Bonjour/Bonsoir à toutes et à toutes !

J'avais envie depuis un petit moment d'écrire une "fanfiction" sur Hunger Games.

Ce premier chapitre, vous le verrez, se rapproche davantage d'un "roman" dans la vision qu'il donne de l'univers. Il est prit comme point de départ le fait que le lecture n'a jamais lu les Hunger Games, et ignore tout de ce monde. En bref, tout y est expliqué, l'univers est mit en place, doucement.

Cette fanfiction reprend des codes évidents de la saga de base : une héroïne qui sait survivre, au moins un minimum, qui se porte volontaire, et qui va devoir résister aux Jeux de la Faim. Le but de ce petit récit pour moi est, je vous l'avoue, davantage de me changer l'esprit, en écrivant avec la base d'un univers que je connais déjà, afin de pouvoir l'utiliser, voir ce que ça peut donner, avec des personnages différents ! J'adore Hunger Games, que ce soient les livres ou les films, alors j'espère sincèrement que Hunger Games : Farewell vous plaira.

Il y'a sûrement des incohérences ou des choses à corriger, j'espère que ça ne dérangera pas votre lecture. Les chapitres seront assez longs mais je ne savais pas comment les découper, si vous avez une petite idée, n'hésitez pas à m'en faire part ! Je changerai peut-être le découpage des prochains chapitres.

Trêve de blabla : j'espère que ça vous plaira, et que vous retrouverez un peu l'ambiance des livres. Je ne suis certainement pas la plus douée en écriture, mais rédiger ce petit chapitre m'a donné envie de me replonger dans les Hunger Games.

En bref : bonne lecture !

(n'hésitez pas à donner votre avis, ça me ferait énormément plaisir d'avoir quelques retours)

(et n'oubliez pas un petit thé, une couette et des biscuits pour vous lancer là-dedans)


L'air frais s'écrase sur ma peau alors que je reste aussi immobile que possible. Le rongeur fixe un lieu lointain en faisant remuer son museau. Malheureusement pour lui, il ne pourra pas flairer grand chose avec toutes les précautions que j'ai prises. Mes affaires sentent la forêt, et mon père dit que je sens le sapin, à force de traîner là-bas. Il aurait été plus chanceux si son ennemi avait été un jaguar. Et, une nouvelle fois malheureusement pour lui, je n'en suis pas un, et mon arc fait une parfaite arme à distance. Ce n'est pas moi, la plus à l'aise avec cet objet, mais j'arrive tout de même à me débrouiller. L'arc bandé, j'observe l'animal. En une fraction de seconde, je décoche ma flèche qui vient se planter dans son abdomen. J'aurais pu faire plus propre, mais ce n'est pas mon fort. J'attrape la petite bête qui n'est plus en capacité de couiner et la détaille du regard. Il se vendra bien.

Peu de gens viennent s'aventurer dans la forêt un jour de Moisson, mais qu'est-ce que j'y peux. L'appel du ventre est plus fort que la peur. En tout cas chez moi. C'est bien ce même appel qui m'a fait poser un pied dans le Pré pour la première fois, à peine âgée de dix ans. Et il ne s'agit pas d'une expression. J'avais littéralement posé un seul pied dans l'enceinte du Pré, avant d'entendre du cafouillis quelque part dans les buissons, et j'étais aussi repartie en courant.

Si le District Douze reste un District oublié de Panem, et si nos Pacificateurs font partie de mes meilleurs acheteurs, il n'empêche qu'ils sont là pour faire régner l'ordre. Et cette menace était suffisante pour me faire trembler des pieds à la tête devant cet endroit inconnu. Personne ne s'aventurait là-bas, lorsque j'étais jeune. Du moins pas à ma connaissance. L'inconnu, le danger, les animaux sauvages, la mort dans chaque recoin. Sauf que cette mort, elle rôde partout dans nos foyers. Quitte à la rencontrer, autant que ce soit le ventre plein. Et c'était toujours mieux que de voir Aster mourir de faim. Elle était incapable de mettre un pied dans la forêt. Et il ne fallait même pas lui demander de tuer un animal. C'est toujours le cas. Mais maintenant que son ventre arrête de grogner toute la nuit durant, elle supporte mieux la vue des carcasses.

— Dill !

Je me retourne vers la voix. Oh, tiens. La tête à claque. Par tête à claque, j'entends le jeune homme qui m'adresse un grand sourire en secouant énergiquement la main. Oh, inoffensif à première vue, comme les baies. Mais approchez-vous trop et vous pourriez avoir une mauvaise surprise. Il serait un concurrent redoutable, pendant les jeux. Et ce que je déteste par-dessus tout, c'est cette façon qu'il a de m'interpeller. Mon prénom complet est Dillya. Certes, tiré de l'Aneth, Dill, mais c'est bel et bien Dillya, mon appellation. Dill ressemble au bruit que fait une casserole en tombant au sol. Ce n'est même pas un surnom, c'est une onomatopée.

— Yarrow, qu'est-ce que tu fiches ici ? C'est le jour de la Moisson.

— Je pourrai te retourner la question, tu sais. Tu ne vendras rien, il y'a des Pacificateurs partout.

— Justement, j'appuie. Ils seront bien intéressés par un lapin.

— Il n'y a pas que "nos" Pacificateurs. Ils viennent du Capitol. Tu ne pourras pas leur graisser la patte.

Je marmonne en observant le lapin. Peu importe. Je me laisse tomber au sol en commençant à l'écorcher et à l'évider - je ne prendrai pas le risque de faire ça à la maison aujourd'hui. Yarrow s'assoit à côté de moi, observant mes gestes. Après quelques secondes il me tend une poignée de baies. Je ne mange jamais de baies, en temps normal, sauf lorsque c'est lui qui les ramasse. La mère de Yarrow travaillait en pharmacie, avant de dépérir d'une maladie qu'elle ne pu elle-même soigner. Il a hérité de sa connaissance en plantes médicinales. Et de là… Disons qu'il a un peu expérimenté. S'il y'a bien une personne ici qui peut survivre dans n'importe quelles conditions, c'est bien lui.

C'est pour ça que je le garde avec moi, malgré sa facilité déconcertante à me faire sortir de mes gonds.

Aujourd'hui, cependant, sa mine est plus grave que d'habitude. Je ne le blâme pas, qui ne serait pas morose en un jour pareil ? Dans quelques heures, tous les jeunes de douze à dix-huit ans seront amassés sur la Grande Place, le seul endroit avec un minimum de charme dans ce fichu District, et deux d'entre eux seront envoyés vers la mort. Car si dans les autres Districts les Hunger Games peuvent présenter un filet mince d'espoir, dans le Douze, il est simplement synonyme de mort. Nous n'avons pas eu de gagnant depuis je ne sais pas combien de jeux. Il faut dire que ça n'aide pas, la sous nutrition. Et tout ce que nous pouvons apprendre sur le charbon durant les heures passées à l'école ne nous sont d'aucune utilité, balancés dans une arène remplie d'adolescents entraînés, nourris, et sachant manier trident et hache. En bref, il ne vaut mieux pas se retrouver avec son nom lu à voix haute lors de cette satanée journée.

Après avoir fini ma tâche, je glisse un regard grisâtre vers Yarrow, qui s'acharne contre des pauvres brins d'herbes.

— J'espère que tu ne fais pas pareil avec tes cheveux, sinon tu vas finir chauve avant ce soir.

— Ah ah, très drôle, fait-il.

— Je dis ça comme ça.

Il me regarde à son tour et pousse un soupir.

— Il y'est combien de fois, ton nom ?

A douze ans, notre nom est inscrit une fois, à treize ans, deux, et ainsi de suite. Si on compte cela, plus les tessarae, qui nous dotent d'une ration de denrées alimentaires pour un an, par personne, en échange d'une inscription supplémentaire… Mon nom doit être inscrit vingt-cinq fois, vu qu'il y'a quatre personnes à ma charge, moi comprise. Avec ses dix-huit ans, celui de Yarrow n'est inscrit que quatorze fois. "Que". C'est toujours plus que la population aisée du District qui se contente du minimum. Cependant, devant sa mine inquiète, je me contente de hausser les épaules avec un air incertain.

— Je ne sais pas. Une dizaine de fois, comme toi.

— Dillya… me fait-il, avec un air suspicieux.

Bon. La chose avec Yarrow, c'est que lorsqu'il emploie mon prénom en entier, il se prépare à dire quelque chose de sérieux. Je pousse un soupir.

— Oui bon, d'accord. Vingt-cinq, je finis par marmonner.

— Dill ! Je croyais que tu avais dit ne plus prendre de tessarae !

— J'ai menti. Et alors ? Ça ne change rien. Une de plus ou de moins.

— Comment vont faire ton père, Aster et Thyme, si ton nom est tiré ? Tu crois qu'ils vont survivre sans toi ?

Sa remarque me fait tiquer et mes sourcils se froncent automatiquement. Sous-entend t-il que je n'ai aucune chance d'en revenir, si je devenais la tribue de District 12 ? Il remarque ma réaction et passe nerveusement une main dans ses cheveux noirs, qui viennent retomber mollement sur son front.

— Ce n'est pas ce que je veux dire mais… Tu sais autant que moi que le District Douze ne part pas favori. Jamais. Ton père est tout le temps à la mine, et son salaire ne suffit pas, pour vous faire vivre toi, ton frère et Aster.

— Je sais tout ça, je réponds précipitamment. Mais ne rien prendre du tout, c'est les laisser mourir aussi. Je ne peux pas rester inactive en les regardant crever de faim, Yarrow.

Je crache presque les derniers mots et le jeune homme se replie sur lui-même.

— Je ne t'accuse en rien. Je m'inquiète juste.

C'est à mon tour de porter un regard plein de suspicion vers lui. Et au sien d'avoir l'air agacé.

— Oui. Je m'inquiète. Dans ce District, tu es la personne qui se rapproche le plus d'une amie, pour moi. Et même si on n'est certainement pas les meilleurs amis du monde, on est des bons coéquipiers de chasse. On fonctionne bien, ensemble. On s'entraide. Je n'aimerai pas vivre ce moment… Entendre ton nom, te voir avancer, et disparaître.

Sa confession me force à me calmer un peu et je pousse un petit soupir. Yarrow a toujours été le plus sensible de nous deux. Le titre du plus sentimental, ça lui revient aussi. Ça fait six ans qu'on se connaît. Il a mis les pieds dans le Pré pour la première fois à la même période que moi. C'est durant cet hiver que le District Douze a connu l'une de ses pires périodes de famine. Je dépérissais, Aster et Thyme aussi. Seulement, ma sœur était trop fragile pour s'aventurer à l'extérieur, et le petit Thyme âgé d'à peine sept ans n'aurait pas pu être d'un grand secours. C'est à ce moment-là que j'avais décidé de tenter de trouver… Une autre source de nourriture. Seulement à cette période, le froid régnait, et peu d'animaux mettaient le nez dehors. Je n'avais de toute manière aucune connaissance en matière de chasse, et le simple fait de m'approcher du grillage, supposé sous tension, qui bordait l'endroit, suffisait à me faire paniquer.

Lorsque les pleurs de mon petit frère et l'immobilité de ma sœur ont fini par me peser, je me suis décidée à franchir de manière définitive le grillage. Après avoir étudié la présence possible de tout bourdonnement suspect indiquant qu'il avait été remis sous tension, j'avais passé avec précaution un pied puis l'autre à l'intérieur du Pré, en me faufilant à travers un trou dans les mailles. Chaque bruit m'effrayait, puisque je n'en connaissais aucun. C'est en atterrissant sur les fesses, surprise par un lapin bondissant des fourrées, que j'ai vu pour la première fois un autre visiteur de la forêt. Avec ses yeux gris caractéristiques de la veine, son teint olivâtre et ses cheveux noirs, il aurait presque paru pour mon frère. Il semblait à peine mieux nourri que moi, avec ses clavicules saillantes et ses pommettes tranchantes. Ainsi, le premier souvenir que j'obtins de mon partenaire de chasse, fut son rire.

— Si tu as aussi peur pour un lapin, ce n'était peut-être pas la meilleure idée, de t'aventurer toute seule ici. Tu risques gros. Ce n'est peut-être pas la meilleure option de venir tout risquer dans un endroit dont tu ignores tout.

Son second souvenir de moi, après la chute, fut mon regard noir.

Ce gamin m'agaçait. Déjà parce qu'il était plus grand, mieux bâti, malgré les marques de la famine, mais aussi parce qu'il avait cette arrogance qui parvenait facilement à me mettre hors de moi. Je m'étais redressée sur mes pieds en le toisant du regard.

— Et toi, qu'est-ce que tu fais là, si cet endroit est si terrible ?

Il avait haussé les épaules.

— Faut bien manger.

— C'est la raison qui m'amène ici, moi aussi.

— Sans arme.

— Tu as une, toi ?

Il m'avait regardé avec hésitation, avant de secouer la tête. Son index s'était levé pour venir tapoter son crâne.

— Mon arme, c'est ça.

J'étais restée interdite devant une telle stupidité. Le gosse de la Veine venait de m'annoncer qu'il comptait sur son cerveau pour le sortir de situations dangereuses. J'aurai imaginé qu'il aurait bluffé en pointant des muscles imaginaires - c'était ma réponse s'il m'avait retourné la question. Ma mère avait l'habitude de dire qu'il n'y avait rien de plus dangereux qu'un idiot sûr de lui. La preuve s'étalait sous mes yeux.

— C'est quoi ton nom ?

J'eus à peine le temps de la réflexion qu'il enchaîna.

— Moi, c'est Yarrow.

A ce moment-là, il a souri, et j'ai compris qu'il n'avait rien d'un idiot. Il s'adressait à moi comme on s'adresse à un animal sauvage dont on veut gagner la confiance, avec prudence et douceur. On lui donne quelque chose avant de lui demander quoi que ce soit. Il m'avait donné son prénom, avant que je ne prononce le mien, afin que je ne me sente pas en position de faiblesse.

Il m'agaçait de plus en plus.

— Dillya, j'avais répondu, marmonnant à voix basse.

— Dillya ? Dill', alors, c'est ça ?

— Dillya ! je m'étais aussitôt écriée.

Même à l'époque, je n'appréciais pas franchement ce raccourci. Il avait aussitôt rigolé, faisant retomber ma colère. J'ai toujours eu du mal avec les personnes qui répondaient à mes éclats par une indifférence totale. Et c'était son cas - ça l'est toujours. Pire encore, il s'en moquait. J'avais serré les poings.

— Bien. Je vais te laisser, maintenant. Toi et ton gros cerveau.

Alors que je m'apprêtais à quitter les yeux, il m'avait rattrapé, trottinant à mes côtés.

— Attends ! Tu connais la végétation ? Je peux t'aider tu sais. Je connais les plantes ! Ma mère m'a tout appris.

— Et pourquoi tu ferais ça ? j'avais répondu, méfiante.

— Entre gamins de la Veine, il faut bien qu'on s'entraide, non ? Et puis, personne n'est assez courageux pour franchir le grillage. Ce serait bête qu'on soit les deux seuls humains à mettre les pieds ici et qu'on fasse la guéguerre.

Il marquait un point. Tout ce que je me rappelle de là, c'est d'avoir accepté. Petit à petit, on s'est découverts quelques points communs. Sa mère était morte d'une maladie quelques temps plus tôt, la mienne était morte en couche. Nos deux pères travaillaient à la mine, ce qui leur rapportait un salaire bien faible. Cependant, contrairement à ma famille, Yarrow était seul. Moi, j'avais deux frères et sœurs, desquels je devais m'occuper. Les débuts n'avaient pas été faciles. On s'est chamaillés de nombreuses fois. On n'était que des gosses après tout.

Il tenait son savoir de sa mère. Et moi… je n'avais pas grand chose. Mon père travaillait sans cesse à la mine, rentrant couvert de suie tous les soirs, et je n'avais pratiquement aucun souvenir de celle qui m'avait portée dans son ventre. Heureusement que Yarrow était là - je ne l'avouerais cependant qu'en cas d'extrême urgence.

On était trop jeunes pour réellement chasser ou s'éloigner trop du grillage. A chaque bruit trop étrange, on s'enfuyait à toute vitesse. Cependant, avec une ingéniosité tout à fait enfantine, on a commencé à trouver quelques combines pour chasser. Au moins des petits animaux, pas encore assez craintifs des humains. Des lapins, des écureuils. Bref. Des choses à vendre.

Pour cela, il fallait s'aventurer sur le marché noir du Douze. La Plaque. Et là encore, Yarrow fut mon passe-droit. Sa mère devait être une bonne personne, puisqu'elle semblait aider un peu tout le monde, avec ses maigres moyens. Aussi, tout le monde la connaissait à la Plaque. Elle, et son fils. Grâce à ça, on a pu commercer un peu. Troquer un écureuil contre un peu de savon et du tissu, un lapin contre un bol de ragoût et quelques objets utilitaires. On s'est fait un nom, petit à petit.

Nous sommes devenus chasseurs, commerçants, dans un marché noir illégal, dans l'espoir de faire vivre nos familles. En six ans, les choses ont bien changé.

Les enfants effrayés, sursautant au moindre bruit ont évolué. Même physiquement. On n'est certainement pas comparables aux Carrières des Districts choyés du Capitol, mais on n'est pas à plaindre. Même s'il nous faut parfois sauter quelques repas, serrer les abdominaux et prier pour que la nuit passe vite, on sait que le lendemain une nouvelle chance s'offrira à nous pour trouver un nouveau repas. Je m'endors sans la crainte de retrouver un corps inerte à côté de moi le matin, terrassé par la faim.

Les choses ont vraiment avancé lorsque j'ai trouvé un arc, dans les vieilles affaires de ma mère. Une arme. Je n'aurai jamais imaginé que cela puisse être vrai. Avec beaucoup d'efforts, j'avais réussi à arracher quelques mots à mon père sur le sujet. Il n'approuvait pas mes sorties dans la forêt, mais il n'était de toute manière jamais là pour contrôler, et entre ça et voir ses enfants mourir de faim, un choix était plus profitable que l'autre. Il m'avait appris que ma mère avait confectionné cet arc, sans trop lui expliquer pourquoi. Il n'était jamais bien vu d'avoir de telles choses chez soi, alors il était toujours dissimulé sous une latte de bois. Comme beaucoup de personnes, ma mère voulait nourrir sa famille. Mais comme tous, elle n'en avait jamais eu le courage. Je ne sais en revanche pas d'où elle tenait ce savoir.

Alors que mon nom était inscrit pour la première, ainsi que trois fois supplémentaires pour cause de tessarae, je tentais d'utiliser un arc. Yarrow avait bien essayé, lui aussi, mais ce n'était définitivement pas son point le plus fort. Il préférait le couteau, les pièges, ou de manière plus basique : les plantes.

A force d'entêtement, j'ai fini par le maîtriser. Et à tenter la construction de quelques autres arcs dans le même genre, plus adaptés à ma taille. Avec les années, cette capacité s'est affûtée, et je crois ne pas être trop mauvaise tireuse. Assez pour chasser, en somme.

— Dill ?

Je réalise que je me suis perdue dans mes pensées lorsque mon ami, même s'il m'a fallu des années pour penser à l'appeler comme ça, m'interpelle.

— Je crois qu'il est temps d'aller se préparer.

Je pousse un soupir en enroulant la carcasse de lapin dans un sac, que j'enfourne dans ma besace.

— Allons-y.

Il me regarde. Je le connais presque par coeur, maintenant. Il fait ça chaque année. Il m'observe, pendant quelques secondes, me sourit, et repart. Je n'ai jamais compris cet étrange rituel, mais je n'ai jamais eu le cœur à lui demander de l'expliquer. Je le prends de court en parlant, cependant.

— On se retrouve ici demain, à la même heure ?

Aucun de nous ne sait si ça sera possible. Mais cette phrase sonne comme une promesse silencieuse. On se reverra. Aucun de nous deux ne va disparaître. Les Hunger Games ne nous auront pas. Il m'offre un grand sourire et hoche la tête.

— Demain même heure.

Je hoche la tête et tourne les talons.

— Hé, Dill.

— Quoi ? je réponds en mimant la mauvaise humeur, glissant un regard vers lui.

— N'oublie pas de te faire belle.

Il m'arrache un sourire, alors que je lève les yeux au ciel.

— Je tâcherai d'être belle pour les caméras. Fais-en de même, tu ressembles à un sauvage.

Sans écouter un quelconque mécontentement de sa part, je pars du Pré, avec précaution. Ce n'est pas le moment de se faire attraper avec un lapin dans mon sac. Sans compter les plantes, que Yarrow m'apprend à reconnaître depuis des années, qui trônent fièrement à l'intérieur. Les Pacificateurs du Douze sont peut-être cléments, mais en ce jour si spécial, ils ont reçu des renforts. On ne sait jamais. Même si plus aucun District n'a l'idée de se rebeller, ils préfèrent être prudents. Il y'avait eu, il y'a quelques années, une jeune fille qui avait provoqué le Capitol. Katniss Everdeen, il me semble. Seulement, le garçon de son District avec lequel elle avait gagné était mort dans l'Hovercraft les amenant ici, et elle avait apparemment sombré dans la folie, assaillie de cauchemars. Elle ne vit plus ici depuis longtemps. En même temps, c'était il y'a quinze ans. Le Douze n'a aucun vainqueur survivant à son actif depuis bien des années. Le dernier, Haymitch Abernathy, était un vieux alcoolique que sa passion a emporté. Il était sûrement trop malheureux, de voir des gamins défiler devant ses yeux sans pouvoir en sauver aucun.

Je me dirige machinalement vers ma maison. Mon père travaille encore, mais comme tous, il devra être présent au moment de la Moisson. Tout le monde doit voir. Ce soir, beaucoup fêteront la survie de leurs enfants, avec une certaine pudeur, tandis que deux familles pleureront la disparition d'un proche.

Lorsque j'entre, un impact contre mes jambes me fait reculer d'un pas. J'observe l'enfant qui m'adresse un grand sourire, en me serrant fort contre lui. Je sais très bien qu'il ne faut pas que je le traite comme un enfant à son âge, mais je ne peux pas m'en empêcher.

— Dilly ! Dilly !

Dilly ressemble au son que fait une clochette, mais je ne peux rien refuser à une bouille pareille. D'autant plus qu'il m'appelle comme ça depuis l'enfance. Il n'y a pas grand chose dans ce petit monde capable de m'arracher un sourire, mais Thyme en fait partie. Il a toujours vu les Jeux de la Faim de loin, sans bien trop comprendre ce qu'il se passait… Du moins jusqu'à aujourd'hui. Malgré la dureté de la vie, la faim, l'horreur qu'on peut croiser dans les rues, il est un rayon de soleil. Et la raison pour laquelle je me bats chaque jour. L'autre raison me tend une robe avec un air imperturbable.

— Jamais, je dis, en détachant chaque syllabe.

— Dillya. Chaque année c'est la même chose. Chaque année je gagne. Va te laver et enfile cette robe.

— Aster ! Je n'aime pas les robes. Ça vole de partout, ça ne protège rien, c'est fragile. Je peux très bien prendre une vieille chemise à papa, des bottes et-

— Bain, robe, maintenant.

Je pousse un soupir. Aster a gagné. Elle gagne toujours, avec sa mine sévère. Elle est incapable de mettre un pied hors de la sécurité du Douze, mais elle me fait plus peur que n'importe quel lynx. D'après mon père, je tiens de ma mère, et elle de lui. Je ne peux pas confirmer pour ma mère, mais l'inverse m'est possible. J'attrape la robe avec une moue.

— Allez, va laver cette affreuse qu'est la tienne.

— C'est toi, l'affreuse, je réponds sur le ton de la plaisanterie.

Elle tire la langue, et nous finissons par rire toutes les deux. Avant bien sûr qu'elle ne me chasse pour que j'aille me laver. M'attend une bassine remplie d'eau à température ambiante. Je m'y glisse et frotte la crasse qui s'est incrustée sur mon épiderme, et sous mes ongles. j'en fais de même pour mes cheveux de jais que je démêle avec mes doigts.

"L'affreuse". C'est un terme plutôt amusant à utiliser dans notre cas. Aster est petite, pour quelqu'un de son âge. Fine. Comme un écureuil. Ses longs cheveux noirs descendent jusqu'à ses reins, tandis que ses yeux gris sont allongés en amande. Son nez est semblable à un bouton de rose, ses lèvres sont fines, tout comme le reste de ses traits. Aster n'est pas un canon de beauté, comme on l'entend au sens propre du terme, mais elle a un charme indéniable. Et si j'ai le droit de m'accorder ces quelques critiques, c'est parce qu'on se ressemble comme deux gouttes d'eau. Nous sommes nées en même temps. Des jumelles parfaites. La seule chose qui nous différencie actuellement, ce sont nos cheveux, puisque les miens m'arrivent aux épaules. Je ne supportais plus de les laisser entraver mes mouvements lors des moments de chasse.

Mais en dehors de cela, peu de choses nous différencient. Aster a toujours eu une apparence plus chétive. Moi, malgré la faim et nos conditions de vie, j'ai réussi à construire quelques muscles grâce à toutes mes sorties. Mon physique est sec, certes, mais je peux soulever des choses qu'elle ne peut pas. Nos peaux sont un peu différentes, puisque le soleil a foncé légèrement la mienne, et que j'ai accumulé pas mal de cicatrices et autres callosités par toutes mes… Activités. Les différences physiques s'arrêtent là.

Une fois propre, je me hisse hors de la baignoire improvisée et enfile la robe bleutée que ma soeur a sortie pour l'occasion. Elle appartenait à ma mère, cela ne fait aucun doute. Je m'aide d'un ruban de la même couleur afin de la resserrer à la taille, évitant qu'elle ne baille atrocement. Une fois cela fait, je rejoins ma sœur qui s'attelle à transformer ma coiffure informe en un chignon bas, tenu par quelques tresses. Je me souviens que cette coiffure avait plu, pendant un temps. Je crois que c'était dû à un tribut des jeux, de notre District. Les siens pendent dans son dos, séparés en deux tresses délicates. D'habitude, notre voisine Becky aurait pris Thyme avec elle. Il est difficile de le laisser seul. Mais aujourd'hui est un jour différent. Puisqu'aujourd'hui, le prénom de mon petit frère sera inscrit pour la première fois.

Lorsqu'on avance vers la Place, le stress commence à monter. Ma sœur m'agrippe la main et la serre doucement, pour m'influer un peu de courage.

— Ça va aller.

— Je sais, je rétorque.

— Je te connais, Dillya. Je sais quand tu stresses. Quand tu es en colère. Quand tu es triste. Quand tu es joyeuse. Pas la peine de me mentir, à moi.

Je lui glisse un regard et elle me sourit. J'ai toujours essayé de la protéger. Du mieux que j'ai pu. Car en réalité, au-delà de son apparence chétive, Aster a toujours été plus faible. Toujours malade, fatiguée, dépassée. Je lui ai interdit de prendre toute tessarea. Il en va de même pour Thymes. Il faut que je les empêche d'être blessés. C'est mon rôle de grande sœur - car, oui, techniquement, et c'est un dire confirmé par mon père, je suis la première à être née, et c'est un argument tout à fait recevable.

— Ne t'en fais pas pour moi. Prends plutôt soin de Thymes.

Elle secoue la tête avec une exaspération feinte et serre la main de Thymes, se trouvant à sa droite. Elle lui explique le protocole. Chacun sa ligne, on s'enregistre, avec une toute petite goutte de sang prélevée, puis on rejoint sa section.

Chaque tranche d'âge est séparée, les filles et les garçons aussi, par de simples cordelettes. Les plus jeunes sont dans le fond, et les plus âgés devant, ce qui fait que je me trouve en bonne position pour assister à l'horrible spectacle. Aster est à côté de moi et je n'ai pas la force de me retourner, imaginant un Thymes replié sur lui-même, perdu dans la foule. Les membres de la famille se situent autour de nous, attendant, sur le qui-vive. Je m'autorise un regard vers cette direction et y remarque mon père. Les traits tirés, l'air fatigué, il hoche la tête en nous voyant toutes les deux. Il a perdu sa femme, il ne veut pas perdre un être cher en plus. Moi, je crains seulement d'entendre le nom de Thymes, de Aster ou de Yarrow résonner. Je peux me porter volontaire pour Aster, mais pas pour Thymes. Il sera livré à lui-même. Sauf si Yarrow se porte volontaire… Mais la vue me briserait le cœur aussi. Je n'arrive pas à lâcher la main de mon reflet. Si je lui coupe la circulation sanguine, elle a la politesse de ne rien en dire.

Quelques personnes au devant prennent des paris : enfant de la Veine ? Classe commerçante ? Quel âge ? Les enfants de la Veine ont de toute manière plus de chance de finir dans l'arène que les fils et filles de commerçants, qui n'ont jamais eu besoin de prendre des tessarae. Rapidement, les gens s'entassent, et je peine à garder Aster près de moi. Je voulais voir une dernière fois Yarrow. Prononcer quelques paroles. Mais visiblement je vais devoir attendre que tout cela soit fini. J'ai hâte, d'être dans la forêt. De l'entendre raconter une anecdote idiote, de pouvoir se moquer de l'accent ridicule du capitole, ou de l'apparence du représentant du Douze cette année. Cette idée me fait relativiser assez pour que je ne rende pas la pareille à quelqu'un venant de réduire en poussière mon pied en marchant dessus.

Ici, chacun espère rentrer le soir. Les regards nerveux se croisent. Chacun espère ne pas être choisi. Ce qui signifie que chaque personne, parent ou enfant, souhaite que ce soit un autre gamin qui soit envoyé dans l'arène. Les Hunger Games commencent déjà.

Le Palais de Justice nous offre un bien piètre décor, avec son allure ancienne. Sur une scène ajoutée à la va-vite, trois chaises, un podium, et deux boules en verre, posées sur des cubes. Une pour les garçons, une pour les filles.

Deux des chaises sont réservées à la mairesse, Undersee, dont la famille a toujours occupé le poste, et à l'accompagnatrice du District Douze : Elspeth Trifle. Un nom imprononçable qui donne l'impression d'avoir une patate chaude en bouche - c'est du moins l'expression de mon père. Ses cheveux mauves, comme le reste de sa tenue, détonnent largement avec le gris des bâtiments et des tenues. En fait, tout en elle détonne. Sa perruque, car s'en est une sans aucun doute, sa robe bustier, s'évasant en bas, ses chaussures aux talons démesurés, ses lèvres d'un rose fushia. On dirait une grenouille venimeuse. Elle nous regarde, avec un sourire si large qu'il est forcément faux, lui aussi. L'horloge de la ville sonne les deux heures.

La mairesse se lève, monte sur le podium, et commence à lire. L'histoire est la même depuis des années - peut-être n'a-t-elle même jamais changé. Elle raconte l'histoire de Panem, le pays qui sortit des cendres d'un lieu appelé "Amérique du Nord". Elle fait la liste des désastres, feux, tempêtes, et trombes d'eau ayant avalé la terre. Elle rappelle la guerre, les souffrances. Tout cela, résultant en Panem. Un Capitol central, entouré de Treize Districts, apportant la paix et la prospérité à ses habitants. Puis sont venus les Jours Sombres. La rébellion, de Districts contre le Capitol. Douze d'entre eux ont été vaincus, et le dernier annihilé. Le Traité de Trahison nous a donné de nouvelles lois, afin de garantir la paix. Et enfin, afin que l'on oublie jamais ces Jours Sombres, ces lois nous ont données les Hunger Games.

Les règles sont simples. En punition, pour ce soulèvement, chacun des Douze District devra fournir un tribut mâle et un tribut femelle, afin de participer à ce "jeu". Ces vingt-quatre adolescents seront enfermés dans une vaste arène, pouvant aller du désert le plus aride à la toundra la plus glacée. Pendant plusieurs semaines, les tributs devront se battre jusqu'à la mort. Le dernier tribut en vie gagne.

Voilà le motto du Capitol, rancunier depuis quatre-vingt neuf ans. Sans aucun répit. Sans aucune once de pardon. Ils prennent les enfants des Districts, les enlèvent pour les amener dans une arène de jeu, puis les regardent s'entre-tuer. Et ils en font un spectacle, un divertissement. Une saison. Quelque part entre un jeu télévisé stupide, et le journal.

Les Hunger Games sont traités comme une festivité. Un sport, opposant les districts. Le tribut vainqueur repart chez lui, vivre une vie tranquille. Il reçoit une large compensation monétaire, et son propre District reçoit des prix, des récompenses, prenant le plus souvent la forme de nourriture. Tout au long de l'année, le Capitol offre au District vainqueur des céréales, de l'huile, et parfois même du sucre, tandis que les autres se battent pour ne pas mourir de faim.

Et comme le répète la mairesse, d'un ton solennel, il s'agit d'un temps de repentance et de gratitude. Je t'en ficherai. J'aimerai crier ma haine pour le Capitol, là, tout de suite. Mais je finirai sûrement avec une balle dans la tête. Mon frère et ma sœur ont encore besoin de moi. Mon père aussi. Je glisse un regard vers lui mais je ne peux plus l'apercevoir. Il doit sûrement être agité, grattant nerveusement sa barbe, en priant pour ne voir disparaître personne.

Puis, la Undersee nous rappelle les vainqueurs du Douze. Le nombre n'a pas bougé depuis des années. Nous en avons eu deux. Ils sont tous les deux morts. Mon District n'est pas franchement le signe le plus éclatant d'espoir. Je me souviens que lors d'une année, juste avant sa mort à vrai dire, le dernier tribut du Douze encore en vie s'était vautré sur scène, devant toutes les caméras de Panem. Au moins, maintenant, personne ne vient. On meurt avec classe, dans le Douze.

Elspeth Trifle s'avance en sautillant. "Joyeux Hunger Games ! Et puisse le sort vous être favorable !". Cette phrase est restée depuis des années. Ce ne sont que quelques mots, mais même cet accent perché du Capital ne parvient pas à éteindre ma colère. Il n'y a rien de joyeux dans ces jeux morbides. J'arrive alors à croiser le regard de Yarrow dans la foule. Son regard s'éclaire et il fait mine de lever les yeux au ciel, mimant l'expression de Eslpeth "Joyeux Hunger Games !" tonne-t-il silencieusement. Je souris, répondant de la même manière "Et puisse le sort vous êtes favorable !". Il me sourit en retour, mais la nervosité tend son expression. Il m'offre un air pincé. Signe qu'il espère ne pas entendre mon nom. J'espère la même chose en retour.

Mon regard glisse alors vers la multitude de papiers qui s'entassent dans les boules en verre. Parmi eux, vingt contiennent le nom de Yarrow Villenbee, et vingt-cinq celui de Dillya Farewell. La chose risque de nous être moins favorable qu'à ceux dont les prénoms ne sont inscrits que cinq fois, pour le même âge.

Avant que je ne puisse établir une quelconque statistique sur les probabilités que nos noms tombent, Elspeth Trifle fait d'un ton chantonnant "Les dames d'abord !'. Elle s'approche de la boule en verre contenant le nom des filles. Sa main disparaît derrière la montagne de papier. Elle tourne quelques secondes avant de ressortir avec un papier dans sa main. On reconnaît l'amour du Capitol pour la mise en scène lorsqu'elle parcourt l'assemblée du regard, papier toujours en main. Le silence est total, et j'ai même peur qu'on puisse entendre mon cœur s'emballer dans ma poitrine. Aster, à côté de moi, me sert la main. Je tourne le regard vers elle, et elle m'adresse un sourire. Ses lèvres forment un "Ca va aller", alors qu'elle hoche la tête pour me rassurer. Me rassurer de quelque chose qu'elle ne peut pas contrôler. Cependant, je ne peux pas me laisser aller et laisser la panique m'envahir inutilement. Je desserre un peu ma prise sur sa main qui doit avoir bleui, et je lui adresse un sourire, répondant avec mon éternel "Je sais". Je reporte alors mon regard sur la forme violette qui s'approche du micro. J'espère simplement que ce n'est pas moi. Pas moi. Pitié. Pas moi.

Elspeth Trifle se place devant le micro, déplie le papier, et lit le prénom qui y est inscrit d'une voix claire, qui se veut mélodieuse. Mon esprit se vide.

Pour la première fois, je me mets à espérer entendre mon prénom. Qu'on me dise qu'il s'agisse d'une erreur.

Car lorsque sa main me lâche, j'ai l'impression que tout s'effondre.

Ce n'est pas mon nom.

C'est celui de Aster Farewell.