Bonjour! Je suis de retour avec un projet complétement débile featuring trois prompts de ma chère CATHARSIS qui n'ont rien à voir ensemble et que je révélerai à la fin, deux idiots in love, la bande-son de Karate Kid og 1984 svp et un nombre de mots astronomique en sachant que j'aurais pu me débarrasser de 30% des scènes mais j'ai délibérément choisi de ne pas le faire.
WELCOME hein,, et amusez-vous bien à vous délecter de leur détresse !
Young hearts beat fast, driving down the road
JOUR UN
Jean resserra sa prise sur la poignée de sa valise jusqu'à s'en couper la circulation et arriva quand même à se convaincre qu'il était parfaitement détendu. Il avait à peine récupéré du décalage horaire, mais les bruits de la foule ne l'atteignaient pas, pas plus que l'odeur incessante de mer ou les cris des mouettes. Il passait de toute façon son temps à regarder l'heure.
En face de lui, Sasha et Connie portaient leurs plus belles tenues d'été, agrémentées d'un chapeau de paille et d'une chemise à fleurs. Ne restait plus qu'à espérer qu'Eren ait résisté à l'appel du ridicule, Eren qui d'ailleurs, pour changer, était en retard.
Une main se posa sur son épaule.
- T'inquiète, commença Sasha, tu sais bien que c'est dans sa nature.
- Ouais, grogna Jean en détestant déjà la suite de ce qu'il allait dire, mais sans lui ça risque d'être compliqué.
- Comme c'est romantique, exagéra Connie.
Jean se demanda si fusiller quelqu'un du regard aussi tôt était de mauvais augure, mais avant qu'il puisse conclure que oui, c'était tout à fait le cas, et que tant pis pour la Grèce il ferait mieux de rentrer chez lui, Eren le bouscula soudain en haletant. Il se pencha en avant pour reprendre son souffle avant d'enfin pouvoir décrocher un mot :
- Hey ! Désolé, mon réveil a pas-
- Pas besoin de raconter ta vie, Jaeger. T'as de la chance d'être à l'heure.
Eren esquissa un sourire, comme si aujourd'hui était le plus beau jour de sa vie et que tout lui glissait dessus – ce qui, au fond, était peut-être le cas.
- Tu veux dire, on a de la chance que je sois à l'heure.
Jean leva les yeux au ciel et ne manqua pas les regards amusés de Connie et Sasha. C'était sûr : à la première occasion, il les jetterait tous les trois par-dessus bord et prétendrait une vague un peu trop mouvementée.
- Peu importe, finit-il par dire en constatant que la foule autour d'eux se mettait en mouvement : l'embarcation commençait.
- Pas de bourdes, hein ? murmura Connie. Si l'un d'entre vous se fait prendre, on risque aussi d'avoir des ennuis nous aussi.
Eren passa son bras autour des épaules de Jean et ce dernier résista à l'envie de faire semblant de vomir, comme il le faisait à chaque fois qu'il y avait contact entre eux. Aujourd'hui n'était pas le jour pour les idioties, et ce n'était qu'un petit prix à payer pour mettre les pieds sur les fondations du continent européen.
- T'inquiète, répondit le brun, on sera plus réalistes que nos parents.
Jean pensa à la famille monoparentale d'Eren et à la sienne qu'il ne voyait jamais.
- J'espère bien.
La foule devant eux s'éclaircit quand ils arrivèrent à proximité du ponton. Après avoir présenté tous les documents nécessaires et avoir confié leurs bagages, ils purent pénétrer dans le bateau. Si l'entrée n'avait rien à envier à celle du Monoprix dans le quartier de Jean, le reste lui coupa un peu le souffle : une fois qu'ils eurent monter les escaliers et traversé un morceau du pont, ils débouchèrent sur une large salle agrémentée de fauteuils et de tables de café où la plupart des passagers étaient déjà rassemblés. Ils s'installèrent à l'une d'entre elle et Jean vit Eren regarder autour de lui comme un enfant au milieu d'une fête foraine.
Il garda son rictus pour lui et évita de penser à ce à quoi allait bien pouvoir ressembler la suite des événements. Il savait que pour Connie et Sasha, faire semblant d'être en couple allait être un jeu d'enfant puisqu'ils passaient littéralement toutes les heures de toutes les journées de toutes les semaines collés l'un à l'autre. En revanche, pour lui et Eren, l'affaire était plus délicate, et il allait falloir qu'il s'accroche à cette idée de prix réduit et de non-envie de se faire jeter du bateau au milieu de la cambrousse grecque pour ne pas perdre patience. Heureusement, le brun gardait ses distances pour le moment. Ils allaient juste devoir prétendre en public, ce qui au vu de leur barre d'énergie sociale à tous les deux, ne risquait pas de leur demander trop d'efforts. Enfin, si on excluait le fait qu'Eren était une pile électrique sur pattes.
Un grésillement le sortit de ses pensées et il se raccrocha à la voix du monsieur qui faisait la présentation de la croisière. Rien de bien nouveau : les étapes, les règles que Jean retint à moitié, les limites, les conditions de sécurité… Le doré nota tout de même l'insistance que le type avait à leur rappeler qu'ils étaient censés être venus en couple, comme s'il leur disait que tout mensonge résulterait par un cabotage (ce truc que les pirates faisaient, quand ils abandonnaient l'un des leurs sur une île déserte. C'était Eren qui le lui avait dit et qui le lui avait répété au moins quatre fois durant les deux semaines où il avait été obsédé par les pirates).
Une fois tout le discours terminé, ils furent invités à rejoindre leurs cabines et à se familiariser avec le reste du bateau. Connie consulta sa montre :
- On se dit rendez-vous ici à onze heures ? Comme ça on ira s'inscrire pour les activités.
À côté de lui, Sasha hocha franchement la tête. Eren, lui, était déjà levé, et Jean se dépêcha de le suivre en acquiesçant :
- Ouais, parfait.
Il rattrapa le brun et le vit se tourner vers lui.
- Tu penses qu'on risque la peine de mort ?
Jean eut un rictus.
- Reste plus qu'à être convainquant, hein ?
Eren ne répondit pas et se contenta d'hausser vaguement les épaules. Ils tournèrent en rond dans les couloirs quelques minutes et puis s'arrêtèrent devant l'étiquette de leurs deux noms joliment collés sur la porte, et surtout joliment entourés de cœurs et d'un drapeau LGBT.
- On a déjà des fans ? railla Jean.
- Déjà le centre de l'attention, grimaça le brun.
- Vu ta tête, ç'aurait été impossible de rester discret.
- Parce-que je suis trop beau ?
- Parce-que t'as une sale gueule, oui.
- Comment oses-tu dire de telles chose à ton fiancé ? insista Eren en posant une main sur son cœur.
- Mon fiancé que je noierai à la première occasion, ouais.
- Pas si je t'étouffe avec mon oreiller d'abord.
- Deal, dit Jean en se tournant vers le lit, et il retint difficilement sa grimace.
Oui, c'était logique qu'une croisière pour individus dans une relation intime n'offre pas d'autres options qu'un lit double par cabine, mais quand même, Jean avait doucement espéré y trouver au moins un canapé.
- Fais pas cette tête, ce serait pas la première fois qu'on dort ensemble.
- C'était à chaque fois contre mon gré.
- Dixit le mec qui me volait mon lit à chaque fin de soirée.
- Dixit le mec incapable de dormir sur un canapé.
- Ça me fait mal au dos, d'accord ?
Jean leva les yeux au ciel. Il allait l'insulter, mais quelque chose dans l'expression d'Eren changea et il attendit la suite sans hâte.
- Tu penses qu'ils nous ont mis sur écoute ?
Le doré le considéra du regard sans répondre, mais ce fut suffisant pour que l'autre se rende compte que ce n'était sûrement pas le cas. Du moins, il fallait l'espérer.
Comme prévu, ils attendirent Sasha et Connie aux alentours de onze heures, près de l'endroit pour s'inscrire. Là, sur le pont, Jean avait l'impression que tout le monde les regardait et que tout le monde se rendait compte de la supercherie. Il lança un coup d'œil à la ronde pour essayer de trouver un guide sur Comment Faire Pour Ne Pas Vraiment Être En Couple Avec Quelqu'un Mais Quand Même, mais ne trouva que des couples de quinquagénaires qui se tenaient la main et se regardaient dans les yeux avec tellement de mièvrerie que ça lui donnait envie de se jeter par-dessus bord.
Eren lui asséna un coup d'épaule.
- Bah alors, tu stresses ?
Jean garda pour lui sa remarque acerbe et leva les yeux au ciel, optant pour une autre tactique pour qu'Eren le laisse un peu tranquille :
- Mais non, mon amour.
Le brun le regarda durant quelques secondes de trop pour qu'il n'ait pas entendu.
- Tu m'as appelé comment ?
Jean se rendit bien vite compte de l'inefficacité de son plan, parce-que c'était à lui que ça donnait des ulcères.
- Me fais pas répéter, grommela-t-il en reprenant son air patibulaire.
- Ah, je préfère.
- Je t'emmerde.
- Pas trop fort quand même.
Jean le fusilla du regard et puis jeta enfin un coup d'œil au calendrier des activités. Il eut un rictus.
- Tu préfères quoi entre salsa et soirée 80 ?
Eren ne répondit pas : il venait de repérer leurs amis.
Ils se rejoignirent et après avoir discuté de longues, trop longues minutes sur ce qui était le mieux entre la couture pour débutants ou la dégustation de vin, parvinrent plus ou moins à se mettre d'accord sur une liste qui faisait sens.
Une fois leur inscription faite, ils allèrent s'accouder contre la rambarde du bateau. Ils avaient déjà bien avancé, et Jean ne s'était même pas rendu compte qu'ils allaient aussi vite : l'eau se fendait en deux et contournait la coque, et lui peinait à regarder ailleurs que l'horizon bleuté.
- Fais attention, encore un peu et tu te remets à écouter My Chemical Romance en position fœtale sous ta couette.
Jean leva les yeux au ciel pour ensuite les poser sur Eren.
- De un, j'ai jamais fait ça, de deux, c'est de la bonne musique et de trois, c'est assez hypocrite venant du type qui a écouté Sk8er Boy pendant tout le collège.
- Tant que ça te rassure.
Jean avait presque envie de lui demander s'ils devaient se tenir la main, au moins pour faire « vrai », mais être avec Eren signifiait toujours ne pas avoir de conversation qui ait du sens et tourner autour du pot et finir par ne rien dire de plus que quelques blagues sans intérêt. Pas qu'Eren n'ait pas la capacité d'avoir de longues discussions, juste que Jean préférait largement le laisser détourner l'attention que véritablement lui parler.
Alors, non, il ne lui demanderait pas s'il pensait qu'il fallait qu'ils se tiennent la main. C'était bien plus simple de le laisser expliquer en quoi le mariage pirate était une technique utilisée par praticité ou bien de lui raconter tout le scénario de Star Wars du premier au sixième film. Sixième, oui. Et Rogue One.
Dès les premiers coups de midi, ils allèrent manger en remerciant le ciel que les prix soient compris dans le total, puisqu'autrement ils auraient sûrement fini affamés d'ici une semaine. Les plats avaient de jolis noms et Jean ne manqua pas l'excitation apparente d'Eren quand il commanda de l'autruche, rien que pour essayer.
Une fois nourris, ils choisirent de passer leur après-midi au bord de la piscine (parce-que oui, c'était logique de faire naviguer une piscine sur la mer), étant donné qu'ils ne s'étaient inscrits à aucune activité pour aujourd'hui. Et tant mieux : la sieste que fit Jean lui permit de rattraper toutes ses heures de sommeil en moins.
En revanche, cela signifia qu'aux alentours de vingt-et-une heures, il était bien en forme, ce qui n'était pas le cas de Connie et Sasha. Les deux choisirent d'aller se reposer dans leur cabine, abandonnant Jean et Eren. Ce dernier dormait à peine et réussissait quand même à avoir l'équivalent d'énergie d'une centrale nucléaire, faisait parfois autant de dégâts autour de lui. Heureusement, Jean y était habitué. Ce fut sûrement pour cela qu'il lui dit oui quand le brun lui proposa de faire un tour au bar.
- Ça t'inquiète ?
Le doré releva la tête de la carte, les fesses vissées sur le tabouret le plus confortable qu'il n'ait jamais connu.
- De ?
Eren haussa les épaules et se pencha vers lui pour murmurer.
- De devoir faire semblant d'être en couple.
C'était la première fois que le brun le disait vraiment, et Jean y associa le frisson qui le traversa.
- Tant que tu fais pas de bêtises, ça devrait aller.
- Tu dis ça comme si j'étais pas un excellent fiancé.
Jean haussa un sourcil. Ils furent interrompus par la barmaid, une grande aux cheveux bruns qui n'avait pas l'air plus vieille qu'eux, et puis il reprit :
- J'ai rien vu de tout ça, encore.
Eren le considéra du regard un instant, soudain sérieux à nouveau.
- J'espère que tu sais à quel point ça peut être mal interprété.
Jean mit quelques secondes à faire le lien et le fusilla du regard.
- Achète toi une conscience, Jaeger.
- Faudrait que tu me trouves un surnom.
- C'est absolument mort.
- Appelle-moi par mon prénom alors au moins ?
- Et si je dis Jaeger ? dit le doré en insistant avec toute la mièvrerie du monde.
- Si tu fais ça, je t'abandonne à Mykonos.
- Ça me laisse encore pas mal de temps pour te rendre dingue.
- Mais je suis déjà dingue de toi, lança Eren avec un sourire que Jean ne lui avait jamais vu.
Le doré se pinça l'arête du nez sans répondre, parce-que Dieu si ça commençait comme ça, il risquait vraiment de commettre un meurtre.
Leurs verres arrivèrent et il acheta autant de secondes de silence que possible, savourant son cocktail.
- Tu veux regarder un film après ? Il y a Bladerunner sur Netflix.
Jean leva lentement la tête en se demandant où était le piège : premièrement, Eren avait complétement changé de sujet alors qu'il ne lâchait jamais l'affaire et deuxièmement, quand Jean lui avait proposé de regarder ce chef d'œuvre, il était allé voir les critiques et le résumé et l'avait jugé « ennuyeux » et « non digne de son effort d'attention ».
- Je croyais que t'avais détesté la bande-annonce ?
Eren haussa les épaules et l'incrédulité de Jean grandit : Eren n'haussait pas les épaules. Il hurlait dans tous les sens, agitait les bras jusqu'à en blesser ses voisins et jurait à tort et à travers mais jamais il ne laissait paraître ne serait-ce qu'un léger morceau d'indécision. Leur conversation l'avait-elle véritablement déstabilisé ? Jean se promit de ne pas retenter l'expérience, parce qu'il avait conscience que ça ne ferait que rendre les choses plus bizarres encore.
- J'irai pas jusque-là, finit par marmonner Eren. T'es chiant, on regarde ou pas ?
Jean n'était pas homme à pousser sa chance.
- Ouais, on regarde.
Ils finirent tranquillement leurs verres et puis quittèrent le bar, encore très animé pour une croisière composée majoritairement de quinquagénaires, même si Jean avait cru apercevoir quelques têtes un peu plus blondes. Ils parvinrent à rejoindre leur cabine sans se tromper ni d'étage ni de porte ce qui relevait plus ou moins du miracle, aidés par le petit papier coloré que Jean avait envie d'arracher.
L'intérieur, qu'il avait à peine eu le temps de détailler plus tôt, n'avait rien de remarquable si ce n'étaient les meubles fixés au sol, le fait qu'ils avaient une salle de bain individuelle et deux photos de bateaux encadrées et accrochées de part et d'autre du lit.
Eren les fixa un instant.
- Tu penses que ça représente quoi ?
Jean haussa un sourcil en récupérant sa brosse à dents et lui mit son ordinateur entre les mains.
- Que c'est incroyable d'avoir internet sur un bateau.
- T'es sûr que c'est pas un truc genre, reliés par l'eau ou quelque chose comme ça ?
- Je vais te casser les dents, marmonna Jean en allant brosser les siennes.
Quand il revint, Eren avait préparé le film sur leur compte Netflix commun – oui, c'était important de le préciser, et important de préciser qu'ils le partageaient avec Marco et Reiner aussi.
Ils s'installèrent sur leur malheureux lit double et bien que le doré ait pu douter de sa bonne foi, Eren se révéla intéressé par le film. Du moins, pendant les dix premières minutes, après quoi il fut clair qu'il peinait à garder les yeux ouverts.
Sans dire un mot, Jean se glissa sous les draps pour l'inviter à faire de même et baissa la luminosité de l'écran, n'osant pas faire de commentaire jusqu'à ce qu'il entende sa respiration se stabiliser contre son oreiller.
Finalement, s'ils ne parlaient pas et qu'Eren s'endormait aussi vite, peut-être allaient-ils pouvoir trouver un terrain d'entente.
JOUR DEUX
Jean fut réveillé par un bruit horrible qui semblait sortir tout droit de la gueule des créatures les plus terribles du Tartare grec. Quand il fut capable de compter jusqu'à cinq et de se lever sans que sa tête ne tourne, il comprit qu'il n'était pas si loin de la vérité en constatant que de un, le corps d'Eren aurait dû être à côté de lui, de deux, la lumière de la salle de bain était allumée et de trois, le corps d'Eren n'était en effet pas dans le lit.
Connecter le reste fut simple et il entendit la petite voix de Marco qui sonna dans sa tête pour lui dire non Jean, si tu te rendors, tu seras vraiment le pire des connards. Et certes, Jean était un connard, et il l'admettait volontiers, mais il n'était pas le pire.
Il grommela entre ses dents et se leva, fit les quelques pas qui le séparaient de la pièce adjacente et s'appuya sur le chambranle en posant les yeux sur Eren, assis contre le mur à côté des toilettes, les yeux mi-clos et cernés.
Il n'osa même pas faire de remarque et se contenta de trouver un gant de toilettes, l'humidifier et le lui tendre. Le brun s'essuya la bouche en soupirant et hocha la tête dans sa direction.
Ils restèrent sans rien dire pendant au moins trente secondes avant que la couette ne manque à Jean.
- C'est bon ?
Il avait murmuré parce-que Marco lui avait dit que quand il murmurait, on avait presque l'impression qu'il était poli.
Cependant, Eren n'eut pas l'occasion de lui répondre. Il se pencha presque immédiatement après sa question sur la cuvette et laissa le contenu de peu importe ce qu'il restait dans son estomac lui échapper. Heureusement que celui de Jean était solide, puisqu'il put s'approcher de lui sans craintes et tenir ses cheveux qui commençaient à lui tomber dans les yeux.
Il ne savait pas s'il les préférait courts ou longs, et se fit la réflexion que ce n'était peut-être pas le moment de se poser la question. Ou peut-être que son esprit cherchait de quoi éviter de réfléchir à la situation trop fort, si bien qu'il finit par se souvenir que quand ça lui arrivait, sa mère caressait son dos pour que ça aide. Il osait à peine lui toucher les cheveux, alors il allait éviter.
Aucun des deux ne put dire combien de temps ils restèrent ainsi, mais au bout d'un moment et alors que le soleil était sûrement déjà levé, Eren s'adossa à nouveau contre le mur en soupirant.
- Je crois que c'est bon.
Jean hocha vaguement la tête.
- Brosse toi les dents ou je te démonte.
Il y avait mis à peine sa conviction habituelle – à savoir, nulle – mais ça suffisait pour faire passer le message. Eren le reçut d'ailleurs puisqu'il hocha vaguement la tête, mais en le voyant n'esquisser aucun mouvement, Jean l'aida à se relever du mieux qu'il put et lui fourra quasiment sa brosse à dents dans la bouche. Une fois qu'il fut certain que le garçon tenait debout tout seul, il retourna enfin retrouver la chaleur maintenant inexistante de ses draps.
Quand le matelas s'affaissa à ses côtés alors qu'il trouvait déjà le sommeil, il entendit faiblement un « merci » à peine articulé.
Ils ne purent prendre beaucoup de repos supplémentaire : à peine quelques heures plus tard, Connie et Sasha toquèrent férocement à leur porte pour qu'ils aillent petit-déjeuner.
L'expression d'Eren n'indiquait rien de bon, mais Jean ne fit aucun commentaire : il était trop fatigué pour faire semblant d'être sympa, aujourd'hui. Quand il mit un pied en dehors de sa cabine après s'être préparé en vitesse et qu'il se souvint qu'il devait faire semblant, son humeur s'assombrit plus encore.
Ils ne mangèrent pas beaucoup et le brun ne prit qu'un thé, et puis le programme de la journée fut placardé soigneusement par un employé zélé quelque part dans la salle principale où, ils l'avaient compris, la plupart de leurs aventures allaient commencer.
- Chouette, marmonna sèchement Jean en constatant qu'ils faisaient aujourd'hui leur première escale.
Bien sûr, il était heureux de visiter la Grèce et c'était bien pour ça qu'il sacrifiait non seulement une partie de son porte-monnaie mais aussi de sa dignité, mais il aurait largement préféré que ça se fasse dans d'autres conditions, et en général quand il était dans cet état, c'était difficile qu'il en sorte avant au moins quatorze heures trente.
- J'espère que vous êtes prêts, finit par dire Connie en lançant un regard suspicieux à leurs yeux cernés.
Jean haussa un sourcil et Sasha lui tendit un sourire, toujours rayonnant.
- Randonnée ce matin !
Presque comme s'ils s'étaient mis d'accord, Jean et Eren se tournèrent l'un vers l'autre rapidement : hors de question. Hors de questions qu'ils fassent plus de trois mètres à pied dans cet état, sous cette chaleur, et avec ce quota d'heures de sommeil qui venaient bien sûr s'ajouter au manque résultant du décalage horaire.
Une idée germa alors dans l'esprit de Jean et il donna un léger coup de coude à son voisin, avant d'afficher le sourire le plus plastique de sa collection.
- Ah ouais, cool. On a hâte.
Bien sûr, leurs amis n'étaient pas dupe, mais personne n'avait jamais envie de répondre à Jean quand il était comme ça.
Ce fut ainsi que, une heure plus tard, tout le petit groupe qui avait choisi cette activité s'était rassemblé au pied d'une montée assez impressionnante. Enfin, elle l'aurait sûrement moins été dans d'autres conditions, bien sûr.
Alors que le moniteur donnait ses explications, principalement de la sécurité pure et dure, Jean tira Eren par le coude vers le fond du groupe et se pencha sur lui. Il espérait qu'ils avaient l'air de se dire d'adorables petits secrets.
- J'ai envie de crever et c'est hors de question que je marche trois putains d'heures, alors on va les laisser faire leur truc et se cacher dans un buisson.
Eren hocha la tête et puis promena son regard sur les alentours, lui répondant sur le même ton. Il avait la voix fatiguée et la gorge abîmée par sa nuit difficile.
Le paysage était tout ce qu'il y avait de plus sobre. Après tout, Laurion était une île minière, alors il ne risquait pas d'y avoir beaucoup de végétation.
- Je suis d'accord mais-
- T'inquiète, le coupa Jean qui s'était rendu compte de l'absurdité de sa proposition au vu des options offertes par les environs, derrière un gros caillou alors.
Eren n'avait pas l'air en état de réfléchir, et il semblait que toutes les propositions lui allaient tant qu'il pouvait s'allonger sur le sol et mourir en paix. Il hocha vaguement la tête en agitant la main pour signifier que ça lui était égal.
Quand le moniteur lança le départ, Jean tint son coude pour qu'ils avancent avec les autres. Connie et Sasha les avaient repérés mais n'avaient sûrement pas le temps de s'occuper de leurs bêtises : tant mieux. Plus la montée approchait et plus Jean ralentissait le pas, entraînant forcément Eren qui trébuchait sur tous les petits cailloux qu'il rencontrait.
- Pourquoi on n'est pas juste restés dans le bateau ? finit par marmonner le brun.
- Parce qu'on a payé pour visiter.
Eren eut un rictus amusé, toujours trop faible pour être normal mais quand même bien présent.
- Radin.
Jean haussa les épaules. Ils finirent par réussir à se détacher du groupe de plus en plus, jusqu'à ce qu'il puisse se cacher dans un renfoncement en début de montée qui, bien heureusement, semblait placé là rien que pour accueillir les touristes récalcitrants.
Une fois qu'ils se furent installés et que Jean fut certain d'avoir de la poussière partout sur son pantalon, il laissa échapper un long soupir. Heureusement, la terre au-dessus d'eux qui avait servi à les camoufler leur servait un petit peu de parasol, et la chaleur restait supportable.
- Je crois que j'ai le mal de mer, marmonna Eren en regardant fixement par terre.
- Bizarre comme idée.
Le brun garda le silence quelques minutes avant de reprendre :
- Non mais c'est triste. J'ai toujours voulu voir la mer et en fait, j'ai le mal de mer.
C'est vrai qu'à bien y réfléchir, il n'avait jamais su la fermer quand il s'agissait de s'épancher sur ce sujet. Enfin, il n'avait jamais su la fermer tout court, mais là tout particulièrement.
Jean laissa échapper un ricanement ironique.
- Bien fait.
- Tu pourrais être sympa quand même.
- J'ai donné tout mon crédit de sympatitude hier.
- Ça existe pas comme mot.
- Je t'emmerde, d'accord ?
- Oui bah moi aussi. Connard.
- Ouais. Connard.
Ils se toisèrent du regard un instant avant de laisser échapper un soupir amusé.
- Tu crois qu'on peut faire la sieste ? finit par demander Eren.
- Imagine s'ils nous comptent.
- T'auras qu'à dire que j'ai vomi dans les taillis.
- Ok, on fait ça.
- T'aimes bien quand c'est de ma faute hein ?
- C'est toujours de ta faute.
- Franchement Jean, le jour où tu seras sympa-
- Ferme ta gueule, Jaeger. Et dors ou je t'assomme.
Sûrement trop fatigué pour ne pas prendre son conseil au pied de la lettre, Eren eut un haussement d'épaule amusé et s'adossa à la terre derrière eux. Jean l'entendit ronfler doucement quelques minutes plus tard.
Il se laissa prendre au jeu un instant, mais se connaissait trop bien pour savoir qu'il ne parviendrait pas à trouver le sommeil. Il avait trop peur de passer pour un mec bizarre en observant Eren dormir alors, au bout d'un certain temps, il se leva et se promena un instant sur la côte. La mer léchait le sable et il se souvint vaguement des quelques photos qu'il avait retenues du dépliant : puisque c'était une île minière, elle accueillait de très jolis cailloux sûrement récompenses à l'effort que représentait la montée. Heureusement que Jean ne se sentait pas l'âme d'un géologiste.
Il ne sut dire combien de temps il resta à faire des ronds sur le sable et des dessins ridicules au bâton en se demandant si l'expérience des photos sur internet était plus intéressante avant qu'Eren ne le rejoigne.
- Je me sens mieux.
- Cool.
- Tu penses que j'aurai de nouveau envie de vomir sur le bateau ?
- Ma mère dit qu'on s'habitue.
Eren eut un sourire à la mention de la maman de Jean, comme s'il l'avait rencontrée plus de trois fois, et hocha la tête comme si la science des mères était science infuse.
Ils restèrent en silence un bon moment et finalement, ce n'était pas si terrible d'être avec Eren quand il était malade et qu'il se taisait.
Les autres revinrent un peu plus tard alors qu'ils faillirent tous les deux s'endormir sur le sable, et ils parvinrent à se glisser dans le groupe sans avoir à faire d'excuses. Ils se justifièrent en revanche auprès de Connie et Sasha qui avaient des étoiles plein les yeux grâce aux cailloux qu'ils avaient vu, et c'était tant mieux puisqu'ils ne leur en tinrent absolument pas rigueur.
Il leur fallut tout de même marcher une bonne quinzaine de minutes pour rejoindre la ville – enfin, ville était un bien grand mot, disons plutôt alignement de maisons faisant à peu près sens – mais le sol était plat et ils se sentaient reposés. Même si Jean n'avait pas dormi, il n'avait pas randonné non plus, et ça changeait beaucoup.
Une fois arrivés près des pâtés de maisons, ils se séparèrent pour la pause de midi, un peu comme un temps libre en colonie. L'image amusait Jean, d'ailleurs, parce qu'au fond l'idée restait la même, c'était juste le prix qui augmentait. Peut-être que la solution était de ne s'inscrire à aucune activité.
Ils restèrent tous les quatre ensemble mais finirent tout de même par se retrouver avec une bonne partie du reste du groupe quand il s'agit de manger. Comme dit, la ville n'était pas si grande.
Une fois repus et malgré une attente assez longue, ils finirent par retourner sur le bateau. Sur le ponton, Jean eut un rictus. Il passa son bras autour des épaules d'Eren.
- Tu me dirais si tu te sentais patraque hein ? Je te rattraperais, insista-t-il en exagérant.
Le brun se dégagea d'un coup d'épaule en levant les yeux au ciel.
- Le bateau est arrêté, connard.
Jean ricana, toujours machiavélique dans tous les aspects de sa vie. Une fois sur le pont, ils se mirent d'accord avec Sasha et Connie pour aller à la piscine – surtout parce-que le concept était toujours aussi fascinant.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, Eren et Jean furent les premiers à arriver. Ils choisirent un transat pour poser leurs affaires et s'y assirent en attendant les deux autres. Quand le brun se tourna vers lui en prenant une large inspiration, Jean sut qu'il n'allait pas aimer la suite.
- Tu penses qu'on devrait plus se toucher ?
Effectivement. Le doré manqua de s'étouffa et haussa les sourcils.
- Je te demande pardon ?
Eren leva les yeux au ciel mais poursuivit son idée quand même. Il suffit qu'il fasse un geste en direction de leurs environs pour que Jean comprenne. C'était à nouveau un décor agrémenté de quinquagénaires mielleux et sucrés à souhait qui se touchaient dès qu'ils en avaient l'occasion et s'embrassaient en se flattant mutuellement.
- C'est mort, répondit Jean.
- Je veux pas avoir d'amende, marmonna Eren au bout d'un certain temps.
Jean leva les yeux au ciel et avisa le brun. Il avait posé sa main sur le transat, et il se demanda s'il pouvait juste la lui prendre, rien que pour que ça fasse plus normal, et oh Dieu qu'il détestait déjà cette situation. Il inspira pour se donner contenance et évita de se demander à quand remontait la dernière fois qu'il avait tenu la main de quelqu'un.
- Ok, dit-il simplement.
- Ok pas d'amende ou ok on se touche ?
- Putain mais arrête de parler comme ça ou je t'éclate les dents, d'accord ? Tu peux pas dire les choses normalement ?
- Donc t'es pas un grand romantique en fait.
- Il y a rien de romantique là-dedans.
-Peu importe, sourit Eren.
Et puis Jean sentit des doigts glisser sur les siens et il se retint de hurler et de le jeter dans la piscine et le laissa juste reposer sa main sur la sienne.
- C'est bon comme ça, non ? demanda le brun.
- Un mot de plus et Jaeger je te promets juré que je te noie pour du vrai.
Jean avait détourné le regard, le visage brûlant à cause du soleil, si bien qu'il l'entendit à peine souffler du nez.
Mais ouais, c'était bien comme ça : il fallait faire ce qu'ils avaient à faire, et si ça signifiait laisser Eren lui tenir la main de la façon la moins romantique possible, ça lui allait.
Heureusement pour lui, Sasha et Connie ne tardèrent pas à arriver et ils purent se comporter comme tout couple se comporte en présence d'un autre couple : à distance.
Avant de plonger dans la piscine et d'y noyer ses tracas, Jean eut tout de même le temps d'entendre Eren lui murmurer qu'ils allaient de toute façon devoir en discuter plus profondément. Mais le doré n'en avait aucune envie, rien dans cette conversation ne l'attirait d'une quelconque manière et si les vacances – hormis leurs aventures d'aujourd'hui – n'étaient pas aussi agréable, il aurait déjà mille fois maudit son lui du passé.
Comme la veille, ils passèrent leur soirée au bar. Le bateau s'était remis en route en direction de leur prochaine escale, Thessaloniki, et Jean avait hâte d'en profiter. Pour son plus grand bonheur, Eren avait pris le pied marin (il avait regardé sur internet et on parlait de « s'amariner », ce qui le faisait bien rire), ou tout du moins, il avait arrêté de vomir.
Un verre entre les doigts, le doré écoutait Sasha parler de son apprentissage. Elle était bien la seule à non seulement s'y intéresser, mais en plus à gagner de l'argent en faisant ce qu'elle aime. Après tout, le métier de cuisinier semblait rempli de bien plus de rebondissements qu'on pouvait le croire, et elle avait au moins le luxe de pouvoir juger avec efficacité les plats qui lui étaient présentés – même en étant très bon public.
En vérité, Jean ne lui prêtait pas vraiment attention et pensait plutôt aux événements assez chaotiques de sa journée. C'était dur de l'admettre, mais Eren avait raison : ils allaient devoir faire des efforts. Peut-être étaient-ils tous les deux paranos d'une manière ou d'une autre, mais si les organisateurs de la croisière étaient un minimum malins, ils allaient forcément s'attendre à de la triche. Il fallait donc qu'ils soient le plus convainquant possible. C'était déjà un miracle qu'ils aient réussi à s'inscrire et qu'ils n'aient pas eu à présenter de certificat de mariage ou n'importe quel autre document qu'ils auraient falsifié facilement sur internet.
Il se demanda si l'embrasser en public suffisait. L'idée le répugnait sur la forme plus que sur le fond : ils avaient déjà vécu des soirées mouvementées durant leur jeunesse, et c'était apparemment amusant pour leur groupe d'ami de forcer le rapprocher de deux adolescents qui passaient leurs journées à se cracher dessus. Ou peut-être qu'Armin et son cerveau de génie en avaient tout simplement eu marre et avaient monté un plan qui n'avait pas du tout fonctionné, puisque dès que le contact se rompait, les deux sujets ne manquaient jamais de se battre.
Heureusement ils avaient grandi depuis et leur côté civilisé avait pris le dessus (enfin, en ce qui le concernait), donc ça ne devrait pas être une épreuve si terrible. Il décida qu'il devait lui en parler, mais l'idée lui prit tellement de place qu'il ne parvint pas à se raccrocher pleinement à la conversation.
Quand ils se séparèrent de Connie et Sasha pour aller vers leur cabine, Eren s'arrêta près d'une rambarde et Jean lui accorda quelques instants pour regarder la mer. Ils la verraient souvent, ces prochains jours, mais se disait que le brun célébrait la victoire de son estomac.
- Il y a quelque chose qui te tracasse ?
Jean haussa un sourcil, parce-que ce n'était pas dans les habitudes d'Eren d'être perspicace. Peut-être fut-ce dû à son effort d'attention, mais il n'eut pas le cœur de lui mentir.
- Je pensais à ce que tu disais tout à l'heure, sur faire des efforts et tout.
Apparemment le cerveau du brun avait une limite et faire attention à l'état de Jean lui avait suffi pour l'atteindre, puisqu'il haussa un sourcil.
- Je me souviens plus.
Jean eut un rictus, mais hors de question qu'il en parle à voix haute ou qu'il le formule comme Eren l'avait fait, alors il se contenta d'agiter lâchement sa main devant lui en restant vague :
- Mais si, tu sais, à la piscine là…
- Sur se toucher ?
Vraiment, la formulation lui faisait l'effet d'une piqûre d'insecte.
- Putain Jaeger-
- Oui d'accord donc c'est de ça que tu parlais.
- Oui, de ça, confirma Jean en se passant une main sur le visage, déjà éreinté par la non-conversation qu'ils avaient.
- T'en penses quoi alors ?
Jean n'allait tout de même pas abuser et lui dire qu'il avait raison, alors il haussa lentement les épaules.
- Disons que ce serait en effet dommage de se faire attraper.
Heureusement, Eren ne chercha pas plus de clarification et se contenta de hocher la tête. Jean se demanda si la conversation le gênait autant que lui, et puis à quoi il ressemblait quand il était en couple.
- Je t'ai jamais vu dans une relation, finit-il par marmonner à voix haute en s'accoudant à la barrière, posant son menton sur ses bras joints.
Les lumières du bateau se reflétaient sur l'eau et lui donnait des formes fantastiques, si bien que la citation si célèbre de Nietzsche n'avait jamais semblée aussi vraie, même si Jean le détestait et ne croyait pas un mot sortant de la bouche des gens qui l'encensaient.
- C'est parce-que ça a jamais duré assez longtemps.
Le doré détacha avec peine son regard des abysses pour se tourner vers Eren.
- Tu veux raconter ?
L'autre haussa les épaules.
- Honnêtement, il y a pas grand-chose à dire. Tu le saurais déjà sinon. C'est juste que ça fonctionnait pas.
Jean sentit qu'il y avait plus à dire, mais il n'était pas poli, n'aimait pas particulièrement discuter de ce genre de choses avec Eren et en plus de ça, était nul pour donner des conseils, alors il n'insista pas.
- Et toi ? finit par demander le brun.
Jean ne savait pas s'il était vraiment curieux, mais se rassura en se disant qu'il ne faisait que lui rendre la pareille.
- Il y a bien eu des gens, ouais.
Son orientation sexuelle n'était un secret pour personne, sans quoi ils n'en seraient pas là aujourd'hui, mais parce qu'il n'en parlait jamais avec Eren, il se sentait soudain obligé de refaire un coming-out et détestait largement cette sensation.
- Tu veux élaborer ?
Jean haussa les épaules.
- C'était intéressant. J'ai pas grand-chose à dire de plus, je pense.
Eren acquiesça comme s'il y réfléchissait sincèrement, et puis il se détacha de la rambarde. Jean l'imita et, sans un mot de plus, ils allèrent se coucher.
Heureusement pour les deux, le brun s'était véritablement amariné.
JOUR TROIS
Thessaloniki se révéla être un véritable délice. Après avoir débarqué sur le quai à quelques pas à peine des bâtiments, le groupe se sépara. La ville était si intéressante qu'ils ne pouvaient tous être accompagnés et les activités se faisaient plutôt en solitaire.
Eren, Jean, Sasha et Connie avaient presque naturellement choisi de faire un tour au musée archéologique. Ils avaient appris tous les quatre à apprécier ce genre d'endroit ensemble, à force de devoir accompagner Connie quand il faisait encore sa licence d'histoire et qu'il était persuadé que fixer très fort et très longtemps un morceau de collier préhistorique allait l'aider à mémoriser l'entièreté de son cours sur la période. À cette époque, même Armin les accompagnait, ce qui expliquait toujours la présence d'Eren avec lui, et c'étaient les temps où ce dernier et Jean parvenait à rester dans la même pièce sans avoir besoin de se fusiller du regard.
Ils se perdirent donc entre les souvenirs de la mythologie et de leur lecture de Percy Jackson, l'exposition temporaire qui concernait la poésie et sa forme et les autres antiquités qui attirèrent leur regard.
Au bout d'un moment, ils débouchèrent sur une petite salle carrée avec peu d'objets sous vitre, mais apparemment assez importants pour qu'ils y fassent un arrêt. Jean s'apprêtait à ouvrir la bouche pour faire une remarque complétement inutile à Eren quand il entendit des voix résonner contre les murs silencieux, et qu'il réagit au quart de tour.
En quelques millisecondes à peine, il avait pris la main d'Eren dans la sienne et entrelacé leurs doigts. Entre les injures qui coulèrent à flots dans son esprit et le regard interloqué du brun, il reconnut la tête brune qui passa la porte : c'était la barmaid. Elle était accompagnée par une petite blonde et toutes les deux semblaient dans une discussion animée, si bien qu'elles remarquèrent à peine qu'elles avaient avec eux des participants à la croisière.
Jean attendit qu'elles traversent la salle, ce qu'elles firent sans jeter un œil autour d'elles, pour lâcher la main d'Eren qu'il tenait bien trop fort, comme il le constata en relâchant sa prise.
Il faillit présenter ses excuses et puis se souvint qu'il les réservait exclusivement à Marco.
- Dis-donc, siffla Eren en murmurant, t'as des réflexes de Spiderman.
Jean eut un rictus, finalement satisfait qu'il lui réserve une réplique complétement à côté de la plaque.
- Je t'ai pas dit ? Iron Man, c'est moi.
Eren le considéra du regard un instant avant de lui donner un léger coup d'épaules, visiblement amusé.
- Tu te trompes de film.
- Vraiment ? ironisa Jean en levant les yeux au ciel.
Et, juste comme ça, l'incident fut passé sous le tapis. Et puis aussi, juste comme ça, se tenir la main devint plus naturel.
Jean s'en rendit compte quand ils firent la queue pour se prendre à manger, une fois sortis du musée. Devant eux, Connie et Sasha étaient appuyés l'un sur l'autre, et le doré savait pertinemment que c'était habituel et que les deux étaient très tactiles l'un envers l'autre sans que ça n'ait de signification particulière, mais il ne pouvait s'empêcher de se demander à quoi ressemblait la scène d'un point de vue extérieur. Devant eux un couple, et à leur place, deux potes qui tenaient la chandelle.
Alors qu'il allait entamer une bataille interne d'au moins trois minutes, Eren résolut son dilemme mental avant même qu'il ne débute et prit sa main dans la sienne. Si Jean n'avait pas eu sa dignité, qu'au fond il perdait un peu plus à chaque contact, il l'aurait sûrement remercié.
La journée après cela se déroula plutôt lentement, et ils finirent par se balader sur la promenade prévue à cet effet, contemplant à nouveau l'étendue d'eau, seul tableau stable qu'ils avaient sous les yeux ces derniers jours.
Quand ils remontèrent sur le bateau avait que la nuit ne tombe, ils allèrent se changer plutôt que se retrouver au bar qui devenait doucement une habitude : déjà, Jean n'avait aucune envie de croiser la barmaid à nouveau, même s'il devait avouer qu'il se demandait qui était la blonde et ensuite, ils avaient une activité spéciale ce soir qui semblait rendre Eren euphorique. Et un Eren euphorique était toujours très entraînant, à moins de s'appeler Jean Kirschtein et de détester absolument la planète entière, coccinelles incluses.
- Tu penses qu'ils auront des télescopes ? Et qu'on verra des étoiles filantes ?
- Rappelle-moi le nom du truc ?
- La nuit des étoiles filantes ?
Il y eut un silence, et puis Eren reprit alors que Jean peinait à monter les escaliers qui les mèneraient jusqu'à une plateforme supérieure qui leur servirait sûrement de toit.
- Oui, quand même, j'espère. Imagine il y a des nuages.
- On a quitté la ville, ça devrait aller.
Observer les étoiles sur un bateau en mouvement, il y avait sûrement de quoi être émerveillé, et probablement que Jean attendrait plus cet instant si Eren ne sautillait pas ainsi derrière lui.
- On t'a déjà dit que t'es pas croyable ? marmonna-t-il en prenant la dernière série de marche.
Derrière lui, le brun faisait un boucan d'enfer.
- Ça me dit rien, j'ai plutôt l'habitude qu'on me dise calme, ironisa Eren.
- Le sarcasme te va pas.
- Je t'emmerde.
- Voilà qui est mieux.
Ils arrivèrent quelques minutes plus tard et débouchèrent en effet sur une large plateforme où des couvertures et des oreillers avaient été installés sur des tapis de sol. Il y avait cependant tellement de monde que retrouver Connie et Sasha allait être impossible sans perdre au moins quinze minutes.
- On dort ici ? demanda Eren en se penchant sur son épaule pour chuchoter tout contre son oreille, et oui la proximité était importante parce-que Jean se sentit frissonner de surprise ou d'horreur ou peu importait ce que c'était.
- Jamais de la vie.
Ils approchèrent un moniteur qui leur donna une couverture et un oreiller à chacun. Avec surprise, Jean reconnut la jeune femme blonde qui accompagnait la barmaid plus tôt dans le musée, et fit un effort pour retenir son prénom. Bien sûr, il l'oublia dès qu'elle sortit de son champ de vision.
Il décida de mener son enquête plus tard et à condition que sa croisière devienne ennuyeuse, et puis lui et Eren trouvèrent un coin pas trop fréquenté, parce qu'il y avait au moins autant de monde qu'à la plage un jour de juillet, et s'allongèrent sans plus attendre.
Et en effet, c'était à couper le souffle. Même Eren ne fit aucun commentaire.
Le tableau n'avait rien à voir avec ce que Jean avait déjà pu observer, et des centaines et des millions et des milliards de petits points lumineux se dressaient devant ses yeux, comme s'allumant à la caresse de son regard. Les couleurs faisaient un dégradé de noir indescriptible, et le brun savait à peine où tourner la tête, jusqu'à ce qu'un soupir satisfait dans l'assemblée accompagne une traînée lumineuse. Il sentit Eren s'agiter à côté de lui : c'était belle et bien une étoile filante.
- C'est trop joli, c'est trop joli, c'est trop joli, murmura le brun peut-être certain que personne ne l'entendait, et Jean sentit son estomac faire un bond intersidéral rejoignant sûrement les astres.
Il déglutit pour se raccrocher à la réalité et pensa au tableau de Van Gogh, en se disant qu'au fond, il avait plus ou moins capturé son état maintenant : la tête qui tournait et les yeux qui brillaient.
Ils restèrent en silence de longues minutes, baignant dans la lueur douce de ces astres qu'ils voyaient tous les soirs sans le savoir. À chaque étoile filante, un murmure satisfait parcourait les corps allongés, et Jean sentait Eren s'activer comme s'il ne vivait que pour ça.
Le brun avait toujours été intense, mais être aux premières loges de sa célébration de la vie le rendait presque étourdi, ou ébloui peut-être aussi.
Quand il réussit enfin à détacher son regard du ciel et à ne pas le poser sur Eren, il constata qu'ils étaient littéralement entourés de couples qui se donnaient la main ou s'embrassaient ou se regardaient amoureusement en se promettant certainement des sornettes.
En désespoir de cause et parce qu'il ne pouvait pas faire mieux, Jean glissa ses doigts sur ceux d'Eren sans les serrer. Certes, il faisait sombre et personne ne verrait rien, mais quand même. C'était sûrement son instinct grégaire, ou peu importe comment ça s'appelait, qui lui intimait de copier ses semblables.
Il sentit un bruissement à côté de lui, ce qui était étrange étant donné que la règle disait désormais qu'Eren ne réagissait plus qu'aux étoiles filantes, et comprit quand il entendit le brun murmurer :
- Attends.
Il se tourna vers lui, heureux de ne pas pouvoir apercevoir son expression et inversement, et puis sentit quelque chose tenter de se glisser sous sa nuque.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Il dut murmurer trop fort parce-que plusieurs personnes, y compris Eren, lui intimèrent de se taire. Jean faillit protester mais le brun glissa de force son bras sous sa nuque, et là il comprit : c'était quand même bien plus agréable que le vieux coussin plat qu'on lui avait donné.
Peut-être qu'Eren l'avait fait sans y penser, mais s'il y avait bien une chose de certaine et connue de la terre entière, c'était que Jean tenait à son confort.
Alors quand ils redescendirent et que le brun fit doublement plus de bruit qu'à l'aller en s'extasiant sur les étoiles filantes dont il avait compté le nombre mais qu'il avait oublié, Jean ne s'autorisa aucune remarque.
De toute façon, tout le monde préférait ce Eren là au Eren instable qui s'énervait toutes les deux secondes dès qu'il s'agissait d'une attaque envers sa personne et qui heureusement, avait disparu après la seconde. Donc, bon, Jean pouvait bien le laisser faire.
Un petit peu.
Aucun des deux ne parvint à trouver le sommeil. Jean le savait parce-que même une heure après s'être tous les deux couchés, il pouvait entendre Eren se tourner et se retourner et passer un bras par-dessus le drap et puis remonter le drap sur lui et puis… ouais, ce n'était pas dans les habitudes du brun qui s'endormait comme une masse dès qu'il avait la tête posée sur l'oreiller.
Se doutant bien que ça ne servait à rien de forcer, Jean se redressa.
- Oh, marmonna Eren, je t'ai réveillé ?
- Je dormais pas.
Il y eut quelques secondes de silence.
- Tu crois que c'est l'influence des étoiles filantes ?
- C'est-à-dire ? demanda Jean qui sut à la seconde où il le fit qu'il n'aurait jamais dû poser la question.
- Peut-être que quelqu'un a fait un vœu pour qu'on dorme mal.
- Nous spécifiquement ?
- Tu peux penser à quelqu'un que t'as énervé ici ?
- Pourquoi ce serait pas toi qui l'a énervé ?
- Parce-que j'essaye au moins d'être poli.
- Très rigolo mais repasse plus tard pour les blagues s'il te plaît.
Il put presque entendre Eren lever les yeux au ciel.
- Tu veux regarder un truc ? reprit finalement Jean qui se doutait bien qu'ils étaient tous les deux dans le même état et que ce n'était certainement pas à cause d'une tierce personne ou d'un vœu malveillant.
Eren répondit en se baissant pour trouver son ordinateur. Il l'alluma et se rapprocha de Jean qui s'était redressé pour le poser entre eux, attendant sans rien dire que son dinosaure daigne lui répondre.
Le doré n'osa même pas protester qu'ils auraient dû prendre le sien : il n'avait pas envie de quitter la chaleur de la couette pour aller jusqu'à son sac.
La jambe d'Eren effleura la sienne, mais ce dernier fit comme s'il n'avait rien senti et stabilisa l'appareil par-dessus, coinçant Jean contre lui. Enfin, contre était un bien grand mot, mais ce fut ainsi que le doré le ressentit quand il eut l'impression que l'entièreté des cellules composant sa jambe s'étaient mises à hurler.
- Est-ce que je peux poser ma tête sur ton épaule ?
Jean s'arrêta. Il s'arrêta de respirer et s'arrêta de penser et aussi de bouger. Et puis, deux hypothèses lui vinrent en tête : ou bien Eren s'était fait remplacer par un extra-terrestre soudain super tactile, ou bien il était en train de rêver.
D'accord, c'était sûrement la deuxième option parce qu'il était vrai que le brun pouvait parfois toucher les gens quand il leur parlait ou naturellement passer son bras autour de leurs épaules, mais trop rarement avec Jean. Et d'accord encore, c'était sûrement parce-que ce dernier évitait le contact comme la peste, simplement parce-que ça le fatiguait.
- Non, finit-il par dire, parce que c'était impossible de blesser un Eren dont on rêvait (même si c'était quand même étrange de rêver de lui).
- OK, dit le brun en haussant les épaules.
Jean ne rajouta rien et le laissa mettre un sitcom américain de son choix, et plus l'épisode avançait plus il dut quand même se rendre à l'évidence : ces scènes étaient bien trop détaillées pour que ce soit un rêve, et la jambe d'Eren était toujours presque contre la sienne.
Peut-être que le déni ne fonctionnait plus aussi bien que prévu, finalement.
Il se demanda un instant ce que ce serait d'avoir la tête d'Eren sur son épaule et fut surpris de ne trouver aucune résistance particulière au niveau de son estomac qui, d'habitude, se tordait d'appréhension absolument négative. Bien sûr, l'impression de devoir reculer et s'enfuir restait, mais il se demanda si c'était vraiment si terrible, et puis finalement mangea la distance entre leurs deux jambes, rien que pour essayer et voir ce que ça faisait de le toucher.
Rien ne se passa, et l'épisode continua de tourner et la terre aussi, si bien que Jean ne bougea pas et finit par hausser les épaules.
- Tu peux si tu veux.
Eren comprit immédiatement et Jean l'entendit sourire et approcher, et puis sentit un poids. Il comprenait que ce soit difficile de ne pas résister à l'idée de toucher un corps, et se demanda un instant si Eren était en manque d'affection. Au fond, ça ne le dérangeait presque pas, tant qu'il n'y pensait pas trop fort. C'était juste comme avoir un radiateur portatif.
JOUR CINQ
Jean enfonça ses mains dans ses poches en se balançant légèrement d'avant en arrière, attendant qu'Eren, Connie et Sasha sortent du magasin qui apparemment tentait de leur échanger leurs âmes.
Les rues de Mykonos étaient comme il les avait imaginées : maisons blanches aux volets bleus, allées escarpées et surtout, ambiance des plus reposantes. Jean ne s'était sûrement pas senti aussi bien depuis longtemps, et même les autres villes ne lui avaient pas fait cet effet. Il y avait quelque chose ici d'essentiellement grec et d'essentiellement doux qu'il ne pouvait qu'apprécier.
- C'est bon ! claironna alors Eren en sortant enfin de la boutique, son sac à dos surement rempli de babioles inutiles sur le dos – oui, mais il fallait un cadeau pour Armin, et Mikasa, et Reiner, et le copain de Reiner, et Bertoldt, et… ouais, Jean s'en fichait un peu.
- Et Sasha et Connie ?
Eren fronça les sourcils.
- Je crois qu'ils sont déjà sortis.
- Je les ai pas vus.
- Bizarre, moins non plus. T'as dû les rater, élucida Eren en commençant déjà à marcher.
Jean leva les yeux au ciel mais le suivit quand même, décidant de le croire pour une fois. Il aurait voulu envoyer un message à l'un des deux mais il s'était endormi sans charger son téléphone et le brun lui avait proposé de n'emmener que le sien.
- Tu veux pas leur envoyer un message ?
- Si tu veux oui.
Eren sortit son téléphone et ils poursuivirent dans une direction qui leur semblait familière.
- J'ai trouvé des matiasma, d'ailleurs.
Jean haussa un sourcil.
- Des ?
Eren lui fit signe d'attendre et libéra sa main pour fouiller dans son sac tout en marchant, puis lui présenta une petite pierre au contour bleu foncé avec une sorte d'œil ciel au milieu. Jean reconnut le symbole et hocha vaguement la tête.
- Cool.
Ils continuèrent de s'enfoncer dans les rues, et puis quand ils se trouvèrent face à une intersection, le doré se tourna vers son soi-disant compagnon :
- T'es sûr que c'est par là ?
Eren le regarda, incrédule.
- Je te suis, moi.
- T'es sérieux ? grommela Jean. Je sais pas du tout où on est là.
- Ok attends.
Eren ressortit son téléphone et eut une grimace qui ne plut pas du tout à Jean, et pas du tout dans le sens absolument surtout pas.
- Quoi ? gronda-t-il, sûrement parce qu'il le sentait venir avec ses gros sabots.
- Il y a pas de réseau. Et j'ai vingt pourcents.
Jean dut se faire violence pour ne pas hurler et se contenta de se pincer l'arête du nez, sentant déjà son agacement monter en flèche. Mais il ne fallait pas qu'il s'énerve : il était en vacances, et c'était fait pour profiter et surtout, pour se détendre.
- Comment ça se fait que t'aies que vingt pourcents ? articula-t-il.
- Ben, on a utilisé la carte pour aller au magasin avant, et puis j'ai appelé Connie et Sasha ce matin et puis-
- Et puis tu l'as à peine chargé cette nuit, c'est ça ?
- Ouais bah, toi aussi.
Jean faillit renchérir avant de se souvenir du pourquoi du comment aucun des deux n'avait véritablement pensé à autre chose qu'à dormir, et combattit les rougeurs naissantes sur ses joues.
- Ok. On rebrousse chemin alors, et on retrouve le bateau.
Eren acquiesça, et Jean remercia silencieusement le ciel de ne pas s'être énervé, et inversement.
Mais bien sûr, c'était trop beau pour être vrai. Après être passé trois fois devant la même enseigne, sans comprendre comment cette partie de la ville pouvait ne plus avoir de réseau, il s'arrêta net.
- On tourne en rond.
- J'ai remarqué oui, grommela Eren qui avait à son tour perdu de sa bonne humeur.
- Tu peux pas m'aider au lieu de râler ?
Le brun le fusilla du regard, mais c'était encore raisonnable.
- J'essaye, d'accord ? Mais tu sais aussi bien que moi que j'ai une mémoire terrible.
- Ah ouais ? Monsieur je connais les chansons de Grease par cœur.
C'était soudain comme s'ils avaient échangé les rôles, et leur ton railleur n'aidait pas : depuis le temps qu'ils ne s'étaient pas tapés dessus, il fallait bien que ça sorte autrement.
- Oui bah c'était pour le lycée, et c'est mieux que de connaître les dates de sortie des albums de Pink Floyd et de se vanter tous les jours de les écouter dans l'ordre.
- Pas tous les jours, marmonna Jean qui commençait d'ailleurs sérieusement à regretter ses écouteurs.
- Ouais, c'est ça.
Ils reprirent la route sans rien ajouter, en essayant silencieusement de prendre de nouveaux tournants et de nouvelles ruelles. L'heure tournait et leurs estomacs commençaient à se faire sentir, si bien qu'en entendant celui d'Eren se manifester une dernière fois, Jean s'arrêta à nouveau :
- Ok, voilà ce qu'on va faire. Ça sert à rien de tourner en rond, donc on va suivre les panneaux et essayer de trouver un hôtel pour appeler avec un fixe et/ou enfin retrouver le réseau. Et sinon, on dort là-bas pour s'y retrouver demain, puisque de toute façon le bateau reste deux jours à quai.
Eren hocha vaguement la tête.
- D'accord d'accord, mais comment on lit les panneaux sans traducteur ?
Jean tapota son index contre sa tempe.
- J'ai fait du grec ancien quand j'étais à la fac.
Eren le considéra du regard en silence durant de très longues secondes.
- Ancien.
- Ouais, l'idée est là. Au moins je sais déchiffrer, et c'est ça le plus important.
- Comment on dit banane en grec ancien alors ?
Jean le fusilla du regard, et ils se mirent en quête de panneau un tant soit peu significatif. Ils finirent par déboucher sur une place qu'ils n'avaient pas encore explorée, et le doré se planta devant une série d'indications durant dix bonnes minutes en marmonnant dans sa barbe, comme s'il faisait l'incantation d'un vieux chant pour changer Eren en grenouille. Il ne savait pas s'il aurait préféré.
- Ah ! finit-il par dire, j'ai trouvé. C'est dit xenos quelque part par-là, donc ça doit être ça.
- T'es sûr ?
- Non, mais autant essayer, répondit Jean en se dirigeant dans la direction indiquée.
Erne ne tarda pas à le rattraper.
- C'est quoi xenos ?
- Étranger.
Il hocha doucement la tête et ils continuèrent de suivre les mêmes panneaux, et ils arrivèrent enfin devant un hôtel à la devanture explicite. Eren sortit son téléphone et tapota légèrement l'épaule de Jean.
- J'ai du réseau.
Le doré remercia le ciel d'avoir pris ce cours qui finalement, lui servait dans le moment le plus étrange de sa vie, et laissa Eren appeler Connie. Leur ami répondit sans tarder et ils expliquèrent la situation, donnant le nom de l'hôtel avec la prononciation douteuse de Jean répétée par le perroquet médiocre qu'était Eren.
Après avoir vérifié leur position, ils se mirent d'accord pour rester dormir à l'hôtel, puisqu'ils étaient vraiment loin de la côte, et Connie viendrait les chercher demain matin pour être sûr.
Ils entrèrent donc dans l'hôtel et Jean laissa Eren réserver une chambre dans un anglais approximatif.
En y entrant, le doré fut satisfait de constater qu'il y avait deux lits et qu'il allait pouvoir dormir sans avoir peur d'effleurer Eren dans la nuit. Et puis, le souvenir de pourquoi il n'avait pas pensé à charger son téléphone s'imposa à lui et il s'en débarrassa rapidement.
Ils se mirent au lit sans attendre, tous les deux fatigués d'avoir marché toute la journée et plus encore en soirée, et Jean ferma les yeux.
Mais le souvenir ne s'effaça pas. Il revit les sensations clairement, et se força à ouvrir les yeux pour ne pas s'y replonger.
Il se tourna et se retourna à plusieurs reprises, entendant Eren faire de même, et il détesta comment ça sonnait familier avec la nuit dernière. Il revit sans le vouloir la conversation qu'ils avaient eue, à coup de « t'es sûr d'avoir de la place » et de « attends », ce même attends qu'Eren avait déjà utilisé sous les étoiles et qui aurait dû avertir Jean. Le brun s'était rapproché, et avait posé sa main sur son épaule, dans son dos, comme s'il avait fait ça toute sa vie, et Jean s'étant senti trembler, presque.
C'était normal qu'on oublie de charger son téléphone lorsque son faux-fiancé, ex-pire-ennemi et ami-à-qui-on-ne-dit-presque-rien-sauf-dans-les-pires-moments se montrait tactile, tactile comme dans encore plus que d'habitude.
L'entendre se tourner à nouveau aida Jean à quitter ses souvenirs désagréables, ou trop agréables pour que ce soit normal, et il se souvint de ce concept dont Marco lui avait déjà parlé, du manque d'affection et des bienfaits de dormir ensemble. Certes. Mais ce n'était pas pour autant qu'il n'allait pas réussir à trouver le sommeil, si ?
Et en effet, quelques instants plus tard, ses paupières se firent assez lourdes pour qu'il fasse un premier pas au pays des rêves, premier pas qui fut brutalement interrompu par un murmure que Jean crut imaginer :
- Je peux venir ?
C'était une toute petite voix, celle d'Eren quand il n'était pas sûr de lui, et c'était trop rare pour ne pas être relevé.
- Quoi ?
Jean se tourna vers lui, même s'il ne le voyait pas dans le lit. Eren se racla la gorge, et peut-être que le dorait espérait qu'il ne répète pas. Et pourtant, il aurait dû le savoir : ce type était incapable de ne pas dire ce qu'il voulait.
- Je peux venir dormir avec toi ?
Ils allaient avoir encore moins de place que dans un lit double, et Jean était censé être un connard absolument capable de dire non dans ce genre de situation sans ressentir de pincement au cœur, pincement au cœur qui était d'ailleurs sûrement une illusion due à la fatigue, et-
- Ouais, ok. Prends pas trop de place.
Il lui tourna le dos pour paraître nonchalant, mais suivit les bruits du tissu avec attention et sentit son matelas s'affaisser juste derrière lui. Les jambes d'Eren effleurèrent doucement les siennes, et il sentit une main se glisser sur sa taille.
Pour économiser de la place. Pour économiser de la place. Pour quoi d'autre, de toute façon ?
- Bonne nuit, marmonna Eren, la voix déjà fatiguée, parce-que ce type était de toute façon une véritable masse.
- Ouais, grogna Jean comme s'il n'avait pas entendu le merci qui s'y dissimulait.
Il ne fallait surtout pas que ça devienne une habitude.
JOUR SIX
Retrouver le bateau avec l'aide de Connie fut chose aisée, et en y remontant, Jean se promit deux choses. Premièrement, il ne laisserait plus jamais son téléphone et ce peu importait son pourcentage de batterie et deuxièmement, ne pas parler de la façon dont Eren et lui passaient leur nuit resterait pour toujours un accord tacite. Il savait que le brun avait cette manie de tout vouloir toujours communiquer, et c'était bien là-dessus qu'ils ne s'entendaient pas.
La journée s'annonçait plutôt calme : le bateau était parti tard et ils avaient jusqu'à tôt le lendemain avant d'arriver à Santorini, ou bien une des villes les plus touristiques de la côte. Au programme, ils s'étaient tous les quatre inscrits à un cours de dessin, parce-que pourquoi pas, et peut-être aussi parce-que c'était l'un des nombreux hobbys de Sasha.
Ils s'y rendirent avant d'aller manger et heureusement pour Jean, tout était absolument normal dans le meilleur des mondes. Du moins, jusqu'à ce qu'Eren se mette en tête de lui adresser la parole.
- Tu penses qu'on devra se peindre entre nous ?
Le doré eut un rictus.
- J'espère. Comme ça tu te rendras enfin compte de ce que tu représentes pour moi.
- La plus belle créature de l'univers, oui, affirma Eren en lui tapotant doucement sur l'épaule.
C'était censé être le summum de la condescendance, mais Jean se sentit juste frissonner, et se demanda ce qu'il faisait toujours ici avec lui.
- D'ailleurs, reprit le brun en se penchant sur lui, oubliant complétement les quelques lignes qu'ils venaient d'avoir pour adopter le ton de la confidence, je me demandais est-ce que tu veux venir voir les étoiles avec moi ce soir ?
Décidément, plus Eren ouvrait la bouche et plus Jean avait envie d'y mettre son poing, histoire d'au moins le faire taire à défaut de l'étouffer.
- Non.
- Tant pis, marmonna le brun. Sois pas surpris quand la sécurité me ramènera menotté dans notre cabine.
Notre cabine. Jena réprima un faux haut-le-cœur.
- Pas mon problème.
- Ou quand tu seras obligé de faire comme si t'étais super inquiet.
- Va te faire foutre, Jaeger.
- Ou quand tu devrais potentiellement me faire un bisou devant eux pour leur faire comprendre que t'es mon fiancé aimant.
- D'accord, j'ai compris, marmonna Jean entre ses dents, au bord de l'anévrisme. Je viens avec toi.
- Cool ! annonça Eren comme s'il ne s'y attendait pas.
Le doré était pratiquement sûr qu'il avait réfléchi à un plan toute la nuit. Mais en vérité, il ne voulait pas tellement penser à cette dite nuit, et se reconcentra sur la salle dans laquelle ils attendaient, accrochant son regard aux fleurs en vases déposées çà et là. L'urgence soudain ne fut plus que de déterminer de loin si c'étaient des vraies ou des fausses.
Leur moniteur ne tarda plus, pour son plus grand bonheur, et leur fit faire des exercices d'échauffement comme « dessinez ce qui vous vient à l'esprit » ou « imaginez une orange ». Sasha et Connie se pointèrent ensuite, étonnamment en retard. Mais soit. Jean n'allait pas leur en vouloir de l'avoir lâchement abandonné avec son fiancé factice qui se révélait de plus en plus insupportable et de plus en plus proche de la limite de sa zone de confort, tout de même pas.
La suite des consignes fut plutôt simple. Ils eurent à choisir un objet de la pièce et à le reproduire en suivant une liste de conseils qui venait de leur être donnés. Au bout d'un certain temps de silence, Eren se pencha sur l'épaule de Jean et s'exclama bruyamment.
Plutôt que de penser aux têtes qui venaient de se retourner vers eux et au regard désapprobateur du responsable de l'atelier, le doré ne parvint pas à penser à autre chose qu'au chatouilles que faisait les cheveux d'Eren sur sa nuque, et il se décala rapidement.
- Non mais attends, reprit le brun plus doucement, c'est super joli !
- Ferme ta gueule, marmonna Jean entre ses dents, et il crut voir un rictus s'afficher sur les lèvres de Connie.
Ce dernier n'avait de toute façon rien à dire au vu de la tête de son horloge même pas ronde. Jean, lui, avait choisi de reproduire un des vases autour de lui, peut-être pour continuer d'essayer de déterminer si les fleurs qu'il contenait étaient vraies ou non.
- Mais, reprit Eren qui fit un effort pour chuchoter mais pas tellement, je trouve que tu dessines très bien.
Et il y avait tant de sérieux dans sa voix que Jean se tourna vers lui pour le fusiller du regard, puisant en lui toute la force dont il était capable pour au moins essayer de le foudroyer sur place. Il commençait à voir un schéma se dessiner autour de sa relation avec le brun, et il n'aimait pas du tout, mais alors pas du tout à quoi il ressembler. Du contact et puis des compliments ? Avant qu'il ne puisse faire un effort supplémentaire pour ranger le tout sous son tapis à choses dont il ne voulait pas penser, Eren reprit :
- Je trouve que je suis quand même un bien meilleur fiancé que toi, murmura-t-il tout à fait cette fois.
Ah, bah oui. Puisqu'ils étaient censés être faussement bientôt mariés, et que par conséquent, c'était normal qu'Eren se comporte ainsi. Jean faillit s'en mordre la langue et haussa simplement les épaules, ignorant absolument tout ce qui s'anima au fond de ses entrailles.
- C'est pas une compétition, répondit le doré sur le même ton.
- Je suis sûr que tu peux mieux faire.
Jean ne sut plus quoi dire, ce qui là aussi était une nouveauté, et il se contenta de lever les yeux au plafond et de se reconcentrer sur ses fleurs qui, oui, objectivement, étaient bien jolies. Bien mieux en tout cas que la table difforme d'Eren, comme il le constata en lançant un coup d'œil à sa feuille.
Eren était particulièrement agité au diner. Jean fit de son mieux pour prétendre ne pas le remarquer et éviter de lui donner de l'importance en espérant que ça le calme, mais l'effet fut inverse et finalement, le brun termina son assiette à moitié debout. Même Sasha et Connie furent obligés de faire autre chose que de s'en amuser, et quand enfin ils sortirent de table, Jean comprit qu'il avait juste hâte d'aller voir les étoiles.
Il ne sut pas si ça lui donnait envie d'annuler ou bien de s'y rendre plus vite, pour qu'au moins sa soirée ne s'éternise pas.
Eren ne l'attendit pas vraiment pour retourner dans la chambre, et quand Jean y entra, le brun avait déjà enfilé un gilet et préparé son oreiller et une couverture qui traînait.
- C'est parti ?
Jean haussa les épaules et ne prit pas la peine de prendre quoique ce soit : il allait faire en sorte que ça ne dure pas plus d'un quart d'heure. De toute façon, il connaissait Eren, et toutes les activités qui duraient plus de quinze minutes l'ennuyaient. En général. Il espérait.
Ils remontèrent sur le pont et firent attention à ce que personne ne les voit entrer par la porte qu'ils avaient empruntée la dernière fois. Ils montèrent l'escalier qui soudain, sembla faire le boucan de mille chevaliers en armures blindées, et arrivèrent enfin au bout sans que par miracle, personne ne les suive.
Eren appuya alors sur la clenche, et quand il le vit essayer à plusieurs reprises, Jean sentit un sourire sarcastique naître sur ses lèvres.
- Ha, insista-t-il. C'est fermé. Dommage.
Le brun se tourna vers lui après un énième essai, penaud.
- Qu'est-ce qu'on fait alors ?
- Comment ça qu'est-ce qu'on fait ?
- Bah, on a monté tout ça, dit-il en désignant la couverture et l'oreiller que lui seul avait apporté.
- On les remet là où on les a trouvés, et on va se faire un film.
Jean comprit en voyant l'expression d'Eren que sa déception était intense. Il leva les yeux au plafond et reprit :
- Je suis pas sûr qu'il y ait un autre chemin. On peut rester sur le pont si tu veux.
- On pourra pas s'allonger.
- Peut-être, si on trouve un coin tranquille ?
- D'accord, mais sinon on revient ici avec un extincteur.
- Pourquoi faire ?
- Pour défoncer la porte. Reiner m'a montré comment faire.
Jean se fit violence pour ne pas demander d'un, pourquoi Reiner lui avait montré un truc pareil, et de deux, pourquoi il s'était mis en tête que c'était une bonne idée. Il y avait des choses qu'il ne valait mieux pas savoir. À la place, il dit :
- D'accord.
Ils ressortirent en espérant ne pas trop attirer l'attention, et puis se fondirent parmi les quelques groupes qui se baladaient encore sur le pont. Jean envia doucement Connie et Sasha d'être allés se coucher, et puis se fit la réflexion qu'au moins, lui faisait partie d'un couple de faux-fiancés dans la fleur de l'âge alors que ses deux amis avaient déjà des habitudes de vieux.
Eren finit par lui indiquer un renfoncement trop sombre pour être rassurant, et après avoir exploré les environs à l'aide de sa lampe torche pour vérifier qu'il n'y avait aucune araignée et, si c'était le cas, les jeter par-dessus bord, lui fit signe de venir s'asseoir. Le sol était un peu crade, mais bon, Jean n'était pas habillé pour l'occasion alors ça ne le dérangea pas.
Il vit Eren s'allonger à côté de lui et se laissa prendre au jeu, tout en espérant que ça ne dure pas trop longtemps. Avant qu'il ne puisse protester, et peut-être aussi parce qu'il n'en avait pas tellement envie, le brun avait étendu la couverture sur tous les deux.
Le silence trouva sa place entre eux, et même s'il fallait que Jean utilise ses bras comme oreiller pour apercevoir le ciel – Eren avait ramené le sien et semblait bien content d'y avoir pensé –, c'était tout de même agréable, du moins, autant que ça pouvait l'être dans sa situation. Il laissa ses yeux glisser sur les magnifiques traînées lumineuses formées par les constellations qu'on pouvait à peine distinguer les unes des autres tant la nuit était remplie et à couper le souffle, et puis Eren se rappela à lui en se raclant la gorge, ce qui en langage jaegerien n'était jamais un très bon signe.
- Pourquoi tu m'as demandé à moi ?
- De ?
- De venir avec toi.
Jean haussa les épaules. Il avait de quoi éviter cette question.
- Je te l'ai déjà dit.
- Pas vraiment.
- Si.
- Non, tu m'as juste dit que comme ça je te devrais un tacos.
- Exactement. C'est tout bénef : non seulement je vois la Grèce à un prix réduit, mais en plus j'ai le droit à un tacos gratuit. Et pareil pour toi. Sauf pour le tacos.
- Tu sonnes comme les gens dans les pubs pour les supermarchés, marmonna Eren.
- Oui, c'est mon treizième métier.
- Les voix sont beaucoup mieux réussies.
Mission accomplie.
- Va te faire foutre, Eren.
- Non mais sérieux, c'est important.
Ah, pas tellement accomplie que ça finalement. Jean se tourna vers Eren en enlevant un de ses bras de sous sa nuque parce qu'il commençait à avoir des fourmis et c'était tout aussi désagréable que le brun qui lui posait des questions.
- Je rigolais pas.
- D'accord, mais admets que c'est bizarre quand même. T'aurais pu demander à Marco, et lui d'ailleurs il t'offre des tacos sans que tu demandes.
Le doré cligna des yeux dans le vide, trop longtemps pour qu'Eren soit convaincu que c'était en effet, une histoire de nourriture.
- Justement, articula Jean comme s'il ne proférait pas sept mensonges à la seconde, si toi tu m'en dois un, c'est plus satisfaisant.
- Parce-que tu me détestes ?
Une nouvelle pause fut nécessaire, parce-que Jean détesta de toute son âme la façon dont Eren lui demanda ça, et aussi parce-que non, ce n'était plus tellement vrai, et qu'à une époque il lui aurait répondu ouais en lui crachant sur les pieds et qu'Eren aurait rétorqué en lui mettant une droite, mais le brun s'était apaisé et Jean s'était assagi.
- J'irai pas jusque-là, choisit-il finalement de dire.
Eren marmonna un truc dans sa barbe qui impliqua très certainement une insulte en relation avec son agacement montant et Marco qui au moins, savait tirer les vers du nez à son meilleur ami.
- Je comprends rien, Jean.
- Oui bah, ça change pas de d'habitude.
Malheureusement pour le doré, Eren n'enfonça pas la porte qu'il venait de lui ouvrir et se redressa plutôt sur un coude, lui faisant face.
C'était une blague. Depuis quand s'attardait-il autant sur les détails ? C'était facile, de lui faire avaler des trucs gros comme une maison. « Oh, Eren, tu savais que Jurassic Park c'est un biopic ? » ou bien « Oh, Eren, tu savais que les scientifiques se sont trompés et qu'au final le soleil c'est pas une boule de feu mais une immense météorite verte ?» ou enfin « Oh, Eren, tu viendrais pas avec moi sur une croisière où on doit faire semblant d'être fiancés parce-que je te déteste et que c'est prouvé que ce sera plus convainquant et qu'en plus de ça j'aurais un tacos à la fin ? ».
Ouais, ce genre de trucs.
Eren reprit après les quelques secondes de silence qui avaient permis à Jean de faire macérer ses envies de meurtre, un soupir au bord des lèvres.
- T'aurais pu demander à Marco, quand même. Tu te serais plus amusé.
- Il s'entend pas tellement avec Connie et Sasha.
Une à une, Jean brûlait tout son jeu de carte intitulé « gros mensonges ».
- Oui, mais c'est parce qu'il les a rencontrés que deux ou trois fois.
Est-ce que l'esprit d'Armin avait pris possession d'Eren ? Après ça, le lien fut facile à faire pour Jean :
- T'as parlé à Armin.
Le brun resta silencieux deux secondes avant d'acquiescer. Jean le vit, parce qu'entretemps, il avait tourné sa tête vers lui.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit ? renchérit-il, en l'attente d'une des nombreuses théories foireuses du blondinet qui était même pas capable de s'occuper de ses fesses.
- Des trucs, marmonna Eren.
Et soudain, le ton et la forme de la conversation changèrent : ce n'était plus Eren et Jean mais Jean et Eren.
- Ah ouais ? Quoi comme trucs ?
- Ça te regarde pas.
Eren se rallongea sur le dos, sûrement pour ne plus le regarder, et Jean se demanda si en effet, ce n'était pas mieux qu'il ne sache pas. Qui sait quelle idée incroyablement dérangeante Armin avait-il pu fourrer dans la tête d'Eren ? Non merci.
- D'accord, abandonna Jean sans regrets.
Après plusieurs minutes, Eren reposa ses yeux sur lui, et le doré sentit toute l'intensité de son regard, parce-que c'était toujours comme ça avec lui, et que même observer discrètement les gens, il ne le faisait jamais à moitié.
- Quoi ? marmonna-t-il sans bouger.
- T'es quand même bizarre.
- Venant de toi, c'est jamais très inquiétant.
- En tous cas je suis content d'avoir appris que tu dessines très bien.
- Tant mieux pour toi.
- Tu me dessineras un jour ? Sur un bateau. Sur le canapé d'un bateau, et je serais Kate Winslet.
Jean eut un rictus, et la référence eut au moins le mérite de le dérider.
- D'accord, mais faut vraiment que tu sois Kate Winslet alors. Et puis bon, si je me transforme en Leonardo Di Caprio je dis pas non.
Le doré eut le sentiment intime qu'Eren était sur le point d'ajouter un truc qu'il ne valait mieux pas qu'il entende, et heureusement pour lui le garçon choisit de se taire.
Ils restèrent encore un certain temps à regarder les étoiles, et puis quand les yeux d'Eren commencèrent à se fermer d'eux-mêmes, retrouvèrent le confort de leur lit abandonné depuis bien trop longtemps.
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La deuxième partie arrive tout de suite, zoubi coeur coeur
