Astre avait toujours vécu dans l'ombre de son frère.

Ciel et Astre étaient nés à quelques minutes d'intervalle à peine, et pourtant, ils étaient clairement différents. Ciel était l'ainé, c'était un garçon extraverti, gentil, intelligent et aimé de tous. Il avait le physique d'un petit chérubin de dix ans tout en ayant ce petit air espiègle propre aux enfants de son âge. En temps qu'ainé d'une prestigieuse famille noble d'Angleterre, c'était lui le seul et unique héritier de tous les biens familiaux, des titres jusqu'aux propriétés. Toute sa vie était déjà tracée pour lui, il avait même une fiancée.

Astre lui n'avait aucun avenir. Il n'était même pas sûr de vivre assez longtemps pour en avoir un.

Malgré qu'il ait exactement le même physique que son frère, il était bien différent. Astre était un garçon malade, atteint d'asthme dont les crises pouvaient être très violentes. De nature timide, il ne sortait presque jamais de la demeure familiale. Il était un garçon craintif et renfermé sans la moindre confiance en lui. Il vivait constamment dans l'ombre de son frère auquel il vouait une admiration sans faille. Son grand frère était fort, aimable et courageux, tandis que lui était peureux, renfermé et faible. Personne ne faisait jamais attention à lui. Il était le frère de Ciel Phantomhive. Ça n'allait souvent pas plus loin.

Du moins jusqu'à ce fameux jour de juillet 1990.

Ce jour-là un hibou vint se poser près de la demeure des Phantomhive et tapa à la fenêtre de la chambre des garçons. Les deux enfants de dix ans se roulèrent dans leurs draps et grommelèrent.

_Hum… Ciel… va voir ce que c'est…

_Non… toi tu es le plus proche de la fenêtre…

Astre se leva d'un air bougon et alla ouvrir les rideaux pour y découvrir un hibou brun aux yeux perçant. Il sursauta en criant et recula.

Ciel sursauta aussi en voyant son frère mais il se mit à rire doucement.

_Voyons ce n'est qu'un simple hibou ! et il a un objet dans la bouche…

Ciel ouvrit la fenêtre et prit la lettre que le hibou tenait dans son bec tandis que son frère se cachait sous ses couvertures.

_Qu'est-ce que c'est Ciel ?

Le jeune garçon ouvrit la lettre pendant que l'oiseau nocturne s'envolait. Ciel semblait un peu dérouté.

_C'est une lettre… Et… elle est pour toi.

_Pour nous ? demanda Astre surpris

_Non. Juste pour toi Astre. Il n'y a que ton nom sur la lettre.

Astre fut un peu anxieux.

_Hein ?... Non, ce… ce n'est pas possible…

Ciel lui tendit la lettre.

_Lis donc, c'est vraiment très étrange…

Astre prit la lettre et la lit.

_« COLLEGE POUDLARD, ECOLE DE SORCELLERIE » Une… école de sorcellerie ?! « Directeur : Albus Dumbledore. Cher Mr Phantomhive, nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficiez d'ores et déjà d'une inscription au collège Poudlard. Vous trouverez ci-joint la liste des ouvrages et équipements nécessaires au bon déroulement de votre scolarité. »… C'est une blague ?! « la rentrée étant fixée au 1er septembre, nous attendons votre hibou le 31 juillet au plus tard »

_C'est juste un canular Astre. C'est certain. Une école de sorcellerie, c'est inconcevable !

Mais Astre n'était pas aussi catégorique que son frère. Malgré la maladie qui le rongeait il avait parfois l'impression d'être capable de choses… ne pouvant être expliqués par la science. Ce n'était que de simples impressions, mais… il avait déjà réussi à déplacer une pièce d'un échiquier par la seule force de la pensée. Parfois il arrivait à tourner les pages d'un livre comme si il lui obéissait et il pouvait même allumer une bougie sans la toucher. Et une seule personne dans la grande demeure l'avait vu faire…

_Il faut que je parle à Grand Pa…

_Pourquoi ?

Astre refusait de parler. Il avait toujours gardé ça secret. Il ne voulait en parler à personne même à Ciel. Seul Tanaka, le vieux majordome savait. Il avait fait la promesse de ne jamais en parler à quiconque mais cette lettre prouvait le contraire…

_Ciel… Et si… et si ce n'était pas un canular ? et si… j'étais vraiment un… un magicien ou un sorcier ?

Mais la seule réponse de son frère fut un rire tonitruent.

_Allons tu plaisantes ? ça n'existe pas les sorciers, il ne s'agit que de vulgaires charlatans ou des prestidigitateurs ! la magie n'existe pas Astre tu sais bien.

Astre baissa le regard.

_Tu as raison… c'est stupide.

Ciel fit un grand sourire.

_Allez, donne-moi ça !

Il attrapa la lettre entre les mains de son petit frère et s'enfuit avec. Astre, légèrement paniqué, tendit la main vers son frère.

_Non ! Ciel rend-la moi !

Ciel ricana tout en sortant de la chambre.

_Alors attrape-moi si tu peux !

Astre se leva du lit et tenta de courir mais sa respiration était courte et il n'arrivait pas à aligner un pas devant l'autre, s'essoufflant au bout de quelques foulées.

_Ciel… Rend-moi ma lettre !

Mais le plus âgé continua de courir dans le couloir en rigolant.

_Alors viens la chercher !

_DONNE LA MOI !

Astre tendit le bras et serra les dents, alors que la lettre s'arracha d'elle-même aux mains de Ciel pour venir directement dans celle du cadet.

Alors qu'il gardait la lettre serrait dans sa main, Astre resta figé, n'osant plus bouger.

_ce… ça doit être le vent…

L'expression de Ciel s'assombrit alors que son regard restait caché sous sa frange. Il s'approcha de son frère.

_Donne-la-moi.

Astre serra la lettre contre son cœur.

_M-Mais…

Ciel fit un grand sourire.

_Donne-la-moi. Après tout, c'était le vent, non ? Et c'est qu'un canular stupide.

Il regarda fixement son petit frère, puis éclata de rire.

_Allons ne fais pas l'idiot Astre ! tu peux me faire confiance.

Le petit garçon hésita, serrant la lettre fort contre lui. Il donna finalement la lettre à son frère qui s'empressa de la déchirer.

_Ciel qu'est-ce que tu fais ?!

Astre essaya de récupérer les bouts de la lettre mais ils étaient en mille morceaux.

_Tu ne comptais pas y aller de toute manière, n'est-ce pas ? Après tout tu es déjà inscrit au Weston College.

Astre baissa la tête.

_N-Non bien sûr… J'irai à Weston l'an prochain après tout…

Ciel sourit.

_Bien ! allez viens, allons déjeuner !

L'ainé tendit la main à son cadet avec un grand sourire enjôleur. Astre la saisit, quelque peu distrait, laissant les bouts de parchemin déchiré sur le sol. Et alors qu'ils s'éloignaient tout deux, Astre regarda en arrière et vit le papier sur le sol se réparer de lui-même.