Disclaimer : Riviera est l'oeuvre de Neil Jordan.

Résumé : Ou les derniers au revoir entre Christos et Fatima.

Note de l'auteur : Cet OS répond au défi calendrier de prompt de la page Facebook « Bibliothèque de Fictions » qui dure pendant tout le mois d'avril. 11 avril : Tu étais tout ce que j'avais.

Tu étais tout ce que j'avais

Alors qu'elle monte dans l'avion qui va la ramener sur ses terres natales, dans cette Syrie qu'elle a voulu fuir mais pas dans les circonstances qui l'ont menée à vivre un enfer, Fatima observe par le hublot et s'imagine Christos derrière l'une des nombreuses fenêtres de l'aéroport. Elle ne peut pas l'apercevoir mais elle sait qu'il est là quelque part et qu'il la regardera s'envoler jusqu'à ce que ses yeux ne puissent plus entrevoir la forme de l'appareil qui les sépare. Il a tenu à la conduire, un moyen pour lui de retarder l'inéluctable séparation. Il trouve du réconfort dans l'idée qu'elle est sauvée, l'homme qui lui a fait du mal croupit en prison. Elle lui a fait promettre de ne pas retomber dans la drogue. Il vaut mieux que cela. Il ne mérite pas de se faire du mal ainsi. Il est une belle personne, une bonne personne dont il n'a pas à rougir. Elle ne l'aimerait pas si ce n'était pas le cas.

- Sois indulgent envers toi-même. Tu n'as pas à être parfait. Tu sais ce que tu vaux. Ne laisse personne te dire que qui tu es n'est pas assez.

Il lui a promis. Elle le croit. Il est plus fort qu'il ne le pense, plus résilient aussi. Mais elle sait aussi combien sa douleur est profonde. Il se sent seul, terriblement seul, incompris et encore plus dans sa propre famille qui ne l'aide pas forcément. Fatima ne la connaît pas assez alors elle ne porte aucun jugement de valeur. Elle sait ce qu'on a fait à Christos et c'est assez horrible sans y ajouter une sentence de juge alors qu'elle n'en a pas le droit. Son «Tu étais tout ce que j'avais » la hantera un long moment, elle le sait.

- Le monde est petit et la vie pleine de surprises. Qui sait ? On se retrouvera sans doute un jour. Mais je ne veux pas que tu m'attendes. Cela me fâcherait si tu te privais de belles rencontres, d'un possible bonheur, à cause d'une loyauté mal placée. Je veux que tu vives, que tu vives vraiment et que tu t'épanouisses.

Son « Tu étais tout ce que j'avais » résonne d'autant plus qu'elle est dans la même situation : sa sœur est morte, elle n'a aucun ami réel en France. Christos est la seule personne qu'elle a sur la terre des droits de l'Homme. Il porte terriblement bien son prénom, lui qui a littéralement le mot Christ dans son identité. Il l'a sauvée. Il lui a sauvé la vie, il l'a protégée, il l'a défendue. Sans lui, elle serait déjà six pieds sous terre. Il lui a permis de renaître vraiment : en l'aidant, il lui a permis de ne pas tomber entre les mains de Negrescu, de faire sa déposition, d'enterrer cette fille de joie qu'elle n'avait jamais voulu être pour renaître et redevenir celle qu'elle n'avait jamais cessé d'être, une fille qu'elle avait dû cacher et taire pour sa propre survie. Il a été son ange gardien, un ange déchu comme elle mais qui a su se relever et dont les ailes ne sont que plus belles après cette épreuve. Elle emporte son nom comme un talisman niché au fond de son cœur et elle ne peut que prier le ciel de lui accorder cette requête :

Que Christos puisse enfin vivre heureux et en paix avec lui-même.

Elle sait qu'il a la même pensée pour elle.

Et un jour oui, un jour peut-être, pourront-ils se retrouver pour un dernier moment ou pour le reste de leurs existences.

FIN