Après son retour des Tréfonds et malgré les différentes affaires d'état qui l'accaparaient, Hawke demeurait troublée parce qu'elle avait vécu. Et surtout par le terrible sort qu'avait connu sa petite sœur. La mort ou la Garde des Ombres. Mais Hawke ne pouvait se résoudre à la perdre après qu'elles aient perdu Carver, leur frère. Elle avait alors supplié les Gardes de la prendre avec eux et cela, même si Bethany n'était pas vraiment d'accord. Hawke ne lui avait pas laissée le choix.
Son regard s'était perdu dans les flammes qui alimentaient la cheminée du domaine. En voilà un point positif qui était ressortie de ces maudits Tréfonds. Elle avait pu racheter le domaine et rendre la dignité à sa famille. Bien que sa mère lui en voulait encore d'avoir emmené sa sœur avec elle pour l'expédition. Celle-ci ne lui parlait pratiquement plus. Elles se contentaient d'échanger des politesses et banalités de la vie.
Si cette situation pesait sur les épaules de Hawke ? Bien évidemment. Cela entre autres choses comme la présence des Qunaris, les querelles entre mages et templiers ainsi que les multitudes de complots qui rapprochaient Kirkwall de la guerre civile.
Elle soupira. Cette situation l'épuisait. Elle n'aurait jamais pensé que son investissement au sein de la ville prendrait une telle ampleur. Elle, tout ce qu'elle voulait, c'était fuir l'Enclin après que celui-ci ait rasé Lothering de la carte et retrouver une vie à Kirkwall. Mais depuis qu'elle était arrivée, sa vie ne se résumait plus qu'à survie et missions confiées par n'importe quelle catégorie sociale de la cité.
Ses pensées furent troublées par deux personnes qui se disputaient. Bien sûr, elle reconnut immédiatement leurs voix : celle d'Isabela dans un premier temps, au sarcasme ravageur et celle d'Aveline dans un second temps, aux arguments piquants.
Hawke releva la tête et les vit arriver. Elles étaient presque à en venir aux mains mais s'arrêtèrent brusquement en la voyant.
— Si ma simple présence suffit à vous empêcher de vous entretuer, il me faudrait peut-être envisager la possibilité pour vous deux de venir emménager ici.
— Veuillez m'excuser Hawke, je ne souhaitais pas vous déranger mais il est une affaire dont je dois m'entretenir avec vous de toute urgence.
— Je vous écoute Aveline, que ce passe-t-il cette fois ?
— Deux fugitifs elfes, convertis au Qun se cachent auprès des Qunaris. Comme je sais que vous entretenez de meilleure relation avec l'Arishak que moi, je pensais que-...
— Je vais mourir ! coupa brusquement Isabela.
Hawke se retourna immédiatement vers elle.
— Voilà qui a fini par retenir votre attention. C'est un vrai problème.
— Attendez, de quoi s'agit-il ?
— Vous vous souvenez de la relique ? Celle pour laquelle Castillo veut m'assassiner ? C'est un certain Sam le bigleux qui la détient maintenant.
— Sam le bigleux ? répéta Hawke en arquant un sourcil. Sérieusement ?
— Quoi ? On a pas tous d'avoir la chance de posséder un nom aussi charmant que celui de Hawke vous savez ?
— Laissez-moi deviner, vous voulez que je vous aide à récupérer cette fameuse relique ?
— Par pitié, c'est le seul moyen pour que Castillon me laisse vivre en paix !
— Je m'efforce d'éviter que la cité entière ne se lance dans une émeute contre les Qunaris ! répliqua Aveline.
— Eh bien, c'est peut-être lié, informa Isabela.
— Quoi ? s'exclamèrent Hawke et Aveline en même temps.
— Je dis juste que ça arrangera peut-être la situation. Quelqu'un y tient beaucoup, non ?
— C'est maintenant que vous vous décidez à assumer vos responsabilités ? Non mais je rêve !
— Isabela n'a pas tort. Il faut résoudre ce problème de relique avant d'affronter les Qunaris.
— Vous lui faites confiance à ce point ? interrogea la capitaine de la garde.
— Ou-...
— Pas franchement. Moi, je m'en garderai bien, répondit la pirate en coupant Hawke avant même qu'elle n'ait pu achever sa réponse.
Elle mentirait si elle disait que les paroles d'Isabela ne l'avaient pas piquées. Depuis qu'elles s'étaient rencontrées à l'Auberge du Pendu, Hawke avait toujours tout fait pour qu'Isabela se sente en parfaite confiance auprès d'elle.
— Ils ne vont pas attendre éternellement au camp, Hawke. J'espère vraiment que ça va arranger les choses, sinon...
— Vous croyez que j'aime avoir ça à l'esprit ? reprit Isabela. Allons-y, l'échange a lieu ce soir dans une fonderie de la Basseville.
Hawke avait réunis Aveline et Varric afin de l'accompagner, elle et Isabela pour récupérer la relique.
— Chacun reste bien sur ses gardes. Ayez toujours en tête que nous ne sommes pas les seuls à vouloir cette foutue relique et qu'une ou des embuscades ne sont pas à exclure. Nous sommes à Kirkwall, les rues ne restent jamais sécurisées très longtemps, prononça Hawke. Tout le monde est prêt ?
Ses compagnons lui firent un léger signe de tête affirmatif. Ce fut ainsi qu'ils se rendirent dans la Basseville, haut lieu des repères criminels en tout genre. Ils suivirent Isabela, avec prudence, ils observaient chaque recoin, chaque ruelle où pouvait être mise au point une embuscade. Hawke gardait sa main droite sur la poignée de sa dague, prête à dégainer au moindre mouvement suspect.
Après plusieurs minutes de calme, les nerfs se calmèrent et les attentions baissèrent... mais c'était sans compter sur l'implication des Qunaris. Devant la fonderie où devait se dérouler l'échange, un détachement de huit guerriers leur intimèrent de rendre la relique.
— Nous ne l'avons pas votre relique à la noix, rétorqua Isabela.
Hawke esquiva une lance Qunari de peu et protégea la pirate d'une flèche tirée par un elfe convertis. Les quatre compagnons se jetèrent à corps perdu dans la bataille. Les coups pleuvaient au rythme des effusions de sang provenant des blessures de leurs adversaires.
Après plusieurs minutes de combat, Hawke parvint à achever leur dernier ennemi. Et si Isabela pensait s'en sortir à bon compte, ce ne fut pas le cas.
— C'était quoi ça, pourquoi les Qunari veulent la relique ? questionna-t-elle.
— Hum, oui, à ce propos... La relique appartient aux Qunaris et il se pourrait qu'il souhaite la récupérer...
— Isabela, je crois qu'il est temps de me dire tout ce que vous savez, vous pouvez me faire confiance.
— J'ai toujours su ce qu'était la relique. Mais je ne voulais juste pas... vous inquiéter.
— Vous êtes la bonté incarnée, Rivenienne, répondit Varric avec une légère amertume dans la voix.
Pour une fois, Aveline préféra se garder de commentaires afin que la situation ne dégénère pas de façon incontrôlable. Ils avaient déjà bien assez de problèmes sur les bras.
— Cette relique est un texte Qunari écrit à la main par un de leurs philosophes dont je ne me souviens plus du nom. Je leur ai dérobé et ils m'ont suivis ici pour le récupérer. C'est la raison de leur présence à Kirkwall : ils ne peuvent quitter les Marches Libres sans lui.
— Vous saviez pour les Qunaris mais vous n'avez rien fait, accusa Hawke.
— Faire quoi ? répliqua Isabela. Cette foutue chose ne s'était pas montrée depuis trois ans ! Écoutez, ce livre est dans ce bâtiment et je ne le perdrai pas une seconde fois. C'est le seul moyen que j'ai pour ne plus avoir Castillon sur le dos. Je vous en prie, dites-moi que vous me donnerez la relique.
Hawke se caressa la nuque tout en soupirant.
— Très bien, elle est à vous. Votre vie en dépend après tout.
— Vraiment ? Je... je ne m'y attendais pas. Ça fait plaisir de se sentir soutenue, pour une fois.
Pour la première fois depuis qu'elles se connaissaient, Hawke réussit à arracher un sourire sincère au jolie visage de la pirate. Mais il disparut presque aussitôt et une certaine nostalgie s'empara alors de son cœur.
Le groupe s'engouffra à l'intérieur de la fonderie et surprit Sam le Bigleux au milieu d'un conflit entre Qunaris et Tevintide.
— Où est la relique ? demanda une mage Tevintide.
— Je... euh... C'est moi qui l'ai, répondit-il, peu sûr de lui.
— Les écrits de Koslun ne tomberont pas entre les mains des Tevintides ! s'écria un guerrier Qunari.
— Sacré bon sang !
Le combat débuta entre les deux factions ennemies et Sam le Bigleux en profita pour s'échapper. C'était sans compter sur Isabela qui le prit immédiatement en chasse. Hawke voulut la retenir mais elle fut prise au milieu du combat et ne put donc suivre Isabela à l'extérieur.
Varric tirait plus vite que son ombre, Aveline chargeait pendant que Hawke achevait. Néanmoins, bien vite, le petit groupe de Hawke tirait leur épingle du jeu. Il fallait dire que les mages Tevintide leur facilitaient drôlement la tâche.
Au terme du combat, chacun reprenait tranquillement son souffle lorsque Hawke sentit une vive douleur. Jusqu'à maintenant, elle ne s'était pas rendue compte qu'une dague avait atteint son avant-bras gauche. L'adrénaline l'avait empêché de ressentir la douleur de la blessure et elle n'avait pas fait attention au sang qui s'y échappait.
N'ayant ni le temps ni le matériel nécessaire pour faire un bandage digne de ce nom, la voleuse se contenta d'arracher un morceau de vêtement le plus propre possible d'une de ses victimes et l'attacha autour de sa blessure pour stopper la perte de sang.
— Ca fera l'affaire, commenta-t-elle pour rassurer ses compagnons. Isabela n'est pas revenue ? poursuivit-elle, l'inquiétude tiraillant les traits de son visage.
Elle rengaina ses lames et se précipita à l'extérieur. Dans cet état, il était difficile pour ceux qui l'accompagnaient de la suivre.
Dehors, elle découvrit le corps de Sam le Bigleux, sans vie, sur lequel une feuille de papier menaçait de se décrocher. Hawke la prit avant que le vent n'ait raison d'elle et se mit à lire ce qu'il y avait d'inscrit dessus. C'était un message d'Isabela qui ressemblait bien trop à des adieux pour Hawke qui contenait ses larmes comme elle le pouvait.
Hawke,
J'ai la relique et je suis partie. Je suis désolée que les choses se soient passées ainsi. Vous avez été une alliée loyale mais cela vaut mieux pour vous et moi. Vous m'avez promis la relique et je sais que vous affronteriez Castillon pour moi mais ce n'est pas ce que je veux. Par ma faute, votre implication dans cette triste affaire est déjà trop grande.
Vous n'avez pas à me pardonner, mais j'espère que vous me comprenez.
Isabela.
— Alors elle a mis les voiles ? Je ne peux pas dire que cela m'étonne, soupira Varric.
— Cette enfant de catin, pesta Aveline.
— Tenez votre langage capitaine.
Hawke fulminait en silence bien que le ton qu'elle avait employée pour remettre Aveline à sa place laissait clairement paraître la colère et la frustration d'une personne qui venait de se faire abandonner par celle qu'elle aimait.
— Bref, allons au camp Qunari avant que je ne mette à exécution ce que mes poings ont envie de faire.
Lorsqu'ils arrivèrent au point de rendez-vous, un garde Qunari les attendait. Hawke laissa Aveline prendre les choses en mains.
— Je demande une audience avec l'Arishak.
— Il acceptera. Mais en petit comité, lui répondit le garde de sa voix rauque.
— Je ne viendrai qu'avec cette camarade, informa-t-elle en désignant Hawke, ainsi que quelques membres de ma garde. Est-ce trop ?
— Ca ira.
Il s'écarta et intima l'ordre à ses camarades d'ouvrir les grandes palissades en bois qui séparaient les Qunaris des autres habitants de Kirkwall. Aveline, Hawke et ses gardes pénétrèrent dans l'enceinte. Avec méfiance.
— Shanedan, prononça l'Arishak.
— Salutations Arishak. Nous sommes à la recherche des elfes fugitifs qui ont trouvé refuge ici.
— Ce n'est pas mon problème, rétorqua-t-il, je souhaite parler à Hawke de la relique qui m'a été volée.
— J'ignore où elle est, répondit-elle dans un haussement d'épaules.
— Ce n'est pourtant pas ce qu'on m'a rapporté. Moi qui croyez que vous valiez mieux que vos semblables, il semblerait que je me sois trompé.
— Gardons ce problème pour plus tard, reprit Aveline. Nous sommes ici pour les fugitifs.
— Les elfes sont des viddathari désormais. Ils ont choisi de se soumettre au Qun. Nous les protégerons.
— Se sont-ils vraiment convertis ou vous utilisent-ils simplement comme bouclier ? questionna Hawke.
— Ils ont fait choix et moi aussi. Que cela vous convienne ou non m'importe peu. Vous n'avez pas nié les abus de vos fanatiques ou la corruption de cette cité. Vous comprendrez donc pourquoi je dois faire ça. Mais jetons donc un œil à vos "dangereux" criminels.
Les elfes arrivèrent, escortés par des guerriers Qunaris.
— Parlez viddathari. Qui avez-vous tué et pourquoi ?
— Un garde de la cité a abusé de notre sœur. Nous l'avons dénoncé... ou plutôt, nous avons essayé. Mais ils ne faisaient rien, peu importe ce que nous disions. Alors mes frères et moi lui avons rendu visite.
— Cela n'excuse pas le meurtre ! rétorqua vivement Aveline.
— J'aurais fait la même chose à leur place, intervint Hawke.
— Hawke, vous ne m'aidez pas.
— Leurs actions ne sont que de simples symptômes. C'est votre société la maladie. Leur choix est fait. Les viddathari se soumettront au Qun et trouveront leur voie : ce qui leur a été refusé par les vôtres.
— Vous ne pouvez pas décidé de ça, vous devez nous les livrer, s'entêta Aveline.
L'Arishak se retourna un moment puis posa une question à Hawke.
— Dites-moi, Hawke, que feriez-vous à ma place ?
— J'affronterai quiconque essaierai de les emmener.
— Exactement. Je ne peux partir sans la relique et je ne peux rester et ignorer ce problème. Il n'y a qu'une seule solution.
— Arishak, il est inutile de... tenta Aveline mais il ne la laissa pas poursuivre.
— Vinek kathas ! s'écria-t-il.
La tension avait soudainement explosé et un mauvais pressentiment s'empara de Hawke. Celui-ci se confirma lorsqu'Aveline lui montra les guerriers qui s'apprêtaient à les empaler avec leurs lances. En à peine une demi fraction de seconde, les gardes tombèrent comme des mouches, empalés. Aveline et Hawke se défendirent comme elles le pouvaient, largement prises au dépourvu.
Hawke allait dégainer ses dagues mais la capitaine l'en empêcha, lui indiqua que ce n'était pas le lieu et que leur infériorité numérique et stratégique leur serait forcément fatale.
Elles prirent la fuite mais le massacre fut total.
— Vous avez entendu ? Les Qunaris doivent être en train de se déployer. Ils attaquent la cité ! Pourquoi ? Qu'espèrent-ils en faisant cela ?
— Vous avez entendu l'Arishak. Fini de jouer. Il se fiche des conséquences.
— Vous avez raison. Quoi qu'il en soit, nous devons agir vite. Mais il va nous falloir de l'aide.
— C'est pour cette raison que nous voilà ! s'exclama Varric, étrangement joyeux.
— Sombrerue est envahie de gens qui essaient de fuir tout ça, informa Anders.
— Les Qunaris prennent d'assaut la cité. Ils sont rapides. Qui sait depuis quand l'Arishak prépare ça. Nous devrions nous rendre au donjon pour rallier mes gardes. Quoi qu'il arrive, faites attention.
La bataille pour Kirkwall venait de débuter. La nuit promettait d'être terriblement longue.
