Cet OS a été écrit pour la Nuit du Fof, pour le thème « Plénitude », ce qui a été un bon moyen pour revenir sur le trop plein de sentiments que j'ai en revoyant le tout premier épisode sur ce que dit Catra.

Enfin, le titre est une traduction très libre de A Decade and One de Vienna Teng (I thought of anger and adulation / And the taste of dreams realized / And the waste dreams realized leave behind).

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Les débris des rêves

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1

Contrairement à ce qu'elle laisse croire, Catra n'a pas de plan pour le futur c'est plutôt Shadow Weaver qui en est persuadée, comme elle est certaine que le seul but de Catra est d'entraîner Adora loin du chemin tracé pour elle Shadow Weaver, pour toute son intelligence, son goût pour la manipulation et son talent pour appuyer sur toutes les faiblesses possibles, elle, a un plan pour elle et Adora. C'est sa plus grande faiblesse et c'est pour ça que Catra gagnera face à elle un jour. Shadow Weaver ne sait pas comment faire quand le monde autour d'elle refuse de lui donner la situation qu'elle souhaite avoir, et c'est bien pour ça que leurs rapports sont si tendus : Catra est toujours le grain de sable dans sa belle machine.

Catra a appris de son exemple et ne s'embarasse pas de plan. Elle a un seul objectif – tout le reste est négociable. Elle a passé des années à réduire cet objectif à sa portion congrue : continuer de vivre avec Adora. Le comment et le où sont adaptables, quoiqu'elle ait plusieurs conditions qui ressemblent à un plan, si ce n'est qu'elles sont toutes négociables.

Déjà, elle doivent monter les échelons assez haut pour ne plus risquer d'être envoyés en première ligne et y mourir bêtement – en cela, Shadow Weaver ne le sait pas, mais elle est sa meilleure alliée. Si Adora devait perdre ses ambitions, cependant, toute cette partie est négociable. Dans la suite du précédent : trouver un poste loin de la capitale, Hordak et Shadow Weaver. Là aussi, Catra est consciente de ses limites, mais c'est une condition centrale parce que rester ici c'est courir perpétuellement le risque de subir des changements d'humeur et des jeux de pouvoir qui finiront toujours par les mettre en danger. Mais Catra est une enfant de la Horde : si elles devaient rester, elle est prête à se battra pour préserver leur position et leur sécurité (Catra est une enfant de la Horde parce qu'elle continue de rêver de distinctions et de récompenses alors qu'elle sait qu'elle ne veut pas payer le prix qu'on lui impose pour les avoir).

Et, lorsqu'elle considère des objectifs plus compliqués à atteindre, elle réfléchit à la manière dont elle pourrait expliquer à Adora de cesser de vouloir être parfaite et de vouloir faire plaisir à ceux qui l'entourent. Ou, au moins, être capable de lui prouver que l'équilibre qu'elle veut atteindre est impossible à maintenir et qu'elle ferait mieux de se préparer à sa disparition qu'à vouloir le conserver. Catra sait comment survivre. Mais Adora ? Adora va se précipiter pour essayer de sauver quelque chose, n'écouter que son sentimentalisme imbécile et inévitable, et ce sera à Catra, cette fois, de la sauver. Et, malgré les jours où elle s'imagine en être capable, il y a une part d'elle qui crie toujours : et si tu n'y arrivais pas ?

Un objectif n'est pas un plan – ses rêveries du futur sont multiples, mais se tourne autour d'un unique objectif : continuer de vivre avec Adora. Tout le reste sera toujours négotiable.


2

Alors quoi ? Adora est partie. Adora a décidé que leur promesse, que la seule chose sur laquelle Catra avait orienté son futur, ne méritait pas de compromettre la charmante petite histoire héroïque en laquelle elle avait toujours cru. Comment avait-elle fait pour croire que la Horde leur disait la vérité ?

Catra sait survivre, et elle refuse d'abandonner.

Ce qu'elle veut, maintenant, c'est gagner, poser son pied sur la gorge de She-Ra et prouver que malgré les pouvoirs magiques, les discours sur les princesses et leur amitié – bah, quelle amitié ? elle s'effritera aux premières difficultés – malgré ses valeurs morales absurdes, la raison du plus fort est toujours plus fiable que des principes qui reposent sur la bonté. (Une part d'elle, distance et étouffée, lui dit qu'elle a rempli la place béante laissée par la trahison d'Adora par de la rage. Ce n'est pas important. Cela ne sera jamais important. La colère vaut mieux que la tristesse, surtout dans la Horde.)

Elle reste éveillée le soir et imagine la scène. Elle peut respirer l'odeur âcre d'un champ de bataille indistinct entendre les sons familiers, mélanges de gémissement et de sifflements de machines cassées. Elle peut imaginer ses nouveaux amis – ah ! – vaincus. Elle peut imaginer le corps massif de She-Ra sous ses pieds, son bel uniforme blanc mêlé de terre et de cendres, son sang rouge. Elle peut imaginer la manière dont son visage déterminé et inflexible laissera transparaître un peu plus Adora, et avec cela, sa peur et défaite. Elle est une enfant de la Horde : elle a été élevée pour vaincre une fois pour toute, pour s'élever dans les rangs à force de stratégie et d'implacabilité, pour dominer les champs de bataille.

Elle veut gagner, une bonne fois pour toute. Elle ne veut pas prouver qu'elle a raison (ou peut-être, un peu) elle ne veut pas se venger de la trahison d'Adora (ou peut-être, un peu) elle ne veut pas servir la Horde et avoir la place qu'elle a toujours espéré avoir (ou peut-être, un peu) elle veut juste…

Gagner.

C'est ce qui arrive, à la fin d'une guerre, non ? Une dernière victoire et…

(Qu'est-ce qui vient ensuite ? Que voudra-t-elle faire, après ?)

… la paix.