Bonjour, bonsoir !

Du JeanXMarco parce que oui, je fais partie de ces fans qui refusent de laisser tomber Marco.

Au programme, du drame, des larmes, des âmes soeurs qui ne se trouvent jamais vraiment, différentes époques mais un même but. J'espère que cette histoire vous plaira, bonne lecture !


CHAPITRE 1 : RECOMMENCEMENT

- Bordel Sasha, laisse lui ton sandwich ! T'en as trois autres !

Jean roula des yeux dans la direction opposée, comme si ne pas voir ce qui se tramait devant lui empêchait cette situation d'exister. Tout le monde fixait les trois amis et s'il y avait bien un sentiment que Jean maîtrisait encore moins que la colère, c'était la honte. Il avait honte, ou plutôt il était affreusement gêné face à Sacha courant après un chien squelettique dans des ruines antiques.

Pompéi était rempli de chiens sans familles et sans maisons qui déambulaient à la recherche d'une caresse ou d'un bout de pain. Dès que Sacha avait posé un pied entre les murs écroulés, elle avait gagné une formidable escorte de plusieurs chiens baveux fixant son sac d'où une délicate odeur sortait. Un sandwich au thon, pour l'iode, un au jambon, pour le bon gras, un végétarien, pour la variété, sans oublier le paquet de chips et la bouteille de thé glacé. C'était censé être une sortie enrichissante, pas un picnic mais Sasha n'avait rien voulu entendre et la voilà désormais à courir après un pauvre chien, Connie sur les talons qui gesticulait ses bras dans tous les sens.

Jean profita de cette pause pour vérifier l'heure et marmonna pour lui-même en enfournant son sandwich dans sa bouche. Leur visite guidée allait démarrer dans dix minutes et les deux surexcités du bocal avaient disparu sans laisser de trace, quoiqu'on pouvait encore entendre les supplications de Sasha qui pleurait après son sandwich au jambon.

Il les vit réapparaître quelques secondes à peine après avoir fini son repas et jeté l'emballage. Connie soutenait Sasha comme si cette dernière allait s'écrouler alors qu'elle s'empiffrait des deux pains garnis qu'il lui restait, les deux en même temps.

- Magnez-vous ça commence dans cinq minutes, lâcha Jean avant de tourner les talons en direction du point de rendez-vous.

Un groupe d'une quinzaine de personnes face à une maison délabrée leur indiqua le lieu exact et ils s'arrêtèrent, attendant que le guide fasse son entrée pour commencer le tour commenté de la ville disparue sous la fureur d'un volcan. La plupart était des couples et des familles essayant de se rafraîchir en secouant leurs casquettes comme des éventails, certains des randonneurs expérimentés avec de grosses chaussures aux pieds. Tous étaient venus passer des vacances sans arrière pensée et ne purent s'empêcher de dévisager les trois amis quand Sasha s'empara d'un appareil photo argentique, semblant par la même occasion oublier sa mésaventure culinaire, Connie et Jean des petits carnets abîmés aux coins cornés.

La visite n'avait rien d'extraordinaire. Le guide leur montra tour à tour les maisons toujours debout, les mosaïques quasiment intactes, le bois conservé des siècles durant grâce à la cendre, les traces des chariots dans les pierres. Quelques amphores ponctuaient le parcours ainsi que des blagues douteuses quand il annonça que l'éruption avait bloqué des gens à jamais dans la dernière posture qu'ils avaient jamais eu.

Autour d'une place quelconque, il leur recommanda d'explorer le lieu où beaucoup de ces corps avaient été laissés à l'air libre pour une meilleure immersion des visiteurs. Sasha ne se fit pas prier et partit avec la ferme intention de tous les prendre en photos. Connie profita de l'occasion pour poser quelques questions supplémentaires au guide et Jean, fidèle à lui-même, râla.

Il adorait l'histoire. Il adorait lire, visiter, se renseigner, apprendre. Il aimait les musées et les ruines. Mais ce qu'il détestait, c'était qu'on laisse des corps pour le divertissement. Oui, c'était une catastrophe incroyable. Oui, ça a marqué l'histoire. Mais ces pauvres gens, ils n'avaient pas le droit au repos ? Encore que ces chanceux n'avaient pas été transférés d'un pays à l'autre comme les momies.

Il marchait au hasard des chemins sinueux entre les maisons tout en lançant des regards distraits aux corps. Est-ce qu'ils avaient vu la catastrophe qui arrivaient sur eux ? Comment certains avaient pu être piégés dans leur sommeil quand derrière leurs fenêtres un peuple entier hurlait et fuyait face à la lave ?

Le jeune homme s'arrêta net quand ses yeux baissés tombèrent sur un de ces pieds fossilisés. Il releva lentement la tête et vit dans son entièreté le corps à demi déchiré d'une personne adossée contre un mur.

Sa tête était abîmée et malgré l'épaisse couche de pierre qui recouvrait ce corps, Jean pouvait deviner qu'elle avait été fracassée avant d'être ensevelie. Son bras gauche en témoignant aussi, la main posée au sol sans effort comme une personne qui dort. Ses jambes étaient raides, ce qui traduisait une position assise inconfortable que personne ne prendrait par choix, encore moins quand des coulées de cendres et de laves menaçaient sa vie.

Jean voulu d'abord s'éloigner, mal à l'aise face à la mort. Mais une pensée traversa son esprit, puis tout un questionnement.

Le jeune homme regarda rapidement autour de lui. La plupart des corps étaient au moins par deux, s'enlaçant et pleurant. Mais lui, ce corps, il était seul. Il était mort seul, et peut-être que personne ne l'avait même remarqué. Après tout, il était dans le coin d'une bâtisse, cachée dans l'ombre de ce qui semblait être une poutre. La poussière s'était accumulée sur la pierre, et une plante commençait timidement à grimper autour de son bras gauche, le seul restant.

Jean s'agenouilla devant ce corps et fixa son visage. La pierre avait reproduit avec insolence quelques traits du mort. Creusée sur son orbite, légèrement retroussé sur son nez, arrondi sur ce qui était son oreille et pourtant si droite et sèche sur le côté droit de ce visage enseveli.

Il avait envie de le toucher. De passer sa main sur la pierre froide. De sentir quelque chose, de rattacher un souvenir tactile sur ce qu'il voyait. C'était interdit, le guide l'avait bien dit.

Mais quelque chose était ensorcelant avec ce corps. Il était assis là, dans l'ombre d'une poutre qui lui avait survécu, seul, probablement mort avant même d'avoir été touché par la colère du Vésuve, et personne ne savait plus son nom. Il était mort en anonyme, sans avoir pu être apeuré ou soulagé. Sa main posée au sol, paume vers le ciel, doigts recroquevillés, il donnait l'impression de ne pas devoir être ici.

Seul. Aucune expression de frayeur. Déjà mort. Il ne devait pas être ici.

Jean fixait cette orbite de pierre, unique et froide. Si longtemps qu'il n'entendait plus les oiseaux chanter et le vent battre les pierres. Si longtemps qu'il ne percevait bientôt plus ce qui était autour de lui, tout n'était qu'un flou poussiéreux. Si longtemps qu'il ne réalisa même pas qu'une larme coulait sur sa joue, seule et silencieuse.

- Il est là !

La voix railleuse de Connie le sortit de ce qui semblait être un long rêve et il essuya d'un revers de main cette larme dont il n'avait toujours pas pris conscience.

- Oui je suis là, pas besoin de gueuler.

- Ça fait au moins dix minutes qu'on te cherche partout ! Le groupe doit repartir, qu'est-ce que tu foutais !

Jean fixa Connie et souffla du nez en haussant les épaules. Qu'est-ce qu'il foutait ? Il avait pris en pitié un corps mort voilà des années, voilà ce qu'il faisait. Il ignore le regard noir de son ami et le suivi jusqu'à la place, ignora le guide qui lui demanda ce qu'il avait trouvé de si intéressant et passa le reste de la visite à mollement poser un pied devant l'autre, sans prêter attention à ce qu'il voyait ou entendait.

Il pensait à ce corps, seul et froid, sous l'ombre d'une poutre, que personne n'avait jamais voulu remarquer.

oOo

Sous la nuit, la ville était encore plus belle. Les lumières des immeubles ici et là permettaient de deviner sa silhouette, comme une ombre derrière une vitre embuée. Le calme avait remplacé l'agitation des touristes qui s'étaient terrés dans les restaurants et les hôtels, laissant la rue aux habitants qui prenaient une dernière gorgée de café dans la fraîcheur nocturne.

Jean observait ce monde s'endormir paisiblement par la fenêtre de sa chambre d'hôtel, à moitié aveuglé par les reflets de lumière du lustre de la petite pièce. Ses pensées fusaient depuis plusieurs heures et ce calme ambiant le soulageait, comme s'il retirait une des pressions que subissait sa pauvre tête.

Pour Connie et Sasha, il les ignorait. Toute la soirée il n'avait fait que grogner en guise de réponse, laissant même le serveur poireauter droit comme un piquet à côté de lui et prétextant ne pas l'avoir entendu demander ce qu'il voulait et que, de toute façon, il ne voulait rien. Il avait laissé Sasha lui piquer son dessert, il avait répondu oui à Connie qui lui demandait si le programme du lendemain lui convenait. La seule chose qui les retenaient de s'énerver sur lui, c'était ses yeux humides, ses deux prunelles imbibées d'eau que ses cils retenaient tant bien que mal.

- Tu peux nous dire si ça va pas. Même si c'est pour pas grand chose ! Tenta une nouvelle fois Sasha, mais sa sollicitude n'eut comme réponse qu'un faible gémissement presque inaudible.

Connie se leva d'un bond et se planta entre Jean et la fenêtre. Ce dernier réalisa ce qui venait de se passer avec un wagon de retard et cligna brusquement des yeux en se reculant, comme s'il venait enfin de sortir de sa torpeur.

- Mais je vais bien merde !

- Ah oui ? Tu chiales à moitié, tu laisses Sasha te piquer ta bouffe, tu nous ignores et tu marmonnes des trucs incompréhensibles !

- Ne t'avise pas de soupirer ! Beuglas Sasha en voyant que Jean prenait une grande inspiration.

- D'accord. Je ne soupire pas. Mais je vais bien !

- Tu parles, t'as rien écrit dans ton carnet !

Connie agitait le carnet abîmé de Jean devant ses yeux et ce dernier eut une fois encore l'impression qu'on le sortait d'un rêve qui durait depuis bien trop longtemps. Sa tête était cotonneuse et sa bouche si sèche qu'il se demandait si sa langue n'était pas devenue aussi râpeuse que celle d'un chat.

- Qu'est-ce que tu racontes, j'ai écris toute la visite, souffla-t-il en prenant son carnet et en l'ouvrant, faisant défiler les pages jusqu'à la date du jour. Tu vois j'ai …

Des pages blanches, ou plutôt jaunies par le temps et le soleil. Quelques tâches d'encres et de sueurs, la marque de ses doigts dans le crayon et quelques plis parsemés. Aucun mot, encore moins de phrase. La dernière qu'il avait écrite rapportait les paroles du guide sur cette petite place quelconque.

- Jean, qu'est-ce que tu as vu là-bas ? Demanda Sasha, bien plus patiente que Connie qui se serait volontiers arraché les cheveux s'il en avait sur la tête.

- Juste un corps, avoua enfin le jeune homme. Tout seul derrière une poutre.

- Et ça t'a autant marqué ? Bordel on était entouré de corps !

- J'avais pas remarqué, ironisa Jean en ignorant le regard noir de Connie.

- Il était abîmé ? Questionna Sasha en s'asseyant aux côtés de Jean.

- Non. Enfin il manquait une partie de son visage et son corps mais ce n'était pas à vif, y avait rien de traumatisant.

- Alors quoi ?

Jean marqua une pause. Alors quoi ?

Alors rien. C'était un corps, un cadavre historique comme il en avait déjà vu des centaines. Mais celui-là, il l'avait ému. Il l'avait rendu triste, aussi triste que quand il s'était rendu sur la tombe de son oncle. Ce jour-là il pensait simplement déposer une fleur en souvenir mais il avait été surpris par une tristesse immense et un flot de larmes incessantes. Et devant ce corps inconnu, c'était presque cette même émotion qu'il avait ressenti, quoiqu'encore plus forte.

- Alors ça m'a déprimé c'est tout. Je suis crevé.

Jean posa son carnet sur la petite table de chevet et se décida enfin à passer sous sa couette. Sasha lui ébouriffa les cheveux d'un geste amical et sauta dans son lit, laissant à Connie le soin d'éteindre la lumière.

Voilà. Il était fatigué, il avait eu chaud pendant la visite et il avait dû penser inconsciemment à quelque chose de triste, ça arrive. En tout cas, Jean s'en persuada jusqu'à ce qu'il tombe dans les bras de Morphée.

Mais même les yeux fermés, il ressentait cette tristesse immense, ce vide, et cette impression d'avoir déjà pleuré cet inconnu assis sous la poutre.


Ça prend du temps de se rappeler une vie antérieure, encore plus de l'admettre. Mais ne vous inquiétez pas, ça fait partie des choses que vous verrez avant Jean !

N'hésitez pas à laisser une petite review avec votre avis, qu'il soit sur ce chapitre, une remarque ou une théorie !

Bisouuuus

Drakenkat