Une barrière de flammes les séparaient. Parce que c'était son combat, ce pourquoi elle s'était préparée durant des mois.

Elle avait vu la mort ; elle l'avait embrassée, elle l'avait enlacée, elle l'avait défiée... Sans perdre ni gagner. Sûrement parce qu'Andrasté en personne la protégeait. Les Mages, les Templiers, les Gardes des Ombres, les Venatoris, les Dragons et la folie de Corypheus... Elle avait tant lutté. Pour protéger l'Inquisition. Pour protéger sa famille. Pour protéger ses amis. Pour protéger le monde tout entier.

« Cet ultime combat sera épique ou ne sera pas. »

Hors de question de fuir.

Hors de question de se cacher.

L'Inquisitrice Trevelyan devait prendre ses responsabilités. Elle était le dernier rempart au chaos. Ses compagnons qui ne pouvaient qu'observer, impuissants face au combat auquel ils assistaient le savaient : rien n'était joué d'avance. Personne n'osait parler. Le silence assourdissant de l'assemblée contrastait nettement avec l'ultime combat que menait leur leader, leur Inquisitrice tant aimée.

Elle avait combattu tant de démons, refermé tant de failles, sauvé tant de vies. Tout cela pour la mener ici. A cet ultime instant pour cet ultime bataille.

Son épée dansait au rythme du flots d'étincelles tandis que son bouclier s'était brisé sous le poids dévastateur de la magie de l'Ancien.

Des éclats verts. Des éclats rouges. Explosion. Des éclats verts. Des éclats rouges. Explosion.

L'angoisse tiraillait les membres de l'Inquisition. Leur impuissance devenait peu à peu cruelle. Personne n'osait parler, les gorges étaient bien trop nouées, asséchées par une peur lisible dans les regards.

Cullen et Iron Bull retenaient tant bien que mal Cassandra, qui, les larmes aux yeux, étaient prêtes à se jeter dans les flammes afin de prêter maints fortes à celle qui était devenue une de ses plus proches amies et confidente. Joséphine avait ses deux mains sur sa bouche pour se retenir d'hurler tandis que la femme qu'elle aimait était en proie à un magister fou, se proclamant dieu, à la puissance incommensurable. La situation était si dramatique, que même Léliana, maître-espionne de haut rang ne pouvait soutenir son regard sur la bataille.

Des éclairs jaillissaient de toute part, l'épée de Trevelyan ne cessait de frapper. Ils pouvaient l'entendre. Ils pouvaient le ressentir. Malgré sa grande force. Malgré son grand courage. Malgré sa grande détermination. La Messagère d'Andrasté faiblissait face à cette force qui la surpassait largement.

Elle recevait des coups. D'innombrable coups. Mais elle était là, se tenant fièrement, ne montrant aucune faille, aucune faiblesse. Elle se tenait là, avec l'allure d'une déesse. Pourtant son destin semblait clair et il s'abattait comme les éclairs de la magie que l'Ancien utilisait.

Elle pouvait gagner le combat, mais le pouvait-elle sans sacrifier sa propre vie ?

Ce fut alors qu'elle repensa à tout. Elle refit le tour de sa vie.

Sa naissance à Ostwick. Sa mère, son père, ses frères et sœurs. Il n'avait pas toujours été facile de se faire une place au sein d'une famille aussi nombreuse que la sienne. Elle avait d'ailleurs été souvent en conflits avec eux. Mais ils restaient sa famille et elle les aimait.

Elle devait les protéger.

Son ascension au sein de l'Inquisition. Cassandra, Léliana, Cullen... Varric, Sera, Cole, Dorian, Vivienne, Solas, Iron Bull, Blackwall. De simples étrangers, venant tous d'horizons différents mais qui s'étaient liés entre eux et liés à elle. Puis Joséphine, dont la place que lui réservait Trevelyan dans son cœur ne pourrait jamais être remplacée par quelqu'un d'autre.

Aventures trépignantes, parties de Grâce Perfide, célébrations, Noble Jeu...

Ils l'avaient tous encouragés. Ils l'avaient tous poussés à atteindre le sommet.

Elle devait les protéger.

Elle avait déjà tant perdu... tant vu de sang couler inutilement. Tant de guerre qui avaient arrachés les vies de mères, de pères, de frères, de soeurs, de fils, de filles, de frères d'armes, d'amis...

L'échec lui était proscrit.

Elle se releva et se battit. Sa lame tournoyait à travers une danse mortelle. Esquivant les coups que tentait de lui asséner son adversaire, portée par les visages, les larmes, les sourires, les cris, de ses amis, de sa famille.

Elle se releva, pleine de rage. Ce magister fou avait fait bien trop de mal, profitant des faiblesses et des souffrances des peuples, les manipulant en promouvant la haine de l'autre.

Du sang giclait dans tous les sens. L'Ancien et l'Inquisitrice avaient désormais tous les deux un genoux à terre. Corypheus avait réussi à s'emparer de l'orbe qu'il avait utilisé lors de la destruction du Conclave. Il s'apprêtait à lancer son ultime attaque. L'énergie était si instable qu'il avait lui-même du mal à la contrôler. L'Inquisitrice l'observait sans broncher. Blessée, elle se relevait. Se concentrant sur la marque, elle la laissait s'imprégner de tout son corps, de toute son âme.

C'était la fin. Elysia ferma les yeux et laissa le déferlement de puissance s'échapper de son être. Corypheus en fit de même. Les deux super attaques se lancèrent à pleine vitesse. La terre tremblait. L'air déchirait les cieux.

Le temps semblait altéré. On jurerait qu'il avait ralenti.

Pourtant, il n'en était rien. Et quand les deux puissances magiques s'entrechoquèrent, cela provoqua une terrible explosion.

L'Inquisitrice s'évanouit dans un halo de magie dévastateur.

Un gigantesque tremblement de terre ébranla Thedas.

Joséphine et Cassandra hurlaient d'effroi. Dorian, Varric, Iron Bull et Cullen restèrent interdit. Léliana laissa ses larmes s'échappaient.

Une personne normalement constitué ne pouvait tout bonnement pas survivre à une telle explosion ni même à un tel déferlement de puissance. Aucun corps n'était fait pour supporter cela.

Des secondes. Des minutes. La brèche disparut tout à coup, puis la barrière de flammes se dissipa à son tour et ses compagnons accoururent sur le lieu du combat. Mais ils ne virent absolument rien. Les conclusions se firent bien vite : la magie avait consommé son corps à un tel point qu'elle avait fini par disparaître.

Joséphine s'effondra. Ils étaient tous ébranlés. Le prix de la victoire était définitivement trop difficile à accepter. Ils se tournèrent vers l'horizon, la tempête avait laissé place à un magnifique crépuscule.

Elle aurait dû être là pour voir ça. C'était grâce à elle et uniquement elle qu'ils avaient tous un avenir. Les cœurs étaient lourds ; les larmes, amers.

- C'est magnifique, n'est-ce pas ?

Ils se retournèrent tous soudainement en reconnaissant le son de sa voix.

Elle se tenait là, encore une fois, fièrement debout, malgré le sang qui s'écoulait de ses blessures, malgré ses muscles endoloris, malgré la fatigue d'un combat acharné.

Elle était là.

Elle avait vaincu.

Elle avait survécu.

Elle les avait sauvé.