Prompt n°17 de la Bibliothèque de fictions (avril 2021) : "Je t'ai toujours traité en adulte!" "Oui, même quand j'étais un putain de gamin!"
Mon passé est ton présent
« Je t'ai toujours traité en adulte !
- Oui, même quand j'étais un putain de gamin !
- Et comment exactement espérais-tu que j'agisse ?! »
Des années étaient passées, et cela faisait toujours aussi mal.
Comment exactement espérais-tu que j'agisse ?
Comme un père ?
Un type normal, ou aussi normal que pouvait l'être un génie milliardaire, qui possédait la plus grande industrie d'armes du pays. Un génie qui avait fait la guerre, auprès des plus grands esprits de son temps, du plus grand héros de son temps.
Juste … Une fois… Une simple fois …
Tony secoua la tête, avant de reprendre une gorgée de son whisky.
Face à lui, la pluie tombait à flot, roulant en énormes gouttes incontrôlables contre la vitre de sa tour.
New York, ventre énorme de l'Amérique, lui faisait face, moqueuse et distante.
C'était de nouveau cette période de l'année.
Tony soupira, fermant les yeux.
N'y avait-il rien qu'il pouvait faire, pour oublier ?
Aussi brillant était-il, même lui ne pouvait fuir son passé.
Et pourtant, il avait tenté.
Dieu sait combien il avait tenté.
L'alcool, les femmes, la drogue, même, à une période. Les excès, la rage, les accidents, et presque la prison, plusieurs fois.
Mais rien n'avait fonctionné.
Une fois l'ivresse du moment retombée, Tony se souviendrait.
Alors il s'était perdu dans son travail, corps et âme, tentant de lui faire honneur, leur faire honneur, poursuivre son travail, son rêve, son utopie.
Cela aussi n'avait pas fonctionné.
Tony avait échoué.
Un grognement rageur lui échappa, et il leva la main, prêt à écraser son verre contre la vitre lui faisant face.
Une main jaillit de nulle part, immobilisant la sienne.
Clignant des yeux, le milliardaire tourna la tête, découvrant le regard bleu de Steve.
Le blond le fixait, son habituel t-shirt blanc accompagné d'un pantalon sobre.
Merde.
De toutes les personnes qu'il n'avait pas envie de voir aujourd'hui..
-Natasha a mentionné que ce jour était compliqué pour toi, murmura doucement le Capitaine. Elle m'a conseillé de rester éloigné, mais j'ai pensé.. Peut-être..
Bien sûr.
Cap, et ses bons sentiments.
Tony roula des yeux, et retira sa main, avant de finir son verre d'un geste sec.
-Pour une fois, elle avait raison. Je ne suis pas d'humeur, Cap', désolé.
Le silence retomba, lourd, oppressant.
-Tu ne vas vraiment pas partir, hein ? grommela-t-il en constatant que le blond demeurait à ses côtés, immobile.
Steve haussa les épaules, avant de fixer à son tour la pluie.
-Je n'ai pas pour habitude de laisser seuls mes amis, murmura-t-il.
Tony sentit quelque chose se tordre à l'intérieur de son torse.
-Le sommes-nous ? Amis ? interrogea-t-il brusquement, en se tournant vers lui, son regard intense.
Steve haussa un sourcil, le fixant.
-Est-ce vraiment un point à débattre ?
-Peut-être. Surement pas. Je ne sais pas, grogna-t-il en lui tournant le dos, son humeur s'assombrissant d'instant en instant.
-Tony, murmura doucement l'autre homme, en posant sa main sur son épaule, le faisant tressaillir. Quoi que ce soit qui te torture ainsi.. Ne le laisse pas te détruire.
L'intéressé laissa s'échapper un son à mi-chemin entre le rire et les pleurs.
-C'est un peu trop tard pour cela, Cap.
-Steve, le rectifia ce dernier, sa voix gentille mais ferme. C'est Steve. Et ce n'est jamais trop tard.
-C'est ce que tu lui as dit aussi ? ne put-il s'empêcher de demander, incapable comme toujours de se contenir, sa voix déliée par l'alcool. C'est ce que tu lui disais, quand vous partiez vous battre ?
Merde. Merde merde merde. Putain d'alcool ! Lui et sa grande gueule ! Incapable de se taire pour sauver sa propre vie, tiens, l'Afghanistan ne lui avait donc rien appris …
L'expression du blond se figea, avant qu'un intense chagrin n'apparaisse sur son visage.
Gagné.
Et en plus, il le blessait.
Ce n'était pas sa faute, si le voir lui rappelait Howard. Ce n'était pas la faute du Capitaine, si son salopard de père l'avait ignoré toute sa vie pour tenter de retrouver son meilleur ami.
Ce n'était pas la faute de Steve, si le voir réveillait les souvenirs de son abandon, et toutes ces nuits passées à rêver, que son père reviendrait.
Mais c'était tellement plus simple, de le blâmer lui plutôt que ce dernier.
S'en prendre aux vivants, plutôt qu'aux morts.
-Oh, Tony..
Tellement de tristesse, et de compassion dans son regard. Tellement de gentillesse, et de compréhension.
Il ne les méritait pas.
S'il existait bien une personne au monde qui ne méritait pas l'amitié de Captain America..
-C'est aujourd'hui ? murmura doucement celui-ci, en posant sa main sur son bras. Je suis désolé, je ne savais pas..
Tony haussa les épaules, son regard vide d'émotion alors qu'il fixait l'extérieur de la tour.
-Tu ne devrais pas.. Steve soupira, avant de presser son bras. Veux-tu partager un verre avec moi ? demanda-t-il, sa voix emplie de délicatesse.
L'autre homme soupira, et secoua la tête.
-Sans offense, Cap, mais tu es le dernier que j'ai envie de voir aujourd'hui.
-Moi, ou Nat, ou Pepper, ou n'importe qui, répliqua celui-ci, sa voix emplie de certitude lorsqu'il le tourna vers lui. Tout, plutôt qu'être seul.
Seul, le jour de l'anniversaire de la mort de ses parents. Seigneur, Steve n'en avait aucune idée.
Mais, oh, il comprenait.
Lui aussi avait tant perdu.
Penser mourir, et se réveiller propulsé dans le futur.
Steve connaissait la perte, et le deuil. Le chagrin, et la rage. L'impuissance, et le désespoir.
Steve connaissait tout cela, et tellement plus.
Pendant un instant, la douleur de la perte d'Howard lui brula la gorge.
Que lui était-il arrivé ? Il n'en avait aucune idée. Mais à l'expression de Tony, il n'eut aucun mal à deviner, que tout ne s'était pas bien passé.
Ce dernier roula des yeux, et renifla, le fixant de son regard embué.
-Romanoff ? Même pas en rêve. Je ne fais pas confiance aux araignées. Pepper ? Elle va me défoncer. Juste ... Fous-moi la paix, grogna-t-il, en tentant de passer.
Steve l'immobilisa sans difficulté, sa main ferme mais gentille sur son torse. Tony le fusilla du regard, et siffla, mais tout ce qu'il réussit à faire fut de s'effondrer, immédiatement réceptionné par le soldat.
-Jarvis ? Pourriez-vous joindre Miss Potts, et lui demander de nous rejoindre dans les appartements de Tony, s'il vous plait ?
-Certainement, capitaine. Désirez-vous que je prépare de l'aspirine pour Monsieur Stark ?
-De l'aspirine, et beaucoup d'eau.. Il en aura bien besoin, soupira Steve avant de soulever le brun inconscient, le plaçant sans difficulté sur son épaule, comme l'aurait fait un pompier.
Se tournant, il se dirigea à grands pas vers les appartements de celui-ci, veillant à ne croiser aucun autre membre du groupe.
Si Tony pensait que quelqu'un d'autre l'avait aperçu dans cet état..
Avec délicatesse, il le posa sur son lit, avant de s'assoir à coté de lui, se mordant la lèvre.
Certains jours, il pensait tout connaitre de Stark.
D'autres fois, comme aujourd'hui, il réalisait à quel point ils étaient étrangers.
Qu'avait dit Natasha ? « Stark est hanté par les démons de son passé. Et ils ne sont pas beaux, Steve, crois-moi. Ils ne sont pas beaux ».
Peut-être, était-il temps qu'il passe derrière les apparences. Peut-être, surement, avait-il eu tort de jauger Tony par rapport à son père. S'appuyer sur le passé, plutôt que la présente vérité.
Tony n'était pas son père.
Howard n'était pas Tony.
Howard était décédé.
Et bien que cela le peinait de l'admettre, il semblait que son ami n'avait pas été le meilleur des parents.
Steve soupira, et secoua de nouveau la tête, fixant sans un mot le visage épuisé de Tony, si proche de celui d'Howard.
Tant de choses qu'il ignorait. Tant de questions à poser.
Pepper. Pepper aurait des réponses à lui apporter. Elle en avait toujours. S'il existait bien une personne qui pourrait l'aider à comprendre l'homme se trouvant en cet instant face à lui, ce serait elle.
Il l'interrogerait.
Damn.
Pourquoi est-ce que tout était toujours si compliqué avec Stark ?
Si proche, et si différent à la fois de son père.
Tel père, tel fils, affirmait le proverbe.
Dans le cas de ce duo-ci, Steve n'était pas certain jusqu'à quel point la comparaison était correcte.
