Disclaimer : Riviera est l'oeuvre de Neil Jordan.

Résumé : C'est en voyant la forme de son frère se confondant dans la nuit de Grasse qu'Adriana comprend l'étendue de la solitude de Christos. [Riviera]

Note de l'auteur : Cet OS répond au défi calendrier de prompt de la page Facebook « Bibliothèque de Fictions » qui dure pendant tout le mois d'avril. 6 avril : inclure les mots « famille », « manque », « air ».

Regarder ta solitude

Adriana se retourne, pensant trouver Christos non loin, prêt à décompresser lui aussi. La réunion du comité d'administration a été une horreur et alors qu'il est compétent, qu'il fait du bon travail, il a été mis sur la touche, encore une conséquence des affaires étranges que leur père a menées. Elle lui a demandé de venir en boîte avec elle près de la côte, il a accepté de la conduire. Mais alors qu'elle fait volte-face, s'attendant à voir son visage, elle s'aperçoit qu'il est toujours sur le perron. Elle, elle est dans la lumière bleue, la musique, la foule, la vie. Lui, avec son costume, il se fond dans la nuit noire de Grasse, dans le silence. Il regarde devant lui et ses épaules sont légèrement baissées. Ce n'est que là que l'adolescente réalise toute la souffrance de son aîné. Tout arrive d'un seul bloc dans sa tête et la gifle. En un mois, Christos a dû subir la mort de leur père, la vision de son cadavre à la morgue, les funérailles. Puis il a eu Interpol, le gel de la banque, leur mère jamais très tendre, son retour dans l'enfer de la drogue dure. Il a été en cure, s'en est enfui pour protéger la fille pour laquelle il a des sentiments. En voulant l'aider, il a été enlevé par les partenaires russes de leur père et a été torturé pour une clé qu'il n'avait pas. Pour l'amour du ciel, ils l'ont passé à tabac, lui ont cassé une jambe, lui ont arraché deux molaires à vif ! Il n'a pas pu rester à l'hôpital à cause d'une explosion et ensuite, il a failli perdre Fatima, sauvée de peu par la police. Elle est libre mais même si elle a été forcée de venir ici, elle est une immigrée illégale. Christos a donc dû lui dire au revoir, la regardant s'envoler pour la Syrie. Son travail, c'était la seule chose qui lui restait, la seule chose à laquelle il pouvait se raccrocher pour ne pas se retrouver sans rien. Et leur propre mère a voté contre lui.

Oui, en un mois, Christos a lutté contre le deuil, ses démons, a dû nettoyer la merde parentale, a été enlevé et tabassé, s'est vu contraint de faire ce qui peut être des adieux à la femme qu'il aime et maintenant, il n'est peut-être pas viré mais c'est tout comme.

Le karma s'acharne sur lui sans raison.

Oui, d'un simple coup d'oeil, Adriana ressent soudain toute la solitude de Christos, un mal-être dont il ne peut parler à personne et surtout pas à leur famille. Il ne fait pas encore tout à fait confiance à Georgina, même si leurs relations s'améliorent grandement. Adam a disparu et est injoignable. Leur mère lui dirait de porter ses couilles comme un homme et d'arrêter de geindre comme une faible femme. Et elle, il ne lui dit rien pour la laisser vivre sa jeunesse et ne pas l'étouffer comme lui suffoque. Il manque d'air, il essaye de ne pas se noyer mais personne ne le voit, personne ne l'entend. Christos se pense seul, seul dans son propre clan. Et c'est infiniment triste. Adriana se jure que plus jamais il ne sentira ce sentiment d'abandon. Elle est jeune, oui. Mais elle est presque une adulte. Combien de fois son frère l'a-t-il protégée ? Désormais, c'est à elle de veiller sur lui, de lui servir de béquille jusqu'à ce qu'il puisse tenir debout complètement seul. Elle ne laissera pas l'indifférence générale tuer la renaissance qu'il a entamée plus tôt.

Non, elle vivante, Christos ne sentira plus jamais seul.

Elle y veillera personnellement.

FIN