrogné.
- Hermione-chérie, tu es sûre de ne pas vouloir rester ici ? Tu ne dois pas être encore bien remise de tout ça et tu as besoin de repos et…
- Maman, laisse-là partir.
Ginny offrit à Hermione et Harry un sourire éclatant. Ils ne l'avaient pas mis dans la confidence mais elle était tout de même là pour eux, comme d'habitude.
- Si je venais à vous perdre, ça me tuerait sûrement. Et si j'avais la chance de vous retrouver, je sais que je ferai tout pour. Tu as besoin de quelque chose Hermione ?
Hermione secoua la tête. Elle n'avait besoin de rien d'autre que de tranquilité. Tant qu'on la laissait partir sans heurts, tout se passerait bien; elle n'avait vraiment ni l'envie ni le besoin de se battre. Heureusement, Ginny connaissait merveilleusement bien sa famille et personne n'osa contredire ce projet.
L'Australie n'attendait plus qu'elle.
