Le Fils des Hauteurs
Beaucoup de Spectres l'ignorent, naissant aux ténèbres dans le manque de savoir réservé à l'élite ; le Seigneur Hadès accorde à ceux qui lui sont les plus proches, qu'ils soient des divinités secondaires ou même des Juges, l'insigne honneur de pouvoir le toucher une fois au moins dans leur vie éternelle, au moment de leur naissance.
En effet, lors que leur intronisation, le père de tous les morts leur accorde de ployer le genou devant Sa Grandeur, avançant la main pour qu'ils y posent le front en signe d'allégeance.
C'était à cette cérémonie, loin des regards des Spectres lambda, que Minos, Premier Juge de Sa Majesté, avait été convié.
L'armée du Grand Hadès se reconstituait chaque nouveau jour davantage, signe tangible d'une guerre sainte proche. Il en était toujours ainsi.
Cette fois, il s'agissait d'un Spectre qui avait toujours joui d'une notoriété particulière : le Juge du Garuda.
Minos s'était laissé dire qu'il était Népalais, d'un village suspendu dans les hauteurs ; fils d'un guerrier, chef de clan.
Griffon, d'un naturel curieux, était animé par la hâte de découvrir l'individu. Et il ne fut guère déçu !...
De dos, son regard échoua sur la superbe roue caractéristique. Tout l'orgueil de Garuda !...
Les yeux de Minos considéraient à présent la chevelure hirsute et étoffée du nouvel élu.
Minos se positionna aux côté de Wyvern qui se tenait là, genou à terre.
"Tu es en retard." tiqua l'Anglais.
"Tu veux dire que j'arrive à point nommé ?" le chatouilla Minos.
Minos dévia le regard de son inintéressant frère pour porter son attention tout entière sur le joli profil de celui qu'Hadès s'apprêtait à reconnaître devant ses sujets les plus proches : Pandora, cheffe des armées, les dieux jumeaux, conseillers d'Hadès, Rhadamanthys, Juge de Wyvern et lui-même.
Les pupilles hypnotiques de Garuda se posèrent brièvement sur Minos. Le regard secoua le Premier Juge des pieds à la tête !...
Ainsi... voici le troisième d'entre eux. Garuda. Ce Spectre mythique, à la fois puissant et féroce.
Hadès venait d'avancer la main et Garuda y appuya le front, prêtant serment, conscient du privilège immense qui lui était fait de toucher ainsi la divinité suprême !...
Des divinités, le Népal en regorgeait !... En plus des idoles habituelles, se mêlait une ronde hétéroclite de dieux secondaires, inspirés de monstres et des éléments de la nature, donnant naissance à des créatures hybrides reconnues pour leur bonté ou leurs vices.
"Moi, Juge Aiacos du Garuda, vous prête allégeance et vous servirai l'éternité durant. Je combattrai en votre nom et pour votre seule gloire."
"Qu'il en soit ainsi, Garuda. Constitue-toi une garde, à présent, et montre toi digne du rang que je t'octroie."
Minos était incapable de détacher le regard de l'Oiseau de Proie qui se tenait à proximité.
"Cesse de le regarder ainsi, tu veux ?!" le chargea Wyvern, monosourcil froncé, sentant distinctement le désir qui animait les reins de Minos.
"Qu'y puis-je ? Il est si..."
"... magnifique ? Altier ?"
Minos cligna, incrédule quant à celui qui venait de débusquer ses pensées et de les exprimer par des mots.
C'était bien Aiacos qui venait de l'exprimer, dans cette langue universelle propre à tous les Spectres. A présent, il se dirigeait vers lui, casque tenu sous le bras. Cette... démarche... à la fois féline et affirmée...
Minos entrouvrit la bouche.
"Souhaites-tu faire partie de ma garde personnelle, Minos du Griffon ?" le harponna Aiacos, affichant ce toupet qui le caractériserait sa vie de Spectre durant !...
"Surveille tes paroles, je te prie." le réprimanda vertement Wyvern, poing se serrant.
Minos leva la main pour faire taire Rhadamanthys.
"Laisse s'exprimer notre frère, Wyvern." finissant par planter ses améthyste dans le regard magnétique qui lui faisait face. "Qu'est-ce qui te fait penser que je désire constituer ta garde, Garuda ?"
Le sourire se fit en coin, armé. "Tiens-tu vraiment à ce que je l'exprime devant des oreilles témoins, Griffon ?"
"Je n'ai aucun secret pour mon frère, Garuda."
"Fort bien. Le regard que tu fais couler sur ma personne depuis ton arrivée ici demeure le meilleur des indicateurs. Souhaites-tu que je développe, Griffon ?"
Minos amena un sourire. "Touché." s'entendit-il penser. Évidemment il n'était pas question de tendre la moindre perche à Aiacos. "La prétention, propre à ton nouveau statut, aura tôt fait de s'estomper, Garuda. Le poste de Juge de Sa Seigneurie régnante n'est pas de tout repos."
"Penses-tu vraiment que je comptais me reposer sur mes lauriers, Griffon ? C'est là bien mal me connaître. La gloire ne naît pas spontanément, elle s'acquiert."
Il était... bluffant. Bien au-delà des termes !...
"Bien." positionnant son casque, frange camouflant son regard, le rendant d'autant plus mystérieux. "Je vais de ce pas constituer ma garde d'élite. Ma proposition te concernant demeure cependant ouverte, Griffon." quittant les lieux.
"Quel..." grimaça Wyvern.
Large sourire de Minos, dans le dos de son frère.
Minos se posa sur le vaste pont du Garudaship, rabattant ses larges et majestueuses ailes dans son dos.
Là, Aiacos était déjà en train de faire un exemple ; Spectre agenouillé devant lui, Garuda bras levé, tranchant de la main prêt à châtier. Le mouvement, vif, entailla toute l'épaule, sang éclaboussant le visage du sauvage Népalais.
Quant à son complice, Garuda l'immobilisa entre le bout griffu de ses bottes, contre le bastingage du vaisseau, y mettant la pression nécessaire pour lui prendre la vie.
Le regard de Minos bascula sur la créature dont le sourire lui rappela le sien ; Violate du Béhémoth que Minos prit aussitôt en grippe, la considérant effectivement comme un véritable virus !...
"Ah, Minos." l'accueillit Aiacos, se redressant tandis que les soldats s'activèrent pour nettoyer le pont souillé. "Serais-tu venu honorer mon offre ?"
"Navré de te décevoir, Garuda. Simple visite de courtoisie."
Le regard de Minos vrillait à lui seul le corps tout entier de Béhémoth.
"Que penses-tu de mon avant-garde ?"
C'était armer dangereusement Minos. Et Aiacos le savait !...
"J'imagine qu'elle t'est utile pour dégrossir le terrain."
"Détrompe-toi. Violate possède la capacité de se fondre dans les ombres, ce qui rend sa présence indétectable. Peut-on rêver meilleure avant-garde, Minos ?" frappant là où Griffon était le plus sensible.
Tout ce que Minos voyait était une créature dont le corps massif n'évoquait que son manque de finesse et ses carences intellectuelles.
L'antipathie fut immédiate entre Minos et Violate.
"Je doute fort qu'elle te ramène le moindre triomphe, Aiacos."
"Je te propose, au vu des doutes qui t'animent, de la voir manœuvrer sur le terrain."
"Ce serait pure perte de temps."
Ah ! La mauvaise foi !... Minos en connaissait un rayon lorsqu'il s'agissait de la manifester.
Minos ne fut guère surpris de découvrir que Stand du Scarabée fasse partie du cortège du maître des lieux.
"A voir ceux que tu t'es choisi, la notion de finesse semble t'être étrangère, Fils du Ciel, ce qui est blâmable."
"Aiacos-Sama..." arma Violate, montant le poing avec la ferme attention de défendre l'honneur de celui qui lui avait fait la grâce de quitter la lourdeur du sol auquel son Etoile la condamnait.
"Tout doux, Violate. Ton action est louable. Cependant... face à un Juge, je ne ferai que ramasser ton cadavre. Animé comme il l'est, Minos ne ferait qu'une bouchée de toi."
"Tu es plus avisé qu'il n'y paraît." accorda Minos.
Le poing de Violate tremblait de rage.
Minos, lui, conservait son inébranlable assurance, petit sourire signifiant sa petitesse à Béhémoth. "Laisse-la m'attaquer."
"Demeure où tu es, Violate. C'est un ordre." lui intima Aiacos.
Les doigts démangeaient tant à Minos qu'ils en frémissaient de toutes leurs phalanges !...
"Laisse-moi la démembrer ; que les parties de son corps couvrent les quatre coins de ce pont."
"La fièvre te gagnerait-elle, Marionnettiste ?" s'amusa Aiacos.
Pour davantage jouer avec les nerfs à fleur de peau de Minos, Aiacos se glissa derrière Violate, posant ses mains sur les épaules de sa Spectre.
"Je risque d'être très, très mécontent si tu venais à abîmer pareil avantage de guerre, Minos."
Aiacos approcha la bouche de l'oreille de Violate. "Dispose, Violate." l'escortant du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse du pont.
"Peu s'aventurent à jouer ainsi avec mes nerfs, Garuda." grogna Minos.
"Qu'ai-je à craindre, Griffon ?" croisant les bras, entouré d'une aura menaçante, croix énergétique commençant à se former derrière lui.
Ce type possédait du toupet à en revendre et le fait qu'il donne ainsi réplique à Minos émoustillait ce dernier au plus haut point - lui offrant une érection mémorable que, fort heureusement, la jupe de son surplis camouflait à merveille !...
Aiacos-le-carnassier, bouche agrandie à l'idée de se mesurer à un semblable, envisageait Minos comme jamais aucun Spectre ne se l'était permis.
"Ta fierté finira par te faire mordre la poussière, Fils du Ciel." lui prédisant un avenir pour le moins éloigné de tout rêve de gloire.
"Serait-ce une promesse ? Un challenge ?"
Minos posa sa tasse de porcelaine fine dans la soucoupe. Ils s'étaient quittés en très mauvais termes.
Depuis, Minos méditait, préférant se perdre dans les lectures qui garnissaient sa vaste bibliothèque privée à Tolomea, son domaine.
"Humpf... la lecture demeure le refuge des faibles."
Minos releva la tête, clignant. Il se permettait de venir l'insulter sur son propre terrain ?...
Quelle audace !
Minos fit claquer le livre.
Devant lui, Garuda se présenta sans surplis.
"Je vais t'apprendre une chose : il est possible d'être érudit et excellent guerrier." renifla Minos, avant de dresser l'oreille. "Qu'as-tu fait de ma garde ?"
"Oh, tu veux sans doute parler de ces pantins qui garnissaient les murs de ta demeure, en guise de tapisseries ? Ils n'ont pas résister longuement face à la combustion que je leur ai insufflée. Pour tout te dire, ils ont été décevants." s'installant à son aise sur une couche, allant jusqu'à picorer quelques fruits juteux, comme s'il était à domicile.
"Si je me cache dans mes livres, toi tu te camoufles derrière ton incroyable audace."
Aiacos grimaça.
"Tu te donnes même la peine de te déplacer en personne jusqu'à ma demeure. Que cherches-tu avec autant d'énergie, Aiacos ?" le débusquant jusqu'à l'âme.
L'intéressé bascula sur ses pieds, assis. "Je n'ai jamais pu oublier ton regard, Minos, lors de la cérémonie d'intronisation. Ce regard qui... me poursuit jusqu'à me hanter." observant le creux de sa main avant d'en refermer le poing.
"Enfin un soupçon de véracité au milieu de toute cette impertinence." se félicita Minos.
"Ne me fait pas regretter mes paroles, Griffon." susceptible.
"As-tu apprécié la façon dont je t'ai regardé, Aiacos ?..."
"Apprécié ? Savouré serait un terme plus exact." affichant un sourire en attestant.
Il était... foncièrement différent lorsqu'il offrait pareille expression à son visage extrêmement mobile !...
Minos en était subjugué.
"Tu tardais cependant à venir réclamer ton dû. Aussi, suis-je venir en personne te l'offrir."
Minos entrouvrit la bouche, tâchant de débusquer au mieux ce qui se cachait entre les lignes.
Il venait de se lever. Minos pouvait ainsi admirer la façon dont son corps était agréablement charpenté, cette peau halée qui tranchait avec la couleur laiteuse de celle du Norvégien.
Assurément, Aiacos possédait cette beauté pour le moins exotique.
Minos quitta sa couche à son tour, s'approchant lentement jusqu'à arriver à sa hauteur. Aiacos et lui possédaient approximativement la même taille.
Minos leva la main, doigts tremblants, s'emparant lentement d'une mèche sombre qu'il lissa. Les améthystes dévoraient tout du visage mobile qui leur faisait face.
Petit sourire joueur sur les lèvres pleines du Népalais. Il se pencha pour saisir Minos derrière les cuisses, cambrant son corps tout en desserrant lentement les bras, laissant le corps fin de Minos glisser lentement le long du sien, le laissant parvenir à hauteur de visage.
"J'en crève, Minos." langue voyageant d'une commissure à l'autre. "Depuis que je t'ai vu, j'en crève."
Le sourire de Minos éclata avant que ses lèvres ne fondent sur la jolie bouche qui venait de professer cet aveu plein d'audace.
Sa bouche avait le goût sucré des fruits qu'il venait de savourer précédemment ; le palais de Minos était, quant à lui, imprégné du vin édulcoré dont il s'était abreuvé durant sa lecture.
La façon pour le moins abrupte dont Aiacos avait énoncé son attirance émoustillait tous les sens du Griffon et ils apprécièrent l'un l'autre de sentir leurs érections forcer le tissu de leurs tenues.
Ils se séparèrent, haletants, s'envisageant avec un désir débridé.
"Je vais te rendre hommage d'une façon dont tu te souviendras longtemps, magnifique monarque." faisant référence au passé crétois de Minos.
Aiacos fit allonger Minos sur la couche la plus proche, le défaisant en embrassant, lapant, mordillant chaque parcelle de peau découverte.
"Ta peau est si blanche... comme la neige qui recouvre ton pays natal et les cimes des plus hauts sommets de mon Himalaya."
C'est qu'il savait également être poète !... Minos s'en régalait.
Il découvrit la peau, à la teinte joliment caramel, d'Aiacos, la parsemant des mêmes attentions.
Enfin, nus, ils s'installèrent l'un en face de l'autre, jambes passées l'une sur l'autre, bassins en contact, hampes se saluant, bouches n'en finissant pas de tourbillonner dans des délices érotiques, faisant passer des ondes délicieuses à travers tout leur corps, inondant leur bassin de voluptés inégalées.
C'est Minos qui bascula en arrière, jambes ouvertes, s'offrant à Aiacos.
"Ravale-moi ce sourire, Minos. Il est inconvenant." grimaça Wyvern alors qu'ils se tenaient devant Hadès tous les trois.
Mais Minos en était incapable. Parfaitement incapable !...
Le Fils du Ciel lui était tombé dessus tel un éclair et sa fougue avait marqué sa chair de son incandescence.
FIN (ou peut-être pas !)
