À l'annonce du mariage prochain de sa sœur ainée Anne avec le très riche Duc de Dursley, Hermione Granger n'avait pas éprouvé de déception car elle s'y attendait : en tant qu'ainée, le privilège de se marier en premier était normal, mais Hermione ne pouvait s'empêcher d'éprouver une pointe de jalousie. Sa sœur avait toujours bénéficié de tout ce qu'il y avait de mieux : une bonne éducation dans un des meilleurs couvents de France, les plus jolies robes, tandis qu'elle avait dû se contenter d'un précepteur au château et des robes déjà portées de sa sœur… Mais elle ne le regrettait pas : elle avait eu ainsi beaucoup plus de temps pour flâner presque tous les après-midis en compagnie de Ginny, la fille d'une de leurs servantes, d'un an de moins qu'elle, et qui était une merveilleuse partenaire de jeux, n'en déplaise à leur père, qui trouvait que jouer avec une servante ne seyait point à la fille d'un baron. Sa mère, occupée avec l'éducation de ses plus jeunes frères, Louis et Armand, n'en faisait pas de cas, et la laisser donc vadrouiller dans les parcs et bois qui constituaient la propriété. Son père avait laissé une bonne partie de sa fortune personnelle dans la dot d'Anne, mais il ne tarissait pas d'éloges quand il parlait de cette alliance plus que fructueuse. Le Duc de Dursley avait en effet une fortune immense, de nombreux domaines, propriétés, vaisseaux marchands, et s'il était vieux – il approchait la cinquantaine- cela ne semblait guère gêner Anne qui ne pouvait retenir ses cris d'admiration devant les cadeaux que son fiancé lui faisait envoyer chaque semaine : bijoux exquis, robes chatoyantes… Hermione grimaça à la pensée de se retrouver marier à un vieillard, sa sœur ainée n'avait que trois ans de plus qu'elle, mais si cela lui convenait, après tout…
Le mariage eut lieu en grande pompe, dans un des châteaux du Duc : tout le monde eut droit pour l'occasion à des vêtements neufs. Hermione trouva là une bonne occasion de goûter de nombreux plats exotiques et originaux qu'elle n'avait jamais dégustés avant. A la dérobée, elle observa plusieurs fois sa sœur : celle-ci semblait heureuse. Son mari était loin d'être comme Hermione l'imaginait, il ne paraissait pas si vieux mais par contre, il était gros, obèse même, et loin d'être séduisant. Les cheveux clairsemés, il avait un énorme nez et un triple menton, visage gras dans lequel se perdaient deux petits yeux au regard porcin, et des lèvres épaisses à demi recouvertes par une moustache fournie. Il mangeait comme quatre, et avait plus de regards pour ce qui emplissait son assiette que pour sa femme… Mais comme Anne semblait satisfaite de cette situation, alors Hermione ne pouvait rien trouver rien à y redire …
La vie reprit son cours au château : le vide laissé par l'absence d'Anne ne changea pas grand-chose pour Hermione car elle n'avait jamais été trop proche de sa sœur : Anne avait toujours été attiré par le superficiel, le clinquant, les robes, les bijoux, les coiffures, les parfums, là où Hermione préférait lire dans la grande bibliothèque de son père lorsqu'il pleuvait, ou jouer à l'extérieur dès qu'il faisait beau... Les mois passèrent, puis une année : on apprit qu'Anne attendait une naissance pour l'automne suivant...
- Votre père voudrait vous parler, Hermione, lui annonça un jour sa mère, il vous attend dans le petit bureau.
Sa mère était une femme très discrète et réservée, on ne savait jamais vraiment ce qu'elle pensait mais elle suivait les ordres du baron sans jamais les discuter. D'ailleurs, il ne valait mieux pas, son père était un homme exigeant et sévère, même s'il n'était jamais cruel ou injuste, mais quand il avait décidé quelque chose, il valait mieux lui obéir sans tarder…
- Vous m'avez fait mander, père ?
- Oui, approchez ! Voilà, vous savez que j'ai mis beaucoup d'argent dans la dot de votre sœur, afin de lui permettre un bon mariage… Il ne m'en reste donc plus suffisamment pour vous assurer une dot pour votre propre mariage, d'autant que mes affaires ont traversé de grosses difficultés, je viens d'essuyer une si grosse crise que je croule sous les dettes et mes créanciers s'impatientent…
- Ca ne me dérange pas, père, je n'ai nulle envie de me marier…
Son père grimaça :
- J'ai eu fort heureusement une proposition qui m'est parvenue lors de ma dernière chasse : il se trouve que Monsieur Weasley qui possède une grande ferme à quelques lieux d'ici, cherche une femme pour son fils…
- Mais… tenta de couper Hermione
- Son fils est âgé de trente ans tout juste : son père cherche une femme pour lui assurer une descendance car il est fils unique et il faut quelqu'un pour reprendre la ferme : Certes, ils n'ont aucun titre, j'en conviens, mais il ont suffisamment d'argent, une propriété assez vaste qu'ils exploitent bien, et une bonne renommée dans les environs. De plus, et ce n'est pas des moindres, ils acceptent de te prendre dans leur famille sans aucune dot. Le mariage se fera même à leurs frais…
- Père ! Non, vous ne pouvez pas…
- La date du mariage est arrêtée en mai prochain, coupa-t-il, d'ici là je compte sur vous pour un peu plus de tenue dans vos habitudes quotidiennes. Votre mère vous aidera à préparer votre trousseau… Vous pouvez aller…
Ces mots signaient la fin de la discussion et donc la possibilité de toute rébellion… Hermione quitta le bureau d'un pas rageur, les larmes chaudes coulant le long de ses joues… Elle savait qu'elle n'aurait pas une dot aussi conséquente que sa sœur, mais tout de même, aucune dot : où allait-elle atterrir ? Et son mari, elle n'en avait même jamais entendu parler… Elle courut s'enfermer dans sa chambre, et vida toutes les larmes de son corps; car elle savait qu'une fois la décision de son père prise, il ne changerait d'avis pour rien au monde…
Elle passa le mois suivant à préparer son trousseau, une dizaine de robes, de la lingerie, des brosses, pinces à cheveux, barrettes et un joli petit miroir à main en argent dont lui fit cadeau sa mère.
Elle ne vit pas son futur mari, mais son père, qui vint un jour se présenter au château. Curieusement, le fait de voir ce Monsieur Weasley la rassura un peu : c'était un homme doux et souriant, qui bien qu'habillé sobrement, était propre et agréable à voir. Il était de grande taille, un peu dégarni, mais il avait encore de l'allure pour son âge…
Il offrit à Hermione une bague de fiançailles qui vint officialiser la promesse d'union. La bague était tout simple, rien à voir avec celle qu'avait eu sa sœur, sertie d'une dizaine de diamant et d'un énorme rubis. Non, la sienne comprenait une simple petit perle nacrée au milieu d'un motif floral, mais elle la trouva fort jolie. Hermione laissa son père s'entretenir avec lui. Elle se sentait toujours furieuse de ne pas avoir eu son mot à dire, et angoissée de ce qu'il l'attendait, mais tout de même un peu rassurée, son futur beau-père était un homme gentil, pourrait-il en être de même pour son mari ?
Le jour du mariage arriva enfin : il aurait lieu sur les terres des Weasley. Hermione fit le trajet en calèche avec ses parents et ses deux frères. Pour les noces, de simples chapiteaux de draps blancs avaient été tendues au milieu d'un grand pré pour protéger les invités du soleil qui tapait dru en ce jour de fin mai. Le prêtre était déjà là, en compagnie de Monsieur Weasley père : Hermione tournait la tête en tous sens, espérant voir enfin son futur mari et faire tomber ses appréhensions, mais elle ne pouvait voir que des invités, vêtus très sobrement, rien à voir avec les tenues outrageusement riches de sa nouvelle famille de sa sœur… Déçue, elle marcha un peu pour se mettre à l'ombre d'un arbre isolé dans le pré, lorsqu'elle sentit une main sur son épaule. Elle sursauta puis se retourna : un homme aux cheveux roux flamboyants, légèrement ondulés, de grande taille, vêtu d'un costume gris clair, la regardait.
- Désolé si je vous ai effrayé : vous êtes Hermione Granger?
Hermione fronça les sourcils : un gentleman devait d'abord se présenter et nom demander son nom à une jeune fille.
- Oui… Et vous êtes ?
- Je suis Ronald Weasley, votre fiancé… La cérémonie va commencer, si vous voulez vous donner la peine de rejoindre le prêtre…
Et il tourna les talons : pas un mot gentil, pas même un sourire. Mais Hermione fut néanmoins rassurée, son mari ne serait ni chauve, ni bedonnant, ni laid : il était même - Hermione devait le reconnaitre - plutôt bel homme pour trente ans. Quand son père lui avait annoncé son âge, Hermione s'imaginait un homme déjà vieux et grisonnant mais il n'en était rien. Il était grand, semblait fort, et ses cheveux roux et ses yeux bleus sous ses sourcils épais et sa mâchoire carrée lui donnaient un air très séduisant.
Elle secoua la tête à ses pensées et d'un pas tremblant, rejoignit le prêtre qui l'attendait avec ses parents. La cérémonie en elle-même fut rapide : quelques mots à répéter, "je jure obéissance et fidélité à mon mari"… "Je le jure", "Oui", et c'était terminé. Hermione semblait sur un nuage, comme si elle n'était pas vraiment là, et elle répétait les mots mécaniquement. Ce furent les mots de "vous pouvez embrasser la mariée" qui la firent brutalement atterrir. N'osant relever la tête et regarder son mari, elle regardait le bout de ses chaussures dépasser de sa robe, se sentant rougir sans pouvoir l'empêcher. Elle sentit une ombre se glisser le long de son visage, et le contact d'une joue tiède et légèrement rugueuse contre la sienne. Elle ferma les yeux, le temps d'un battement de cils et quand elle les rouvrit, c'était terminé. La foule applaudissait, son père, sa mère et son beau-père vinrent la féliciter tour à tour.
Vint le repas de noces : on mangea beaucoup plus simplement qu'au repas de noces de sa sœur, mais on ne manquait de rien et c'était très bon : il y avait des cochons de lait, des agneaux et poulets rôtis et aussi beaucoup de gibier : faisan, chevreuil, sanglier, perdreaux… Hermione n'avait pas très faim mais l'odeur alléchante de la viande fit gargouiller son estomac : elle n'avait rien pu avaler le matin même, mais là, elle se laissa tenter :
- Voulez-vous que je vous serve ?
Hermione tourna la tête, elle en avait presque oublié son mari qui était assis à côté d'elle :
- Euh, je veux bien…
- Que souhaitez-vous manger ? Un morceau de sanglier ? C'est moi-même qui l'ait abattu celui-là, mardi dernier.
- Volontiers…
Il découpa prestement et adroitement un morceau qu'il vint déposer dans l'assiette d'Hermione.
- Votre bague de fiançailles vous a–t-elle convenu ?
Hermione ne put s'empêcher de regarder son doigt.
- Oui, elle est fort jolie, affirma-t-elle sincèrement.
- J'aurais souhaité vous l'apporter en main propre mais cela faisait perdre une journée de trajet et c'était la période des semis, je n'avais guère de temps à perdre.
"Apporter une bague à sa fiancée, voilà ce qu'il appelle perdre son temps" songea Hermione vexée.
- J'ai donc demandé à mon père de vous l'emmener. C'était une bague qui appartenait à ma mère, elle n'a sans doute pas beaucoup de valeur pécuniaire mais elle a une grande valeur sentimentale à mes yeux.
- Vous ne vouliez pas me rencontrer avant de m'épouser ? demanda Hermione avec un sous-entendu de reproche.
Mais son mari ne le perçut pas :
- Je fais pleine confiance au jugement de mon père. Et puis c'est lui qui a insisté pour que je prenne femme après tout.
"Donc il ne voulait pas se marier non plus", songea Hermione "on l'a forcé tout comme moi, voilà qui est rassurant"
Ce furent à peu près les seules paroles qu'ils prononcèrent de tout le repas.
Le repas de noces dura fort tard, jusqu'à ce que le soleil disparaisse vers l'horizon. À ce moment les invités commencèrent à prendre congé, avant que l'obscurité ne soit trop complète pour qu'ils ne voient plus sur les routes. Ses parents lui dirent également au revoir :
- Adieu, ma fille, ce mariage m'a ôté une grande épine du pied, je ne sais pas comment j'aurais pu trouver meilleur parti sans aucune dot…, lui dit son père sans montrer aucun sentiment de tristesse de la quitter.
- Adieu ma fille, faites toujours de votre mieux et faites nous honneur… Obéissez toujours à votre mari et tout se passera bien, murmura sa mère à son oreille essayant de réconforter Hermione, qui sentait son cœur se serrer à l'idée que désormais, son château ne serait plus chez elle et qu'elle ne verrait plus sa famille… Elle allait découvrir sa nouvelle maison…
Elle monta dans une simple carriole en bois tirée par deux chevaux trapus. Son mari conduisait car son beau-père avait bu pour l'occasion plus que de raison et dormit durant presque toute la route. Elle fit donc le trajet à côté de lui en silence, seul le chant lointain de deux chouettes hulottes se répondant à intervalles réguliers brisait l'uniformité de la nuit. Le temps qu'ils arrivent à la ferme, le ciel s'était vraiment assombri et son mari alla chercher une bougie pour les aider à descendre car on n'y voyait à peine et des nuages étaient venus cacher le peu de lumière que donnait la lune. Elle découvrit alors une grande demeure en forme de U. Un gros chien de berger les accueillit d'aboiements graves qui impressionnèrent Hermione, mais son mari le fit taire rapidement :
- Touffu, tais-toi et file ! Ne vous inquiétez pas, il sera vite habitué à vous maintenant que vous allez habiter ici.
Ils entrèrent par la porte du milieu et arrivèrent dans une grande pièce qui s'avéra être la cuisine. Celle-ci était très spacieuse. Une grande table massive de bois rectangulaire y trônait, flanquée de deux longs bancs en bois. Une gigantesque cheminée où trônait une grand marmite de fonte noire, occupait tout le fond de la pièce.
- Je vais me coucher, annonça le père Weasley en baillant, je ne tiens plus. Bonne nuit !
Et il sortit de la cuisine par une porte sur la gauche qui le conduisait à sa chambre.
- Je vous montre la chambre ? demanda alors son mari.
Hermione acquiesça : elle se sentait épuisée par sa journée, ses oreilles bourdonnaient et elle avait l'impression de sentir la sueur, elle rêvait de se rafraichir à défaut de prendre un bain à cette heure tardive.
- C'est par ici, annonça son mari.
Il désigna la porte de droite de la cuisine.
Celle-ci ouvrait sur un escalier de bois qui menait à l'étage.
- La chambre de mon père est en bas, précisa Ronald qui ouvrit la marche, une bougie à la main, la nôtre est en haut.
"La nôtre ?" Hermione se demanda si elle avait bien entendu lorsque Ronald ouvrit une des 3 portes en haut de l'escalier.
Elle y découvrit un grande chambre, au milieu de laquelle trônait un immense lit.
- Je l'ai commandé exprès, je n'avais qu'un petit lit avant. Il est tout neuf. Il vous plait ?
Hermione ne put répondre et se sentit rougir. Chez elle, dans son château, chacun avait sa chambre, parents comme enfants, et ici, elle devrait partager ses nuits, son lit ? Impossible !
- N'y avait-il pas d'autres pièces disponibles ?
- Il y a une autre pièce à cet étage, mais j'ai pensé qu'il nous faudrait rapidement une chambre pour un enfant, quant au grenier, il est aussi possible d'y faire plusieurs pièces, quand notre famille s'agrandira, mais pour l'instant, il est rempli de tout un tas de débarras qu'il faudrait prendre le temps de trier et nettoyer ! Bon, vous pourrez ranger vos affaires dans cette armoire, votre mère a fait envoyer les malles avant-hier. Vous avez un broc avec de l'eau fraiche, une bassine et une serviette sur cette commode, le pot de chambre est sous la table de chevet à votre droite, cela vous évitera de redescendre aux latrines en pleine nuit, qui sont à l'extérieur du bâtiment. Vous avez besoin d'autre chose ?
- Je ne crois pas.
- Alors je vous laisse tranquille quelques minutes, le temps de faire le tour de mes bêtes pour vérifier que tout est en ordre...
Hermione se retrouva seule : la première chose qu'elle fit fut de soulager ses besoins primaires, puis versant de l'eau du broc dans la bassine, elle se débarbouilla le visage avec un savon parfumé qu'elle trouva à côté et regretta l'absence de coiffeuse ou même d'un grand miroir mural pendant qu'elle sortait la brosse et son petit miroir d'une de ses malles pour se démêler les cheveux après avoir ôté sa coiffure compliquée que sa femme de chambre avait passé une heure à lui faire ce matin.. Elle chercha dans la pièce une baignoire mais n'en trouva pas. Soupirant, elle ôta sa robe de mariée qui ne lui servirait plus et chercha sa chemise de nuit pour l'enfiler.
Enfin, elle tergiversa : devait-elle se coucher ou attendre son mari ? Finalement, elle hésita pendant tant de temps que des pas dans l'escalier l'empêchèrent de prendre une décision. Lorsque son époux entra sans même frapper, elle attendait debout, le cœur battant, gênée d'être en vêtement de nuit devant un homme dont elle ne connaissait rien…
- Vous avez terminé ? Vous avez tout ce qu'il vous faut ?
- Hum, il n'y a pas de miroir. Et il me faudrait une baignoire également… demanda Hermione pour se donner une contenance.
Elle se mordit la lèvre, furieuse de son audace : il allait la prendre pour une fille capricieuse, ce qu'elle n'était pas.
- Une baignoire et un miroir ? Ça doit pouvoir se faire. C'est tout ?
- Oui, je crois…
- Demain matin, je vous laisserai dormir exceptionnellement. Lavande, qui s'occupe des repas et du ménage, vous servira le petit déjeuner : elle sera dans la cuisine.
"Une servante ? finalement ce ne serait peut-être pas si mal ici" songea Hermione.
- Bon il est largement l'heure de nous coucher, demain, j'ai du travail, je dois continuer de clôturer un pré, expliqua Ronald. Ce disant, il avait commencé à se déshabiller devant Hermione, qui tourna vivement la tête affreusement gênée tandis que son mari se retrouvait en simple caleçon et chemise de coton blanc.
- Vous prenez quel côté ?
- Pardon ? bégaya-t-elle.
- Quel côté du lit ?
- Heu, je… Peu importe ! bégaya-t-elle en rougissant.
- Bon, je vais tester le côté gauche, je serai plus près de la porte et je vous gênerai moins quand je me lèverai demain.
- Comme vous voudrez !
Elle jeta un coup d'œil en coin à son mari qui écartait les draps pour se glisser dans le lit : il semblait si calme, tandis qu'elle commençait à trembler involontairement. Néanmoins, elle l'imita machinalement et se couvrit du lourd édredon presque jusqu'au bout de son nez. La chaleur qui la gagna n'empêcha pas ses tremblements de continuer.
- Vous avez froid ?
- N…Non !
- Je me suis dit qu'un feu serait inutile à cette saison mais si vous voulez, on peut en faire un dans la cheminée, j'ai juste à remonter un peu de bois…
- Non, non, ça ira, ne vous donnez pas cette peine…
Hermione n'avait pas froid, elle avait chaud, elle commençait même à transpirer, et pourtant elle tremblait. Elle comprit soudain que c'était de la peur : le froid n'aurait pas fait accélérer son rythme cardiaque. Or, elle sentait chaque battement de son cœur cogner plus vite dans sa poitrine. Elle attribua cette peur à l'angoisse de l'inconnu, une nouvelle maison, un nouveau mode de vie, mais intuitivement, elle sentait que cette peur était plus primitive, et était lié à cet inconnu, cet homme étendu là, qui partageait son lit. Elle attendit, aux abois, mais rien ne se passa durant de longues secondes. Lorsqu'elle tourna enfin la tête, elle s'aperçut que son mari la regardait avec curiosité :
- Vous ne voulez pas souffler la bougie ? lança-t-elle pour couper le silence.
- Je vais le faire, mais avant, il faut que je fasse autre chose …
- Quoi ? lança Hermione presque affolée alors que Ronald se redressait dans le lit et s'y agenouillait.
- Je pense que ma fille de ferme s'attendra à voir quelque chose dans les draps quand elle fera le lit conjugal demain matin, et comme je sais qu'elle a une langue bien pendue et que les commérages vont vite dans les villages alentours…
Il ouvrit alors sa chemise et sortit de la table de nuit quelque chose, qu'Hermione ne reconnut pas tout de suite.
Elle comprit lorsqu'il le passa sur sa poitrine et que le sang coula de l'entaille : c'était un couteau.
Elle ne put retenir un cri :
- Que faites-vous ?
- Je prends votre virginité, sourit-il.
- Je vous demande pardon ?
Son époux essuya l'entaille de deux doigts et ouvrant l'édredon, il frotta ses doigts au centre du lit, enduisant les draps de coton blanc d'une tache écarlate.
- Voilà qui devrait contenter Lavande et faire taire les ragots…
- Je ne comprends pas…
- Nous dirons que le mariage a été consommé, coupa-t-il, c'est très bien pour le moment. Je ne tiens pas à vous effrayer davantage. Vous semblez déjà bien assez apeurée comme ça pour le moment et nous avons tout le temps pour ça…
Hermione fronça les sourcils : elle ne comprenait absolument rien à ce que lui disait son époux.
- Je pense que maintenant nous pouvons souffler la bougie…
- Mais… et votre blessure ?
- Ce n'est rien, juste une égratignure, bonne nuit…
- Bonne nuit…
Et il souffla la bougie : Hermione n'osait remuer, persuadée qu'elle le gênerait… De plus, elle réfléchissait à ce qui venait de se passer, et plus elle cherchait à comprendre, moins elle comprenait. Persuadée qu'elle ne réussirait pas à s'endormir, ses pensées tournaient et retournaient dans sa tête, pourtant quand les ronflements réguliers de son mari étendu à côté la bercèrent, elle finit par sombrer elle aussi et rejoindre le pays des rêves…
Le lendemain matin, lorsqu'Hermione ouvrit les yeux, les rayons du soleil perçait allégrement à travers les volets en bois mal jointés de la fenêtre et il était déjà haut dans le ciel. Elle regarda à côté d'elle : le lit était vide, et depuis longtemps car il était froid. Elle s'étira prudemment puis se frotta doucement les yeux. Enfin, elle se décida à s'habiller : elle chercha dans ses malles une robe assez discrète. Elle choisit celle en soie bleu foncée, elle serait assez sobre pour la ferme, songea-t-elle. Puis elle se rafraichit au broc, et entreprit de se coiffer, non sans mal en l'absence de miroir car elle ne pouvait à la fois tenir son miroir à main, sa brosse et ses peignes à cheveux . Enfin elle descendit prudemment les escaliers, percevant du bruit qui venait de la cuisine.
Lorsqu'elle en poussa la porte, une femme forte âgée d'une quarantaine d'année et aux cheveux blonds grisonnants l'accueillit.
- Bonjour, Madame.
- Bonjour… euh, je présume que vous devez être Lavande ?
- C'est c'la : employée par Maitre Weasley pour les tâches domestiques : faire la cuisine, nettoyer le linge, la maison, nourrir les poules et les lapins… Vous devez avoir faim, M'dame : vous voulez manger quoi ?
- Qu'y a-t-il à manger, Lavande ? demanda Hermione
- Des œufs, du lard… Hermione fronça les sourcils
- …du pain, du lait, du fromage, du beurre … Hermione soupira :
- Donnez-moi une tranche de pain beurré et une tasse de lait chaud.
Hermione soupira, elle qui avait l'habitude de sa brioche matinale, elle devrait désormais se contenter de pain beurré.
Tandis qu'elle grignotait sa brioche, Lavande l'avertit :
- Je monte faire le lit et aérer la chambre…
Hermione grimaça au souvenir de la tâche du sang de Ronald dans le lit, et son cœur s'accéléra. Toutefois, quand Lavande revint quelques minutes plus tard, les draps dans ses bras, elle semblait satisfaite et minaudait gaiement :
- Je ferai une lessive tout à l'heure… Nous avons toutes été surprise du mariage de Monsieur Weasley, c'était si soudain : beaucoup de filles du coin avaient des vues sur lui vous savez, vous avez fait beaucoup de déçues avec ce mariage !
Hermione trouva Lavande très familière, mais ne sut quoi lui dire pour couper court à la conversation, et but une gorgée de lait pour se donner une contenance. C'est alors que la porte d'entrée s'ouvrit, laissant entrer son beau-père et son époux.
- Bonjour, avez- vous bien dormi, mon enfant ? demanda gentiment son beau-père.
Hermione sourit à son beau-père qui avait été jusque-là le seul personnage vraiment sympathique de la maison.
- Bonjour, bien, je vous remercie. Et vous, Monsieur ?
- Je vous en prie, appelez-moi Arthur, mon enfant… Ma foi, pas trop mal, j'ai un peu trop abusé du vin de noces, cela aide contre les insomnies, rit-il, et Hermione lui sourit en réponse.
Ronald et lui se mirent à table et Lavande leur servit un café.
- Je vois que vous avez préparé son petit déjeuner à ma femme, Lavande, constata Ronald. Puis, se tournant vers sa femme :
- A partir de demain, cette tâche vous reviendra, tout comme d'autres tâches domestiques. Lavande, je vous ai déjà trouvé une nouvelle place, à la ferme des Londubat.
Hermione resta interloquée, sans savoir quoi répondre :
- Mais.. mais… je ne sais pas faire la cuisine…
- Vous ne savez pas faire la cuisine ?! Vraiment ?! Même un petit déjeuner ?
Ronald sembla surpris et échangea un regard avec son père, chargé de reproche.
- Nous avions des domestiques au château… s'excusa Hermione presque honteuse.
Ronald leva les yeux au ciel :
- Ce n'est pourtant pas compliqué de faire du café, des œufs et du lard ! Enfin ! soupira-t-il, Lavande, vous pourrez rester avec ma femme une semaine, le temps de lui montrer tout ce qu'i faire…
- Bien sûr, M'sieur.
Hermione eut envie de hurler : si son époux souhaitait une domestique, il n'avait qu'à en épouser une ! Elle ne s'abaisserait jamais à faire ces basses besognes, elle avait beau avoir eu une éducation moins bonne que sa sœur, elle n'en avait pas moins reçu une bonne éducation. Elle allait dire à son époux le fond de sa pensée quand celui-ci se leva soudainement :
- Ah, j'ai oublié…
Hermione le vit sortir puis entrer quelques secondes plus tard, tenant dans ses bras une immense bassine de cuivre, qu'il posa bruyamment sur le sol de la cuisine.
- Ce n'est pas vraiment une baignoire, mais elle est assez grande pour que vous puissiez vous y baigner. Quant au miroir, il est commandé… Bon, père, vous venez, nous avons encore ces piquets à finir de planter, si nous voulons mettre les vaches à l'herbe…
Hermione n'eut pas le temps de répondre ou de réagir que son époux et son beau-père étaient déjà levés et sortis.
- Bon puisque vous êtes prête, si je vous montrais tout ce que Maitre Ronald a dit ? proposa Lavande d'un air mi-moqueur mi-résigné.
Hermione n'eut d'autre choix que de prendre le tablier que lui tendait Lavande, et de suivre tout ce qu'elle lui montrait : elle apprit au cours de la journée à faire chauffer l'eau dont elle avait besoin dans la marmite, balayer, nettoyer le sol, préparer un repas, du pot-au-feu avec la viande salée et les légumes que Lavande et elle allèrent prendre dans la cave et le potager. Au cours de la semaine, elle apprit comment faire la vaisselle, récurer les marmites, utiliser le lait des vaches pour faire du fromage, faire les lits, la lessive, s'occuper des poules et des lapins… À la fin de la semaine, ses mains étaient crevassées et certaines gerçures se craquaient et saignaient. Lavande lui conseilla de s'enduire les mains de saindoux de porc, chose qu'Hermione se refusa à faire, par crainte de l'odeur, et eut l'idée de prendre le précieux petit flacon d'huile d'olive de la cuisine dont elle s'enduisit matin et soir les mains pour rapidement retrouver apaisement et amélioration.
Le travail ne manquait pas et tous les soirs, Hermione se couchait extenuée, avant même que son mari la rejoigne et s'endormait jusqu'au petit jour, où Ronald la réveillait lorsqu'il se levait pour traire les bêtes avec son père et leur donner à manger, afin qu'elle prépare avec Lavande le petit déjeuner. Seul le dimanche lui donna un peu de repos : son mari la laissa dormir et elle eut le temps de prendre un bain avant d'aller à la messe du village voisin.
La semaine suivante, elle dut hélas commencer à se débrouiller seule : les œufs étaient trop cuits, le lard pas assez, et le café trop fort, Hermione s'étant trompée sur les doses. Son époux grimaça, mais avala sans rien dire la nourriture et le breuvage tandis que son beau-père rajouta du sucre dedans pour faire passer le goût.
- Je suis désolée, je ferai mieux demain… Hermione se tourna vers l'évier et commença la vaisselle, pour cacher ses larmes d'humiliation. Elle se sentait honteuse de n'avoir pas réussi une tâche qui semblait pourtant si simple.
Elle sentit quelqu'un derrière elle et vit une main poser une assiette, un bol et couverts dans l'évier.
- Ce n'est pas grave, vous finirez par apprendre, souffla la voix de Ronald à son oreille.
Le temps qu'elle se retourne et il était déjà en train de reprendre son manteau et de quitter la pièce pour retourner à son travail. Néanmoins, cette petite phrase lui avait remis du baume au cœur car Ronald d'une certaine manière l'avait encouragée.
Hermione fut vite désespérée de la quantité de travail à abattre, et se demanda comment elle allait y parvenir toute seule. Mais elle était fière, c'était sa plus grande qualité : "si Lavande y arrive, je dois pouvoir le faire, il faut juste que je m'organise". Elle se concentra d'abord sur les tâches les plus simples : les repas. Le repas du midi ne fut pas trop mal réussi, quoique le rôti de porc fut un peu trop salé et la tarte à la rhubarbe terriblement acide car elle avait oublié le sucre, mais Ronald et son père le rajoutèrent par-dessus sans rien lui dire, ce dont elle leur fut gré. La soupe du soir fut plus réussie, car elle la goûta au fur et à mesure de l'assaisonnement et de la cuisson. Le lendemain, elle ne perdit pas de temps à se préparer et courut à la cuisine: en faisant les choses une part une, elle réussit parfaitement ses œufs au bacon et son café.
- C'est délicieux ! s'exclama son beau-père, et elle en reçut fièrement les compliments, tandis qu'elle avait observé amusée et fière le regard étonné de son mari.
Alors que son beau-père quittait la cuisine, Ronald vint la voir :
- Vous avez fait de gros progrès, je vous félicite.
- Merci, murmura Hermione se sentant rougir sous le compliment.
- Aussi je crois que vos efforts méritent largement le cadeau que j'ai pour vous et qui est enfin arrivé : venez.
Il l'emmena à l'écurie et elle vit, emballé soigneusement dans une grosse caisse en bois un magnifique miroir encadré de bois sculpté et rehaussé de dorures…
- Il vous plait ?
- C'est… c'est magnifique !
- Je vous l'accrocherai cet après-midi dans notre chambre.
- Merci ! Merci beaucoup !
- Merci à vous des efforts que vous faites, je sais que ce n'est pas facile pour vous de vous faire à cette nouvelle vie…
Et Ronald tourna les talons et la laissa.
C'était la première fois qu'il lui disait des paroles gentilles et l'encourageait ouvertement. Cela conforta Hermione dans les efforts qu'elle faisait. Elle négligea les premiers temps le ménage, se contentant d'un rapide coup de balai dans les principales pièces de la maison, mais bien vite, elle s'améliora en cuisine et le temps gagné fut utilisé pour briquer la maison de haut en bas : chaque jour, elle fait une pièce en entier et tournait le jour suivant. Sa routine quotidienne s'optimisa peu à peu. Elle trouva le temps de récolter les œufs, de faire le fromage, et de repriser les vêtements déchirés de son mari et de son beau-père, ayant été habituée aux travaux de broderie, cela ne lui causa guère de difficulté.
Le grand miroir avait été fixé dans la chambre et Hermione le trouvait magnifique. Matin et soir, elle se brossait les cheveux dedans, et scrutait son visage. Aurait-elle été plus heureuse dans un riche château aux côtés d'un époux comme celui de sa sœur ? Elle ne pouvait pas dire qu'elle était malheureuse : elle avait de quoi manger, et le travail s'il était dur, n'était pas insurmontable, son mari ne la battait pas, au contraire, il la laissait tranquille, et l'encourageait discrètement de ses efforts. Elle recevait régulièrement par un messager des nouvelles de ses parents, et profitait de son retour pour leur envoyer de ses nouvelles.
Le moment des moissons arriva : son époux se levait encore plus tôt que les autres jours, avant l'aurore : tout le village s'y mettait et il passait avec son père la journée dehors. Hermione leur préparait leur casse-croûte, fait de pain, de fromage, de jambon, auquel elle ajoutait une bouteille de vin rouge ou de cidre, et des fruits, parfois une tarte, qu'elle leur apportait sur place.
Ils mangeaient rapidement à l'ombre d'un arbre, entourés des ouvriers de tous âges, de leurs femmes. Elle se rendit alors compte qu'elle était privilégiée ; les femmes étaient commises à la dure tache de ramasser les gerbes et les lier, ce qui était un travail pénible, vue la chaleur du mois de juillet, et qui les obligeait à se baisser et se relever sans cesse. Lorsqu'elle arrivait, son mari qui fauchait avec les autres était torse nu, le corps couvert d'une fine pellicule de sueur qui faisait briller sa peau. Il vidait la gourde d'eau fraiche qu'elle lui tendait, lui redonnait en la remerciant s'essuyait le front de son mouchoir. Hermione ne pouvait s'empêcher de le trouver séduisant et jetait des coups d'œil qu'elle espérait discret, mais un jour, il releva la tête et son regard croisa le sien en train de l'admirer, et aussitôt Hermione baissa les yeux, rougissante et fit semblant de l'ignorer. Relevant à nouveau les yeux, elle le vit esquisser un sourire en la regardant avant qu'il ne tourne le visage ailleurs. Il se moquait surement d'elle et on ne l'y reprendrait plus de sitôt…
Les semaines passaient, rythmées par la messe dominicale à laquelle elle assistait avec son mari et son beau-père. C'est le seul jour où elle pouvait porter une de ses anciennes robes qu'elle avait emmenées. Pour le reste de la semaine, elle s'était vite confectionné des robes simples de coton dans lesquelles elle était plus à l'aise pour travailler et qui ne craignaient ni les tâches, ni les déchirures. Le midi, ils pique-niquaient devant l'église, en compagnie des familles des environs, et c'était l'occasion de bavarder et d'échanger les derniers potins. Le reste de la semaine, elle se sentait souvent seule, malgré la gentillesse de son beau-père, mais dont la conversation se limitait à la ferme et aux rythmes des saisons et des récoltes.
L'automne arriva et avec lui le jour où l'on tua les cochons de toutes les fermes environnantes. Chaque ferme amenait son matériel, mais un grand chaudron sous lequel on alluma un grand feu permit la préparation du boudin et des saucisses.
Hermione dut couper des quantités d'oignon qui lui brulèrent les yeux, puis mélanger le sang dans la marmite avec la chaleur du feu qui lui brûla le visage. Elle sala ensuite la viande pour la conserver et échappa ainsi au nettoyage et à la cuisson des tripes.
Puis vint la période des labours. Un jour que Ronald descendait de son chariot sa charrue qu'il venait de faire réparer chez le forgeron, la charrue glissa et lui tomba sur sa jambe. Ce fut ses cris qui alertèrent Hermione qui préparait le repas du midi.
Elle le trouva allongé par terre, la charrue renversée sur sa jambe. Elle poussa aussitôt la charrue, avec du mal car celle-ci était lourde, et le spectacle qu'elle découvrit la fit paniquer : la jambe de Ronald saignait abondamment, une profonde entaille faite par le soc de fer avait déchiré le muscle sur le côté…
- Mon Dieu ! Ronald !
- Pas … pas de panique, Hermione ! Mon père est dans le champ juste derrière, il faut aller le chercher mais d'abord, donnez-moi un linge propre afin que je stoppe le saignement.
Hermione crut ne jamais y parvenir, elle sentait son cœur battre à toute allure et ses membres trembler. Elle courut à la cuisine récupérer des torchons propres et revint voir Ronald.
- À présent, allez chercher mon père. Vite !
Hermione trouva heureusement son beau-père rapidement, et son air paniqué lui fit tout de suite comprendre que quelques chose de grave était arrivé.
Tant bien que mal, ils réussirent à lever Ronald et à l'allonger dans le lit de son père au rez-de-chaussée. Il retint ses cris mais laissa échapper des gémissements de douleur.
- Je vais chercher le médecin, restez avec lui surtout, informa son beau-père avant de quitter la cuisine.
"Comme s'il avait besoin de me le dire !"
Hermione se tourna vers Ronald et le regarda : il était pâle et commençait à trembler. Elle lui ramena un couverture.
- Voulez-vous de l'eau ?
- Non, ça ira.
- Vous souffrez beaucoup ?
- Je pense …que ma jambe est cassée…
- Attendons de voir le docteur…
Le verdict du médecin fut sans appel : fracture du tibia et déchirure du muscle jambier. Heureusement, la fracture n'était pas déplacée. Le médecin se contenta de recoudre la plaie, la nettoya et la pansa, mis une attelle et recommanda de surveiller les signes d'infection et l'immobilisation durant au moins six semaines.
Pendant que le père Weasley raccompagnait le médecin, Hermione couvrit de nouveau Ronald et lui proposa de nouveau de l'eau.
- Non…
- Il faudra manger tout de même, le médecin…
- Je me moque de ce que dit le médecin, je fais comment pour faire tourner la ferme ? C'est les semis, mon père ne peut plus tout faire tout seul, et la traite, je ne peux pas rester six semaines à ne rien faire…
Il tapa d'un poing rageur sur le matelas, le visage exprimait son désespoir.
- Nous allons embaucher quelqu'un pour aider votre père, et pour la traite, je peux aider… Ne vous inquiétez pas et reposez-vous.
Hermione vit des larmes perler aux coins des yeux de Ronald, et voulant lui épargner l'humiliation de le voir pleurer, elle le laissa discrètement. Les jours suivants, l'organisation journalière fut bouleversée. Hermione avait laissé sa chambre à son beau-père et avait installé un matelas de fortune à côté du lit de son mari. Il arrivait quand même à cloche-pied à se trainer sur le pot de chambre, ce qui lui évitait l'humiliation de devoir utiliser un bassin de lit. Il mangeait quand même, parce qu'Hermione le forçait. Son beau-père et elle se relayaient pour s'occuper de lui entre les travaux de la ferme et les repas. Hermione avait dû apprendre à traire : son beau-père avait mis du temps à lui montrer mais il était patient et elle finit par se débrouiller, bien que la traite ne fut pas tout à fait aussi abondante qu'elle aurait dû l'être.
Toutefois au bout d'une semaine, l'appétit de Ronald baissa et il semblait de plus en plus fatigué. Un matin, il ne répondit même plus à Hermione et lorsqu'elle toucha son front, il était brûlant. Elle avertit son beau-père qui courut chercher de nouveau le médecin. Celui-ci diagnostiqua une infection et donna des onguents à appliquer ainsi que des infusions de plantes antiseptiques.
- Si la fièvre ne tombe pas, il faudra envisager l'amputation pour éviter la septicémie…
« Hors de question », songea Hermione, « je ne laisserai pas faire ça ! » : elle veilla jour et nuit sur son mari, rafraichissant régulièrement son front avec des linges humides, glissant de l'eau dans sa bouche pour éviter la déshydratation, et nettoyant régulièrement la plaie avec des décoctions de plantes. Le matin du troisième jour, elle tâta son front : la fièvre était tombée et Ronald ouvrit les yeux :
- Ronald, vous m'entendez ?
- Oui, mais j'ai un mal de tête terrible ! Ne criez pas si fort !
- Oh, mon Dieu merci ! Vous allez mieux !
Et Hermione s'effondra en pleurs à genoux au pied du lit.
Elle sentit une main se glisser sur sa tête.
- Pourquoi pleurez-vous ainsi, j'ai juste piqué un petit somme, je ne suis pas mort !
- Vous avez bien failli, ou du moins vous avez échappé à la perte de votre jambe ! J'ai eu si peur !
- Vous avez eu peur pour moi ? Voilà qui est réconfortant ! sourit Ronald.
- Ne vous moquez pas ! J'ai veillé sur vous pendant ces trois jours…
- Trois jours ?!
- Oui, trois jours !
- Tout va bien maintenant, ne pleurez plus, tout ira bien !
Il se redressa et la prit par les épaules, puis doucement l'embrassa sur la joue.
- Je suis là, tout va bien… murmura-t-il à son oreille.
Lorsque le père Weasley rentra, il trouva son fils enlaçant sa belle-fille, il sourit et les laissa tous les deux.
Les semaines de convalescence passèrent plus vite : le père Weasley avait trouvé des personnes pour l'aider, et Lavande venait le soir préparer les repas, Hermione, plus reposée, put mieux s'occuper de son mari qui reprenait des forces de jour en jour. Enfin après avis du médecin il put se lever et faire d'abord quelques pas, puis reprit doucement une activité normale. La plaie n'était plus qu'une cicatrice d'abord rose puis blanche. L'incident avait eu le mérite de rapprocher sensiblement les deux époux.
- Cela fait plus d'un an, et toujours rien ! C'est à croire que le baron nous a roulé, il savait sans doute que sa fille ne valait rien pour la reproduction. Est-elle régulière dans ses menstrues au moins ?
- Père, je vous en prie, vous parlez de ma femme comme d'une poulinière!
- Mais enfin Ronald, je t'ai arrangé ce mariage pour avoir un descendant qui reprendra la ferme, je tiens à le voir avant de quitter ce monde, je suis déjà vieux, mes douleurs vont en s'aggravant d'année en année, et ma mauvaise toux qui ne m'a pas quitté de l'hiver…
- Il faut savoir attendre et être patient père, ces choses-là ne se font pas sur commande. Laissez-lui du temps.
- Je lui laisse jusqu'à la fin de l'année, après j'irai voir le baron pour lui dire ma façon de penser…
Hermione entendit la porte d'entrée claquer, signe que l'un ou l'autre était sorti. Elle attendit un deuxième claquement pour descendre préparer le petit déjeuner… Les voix portaient facilement dans l'escalier, même s'ils avaient parlé doucement.
Elle attendit plusieurs jours avant d'avoir le courage d'en parler à Ronald, puis un soir, alors qu'il s'allongeait à côté d'elle dans le lit, elle se lança :
- Je peux vous demander quelque chose ?
Ronald la regarda étonné, Hermione n'avait pas l'habitude de parler au lit, en général, ils se disaient bonne nuit, soufflaient la bougie et cela s'arrêtait là.
- Je vous écoute.
Il attendait, curieux de ce que sa femme pourrait lui demander.
- Voilà, êtes-vous… êtes-vous heureux de m'avoir épousée ?
- En voilà une question ! Il marqua un temps d'arrêt. Pourquoi me demandez-vous cela ?
- Je veux dire, est ce que je vous satisfais ?
- Je ne regrette pas de vous avoir épousée, si c'est là votre question.
- Même si je ne vous ai pas encore donné de descendant ?
- Nous avons tout le temps d'y penser, vous êtes encore jeune…
- Ce n'est pas ce que semble penser votre père…
- Mon père ? Que…
- Je vous ai entendu parlé l'autre matin, il disait…
- Ce qu'il disait n'a pas d'importance… Et puis, c'est ma faute plus que la vôtre…
- Non, c'est bien ma faute si je n'arrive pas à porter d'enfant… Vous devez le regretter…
Hermione baissa la tête, ne parvenant pas à retenir ses larmes.
- Vous n'y êtes pour rien Hermione, vous ne pouvez pas…
Ronald s'arrêta de parler, comprenant soudain la raison des pleurs de sa femme. Il secoua la tête, semblant refuser l'explication, pourtant, c'était la seule logique pour expliquer son attitude et sa tristesse.
- Écoutez, il est tard, si nous reprenions cette conversation demain, avec le jour, tout parait plus clair. Essayez de dormir, et croyez-moi quand je vous dis que vous n'y êtes pour rien.
- D'accord, acquiesça Hermione, tandis qu'il soufflait la bougie, bonne nuit.
- Hermione pouvez-vous préparer un casse-croûte à emporter s'il vous plait ? demanda Ronald à la table du petit déjeuner, le lendemain.
- Vous êtes absent ce midi ? demanda Hermione, déçue que Ronald semble déjà avoir oublié leur conversation de la veille.
- Qu'as-tu prévu, garçon ? demanda son père.
- J'emmène la jument à la monte, et comme c'est à une demi-journée de route, cela m'occupera la journée.
- Tu l'emmènes chez le père Hagrid ?
- Oui, les poulains sont toujours plus beaux, ils se vendent mieux. Hermione, vous venez avec moi, cela vous donnera l'occasion de sortir.
- Mais, et la ferme, le travail … ?
- Laissez tomber, on verra ça en rentrant ce soir, je vous donnerai un coup de main, je n'ai pas grand-chose à faire en ce moment.
La discussion était close, Hermione prépara le casse-croûte tandis que Ronald attelait Pattenrond, une des juments de trait alezane de la ferme - nommée ainsi parce qu'elle était légèrement cagneuse.
- Ou allons-nous exactement ?
- Dans une ferme située au sud, à une vingtaine de kilomètres.
- Ca fait pas mal de route.
- C'est pour ça que nous sommes partis tôt et que nous mangeons là-bas.
- Et vous allez chercher quoi ?
- Je vais faire couvrir la jument.
- Vous avez peur qu'elle attrape froid ?
La naïveté de son épouse fit rire Ronald malgré lui.
- Pourquoi riez-vous ?
- Désolé ! Je vous prie de me pardonner ! Faire couvrir une jument c'est faire en sorte qu'elle soit pleine. Je profiterai ainsi de la vente de son poulain six mois après sa naissance. Rappelez-vous des poulains que j'ai vendus il y a quelques mois.
- Et vous êtes obligé d'aller aussi loin pour la "faire couvrir" ?
- L'avantage c'est que je ne paye rien : le père Hagrid me loue une parcelle de pré en échange, c'est bénéfice réciproque pour nous deux.
- Vous avez le sens des affaires !
Ils arrivèrent enfin chez le père Hagrid : une petite ferme entourée de pré où paissaient des vaches, des moutons et quelques chevaux. Un gros chien aboya, qui prévint son maitre de l'intrusion.
- Bonjour, m'sieur Weasley !
- Bonjour père Hagrid, comment va ?
- Pas trop mal, pas trop mal ? C'est qui donc c'te joli brin de femme ? Serait-y la vôtre ?
- Tout à fait ! Hermione, je vous présente le père Hagrid.
- Bonjour Monsieur, enchantée de faire votre connaissance, salua Hermione en une gracieuse révérence devant l'homme costaud affublé d'une barbe brune et d'une tignasse impressionnante.
- Alors v'z'êtes venu pour la monte, comme habituellement ?
- Toujours pareil, un beau poulain que j'ai vendu l'an dernier, celle-ci ce sera son premier poulinage.
- Les chaleurs ont commencé ?
- Depuis quelques jours, je surveille, on doit être bon.
- Je vous laisse la mettre au pré, c'est au même endroit que d'habitude ! J'ai du boulot qui m'attend, je répare ce fichu essieu…
- Ne vous inquiétez pas, je me débrouille, je connais la maison, bon courage !
Prestement, Ronald détela la jument puis la prit par la longe.
- Vous venez ?
- J'arrive, dit Hermione.
Ils marchèrent le long d'un petit sentier bordé par des aubépines et des prunelliers, et arrivèrent près d'un petit parc où un autre cheval les attendait : il hennit bruyamment à leur arrivée. La jument répondit et sembla s'agiter.
- Elle est contente d'avoir un copain, constata Hermione
Ronald sourit : l'heure de l'explication allait enfin avoir lieu. Il savait que les filles de la haute société étaient élevées dans d'autres valeurs que les siennes mais de là à ignorer les choses les plus élémentaires de la nature, c'en était presque honteux de la part du baron et de sa femme.
- Écoutez, Hermione, avez-vous bien compris ce que nous sommes venus faire ici ?
- Bien, oui, vous me l'avez dit, faire couvrir votre jument pour qu'elle ait un petit.
- Avez-vos compris le sens de "faire couvrir" ?
- Pas exactement, mais vous allez me le montrer tout à l'heure je suppose.
- Je vais vous le montrer maintenant.
Et Ronald ouvrant la barrière, fit reculer l'étalon fringuant qui piaffait d'impatience et glissa la jument prestement, lui ôta sa longe et referma aussitôt.
L'étalon vint la renifler, et la jument poussa de petits couinements aigues tout en lançant de petites ruades.
- Elle n'a pas l'air de l'apprécier.
- Elle est jeune, mais l'étalon est plus vieux, il sait s'y prendre. Voyez comme il prend le temps de la séduire, de la mettre en confiance…
- En confiance ?
L'étalon se dressant sur ses pattes arrières et tenta de grimper sur la jument. Mais celle-ci s'échappa et il retomba sur ses quatre pattes.
- Il va la saillir, il va la monter et la féconder de sa semence, c'est de cette façon qu'elle sera pleine et qu'elle pourra pouliner: c'est ainsi que ça se passe pour les chiens, les chats, les humains…
Ronald essayait de garder son calme et de rester naturel. Il fallait qu'il réussisse à montrer que c'était un acte naturel, pour ne pas affoler Hermione.
- Les humains ? Vous voulez dire que…
À cet instant, l'étalon grimpa de nouveau sur la jument. Comme ils étaient de profil, Hermione put nettement voir le sexe gonflé de l'étalon pénétrer la jument. Il mordit la jument au garrot pour se maintenir et donna quelques coups de boutoir que la jument désormais placide supporta sans se plaindre. Puis, en quelques secondes, tout fut terminé et l'étalon glissa sur le côté de la jument…
Hermione resta sans voix : tout se mettait en place dans sa tête, toutes les pièces de puzzle jusque-là incomplet s'ajustaient. Elle écarquilla les yeux, d'abord émerveillé d'avoir compris, puis pâlit à l'idée de ce que cela impliquait : le même type d'évènements entre elle et son mari. Elle sentit son souffle s'accélérer et la tête tourner.
- Hermione, vous allez bien ?
- Non… Non…
- Vous voulez vous assoir ?
- Je…
Elle sentit qu'il lui prenait la main…
- Venez…
Il la fit s'assoir sous un grand noyer au bord du sentier :
- Je vais vous chercher de l'eau.
- Non, cela va mieux, restez, je veux vous demander…
- Demandez moi ce que vous voulez.
- Vous dites que cela doit se passer ainsi entre les humains. Cela signifie que pour que je vous donne un descendant, nous devrons… vous devrez … faire ça ?
- Oui, c'est exact…
- Mais pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt alors, si vous en vouliez un ?
- Parce que nous ne sommes pas des animaux… La première fois est plus … délicate pour les femmes.
- En quoi est ce délicat ?
- Cela peut être douloureux et il y a toujours un peu de sang… Seulement la première fois…
Hermione réfléchit quelques secondes, puis écarquilla les yeux, une nouvelle pièce du puzzle se mettant en place :
- le couteau, la blessure, notre première nuit ensemble…murmura-t-elle
- Oui, nous étions censés avoir consommé le mariage, Lavande en aurait informé mon père, et je ne voulais pas vous presser… Nous avons le temps, Hermione, nous prendrons le temps qu'il faudra, maintenant que vous savez à quoi vous attendre…
Au retour, Hermione eut tout le loisir de réfléchir pour prendre sa décision.
Le soir vint et Ronald vint la rejoindre au lit :
- J'ai bien réfléchi, et je veux que vous me montiez…
- Pardon ?
- Je veux que vous me couvriez pour que j'ai enfin un descendant…
Ronald sourit :
- On utilise pas ce terme pour les humains, on dit "faire l'amour".
- Faire l'amour ? C'est bizarre comme terme…Alors, allons-y, "faisons l'amour".
Ronald se pencha au-dessus d'elle et la regarda droit dans les yeux :
- M'aimez-vous assez pour faire l'amour ?
- Si je vous aime ?
- Dans "faire l'amour", il y a "amour" : si vous ne m'aimez pas, cet acte est impossible. Je vous aime Hermione, vous êtes l'épouse que j'ai choisie et nous nous sommes unis devant Dieu, rien ne peut défaire ce lien. Je ferai tout pour vous.
Hermione lut tout son sérieux dans son regard, il l'intimida et elle baissa les yeux.
- Je… Je vous aime aussi.
- Non, regardez-moi quand vous le dites !
- Je vous aime…
Hermione avait à peine terminé sa phrase que Ronald l'embrassait passionnément. Ses lèvres étaient douces contre les siennes, et entre sa bouche ouverte, elle sentit sa langue la frôler, humide et chaude, une sensation indéfinissable qui lui vrilla le bas-ventre…
Il abandonna son baiser à regret et la regarda intensément.
- Vous vous rappelez ce que j'ai dit tout à l'heure à propos de la première fois ? Que c'était douloureux pour la femme ? Je vais néanmoins tout faire pour que ça le soit le moins possible. Mais il faut me faire confiance. Vous pouvez ?
- Oui, Ronald, je vous fais confiance…
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Hermione était allongée sur le dos, dans le lit conjugal, en sueur, le souffle court : le corps de Ronald pesait encore sur le sien, mais elle le sentait à peine. Comment aurait-elle pu imaginer que ces choses-là existaient ? Que ces sensations-là existaient ?
Ronald avait tellement pris son temps, il l'avait tant caressée, si tranquillement, si tendrement, que c'est à peine si elle avait ressenti une quelconque douleur… Il s'était montré si doux : comment pouvait-il habituellement cacher cette si grand douceur et tendresse derrière sa carapace d'inflexibilité ? Hermione sourit malgré elle.
- Qu'y a-t-il ?
- Rien, je souris parce que je suis heureuse.
- Vous ne l'étiez pas auparavant ? Alors j'ai failli à ma tâche…
- Je l'étais, mais je suis encore plus heureuse de bientôt pouvoir vous donner une descendance…
- Du calme, ce n'est pas dit que cela fonctionnera dès la première fois…
- Vous voulez dire que nous devrons recommencer ?
- Surement…
- Je m'en réjouis d'avance…
- J'apprécie votre enthousiasme !
Et Ronald embrassa avec passion son épouse.
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4 ans plus tard :
- Rose, attendez ! Ne courez pas si vite, je porte Hugo et il se fait lourd maintenant, je ne peux pas vous suivre…
- Je la rattrape, Hermione, ne vous inquiétez pas ! Attends un peu, petite sorcière ! hurla Ronald en riant, et il poursuivit sa fille aînée, tandis que sa femme - et désormais mère de ses deux enfants - les suivait pour une balade printanière sous le doux soleil matinal, son fils cadet dans ses bras…
FIN
