Bonjour, voici le troisième OS. Cette fois c'est du pur drama. C'est la première fois que je m'essaie à ce genre d'écriture. N'hésitez pas à me donner votre avis.

Merci aux bêtas : SerpySnape et Suldreen194.

Se blesser

1898

Charles Carson était assis sur une chaise, sa main tenait celle de Mrs Hughes. Il ne remarqua pas que la chaise était inconfortable, qu'il allait probablement avoir mal au dos et au derrière quand il se lèverait. Il n'avait même plus conscience qu'il était assis. Il était juste conscient de sa main qui s'accrochait à celle d'Elsie Hughes inanimée.

Il était arrivé à l'hôpital aussi vite qu'il avait pu, il avait été averti par Lord Grantham qu'elle était hospitalisée pour une infection pulmonaire grave, et qu'elle l'avait demandé à son chevet. Le comte, en employeur généreux lui avait permis de partir sur le champ. Lytham-Ste-Anne était à plusieurs heures de train et il avait vu la détresse et l'inquiétude de son majordome. Lady Grantham s'était occupée de tout pour lui, elle avait fait en sorte qu'une chambre chauffée avec salle d'eau soit disponible à proximité de l'hôpital et tous les frais étaient pris en charge par la maison.

Il était encore sous le choc. Il tentait d'assimiler les mots du docteur Peters, un petit homme au regard doux, chauve avec des favoris fournis et des lunettes rondes.

« Mrs Hughes est tombée malade, l'infection s'est portée aux poumons, elle respire mieux à présent, mais elle est arrivée en détresse respiratoire. Nous avons été obligés de la sédater et de l'intuber pour l'oxygéner pendant trois jours. Elle n'est plus sous sédatif et respire à présent d'elle-même, mais vous vous rendrez compte que c'est encore difficile pour elle. Évitez de trop la faire parler, Mr Carson. Elle vous a désigné comme personne de confiance à prévenir si quelque chose devait lui arriver. Je suis heureux que vous soyez là, elle a besoin de soutien après ce qu'elle vient de vivre. »

Une infirmière l'avait ensuite conduit au chevet de Mrs Hughes et ses jambes avait failli le lâcher quand il l'avait vue, allongée, aussi pâle qu'un fantôme elle semblait minuscule dans ce lit d'hôpital pourtant pas bien grand. Elle dormait d'un sommeil agité, sa respiration était sifflante et elle avait l'air de transpirer. Charles s'était tourné vers l'infirmière le regard inquiet, il avait besoin qu'on le rassure ou qu'on lui dise quoi faire pour qu'il se rende utile.

« Sa fièvre est un peu remontée, nous lui ferons prendre un médicament pour cela lorsqu'elle sera réveillée, en attendant, je vais vous chercher une bassine et un linge et vous pourrez lui éponger le front pour tenter de la rafraîchir. » Il avait acquiescé, reconnaissant, et avait attendu l'arrivée de la bassine pour accomplir sa tâche du mieux qu'il pouvait.

Elsie était très agitée, elle bougeait beaucoup et parfois des bribes de mots sortaient de sa bouche. « Sauvez-le… », « laissez-le moi s'il vous plaît », « accroche-toi », « Charles »…

Il lui passait l'éponge fraîche et humide sur le front en lui parlant doucement. Il tentait de la rassurer, lui disait qu'il était là, qu'il allait prendre soin d'elle, qu'elle n'avait à rien à craindre, qu'il fallait maintenant qu'elle guérisse. Il lui sembla qu'elle s'apaisait au son de sa voix et elle répéta dans un souffle :

« Charles.

-Oui Elsie, je suis là. »

Il s'assit, lui prit la main alors qu'elle semblait s'être calmement endormie, moins fiévreuse désormais.

Charles était déstabilisé, il avait l'impression qu'une chape de plomb lui était tombée dessus. Que la terre tremblait sous ses pas. Mrs Hughes hospitalisée. Elsie, son Elsie dans un état préoccupant. Il n'arrivait plus à respirer, plus à penser. Il sentait les larmes et la panique l'envahir, alors il pensa à elle pour tenter de s'apaiser, de retrouver son sang-froid. Il devait reprendre pied, la soutenir, la réconforter et lui tenir la main.

Et c'est ce qu'il fit pendant des heures. Dès qu'elle commençait à s'agiter et à parler dans son sommeil, il se mettait à genoux pour murmurer à son oreille « Je suis là Elsie, mon amour, je suis là. Tout ira bien maintenant, nous sommes ensemble. Je te tiens la main ma chérie. Je suis là Elsie, mon amour. » Et il répétait ces phrases comme une prière, jusqu'à ce qu'elle se calme, alors il se rasseyait sur sa chaise inconfortable et gardait sa main dans la sienne.

Le soir venu, l'infirmière lui fit savoir que les visites étaient terminées, qu'il devait maintenant partir, pour se reposer un peu, mais que dès le lendemain il pourrait de nouveau être près d'elle à la première heure. Il soupira, se passa la main sur le visage, puis il déposa un baiser sur la main de la gouvernante endormie avant de se lever en faisant craquer ses genoux.

« S'il y a quoi que ce soit, infirmière Davies, je suis à la pension de Mrs Taylor, faites-moi prévenir immédiatement ». Il jeta un dernier regard à Elsie, l'infirmière vit l'inquiétude sincère dans ses yeux :

« Ne vous inquiétez pas Mr Carson, nous prenons soin d'elle, le docteur pense qu'elle est sortie d'affaire maintenant. Et nous ne l'avions jamais vu aussi calme qu'aujourd'hui, depuis que vous êtes là. Elle ira vite mieux maintenant. Allez vous reposer pour la nuit, je suis sûre que demain matin elle sera suffisamment en forme pour pouvoir vous saluer. A demain, Mr Carson. »

Ainsi il était sorti de l'hôpital pour atterrir dans une pension de famille, tenue par une veuve âgée et relativement sourde, qui hurlait quand elle s'adressait à lui. Elle cuisinait bien cependant, et Charles lui fut reconnaissant de ne pas l'abreuver de questions, mais au contraire de le laisser tranquille pendant son repas. Il avait également pu prendre un bain qui l'avait bien soulagé des courbatures qu'il avait attrapées sur cette maudite chaise. Il ne pensait pas pouvoir s'endormir, pourtant quand sa tête toucha l'oreiller il sombra directement dans un sommeil profond jusqu'au matin. Il rêva d'argenterie, d'un regard bleu qui lui souriait et d'une petite main pâle sur un lit d'hôpital.

Il se réveilla à l'aube comme à son habitude, cela faisait longtemps qu'il n'avait plus besoin de réveil. Il sortit du lit, se prépara aussi vite qu'il put, espérant que Mrs Taylor serait elle aussi debout et qu'elle lui préparerait un petit déjeuner conséquent qui lui permettrait de tenir jusqu'à l'heure du thé de l'après-midi, de cette façon il n'aurait pas besoin de quitter Elsie avant plusieurs heures. Son souhait fut exaucé, Mrs Taylor était une cuisinière généreuse, presque autant que Mrs Patmore. Il mangea sans appétit mais se disant qu'il devait rester en forme pour elle, pour l'accompagner dans sa guérison. Alors il engouffra deux saucisses, une bonne dose de haricots rouges, quelques pancakes avec de la marmelade, du bacon et de l'œuf brouillé. Il remercia chaleureusement sa logeuse et se précipita à l'hôpital.

Quand il arriva au chevet d'Elsie, il fut heureux de constater qu'elle était réveillée et que l'infirmière la faisait boire à l'aide d'une paille. Quand elle eut fini de s'hydrater, elle remercia l'infirmière avec un signe de tête et se rallongea, essoufflée.

Elle l'avait vu, évidemment qu'elle l'avait vu arriver, sa grande silhouette, son port majestueux, son regard doux et inquiet sur elle. L'infirmière les laissa seuls, et eut la délicatesse de fermer le paravent pour leur donner un peu d'intimité.

Il se rassit sur la chaise, la rapprocha au maximum du lit, et posa sa main sur la sienne.

« Bonjour » Dit-il doucement.

« Bonjour » Répondit-elle faiblement, la voix éraillée, le souffle court.

« Je suis tellement soulagé de te voir réveillée Elsie. Comment te sens-tu ? Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? N'importe quoi mon amour ».

Elsie lisait la réelle inquiétude dans ses yeux, et tout l'amour qu'il avait pour elle. Elle senti les larmes monter dans ses yeux. Elle allait briser son grand cœur de géant, mais elle devait lui dire. Elle prit une forte inspiration, serra la main de Charles aussi fort qu'elle le put, savoura la pression qu'il lui rendit et son regard amoureux. Elle voulait retarder le temps, savourer encore un peu de lui, de sa chaleur, de sa force avant de tout démolir. Ses larmes coulaient maintenant réellement, elle était bien trop faible pour lutter contre elles de toute façon. Charles prit un mouchoir de sa main libre pour lui tapoter les yeux en lui murmurant des mots doux, des mots d'amour qui n'arrangeaient en rien l'état émotionnel d'Elsie.

« Charles, arrête s'il te plaît, je dois te parler. » Elle s'arrêta pour reprendre sa respiration.

Charles stoppa son geste, se cala le plus confortablement possible sur cette chaise du diable et attendit, l'air grave et sérieux.

Quand Elsie eut repris son souffle, elle se releva légèrement pour être un peu plus à hauteur de Charles. Elle tendit sa main vers sa tasse contenant de l'eau, mais il fut plus rapide qu'elle et lui amena la paille à ses lèvres. Elle but à petites gorgées, le remercia avant de se caler correctement contre les coussins que Charles avait mis en place pour elle. Il lui rendait la tâche difficile.

« Charles, ce que j'ai à te dire n'est pas facile pour moi. J'avais prévu de rentrer, de préparer un moment heureux rien que toi et moi tu vois. On aurait pris une demi-journée en même temps, nous serions allés pique-niquer au bord du lac, et je t'aurais pris la main et je… » Son souffle se coupa, rattrapé par ses sanglots et sa respiration difficile. Charles attendait patiemment, le docteur lui avait dit de ne pas trop la faire parler. Il tenta de lui dire de se calmer, qu'elle devait se reposer qu'elle lui parlerait l'après-midi ou le lendemain et qu'en attendant il pouvait faire la conversation pour eux deux. Mais elle l'arrêta d'un signe de la main, essuya ses larmes et reprit d'une voix à peine plus haute qu'un murmure.

« Je voulais te dire qu'on avait la possibilité d'avoir un avenir tous les deux, si tu m'avais demandé de t'épouser, je t'aurais dit oui. Mais tu vois Charles, maintenant, c'est fini tout ça. Je ne t'épouserai pas, je suis finie, je ne suis plus rien. On m'a arraché quelque chose, on m'a enlevé ce qu'il y avait certainement de meilleur en moi. Je ne suis plus rien, et j'aurai voulu mourir, ne jamais me réveiller. Tu comprends Charlie ? Je ne peux plus être à toi, je ne suis plus ton Elsie. Quand nous nous retrouverons à Downton Abbey je redeviendrai Mrs Hughes pour toi et tu seras de nouveau Mr Carson, parce que ça fait trop mal, parce que je ne pourrai plus le supporter. Je ne suis pas assez forte pour ça, Charlie, tu comprends ? »

Non, il ne comprenait pas. Elle lui disait qu'elle ne le voulait plus, qu'elle était finie, qu'elle aurait préféré mourir, qu'elle avait envisagé de se marier avec lui un jour mais qu'elle ne le voulait plus maintenant, qu'elle avait mal. Mais mal de quoi ? Non il ne comprenait pas et il tenta de le lui dire.

« Elsie je ne comprends pas ce que tu me dis mon amour, bien sûr qu'on peut être ensemble. Tu as été bien malade ma chérie mais tu vas aller mieux, tu vas rentrer avec moi à l'Abbey et nous prendrons soin de toi jusqu'à ce que tu sois rétablie. Et tout rentrera dans l'ordre, comme avant mon amour, toi et moi à la tête du navire.

-Tu ne comprends pas Charles ! Mon dieu, Charlie, je suis tellement désolée, je m'en veux tellement. Pardon mon amour, pardonne-moi s'il te plaît. » Elle se mit à sangloter, sa main libre posée sur son ventre, serrant son drap contre elle si fort que la jointure de ses doigts blanchissait.

« Il n'y a rien à pardonner Elsie, rien du tout. Calme-toi mon amour, s'il te plaît, calme-toi, tu as besoin de rester calme. »

-Oh mon Charlie, oh mon amour. Je l'ai perdu, notre bébé, je l'ai perdu ! »

Charles eut l'impression d'être sur un ring de boxe et que chaque mot que venait de prononcer Elsie était un uppercut qui l'envoyait au tapis et le mettait K.O.

« Le bébé ? Je ne… » Il se passa la main sur le front, prit le temps de respirer et de tenter d'assembler les mots correctement. « Elsie, tu étais enceinte ? Je ne le savais pas. » Dit-il en chuchotant. Il arriva à retenir le sanglot qui l'étouffait mais pas ses larmes.

« J'étais enceinte de deux mois et demi, la grossesse a été interrompue à cause de l'infection et des fortes fièvres. » Elle lui répondit d'une voix sourde, comme si elle n'était plus vraiment avec lui.

Charles acquiesça, assimilant la nouvelle. Elsie, son Elsie, son amour, était enceinte et elle ne l'était plus. Elle avait failli mourir, elle avait survécu. Le bébé LEUR bébé, non.

Il ne savait pas quoi faire ou quoi dire. Il avait envie de hurler sur tout le monde, sur l'infirmière et son regard plein de compassion, sur le docteur pour ne pas lui avoir dit, sur lui-même de se sentir autant en colère et sur Elsie pour ne pas lui avoir dit qu'elle était enceinte. S'il l'avait su il aurait pris soin d'elle, il lui aurait interdit de partir prendre soin de sa vieille cousine malade ou il ne savait qui d'autre. Il lui aurait bâti un cocon d'amour pour elle et le bébé et tous les deux auraient été à l'abri de la maladie et du chagrin.

Il se leva, commença à faire les cent pas autour du lit d'hôpital où elle était couchée. Il ne voulait pas se laisser envahir par le chagrin, alors c'est la colère qui prit le dessus.

« Depuis combien de temps savais-tu que tu portais notre enfant Elsie ?

-J'étais enceinte d'un mois quand je l'ai su.

-Tu as eu donc un mois et demi pour me le dire. Pourquoi ne pas l'avoir fait ?

-Parce que tu te serais senti obligé de me surprotéger, et tu aurais sûrement déposé ta démission pour nous trouver un endroit où vivre, sans m'en parler. Tu aurais laissé tomber Downton Abbey qui compte plus que tout pour toi, tu aurais même été capable de tourner le dos à ta chère petite Lady Mary et j'avais peur que tu nous en veuilles au bébé et à moi de t'avoir forcé à abandonner cette vie dont tu es si fier et à raison. Alors j'ai attendu, j'ai réfléchi à ce que je voulais. Et j'avais enfin trouvé comment te l'annoncer, j'avais trouvé comment tu aurais pu garder ton poste de majordome et garder un œil sur ton enfant. Mais… » Elle se tût, submergée par sa propre tristesse, par ce deuil impossible.

Il revint s'asseoir à ses côtés, sur la chaise froide et inconfortable.

« Elsie, tu sais que je t'aurais écoutée, je t'aurais entendue.

-Oui, peut-être, mais ça n'a plus vraiment d'importance maintenant Charles, c'est terminé.

-Que veux-tu dire ?

-ça. Nous. Toi et moi, c'est terminé Charles. On ne se retrouvera plus. Je ne veux plus. Je ne peux pas prendre le risque de perdre mon emploi. C'est toujours plus simple pour les hommes, mais moi je risque la ruine et le déshonneur. Alors, toi et moi allons garder cette histoire pour nous, de toute façon il n'y a plus rien à dire. Il n'y a plus rien, c'est fini. » Elle continuait à pleurer, et Charles continuait à lui tenir la main, abasourdi par le flot de nouvelles qui lui tombaient dessus et la terre continuait à trembler sous ses pieds.

Elle devait en finir, alors elle enfonça le couteau dans la plaie douloureuse de l'homme qu'elle aimait, en reprenant son ton froid et professionnel de la gouvernante :

« Retournez à Downton Abbey demain, Mr Carson. Je suis sortie d'affaire. Si j'en crois le médecin dans une semaine je serai moi aussi là-bas à mon poste de gouvernante. Je vous remercie d'être venu à mon chevet, Mr Carson. Mais reprenez votre vie comme elle était avant… tout ça. Allez, retournez à la maison. Maintenant j'ai trop parlé, je suis fatiguée, j'aimerais dormir et prendre des forces. Au revoir Mr Carson. »

Elle se coucha complètement, remonta le drap sous son menton, se mit en position fœtale et lui tourna le dos. Elle avait fermé les yeux, elle ne voulait pas le voir partir. Mais elle devait se protéger, le protéger lui aussi, protéger sa réputation et sa position. Elle entendit un léger sanglot suivi d'un soupir et d'un reniflement assez inélégant, puis elle entendit la chaise racler le sol et sa voix : « Eh bien, si c'est ce que vous souhaitez Mrs Hughes, je prendrais le premier train demain matin. Je suis heureux de voir que vous allez mieux. Au revoir Mrs Hughes. » La voix de Charles était brisée, pleine de larmes, de colère contre elle certainement. Mais elle préférait qu'il la déteste plutôt qu'il la pleure, ce serait plus facile pour lui. Elle l'entendit marcher, elle écouta ses pas jusqu'au bout, jusqu'à ce qu'elle ne les entende plus du tout. Voilà, il était parti, c'était fini.

oOo

Deux mois plus tard les choses avaient repris leur cours à Downton Abbey. Mr Carson et Mrs Hughes dirigeaient la maison comme ils l'avaient toujours fait. Charles tentait d'éviter Elsie le plus possible, ils étaient obligés de s'asseoir côte à côte lors des repas, mais ni lui ni elle, ne s'attardaient de trop. Le soir venu, chacun s'enfermait dans son bureau et si l'un en sortait pour monter se coucher, l'autre attendait patiemment son tour pour ne pas avoir à se croiser dans le couloir.

Ils avaient mal.

Carson était souvent en colère et il se défoulait sur ses valets de pied ou ses garçons de salle qui en étaient venus à le craindre vraiment et n'osaient plus du tout l'approcher pour lui demander telle ou telle chose faisant partie de leur formation. Elsie était éteinte, son travail était toujours impeccablement réalisé, mais son regard ne brillait plus, elle parlait seulement si c'était nécessaire et même ses disputes avec la cuisinière avaient cessées quand elle lui avait laissé un double des clés de la réserve, lasse.

Une nuit, n'arrivant pas à dormir, Charles voulut descendre prendre un livre dans la bibliothèque très fournie de Lord Grantham et boire un verre d'eau.

Alors qu'il arrivait à la cuisine, il vit de la lumière sortir de son bureau. Il soupira, sa colère monta en flèche comme c'était le cas depuis deux mois. Il s'avança à pas rapide et entra en trombe dans sa pièce et y trouva Elsie, assise dans son fauteuil, le visage dans ses mains, le corps secoué de sanglots. Quand elle l'entendit, elle se ressaisit, s'essuya le visage et se leva du fauteuil du majordome.

« Que faites-vous ici Mrs Hughes ? Votre bureau n'est pas suffisant pour que vous envahissiez mon espace ? »

Elle secoua la tête.

« Je suis désolée Charles, désolée de t'avoir fait mal à ce point. Je ne voulais pas tout ça.

-Oui et bien… hum, c'est trop tard maintenant.

-Oui c'est trop tard, je sais, et je pense que c'est mieux comme ça, mais je te vois souffrir et te mettre en colère contre ceux qui n'y sont pour rien, alors que je suis la seule à la mériter. Je ne voulais pas te faire du mal Charles. Je voulais - je veux ce qu'il y a de mieux pour nous deux.

-Et tu sais ce qu'il y a de mieux pour moi ? Arrête Elsie, arrête. » Il avait presque craché ses mots et il fut obligé de reconnaître que passer sa colère sur elle lui faisait du bien.

« Au final c'est mieux comme ça, tu as raison. Hein Elsie, c'est ce que tu voulais ? Me laisser t'approcher, me laisser t'aimer, me soucier de toi… pffff quel imbécile j'ai été. »

Elle s'était approchée de lui, elle avait l'impression qu'il l'avait giflée avec ses mots, mais au moins sa colère sortait, ça lui ferait du bien. Peu importait, si ça faisait des semaines et des semaines qu'elle avait l'impression de tomber dans le vide, elle voulait que lui aille mieux. Déteste-moi mon amour, haï-moi si tu es plus heureux.

Il la regardait venir vers lui, elle tendit la main dans sa direction mais il la balaya d'un revers qui claqua et la fit reculer de frayeur. Il n'avait jamais levé la main sur qui que ce soit, même pas sur ce malotru de Grigg. Il leva aussitôt les mains en guise d'excuse et de paix. Il était maintenant plus triste qu'en colère. Il la regarda intensément, il la trouvait belle, indéniablement, follement belle. Il l'aimait encore, il l'aimerait probablement jusqu'à la fin. Mais il fallait qu'ils enterrent cette histoire. Qu'ils puissent chacun à leur façon faire le deuil d'une vie qu'ils n'auraient jamais. De ce bébé qu'on ne leur avait pas laisser le temps d'aimer mais qui faisait pourtant partie d'eux si fort. Charles laissa échapper un souffle de chagrin contenu avant de dire :

« Je t'aurais épousée tu sais ? Je t'aurais épousée. Je nous aurais trouvé une petite maison pour y élever nos enfants. J'aurais donné ma démission à Lord Grantham sur le champ.

Je t'aurais épousée, pas parce que je t'avais mis enceinte, pas par obligation. Je t'aurais épousée parce que… j'étais fou amoureux de toi Elsie. »

Il lui tourna le dos et sortit de la pièce oubliant le verre d'eau qu'il voulait boire et le livre qu'il voulait lire. Il monta rapidement dans sa chambre étouffer ses pleurs dans ses couvertures.

Elsie était restée immobile pendant un moment après les mots de Charles. Puis elle s'était effondrée, à genoux sur le sol, étouffant ses cris de douleur et de chagrin dans la main qu'elle avait collée à sa bouche. Elle avait perdu ses deux amours, elle pleurait son cœur mort à présent.

oOo

Les années passant, petit à petit, ils finirent par trouver un ami dans l'autre.

Ils recommencèrent à partager un verre de vin ou de sherry le soir pour faire des comptes rendus sur la gestion de la maison et se laisser aller à quelques confidences. Ils restaient cependant toujours très professionnels.

Leur relation s'approfondissait doucement et naturellement, et l'été 1923 quand, les pieds dans l'eau, elle lui tendit la main en lui disant qu'ils avaient maintenant assez vécu et qu'ils méritaient bien de vivre un peu, il avait glissé tendrement sa main dans celle d'Elsie. Ils s'étaient enfin retrouvés, il étaient enfin stabilisés.

FIN

oOo

Hello, here is the third OS. This time it's pure drama. It's the first time I try to write this kind of story.

It's about a miscarriage, and the mourning that goes with it. I'm sorry I didn't warn you at the beginning, but I didn't want to spoil you. I hope you don't mind too much.

Please, let me a review, it's the best reward in the world.

See you soon !