Hello tout le monde ! Après une longue pause, me revoilà avec ce nouveau recueil sur un nouveau fandom, que j'ai récemment découvert et que j'aime beaucoup x33 J'y posterai tous mes textes courts (1500-2000 mots maximum) un peu en vrac, sans contrainte de personnages ou de ships ou autre, et en particulier des textes écrits lors des Nuits du FoF, un défi organisé chaque mois par le Forum Francophone. Le but est d'écrire un texte en une heure sur un thème donné et c'est très sympa, donc hésitez pas à m'envoyer un MP si vous voulez plus d'informations ! :)
... Bon, ce premier texte m'a pris un peu plus d'une heure, j'avoue :P Mais il a été écrit dans le cadre de la 137ème Nuit, sur le thème Polytraumatisé. Même si le thème n'apparaît pas de façon très explicite xDD Ce ship n'est de loin pas mon OTP, mais je pense qu'ils pourraient avoir une relation très intéressante, et c'est ce que j'ai essayé d'exploiter avec cet OS. Merci d'être passé-e par là en tout cas ! :3

Disclaimer général : Les personnages et l'univers de Bungou Stray Dogs appartiennent à Kafka Asagiri.

Personnages/Pairings : Akiko Yosano/Osamu Dazai
Rating : T
Avertissement : Ce texte contient plusieurs mentions de suicide et d'idées suicidaires.

Remerciements : Un immense, ultra, giga merci (hunter :P) à la merveilleuse Zofra pour sa relecture éclair de ce texte et pour tous ses encouragements, je pense pas que j'aurais réussi à le poster sans son avis toujours utile et précieux x3 Encore merci ! T'es vraiment la meilleure ! :3


01 : Entre mourir et guérir

L'infirmerie de l'Agence des Détectives armés est un lieu étonnamment calme, les mardis après-midi où aucune mission de la veille ou des jours passés n'est parvenue à envoyer l'un d'eux frapper aux portes de la mort.
Nonchalamment assis sur l'un des lits propres et bien faits, les deux paumes au bord du matelas souple, Osamu parcourt du regard les plis du rideau, juste devant lui, censé protéger un peu l'intimité du patient. Si on lui posait la question, il ne lui faudrait pas deux secondes pour se lancer dans une longue tirade passionnée interrogeant les pours et les contres d'utiliser pareil matériel plutôt qu'une bonne vieille corde pour se pendre, et raconter que c'est là la seule et unique question qui préoccupe son esprit tourmenté, torturé de ne pas savoir quelle façon serait la plus belle de mettre fin à ses jours ; mais ce serait un mensonge.
(C'est toujours un mensonge, avec lui.)

Un sourire léger passe sur ses lèvres mais n'y reste pas, n'en voit sans doute pas la peine. S'il avait sept ans et une bonne dizaine de centimètres de moins, il s'amuserait à balancer ses jambes dans le vide, à observer sa chaussure droite et sa chaussure gauche disparaître sous le lit chacune à son tour, mais ah – la vie, cette plaie, l'a même privé de ce simple plaisir. Il soupire. Que lui reste-t-il donc, s'il ne peut même plus profiter en paix de sécher la rédaction de ses rapports tellement assommants ? S'il ne peut même plus se réjouir de rester caché à l'infirmerie pendant que ses collègues se fatiguent sur leurs ordinateurs ? Que lui reste-t-il, oui, sinon cette tragédie que sont ces jambes trop longues, ces bras trop minces, ce corps-
Ce corps couvert de bandages, et dans le tiroir du meuble au fond de la pièce, derrière une serrure qu'il n'aurait aucun mal à crocheter, tout un éventail de médicaments, pommades, sirops contre la toux, désinfectants, analgésiques, neuroleptiques, et toute une panoplie d'instruments, plateaux, stéthoscopes, pinces, ciseaux aiguisés, scalpels tranchants. C'est assez drôle, comme on trouve tout ce qu'il faut pour bien mourir dans un endroit prévu pour sauver la vie.
(C'est assez drôle, comme il trouve toujours de quoi causer la mort dans toutes les situations de l'existence.)

Peut-être que ce serait le bon moment pour mordre sa lèvre de dépit, baisser le regard, déchirer le tissu des draps et en finir, s'il était quelqu'un d'autre. Pour sa part, il se contente d'étirer paresseusement ses deux bras, de laisser une moue fatiguée se jouer sur son visage, la comédie comme s'il avait oublié depuis longtemps la sensation de se tenir ailleurs que sur scène, et c'est peut-être bien le cas – mais alors, c'est tant mieux.
Lorsqu'il lève les yeux, ils s'arrêtent sur les bandes blanches qui couvrent ses avant-bras jusqu'à ses poignets, révélées à la lumière artificielle par ses manches retroussées, puisque son manteau est resté dans l'open space. Personne ne sait ce qui se trouve là en-dessous, songe-t-il en passant, pas même lui, des fois ; les rares personnes qui les ont vues défaites pour une raison ou pour une autre n'ont pas idée de toutes les choses qu'on a ou qu'il a lui-même gravées dans sa peau, de toutes les choses visibles et invisibles dont son enveloppe physique a gardé la trace, et c'est très bien comme ça. Dans ses trop nombreux moments d'absolue lucidité, il sait qu'il est des stigmates et des souvenirs qu'il n'est pas prêt, ne sera jamais prêt à regarder en face. Qu'il préférerait mourir, ah, d'une mort paisible et salvatrice, s'il ne peut continuer à les fuir.

C'est le moment que choisit la porte de l'infirmerie pour s'ouvrir, et Osamu pourrait faire semblant d'en être surpris, mais cela fait plusieurs secondes que les pas du nouvel arrivant lui parviennent de plus en plus clairement depuis le couloir. Si c'était Kunikida, c'est à cet instant précis qu'il se mettrait à le réprimander, les sourcils tellement froncés qu'Osamu aurait envie de lui faire croire que son visage risque de rester bloqué comme ça – à la place, cependant, c'est une paire de talons élégants qu'il entend claquer sur le carrelage, et il exagère encore la désinvolture de ses gestes tandis qu'un sourire revient au bord de ses lèvres.

« Ah, Docteur, lance-t-il trop joyeusement, le ton candide. Vous êtes enfin venue m'examiner ? »

Il n'a pas besoin de se retourner pour sentir, dans son dos, le regard neutre que lui jette ce bon docteur Yosano – cette chère Akiko, l'air impassible et les bras croisés. La question qu'il vient de lui poser est purement rhétorique et ils le savent tous les deux ; elle a beau être un excellent médecin, sans doute le meilleur de toute cette ville, il est le seul de ses patients qu'elle ne pourra jamais guérir, ni physiquement ni autrement, et ce n'est pas juste parce que La Déchéance d'un homme fait entrave à Ne meurs pas.
Quelle ironie, quand il y pense. Celui qui n'a jamais voulu de la vie, et celle qui s'interpose sans cesse entre les hommes et la mort. Quelque part, il suppose que ça fait d'elle son ennemie naturelle – dommage, vraiment, qu'il n'ait jamais su se tenir trop éloigné de ce qui représente un danger pour lui.

« Non, finit par répondre sa collègue, toujours debout dans l'entrée mais la porte refermée sur son passage, désormais. Mais je peux y réfléchir si tu acceptes de me laisser prélever un rein ou deux. »

Osamu perçoit sans peine le sourire faussement sadique dans sa voix, cette fois-ci, et autorise un bref éclat de rire – sincère ? feint ? provoqué par le simple fait de savoir que c'est ce qu'on pourrait attendre de lui ? – à secouer ses épaules. Il ne poursuit pas la conversation, toutefois ; il n'est pas certain d'avoir quoi que ce soit à y ajouter. De connaître des mots qu'il vaudrait la peine d'appliquer sur ce qu'il sait qu'elle ressent, ou sur ce qu'elle sait qu'il pense.
Quelque part, derrière lui, il entend Akiko soupirer. Hésite, brièvement, à se demander ce qui peut bien l'atterrer à ce point, mais ça ne sert à rien lorsqu'il en a une très bonne idée. Et effectivement, ça ne manque pas : quelques instants plus tard, il sent le matelas sur lequel il est assis plier sous le poids d'un autre corps, la présence d'Akiko envahir l'espace qui l'entoure, ses mots se frayer un chemin jusqu'à son esprit.

« Dazai. »

Elle prononce son nom à mi-voix mais le ton ferme, presque comme un ordre qu'elle n'accepterait pas qu'il refuse, et c'en est peut-être bien un – quoi qu'il en soit, il n'a jamais eu l'intention de lui désobéir, plus depuis qu'elle est entrée dans la pièce tout à l'heure. Au moment où il ferme les yeux, les mains gantées de la jeune femme rencontrent sa peau, les index contre sa mâchoire, les pouces contre sa nuque, à l'endroit où les bandages autour de sa gorge ne le protègent déjà plus. Comme toujours, il n'y a pas de doute, ses gestes sont bien ceux d'un médecin – habiles et précis et efficaces, et le léger massage qu'elle lui offre manque de lui arracher un soupir d'aise, si ce n'est pas plutôt de savoir ces doigts fins et délicats et mortels autour de son cou qui lui fait cet effet. Bien sûr, elle ne serait jamais d'accord, mais la sensation qu'il leur suffirait de serrer un peu plus fort, de presser sa trachée avec un peu plus de conviction, et-

Osamu rouvre brusquement les yeux lorsqu'il sent qu'Akiko l'attire vers l'arrière.

« Viens là », murmure-t-elle à son oreille.

Et c'est le seul avertissement qu'elle a la grâce de lui offrir ; à la seconde d'après, elle l'a fait allonger sur le lit de l'infirmerie, la tête sur ses genoux en même temps que ses doigts retrouvent sa peau, que ses phalanges caressent sa joue et qu'un pouce l'empêche d'aller perdre son visage dans le tissu confortable de sa jupe noire. Un peu perdu, d'une façon dont seuls les gestes du bon docteur parviennent à le perdre, il met quelques instants à raccrocher son regard, ces deux yeux d'un pourpre profond qui pourraient essayer de lire en lui mais s'arrêtent, respectueusement, juste au-delà de la surface.
Quand il y parvient, cependant, il sourit.

Les caresses d'Akiko ne veulent rien dire de particulier, mais elles sont douces, et c'est tellement rare. Rare dans les gestes durs du médecin qui sauve tous les jours la vie en assassinant froidement la mort, rare sur le corps de l'imbécile suicidaire qui ne côtoie que la mort pour échapper à tout ce qu'implique le reste de la vie. Pour un peu, il fermerait les yeux, se laisserait aller à apprécier pleinement chaque pouce qui trace le contour de sa pommette, chaque ongle qui gratte tendrement la zone derrière son oreille ou son cuir chevelu. Il pourrait en être capable un jour, sans doute, s'il avait pour habitude d'envisager le futur et de prévoir d'y être un homme différent.
Au lieu de ça, il se décide finalement à attraper la main d'Akiko, au moment où l'un de ses doigts passe sur ses lèvres ; puis il l'approche encore de son visage, sans quitter des yeux ceux de sa collègue, et dépose un baiser au creux de sa paume gantée.

La réaction ne se fait pas attendre – elle fronce les sourcils, mais le début de sourire qui apparaît à ses lèvres reflète parfaitement celui qu'Osamu lui adresse lui aussi.

« Arrête de faire le playboy, lance-t-elle, plus amusée qu'agacée même si elle s'efforce de feindre le contraire. Tu sais très bien que ça ne marche pas avec moi.
– Et c'est terriblement dommage », répond-il du tac au tac. Il marque une pause et son sourire se fait plus large, plus fier, plus irrépressible. « Tu aurais pourtant fait une excellente partenaire pour un double suici- Aïaïaïaïe- »

Comme il s'en doutait, elle ne lui a pas laissé le temps de finir, préférant lui pincer le nez sans aucune gentillesse plutôt que d'écouter jusqu'au bout sa proposition pourtant parfaitement sensée, réfléchie et romantique-
Mais ça ne fait rien ; à l'infirmerie de l'Agence des détectives armés, un calme mardi après-midi où aucune mission récente n'a réussi à faire de l'un d'eux un grand blessé, ça ne fait rien. Dans quelques heures, lorsqu'elle l'aura sommé de retourner travailler et que la journée se terminera enfin, peut-être qu'elle le ramènera chez elle et qu'elle sera d'accord de le toucher encore, de promener à nouveau ses mains sur son visage et sur son corps – de se servir de lui pour tuer en pensée l'homme qui l'a fait souffrir, comme il se sert d'elle pour assommer dans son esprit l'obsession qui le hante, et si c'est le cas... Osamu se réjouit.
Le bon docteur Yosano ne peut pas le guérir, mais de sa peau contre la sienne, elle peut endormir la douleur et pour l'instant, ça suffit.