Note d'auteur.
HELLO AGAIN
Me revoilà avec une autre petite histoire Erejean, la première que j'ai écrite en vérité ! Ma foi pourquoi pas j'ai envie de dire, même si les persos sont surement OOC, dû à l'UA (enfin bon, qui a envie d'écrire Eren comme... Eren ? Personne) Comme je l'ai déjà dit j'adore ce ship et franchement c'est trop bizarre que ça me revienne comme ça après des années, surtout que SNK c'est loin d'être genre un coup de coeur pour moi : j'aimais beaucoup au début, mais je ne sais pas si c'est la hype autour ou simplement moi qui me suis lassée, mais la vie est la vie et finalement j'ai même pas encore regardé la saison 4
Et j'écris du Erejean
Et voilà
Incroyable
BON !
Ce jour-là est le jour 5 : Florist x Tattoo artist ! (whaou, vous avez dit cliché ? ouais tout à fait)
Comme d'habitude avec moi, c'est du gros fluff super con et un Jean qui a décidé de s'inventer une vie et d'en inventer une aux autres aussi tout en bavant largement devant un bad boy à deux balles
La vie est cruelle
Du coup, je vous souhaite une bonne lecture !
ET GROS BISOUS à TOI NEIL I LOVE YOU ! MERCI !
(le titre vient bien évidemment des back street boys)
AIN'T NOTHING BUT A HEARTACHE
La fille est vraiment magnifique.
Il n'y a rien à redire : des cheveux noirs coupés au carré qui ont l'air aussi soyeux que s'ils brillaient au soleil (alors que franchement, le vieil éclairage de la boutique de Jean ne rend aucun cheveu comme ça), des yeux sombres, une peau de perle, et des sourcils fins. Jean serait sûrement tombé amoureux d'elle immédiatement, s'ils s'étaient rencontrés plus jeunes. Maintenant, il est psychologiquement trop occupé pour laisser son cœur faire n'importe quoi, et il s'est découvert un penchant plutôt majoritaire pour les torses plats et les voix un peu plus rauques pendant ses années de fac.
Alors oui, cette fille est vraiment magnifique. Malheureusement, elle fixe Jean comme si sans le savoir il a insulté sa famille sous sept générations en lui tendant un bouquet de lys (un bouquet qu'elle a demandé d'une voix presque en colère). Le règlement de la facture est rapide, sans fioriture, et finalement quand la fille part enfin, Jean ne peut que se sentir soulagé de voir sa porte se refermer.
Il soupire, débarrasse le comptoir des quelques papiers d'emballage découpés qu'il vient d'utiliser, et se tourne pour commencer à vérifier les livraisons qu'il devra faire avant d'enfin fermer la boutique. Sur son livre de compte et de rendez-vous, il remarque qu'on est jeudi, et ne peut s'empêcher de se mordre la lèvre.
Dans son dos, la clochette au-dessus de sa porte retentit et il se fige, priant mentalement pour que la fille terrifiante n'ait pas oublié quelque chose.
Mais son regard croise celui de Marco, et Jean se laisse presque tomber sur son tabouret.
— Putain, souffle-t-il.
— Moi aussi je suis ravi de te voir, Jean. Content que le sentiment soit mutuel.
Son ami s'avance dans la pièce, renifle un peu les roses en passant (comme toujours), et vient finalement s'arrêter devant le comptoir. Son sourire amusé prouve à Jean qu'il n'a apparemment pas prévu de lui laisser le contrôle de la radio, comme toujours. Depuis que sa voiture a décidé de le lâcher en faisant en sorte que les réparations lui coûtent plus cher que le prix de ce tas de ferrailles qu'il aimait pourtant, Marco le conduit tous les deux jours pour sa tournée : des particuliers parfois, et quelques entreprises et commerces qui trouvent qu'avoir un rayon avec quelques fleurs ou encore des plantes vertes fraîches dans des couloirs vaut tout l'argent qu'ils offrent à Jean.
Il ne s'en plaint pas, grand bien leur fasse.
— Alors, tu lui as dit quoi à la fille qui vient de sortir ?
— Je lui ai rien dit, du tout.
— Sérieux ? Parce qu'elle avait l'air tellement vénère que j'ai cru qu'elle avait foutre un coup de pied dans ma voiture en passant.
Jean hausse les épaules : il n'a jamais vu cette fille, et il lui a presque donné les plus beaux lys du magasin. Presque, car il garde toujours les plus belles à l'arrière, pour le vendredi.
— T'es prêt ?
— Ouais, juste un dernier truc à emballer parce que le gars m'a appelé à cinq minutes de la limite de la fin des commandes.
Marco lui tape l'épaule, comme pour lui dire « ta vie est si dure, Jean, je compatis ». Ce qui est un mensonge, bien sûr, car Marco ne compatit avec rien ni personne : l'innocence sur le visage, et une tendance à rire dans le dos de Jean avec un air diabolique.
Quand il a enfin terminé, que la voiture est chargée, que la boutique est fermée, Jean jette un coup d'œil au salon de tatouage, juste à côté. Une devanture assez sombre avec au-delà de la vitre une boule à facette qui tourne plus ou moins toute la journée sans raison. Son regard s'attarde un peu.
Marco lui demande, en mettant en route le moteur :
— Tu fais quelque chose, demain soir ?
— Oui.
— C'est faux, je le sais, et tu le sais aussi.
— Pourquoi tu demandes, alors ? Viens-en au fait.
— Ymir organise un apéritif dînatoire.
Jean tourne vers lui un regard ahuri.
— C'est... un nom de code, n'est-ce pas ?
— Bien sûr que c'est un nom de code. Elle a décidé que ça faisait plus adulte d'appeler ça comme ça. Elle a aussi dit que dans l'idée, c'est la même chose : des petits fours et de l'alcool.
— Ouais, fin y'a souvent plus d'alcool que de petits fours. Et dans les apéritifs dînatoires, personne finit bourré sur le toit, dans la rue, dans les toilettes, ou peu importe.
— C'est ce que je lui ai dit. Plus ou moins.
— Et elle t'a répondu... ?
— Que c'était le début de la soirée qui comptait, et qu'après 20h c'était plus vraiment son problème.
Jean renifle, amusé. Rien n'est jamais le problème d'Ymir, de toute façon, à part le bien-être de Christa.
— Allez, je vais être en retard.
— T'es sûr ? Tu veux pas fixer encore un peu la devanture du tatoueur sans rien faire comme un gros trouillard ? On peut rester quelques secondes de plus, hein, ça changera rien.
Jean le fusille du regard, et si en général ça marche à peu près avec les autres (enfin, ils comprennent l'idée générale, ça ne veut pas dire qu'ils sont impressionnés) avec Marco ça produit toujours la même chose : un sourire amusé.
— Je te déteste.
— Mais oui, c'est ça.
Finalement, il se met en route.
Jean n'est pas le genre de mec à regarder une horloge toutes les deux secondes.
C'est vrai : il a d'abord des principes et ensuite un tant soit peu d'amour propre. Il a refusé de fermer la boutique plus tôt quand Marco le lui a demandé (enfin, demander en connaissant parfaitement la réponse n'est pas vraiment ce qu'on appelle demander, mais l'idée est là), et la raison ne regarde que lui.
Lui, sa conscience, et sa volonté de faire l'aveugle pendant encore quelque temps.
Donc, quand à 19h02 Eren Jaeger passe la porte de sa boutique, Jean fait tout ce qu'il peut pour avoir l'air décontracté. Il écrit dans son carnet (lire : repasser sur les lettres pour faire genre) et lève la tête d'un air innocent quand Eren se poste devant le comptoir en disant :
— Oh, Jaeger. Je t'avais pu.
Ah-ah-ah, fait sa conscience comme une traîtresse alors qu'Eren sourit. Et l'innocence de Jean flanche un tout petit peu parce qu'Eren est là, qu'il sourit, que sa peau est bronzée et que ses yeux sont bien trop grands et trop clairs et qu'il n'est absolument pas canon. Genre, pas du tout.
— Ça va ?
Jean voudrait bien l'ignorer, pour son ego, mais il se sent heureux d'entendre cette question alors il répond rapidement :
— Une journée calme, rien d'incroyable. Toi ?
— Matinée vide, et après-midi bondée.
Jean maudit le temps aussi, car si le soleil n'était pas aussi sympa aujourd'hui, Eren n'aurait sûrement pas besoin de mettre ce t-shirt noir qui colle à sa peau, à ses épaules, à son ventre. Jean voit trop de tatouages pour garder l'esprit sain, et bien trop de formes qui sont visibles à chaque respiration.
Ce tatoueur ne s'est-il dont jamais fait arrêter pour exhibitionnisme avec ce t-shirt ? Jean est presque certain qu'en plissant un peu les yeux, il peut voir la forme de son téton (ce qu'il ne fait pas, parce que c'est bizarre et que : pourquoi voudrait-il voir ça ? N'importe quoi).
Il se reprend, car Eren croise son regard.
— Mais bon, dit-il, ça va en fait : ma sœur est rentrée avant-hier d'un voyage à l'étranger. Ça fait du bien d'avoir de la compagnie.
— Oh, alors t'as une sœur ?
Il n'est pas heureux d'apprendre le moindre détail. Et il ne fait pas des comptes tous les jours comme « je sais qu'il adore les fleurs, qu'il aime les gros chiens, qu'il court tous les matins, qu'il a un diplôme de lettres dont il ne s'est visiblement pas servi, qu'il y a un gringalet blond qui entre et qui sort de la boutique comme dans un moulin, et qu'il sourit beaucoup trop comme un optimiste insupportable et adorable et terriblement canon ». Enfin, la dernière partie n'arrive qu'un jour sur deux, quand il arrive à se contrôler. Son amour-propre est fragile, alors Jean ne veut pas avoir à supporter une déception trop importante.
— Une demi-sœur, en fait.
— Cool.
Il ne sait pas si c'est cool, mais il ne peut pas juste hocher la tête avec une expression débile.
Finalement, quand le regard d'Eren se fait un peu trop insistant (presque comme s'il attendait que Jean dise quelque chose, ce qui ne va pas arriver parce qu'il a épuisé son quota de courage pour la journée) il se racle la gorge et s'exclame un peu trop fort :
— Bon ! Je vais te chercher celles que j'ai gardées. Celles-là resteront fraîches plus longtemps, et je t'assure que leur odeur est la meilleure chose que tu pourras sentir.
Jean se détourne pour aller chercher le bouquet déjà prêt, et en profite pour respirer un peu. Quand il revient, Eren se balance légèrement sur ses grosses chaussures noires à la semelle épaisse, les mains dans les poches, et lui offre un sourire.
— « Que tu as gardé » ?
Un sourcil se hausse, et la bouche de Jean manque de tomber par terre. Parce que c'est injuste car il tombe à chaque fois dans le panneau : il oublie qu'Eren Jaeger est un petit chieur qui veut sa mort pendant les quelques premières secondes, juste parce qu'il est canon et sympa un instant.
Et malheureusement le rictus, la voix amusée, et les cheveux décoiffés, ça ne gâche rien.
— Je... personne n'en a voulu, en fait. Depuis la livraison, personne n'est venu pour des lys. Je te refourgue les invendus.
— Ah, vraiment ? Je pensais que le mot « garder » signifiait...
— Tu pensais mal, Jaeger.
S'il sait son nom, c'est simplement que le deuxième vendredi où Eren est venu récupérer des fleurs (pour sa copine, sûrement, c'est ce que Jean a supposé au bout de la quatrième fois) il lui a tendu sa main en se présentant : « Au fait, je suis le tatoueur juste à côté. Eren Jaeger, ravi de te rencontrer. Je crois que je vais passer souvent ici, maintenant ».
Et Jean n'a jamais autant remercié Dieu, qui lui a donné la chance de ne pas rougir facilement, que ce jour-là.
— Je vois, dit finalement Eren et son sourire est encore plus grand.
Comme d'habitude, il sort sa carte bleue et attend le « bip » habituel. Quand c'est fait, Jean essaye vraiment de ne pas entendre la suite habituellement, celle qu'il lui donne à chaque fois.
Mais sa poitrine se soulève agréablement quand Eren tourne les talons en disant :
— Bon week-end, Jean !
Eren Jaeger est un sale petit con.
Ce n'est pas un connard fini : il aide les petites grands-mères dans la rue, sourit à à peu près tout le monde, et souhaite toujours un bon week-end à Jean en repartant, même si une fois sur deux Jean le jette presque dehors. Mais à côté, il dit aussi des choses comme : « Oh, Jean, tu as l'air tellement ravi de me voir » ou encore « Tes cheveux sont un peu secs aujourd'hui, tu veux la marque de mon après-shampoing ? » ou bien encore « J'ai l'impression qu'il y a jamais personne ici, je suis ton seul client ou quoi ? ».
Eren Jaeger est un mec tatoué de partout, à la peau bronzée, qui vient toutes les semaines pour lui acheter des lys. Et Jean n'a pas le droit d'être plus ou moins attiré par lui, parce que son rictus est irritant et insupportable et qu'il sent le monoï même en hiver ce qui veut dire qu'il est presque un foutu hipster. Et qu'il a forcément une copine, à qui il achète des fleurs.
Alors Jean attend sagement que le temps passe, sans se faire de faux espoirs.
— Bien le bonjour, Jean !
— Je t'en supplie, ne crie pas.
Dans l'encadrement de la porte, alors que la clochette vient de retentir, Eren hausse un sourcil avant de s'avancer. Il a mis un short, cette fois, un vieux bermuda uni de mec qui fait du camping, et Jean trouve ça injuste que ça lui aille bien.
Il pose ses doigts sur ses tempes, et baisse les yeux sur le comptoir devant lui. Il n'a même pas le courage de nettoyer les quelques morceaux de tiges coupées qui traînent. Sa journée a été longue, beaucoup trop longue, et il a au moins maudit Marco onze fois rien que dans le courant de la matinée. Marco, et cette fille blonde mal lunée qu'Ymir a invitée, et qui apparemment sait avaler des shots comme personne.
Et bien sûr, personne n'a prévenu Jean avant qu'il ne lui propose un concours, et termine dans les chiottes à trois heures du matin.
Eren est devant lui, tout à coup. Avec son grand sourire à la con et des cheveux décoiffés.
— Mauvaise journée ?
— Mauvaise nuit.
— Oh.
Et ce n'est pas un « oh » sec mais plutôt un « oooh » avec des sourcils qui remuent. Jean essaye de l'ignorer, alors il descend le reste de son verre d'eau, qu'il a rempli toute la journée pour remplacer tout l'alcool qu'il a avalé par de l'eau claire et un peu calcaire. Les conseils de Google, quand Jean a été enfin prêt à regarder un écran avec ses yeux douloureux et sa tête écrasée par la gueule de bois.
À présent, le regard d'Eren paraît tellement amusé qu'il a juste envie de mourir, et de le tuer.
— Tu t'es pris une murge.
— Non.
Il sait ce qu'Eren va faire à la seconde où il ouvre la bouche, alors Jean lève brutalement la main pour la poser sur les lèvres de cet abruti en sifflant tout bas :
— Cri comme un crétin, et je te jure que je fermerai en avance tous les vendredis juste pour ne plus te voir.
Il voit bien que l'amusement d'Eren redouble, mais décide de tout de même reprendre sa main (pour des raisons évidentes, qu'il va quand même exprimer car son esprit est en train de hurler avec un mégaphone « MAIN SUR SA BOUCHE, PAUME SUR SES LÈVRES »).
— Tu n'es qu'un sale gamin.
— Et toi tu bois comme un trou en pleine semaine. Pas très malin.
— C'est pour avoir tout le week-end pour décuver. Une technique comme une autre.
— Je... ça me coûterait trop de reconnaître qu'il y a une certaine logique.
Cette fois, c'est Jean qui sourit discrètement. C'est un peu toujours comme ça avec Eren : ils s'entendent bien deux minutes, puis se tapent un peu dessus, et l'entente cordiale revient. Et Jean ne veut pas reconnaître à quel point c'est agréable, à quel point il voudrait le voir passer un peu plus souvent, à quel point il voudrait avoir le courage de lui demander son numéro.
Mais il ne le fait pas, car même si ce qu'Eren Jaeger fait ressemble à du flirt, il possède une copine qu'il aime apparemment assez pour dépenser presque trente balles tous les vendredis. Et pour sa défense, Jean est pratiquement certain qu'Eren est du genre à flirter avec n'importe qui sans s'en rendre compte.
Ça a l'air de coller au personnage.
— Comme d'habitude ? Demande-t-il au bout de quelques secondes où Eren ne dit rien et se contente de le fixer.
Un hochement de tête, et il tourne les talons pour aller chercher le bouquet. Cette fois, comme les clients étaient rares aujourd'hui, il a eu le temps d'attacher des rubans colorés autour des tiges et de l'emballage (et non, il ne s'est pas presque jeté sur son fournisseur en voyant ce ruban bleu-vert qui ressemble beaucoup à la couleur surnaturelle des yeux de l'autre imbécile tatoué).
Quand il revient, Eren s'est penché par-dessus le comptoir pour essayer de lire son carnet à rendez-vous.
— Je te fais une photocopie, si tu veux, raille Jean en déposant le tout devant son nez un peu sèchement.
— Désolé, marmonne-t-il en se redressant (et en ayant l'amabilité de paraître gêné). T'as pas mal de clients, en fait.
— Cette boutique marche très bien. Merci pour la confiance.
Il sort la machine à carte bleue, et fait en sorte que le prix s'affiche dessus avant de le tendre à Eren. Ce dernier se racle la gorge, se redresse, et semble retrouver un peu de son courage quand il dit :
— Je me disais que ça serait bête que tu sois obligé de fermer.
— Fermer ?
— Oui, tu sais, la clé sous la porte. Et tu serais obligé de partir. Et moi... je pourrais plus venir.
Il ne dit pas « acheter mes fleurs », ni « je devrais me trouver un autre fleuriste », mais simplement « je pourrais plus venir » et Jean sent quelque chose de lourd lui tomber dans l'estomac tout en laissant un bruit ridicule remonter dans sa gorge.
Eren hausse un sourcil. Jean marmonne « gueule de bois » comme s'il ne vient pas de faire le même bruit qu'une pucelle.
C'est ridicule. Personne ne peut être si canon que ça, assez canon pour le transformer en midinette amoureuse.
— Merci, dit finalement Eren en reprenant le bouquet.
Et même si Jean se force à ne pas l'attendre, il soupire en entendant :
— Bon week-end, Jean !
— Je suis une midinette pucelle amoureuse et je veux mourir.
Parfois, Jean se demande comment Ymir peut avoir assez d'énergie pour organiser une fête presque toutes les semaines. Il dit non deux fois sur quatre pour ne pas faire trop l'asociale de service, mais là ça fait trois fois d'affilées qu'il se retrouve face à son verre à shot, assis dans le fauteuil près de la fenêtre dans le salon d'Ymir et Christa.
La fille blonde qui fait la gueule, Annie, le regarde avec un sourcil haussé depuis le coin de la pièce, comme pour savoir s'il veut refaire un concours de shot (ce qu'il ne veut pas faire, car il tient à son foie et à son amour-propre).
Marco soupire.
— Il était temps.
— Je veux retourner dans le déni. Rendez-moi mon déni ! Ce mec n'a rien pour lui, sérieusement je mérite mieux !
Christa sourit avec indulgence, et lui tapote le genou. Elle a bu au moins le double de ce que Jean a avalé, mais personne ne l'a jamais vu bourrée. Christa est, comme on dit, un tonneau.
Et Ymir le crie à qui veut l'entendre avec une fierté presque irritante.
Marco hausse un sourcil.
— Et bien, si je me base sur ce que tu dis depuis des semaines, ainsi que ce que j'ai vu de lui, il me semble qu'il est carrément canon, qu'il a (je cite) « des yeux incroyables ce sale petit salopard j'aimerai pouvoir les lui arracher tellement ils sont beaux et qu'ils vont bien avec son sourire de merde qui est juste adorable » (fin de la citation).
— Ses chaussures sont moches.
— Tu portes des mocassins.
— Et encore une fois on s'éloigne du sujet, merci Marco. Le sujet étant que je ne peux pas l'avoir, étant donné qu'il a une copine.
Il soupire dramatique, retombe dans le fauteuil, et vide son verre cul sec. Christa lui tend gentiment une bouteille pour qu'il puisse le remplir à nouveau.
— Je vais lui vendre des fleurs jusqu'à la fin de ma vie et il va devenir encore plus mignon avec le temps et le jour de son mariage avec machine-truc-muche il va venir me commander des fleurs et je vais lui dire « félicitations » et je vais mourir.
Marco chuchote quelque chose comme « toujours dans la mesure, jamais d'exagération » à son voisin qui les écoute à peine (il a fumé un joint sur la terrasse dix minutes plus tôt et fixe depuis le plafond).
— Tu sais ce qu'il faudrait faire ?
— Éclaire-moi de ta lanterne.
— Tu devrais lui dire.
— Ou frappe-moi avec une poêle. Oui. Merci, Marco. Je te déteste.
— Tu devrais lui dire. Comme ça s'il a vraiment une copine et qu'il n'est intéressé il se sentira assez gêné pour arrêter de venir te narguer tous les vendredis et tu ne deviendras pas un vieil adulte seul et aigri.
— Whaou, merci. On s'éclate ici.
Il boit un nouveau verre cul sec, et cette fois Christa lui passe la bouteille un peu plus lentement parce qu'elle se souvient sûrement de Jean dans les toilettes la dernière fois. Certains ont dû faire pipi par la fenêtre.
— Dis-lui et peut-être qu'il te dira « c'est vrai Jean ? Moi aussi je rêve de t'enlever tes vêtements depuis des semaines, ça tombe bien ! ».
— Ne parle pas d'enlever mes vêtements, t'es comme mon frère c'est dégoûtant.
— Jean.
— Marco.
— Arrête de faire l'enfant. Arrête de fuir. Qu'est-ce qu'il va faire, au pire ? Se moquer de toi ?
— Il pourrait.
— Jean.
— Marco.
Jean boude un peu. Il dit :
— Si ça se trouve, il flirte vraiment.
— Ah bah tu vois !
— Pour que je devienne sa maîtresse adultère.
— D'accord, j'abandonne.
Marco se lève, sûrement pour aller trouver une compagnie plus intéressante que Jean (ce qui ne va pas être compliqué car tout le monde aime Marco et il se fait arrêter tous les deux mètres pour discuter).
Finalement, Jean se retrouve seul face à son verre. Quand il relève la tête, Annie est face à lui.
— Oh, non.
Il passe sa journée du vendredi avec la gueule de bois, ce qui commence à devenir une habitude inquiétante.
Il y a du monde, cette fois, beaucoup trop de monde pour que ça soit normal (et en regardant sur Google, il remarque que c'est le jour pour une 13209ème fête de famille dont lui se fout complètement, mais que ses clients prennent très au sérieux apparemment). Une vieille dame passe trente minutes à le questionner sur la couleur de ses tulipes, puis sur la forme des bouquets divers, pour finalement repartir avec une plante en pot carnivore.
Jean est presque sincèrement étonné quand, à 19h04, Eren Jaeger passe la porte de sa boutique. Le temps est passé si vite qu'il se rend compte de deux choses : il n'a pas eu le temps de manger à midi et son estomac gronde comme un affamé, et il ne s'est pas non plus remis un coup de parfum dans les toilettes de l'arrière-boutique comme il le fait à chaque fois.
Eren s'approche du comptoir, et étrangement il a l'air différent. Si Jean ne le connaissait pas aussi bien (ce qui est ridicule, car il ne connaît même pas sa couleur préférée ou encore la vraie forme du tatouage qui dépasse dans son cou) il supposerait qu'Eren est stressé.
— Hey, dit-il en s'arrêtant non loin.
Il jette à coup d'œil à la boutique, dévalisée de toutes ses fleurs. Il ne reste que des vases à moitié vides et des morceaux de feuilles sur le sol. Et des traces d'eau sale, aussi, car un enfant a renversé la moitié d'un arrosoir sur les étales.
— Y'avait du monde, aujourd'hui ?
— Ouais. Une marrée humaine. En général, je me prépare pour les fêtes ou les journées spéciales, mais là j'avais carrément oublié.
Eren hoche la tête, presque compatissant. Jean plisse les yeux.
— Pourquoi t'as l'air bizarre, comme ça ?
— Je suis pas bizarre.
— Tu tripotes tes doigts et tu t'agites comme si t'avais des vers au cul. Faut aller chez le médecin, hein.
— Oh, la ferme Kirschtein. Je suis juste venu pour faire un truc et ça m'aiderait si tu te taisais.
— C'est toi qui parles tout le temps, d'habitude, alors pourquoi tu...
Eren se racle la gorge tellement fort que Jean hausse les sourcils et ferme la bouche. Le comptoir qui les sépare est étrangement large tout à coup.
— D'accord, alors...
Il tord ses doigts encore un peu, et Jean pense rapidement « oh non-putain il va se marier, ce sale petit... » et tout à coup il se dit qu'il ne veut pas vraiment entendre la suite mais la bouche d'Eren Jaeger s'ouvre et :
— Je suis intéressé par toi et je pense que tu devrais m'accompagner à un rendez-vous ce soir.
Jean cligne des yeux. Il répète :
— Un rendez-vous ?
Il pense pendant une seconde à parler de sa haine du mot rendez-vous, et à lui demander répéter en disant « date » comme tout le monde au XXIe siècle, mais le reste des mots lui vient et il soudain il comprend.
Ses yeux s'écarquillent d'horreur tandis qu'Eren se balance encore d'avant en arrière.
— Oui. Un rendez-vous avec moi, ce soir, un truc comme un dîner, ou un film, ou encore...
— Un rendez-vous ?
— Oui. Jean Kirschtein, est-ce que tu veux...
— Tu n'es qu'un sale petit con infidèle et je refuse de devenir ta maîtresse adultère, Jaeger !
Peut-être que Jean a crié, et peut-être que sa voix résonne dans la boutique. Ses mains se sont brutalement posées sur le plan de travail.
Le silence qui suit est affreusement gênant.
— Quoi ?
— Je... bon je vais pas répéter parce que c'était affreux, mais t'as très bien compris.
Eren cligne des yeux à nouveau.
— J'ai un peu de mal à comprendre pour l'« infidèle » et « maîtresse adultère ».
— Tu me demandes un rendez-vous.
— Oui.
— En venant m'acheter des fleurs pour ta copine.
— Oui.
Eren fronce les sourcils.
— Attends, quoi ? Non !
— Jaeger tu n'es qu'un...
— Je t'ai dit non ! De quoi tu parles ?
— Des fleurs que tu viens m'acheter tous les vendredis depuis des mois ! Écoute, je suis pas du genre à... à faire le mec inaccessible, mais je pense tout de même que je mérite mieux que d'être le gars qu'on garde sous la main au cas...
Une main, soudain, se pose justement sur sa bouche et ses yeux s'ouvrent en grand. Eren est proche, penché au-dessus de la barrière qui les séparait, et de toute évidence lui n'a pas oublié de mettre un coup de parfum avant de venir.
Ses cheveux lui tombent un peu devant les yeux (ces foutus yeux trop clairs et trop grands et soit trop bleus soit trop verts que Jean déteste plus que tout au monde) et Jean ne peut s'empêcher de glisser le regard plus bas, vers sa bouche.
— D'accord, c'est bon j'ai compris. Arrête de parler.
Jean râle quelque chose comme « pousse pas le bouchon trop loi, crétin, je t'interdis de me dire de la fermer comme ça » mais ça ressort plutôt comme une foule de « mmmh » et de « ppfffmm ». Il fusille Eren du regard.
— Je viens t'acheter des lys. Toutes les semaines. Tu sais, la fleur est connue pour, entre autres, purifier l'âme des morts ? Sérieux, t'es fleuriste et tu connais pas ça ? Tes profs de français t'ont jamais fait étudier de poèmes ou quoi ?
Jean a presque aussitôt envie de lui dire d'aller se faire voir avec son symbolisme à la con, mais le milieu de la phrase arrive enfin à destination et ses sourcils se haussent tout doucement. La main d'Eren se rétracte, et Jean n'essaye même pas de lui crier dessus.
Il le fixe.
— J'achète des fleurs pour ma mère.
— Je... suis désolé.
— C'était il y a longtemps. Mais ça m'empêche pas d'aller sur sa tombe pour...pour l'anniversaire.
Jean fronce le nez.
— Toutes les semaines ?
— Bien sûr que non, espère de crétin. La première fois que je suis venu, c'était l'anniversaire. Toutes les autres fois, c'était juste pour essayer de te faire comprendre que — oh et puis merde tu fais chier !
La bouche entre-ouverte, Jean s'humidifie les lèvres et essaye de toutes ses forces de ne pas laisser sa conscience sauter de joie à l'idée qu'il ne va pas devenir une maîtresse adultère ou un adulte aigri (enfin, peut-être pas en tout cas).
— Donc... pas de copine ?
— Non. Pas de copine. Et l'invitation tient toujours.
Jean déglutit.
— D'accord.
— D'accord ?
— Ouais...
Il a un peu de mal à regarder Eren dans les yeux, à détourner le regard de ses lèvres qui s'étirent en un sourire ravi.
— Génial. Je vais essayer d'oublier que ça fait des semaines que tu me prends pour un mec capable de tromper sa copine, et simplement faire ça.
Juste au moment où Jean se demande ce que « ça » signifie, un bras se tend entre eux et une main l'attrape par la nuque. Une seconde plus tard, sa bouche est contre celle d'Eren et il est presque certain de se faire embrasser.
Un frisson lui descend le long du dos, pile au moment où Eren le relâche. Son air satisfait et ses foutus cheveux décoiffés lui donnent envie de hurler, mais il reste les bras ballants et les yeux écarquillés.
— Tu...
— Je vais t'attendre le temps que tu finisses. Et je veux quand même les fleurs. Mon meilleur ami m'a dit que c'était mieux de ne pas arriver les mains vides. Bon, par contre fait comme si tu connaissais pas la signification, du coup.
« Tu...je...tu ! » pense Jean pendant quelques longues secondes, avant de finalement inspirer un grand coup. Quand il tourne les talons pour retourner vers l'arrière-boutique, il ne peut empêcher de sautiller discrètement à l'abri des regards, et de sourire en articulant « YES ».
Quand il revient, il a retrouvé son calme et dit :
— Si ton choix de film est nul, je me laisse la possibilité de sauter de la voiture en marche.
Des bisous !
