Elle le portait dans son sang. Sa noirceur. Ses idées. Elle était fière de son statut, fière de représenter sa noble famille. Les Black. Plus qu'une fierté, être un Black relevait de l'apogée à ses yeux. Ses longs cheveux noirs ondulaient dans son dos tandis qu'elle avançait à travers les couloirs du ministère. Elle ne jouait jamais petit. Bellatrix Black, bientôt Lestrange, ne se satisfaisait pas du moins bon. Il fallait qu'elle excelle. Dans tous les domaines. Et depuis sa toute petite enfance. Elle avait grandi dans les valeurs de grandeur, d'ambition, de noblesse. Elle devait être la meilleure. Petite, elle ne comprenait pas vraiment. Elle avait deux sœurs. Comment pouvait-on leur demander à toutes les trois d'être les meilleures? Elle n'avait pas accepté cette concurrence. Et elle avait joué le rôle de la chef. Cissy, Narcissa de son vrai prénom, la suivait au doigt et à l'œil. Andromeda, c'était plus difficile. Elle était un peu plus âgée. Elle avait d'autres idées. Le point positif, c'était que ses idées n'étaient pas en accord avec celles de leur famille. Ce point là rendait donc Bellatrix incomparable et lui donnait sans aucun doute la première place sur le trône des «meilleurs». Pour ce qui était de l'école, elle avait usé de ses talents, et de beaucoup de travail. Avant même d'entrer à Poudlard, elle s'était procuré les livres de première année, dérobés à sa sœur, et les avaient dévoré. Appris tout ce qu'elle pouvait par cœur, noirci des parchemins entiers, dans l'attente désespérée d'avoir enfin sa baguette magique.
Aujourd'hui, bien sûr, elle jouait dans une toute autre cour. Un sourire froid s'accrocha à ses lèvres. Le défi la rendait fébrile. Elle ne ressentait aucune once de peur. Bien sûr, il l'avait déjà cernée. Et elle le savait.
Le seigneur des ténèbres avait lu en elle comme dans un livre ouvert. Il s'était moqué, légèrement, sans grande conviction apparente, lorsqu'elle s'était présentée devant lui.
· Et que ferais-je d'une femme, peux-tu me le dire? Crois-tu vraiment qu'une femme, comme toi, aies suffisamment de cran pour me rejoindre?
Cela avait entraîné des ricanements idiots. Évidemment, il ne fallait pas en demander trop à certains mangemorts. Elle en avait conscience. Beaucoup d'entre eux suivaient par crainte, par facilité, par lâcheté. Et beaucoup n'avait pas l'ombre d'une lueur d'intelligence dans le crâne. Bellatrix, elle, ne le rejoignait pas par crainte, non. Oh évidemment, elle le craignait, comme tout sorcier normalement constitué. Mais c'était la conviction qui la poussait. Et même au-delà, sans le connaître vraiment, la dévotion. Pure et simple. Elle savait qu'elle valait mieux que les trois quarts de sa garde rapprochée. Le seul qui l'inquiétait, le seul qui pouvait l'amener à être en compétition était Lucius Malefoy. Depuis l'école. Depuis toujours. Ils se suivaient, se combattaient, se défiaient. Il avait évidemment fallut qu'il devienne son futur beau frère. Ainsi, la compétition ne s'arrêtait jamais. L'avantage, c'est que sa présence la poussait à devenir encore meilleure.
Cette ténacité, cette furieuse envie de faire ses preuves, de se battre et de prendre sa place, elle les devaient en grande partie à sa tante, Walburga Black. La définition et l'emblème de la femme forte. La puissance incarnée. Elle faisait trembler ses enfants, et, elle en était presque sûre, son époux. Elle était, dans les yeux de Bellatrix, un modèle de dureté et d'autorité qu'elle avait toujours admiré. Et elle lui avait dit, un jour, lorsqu'elle était chez elle:
· Tu peux TOUT faire, Bella. Ils te diront sans cesse que tu n'es qu'une femme. Tu n'es pas qu'une femme. Tu es une sorcière. Tu es une dure à cuire. Tu leur feras payer, à tous. Je sais que tu leur montreras. Tu leur montreras ce qu'est une sorcière en puissance.
Bellatrix esquissa un large sourire et rejeta ses cheveux en arrière. Elle inspira et entra dans l'ascenseur du milieu. Seule femme au milieu de quatre hommes. Ils la regardaient. Évidemment. Ils l'observaient toujours. Elle avait cette aura naturelle, comme les membres de sa famille. Comme un aimant, qui attire les regards, les envies, dont on veut se rapprocher, être aimé ou apprécié. Les Black aimaient avoir et sentir ce pouvoir. Ils aimaient attirer l'autre. La plupart du temps pour mieux le soumettre, ou l'écraser. Elle faisait partie de cette majorité.
· Bonjour Mademoiselle Black.
· Bonjour Watson.
· Il vous attend dans son bureau, Mademoiselle.
· Merci Watson.
Elle était glaciale, son attitude naturelle, alors que l'homme devant elle se pavanait légèrement et semblait dans l'attente. Trop dans l'attente… Elle esquissa un faux sourire aimable.
· Très bientôt Madame, Watson. Inutile de m'appeler Mademoiselle.
Elle montra sa bague de fiançailles en évidence. Non mais sérieusement ce pauvre type croyait réellement qu'il pouvait avoir une maigre chance? Il rougit et perdit ses moyens.
· Ah… oui. Félicitations, Madame. Félicitations.
· Merci Watson.
L'homme l'accompagna, toujours très gêné et malhabile. Qu'est ce qu'ils pouvaient être niais et puérils. Ça l'agaçait au plus haut point. Il ne cessait de converser, de se pavaner, discourant sur les obligations du ministre, et du directeur du département de la justice magique. C'était une grande chance pour elle qu'il ait accepté de la rencontrer car il était noyé sous le travail et les dossiers. Elle esquissa un sourire.
· C'est très aimable à lui.
· Il ne manquera certainement pas de prendre le temps nécessaire.
Ils étaient arrivés devant la porte. Watson annonça leur arrivée et inclina la tête poliment vers elle.
· Il ne va pas tarder.
· Bien. Merci.
L'homme n'avait pas bougé d'un pouce.
· Souhaitez vous que je vous tienne compagnie?
Elle se surprit à serrer violemment sa baguette entre ses doigts. Cette rage sournoise, qu'elle connaissait très bien, s'empara d'elle. Elle voulait le foudroyer. Instantanément. Qu'avaient donc ces gens à être dégoulinant de gentillesse? Cela l'insupportait! Bellatrix ne gérait pas bien cette haine qui s'emparait d'elle si fréquemment. C'était comme un poison qui s'infiltrait partout et prenait le contrôle de son cerveau.
· Non.
Elle inspira profondément et tenta de reprendre son calme. Il fallait la jouer serrée.
· Merci Watson. C'est aimable à vous. C'est un dossier difficile, j'ai besoin de me retrouver seule avec mes pensées.
L'homme esquissa un sourire et s'inclina.
· Entendu.
Dès qu'il disparut de son champ de vision, elle cracha au sol.
· Espèce de rat d'égout gluant et visqueux, tu me dégoûtes.
Elle ne supportait pas ces gens mielleux, faux de gentillesse et de manières. Surtout de la part des hommes. Que croyaient-ils? Qu'elle avait besoin d'eux pour réussir? Non. Bellatrix n'avait besoin de personne. Ni famille, ni amis. Elle réussirait par elle-même. Tout. Comme toujours. Elle brillerait. De toute façon, elle portait le prénom d'une étoile.
· Madame Black?
· Monsieur Johnson, je vous remercie vivement de me recevoir. Et, me concernant, c'est Mademoiselle Black.
Le sourire n'était plus du tout celui qu'elle avait affiché précédemment. L'attitude s'était faite enjôleuse, avec un léger soupçon de provocation et de séduction. Elle avait prit l'air d'une femme fatale. Et, à la seconde où il posa ses yeux sur elle, Bellatrix savait qu'elle avait gagné. Il réajusta sa cravate, l'air surpris et beaucoup moins confiant. Elle entra lorsqu'il l'y invita.
· Asseyez-vous je vous prie.
Elle se dirigea vers la chaise, faussement incertaine.
· Je ne serai pas longue, Monsieur Johnson, je ne veux pas vous déranger. Je sais que vous êtes très demandé…
· N'ayez crainte. Nous prendrons le temps qu'il faudra.
Il lui sourit et se détourna, contournant le bureau pour se rasseoir dans son fauteuil. Lorsque Johnson releva la tête, une baguette magique était pointée entre ses deux yeux. La femme face à lui ne semblait plus être la même personne. On aurait dit l'âme du diable.
· Vous n'êtes pas très accessible, Johnson. J'ai eu quelques difficultés à me rapprocher de vous.
· Je… je ne comprends pas…
Elle lui adressa un sourire froid comme un iceberg.
· Mmh. Le seigneur des ténèbres a besoin de vous.
L'homme blêmit et déglutit. Les doigts de Bellatrix se firent plus forts sur la baguette. Elle ressentait un sentiment de puissance infini à cet instant. L'adrénaline la parcourait. Elle n'aurait arrêté pour rien au monde. Comme une droguée. Et, pourtant, ce n'était qu'une simple initiation. Une initiation pour obtenir sa marque des ténèbres. Elle se sentait déjà intouchable.
· Et… comment dire? Il n'a pas vraiment apprécié que vous ne répondiez pas à ses invitations…
Comme chaque bureau du ministère, les personnes avec de grandes responsabilités possédaient une cheminée personnelle. Bellatrix esquissa un sourire, toujours froid. D'un simple sortilège, l'homme devint marionnette entre ses doigts. Elle s'approcha et posa ses mains sur son torse.
· Monsieur Johnson.
Sa bouche se colla tout contre son oreille.
· Vous êtes à nous, désormais.
Il acquiesça lentement, tel un pantin incapable de penser par lui-même. Bellatrix sourit, elle lui donna l'adresse et lui ordonna de s'y rendre, ce qu'il fit, sans même se rendre compte de ses agissements. Bellatrix le rejoignit quelques instants plus tard. Ils avaient tous deux atterris dans le manoir du seigneur des ténèbres. Il patientait. Lorsque la jeune femme apparut, un large sourire effrayant prit place sur les lèvres de Lord Voldemort.
· En voilà une belle surprise… Monsieur Johnson sous imperium…
Les rires stupides résonnèrent dans le grand salon. Ses yeux, froids, dénués d'émotions, vinrent s'accrocher aux grands yeux noirs de Bellatrix. Elle s'inclina aussitôt.
· Maître.
· Approche. Bellatrix, c'est bien ça?
· Oui, maître.
Elle avança et il lui saisit le poignet gauche sans la quitter du regard.
· Tu es des nôtres, désormais. Ne me déçoit pas.
Pendant qu'il prononçait ces mots, la marque se mit à brûler violemment sur son poignet. Elle apparut, noire, menaçante, mais n'arracha qu'un simple sourire à la jeune femme. Elle avait brillamment réussi le défi. Elle s'inclina à nouveau et recula, se retrouvant proche de Lucius. Elle échangea un simple regard avec ce dernier.
Puis, ses yeux noirs tombèrent à nouveau dans ceux, injectés de sang, de Lord Voldemort. Bellatrix s'en fit la promesse ce jour-là: Le seigneur des ténèbres n'oublierait jamais plus son prénom.
