De façon totalement prévisible, Stanley Uris était abonné à tous les magazines ayant pour sujet les oiseaux. Bien sûr tous les mois, Richie Tozier commentait que seuls les retraités devaient être abonnés aussi assidûment à ce genre de truc chiant. Et à chaque fois Stan levait les yeux au ciel en préférant se plonger dans ses précieux magazines mille fois plus intéressants que les élucubrations de Trashmouth.

Comme actuellement, au cours d'une de ses observations dans cette librairie où le juif du groupe des Losers avait ses petites habitudes pour relever s'il y avait de nouveaux ouvrages qui pourraient intéresser des ornithologues de la même trempe que lui. Et, sans que ce dernier ne puisse le prévoir, Trashmouth lui était tombé dessus. Tel un aigle qui fond sur sa proie, en moins majestueux bien évidemment.

Autant, Stan appréciait quand Mike ou Ben venaient lui tenir compagnie durant ses moments où il était plongé dans un bon livre puisque ces deux là se révélaient être des lecteurs encore plus passionnés que lui. Eddie ne se montrait pas aussi empoisonnant que son complice inséparable à le rendre comique malgré lui mais était tout de même un peu agaçant tant il l'interrompait trop souvent dans sa lecture pour lui poser des questions sur tel ou tel mot, passage, tournure de phrase, etc. Un vrai gamin attendrissant par son côté savant quoiqu'un peu fatiguant à la longue. Sans surprise, le plus naturellement du monde, Bill était bien le seul à ne pas l'agacer quand le chef officieux des Losers lisait par dessus son épaule, le déconcentrait avec sa fausse innocence de circonstance et son doux parfum fruité. Le meilleur exemple de pourquoi les oiseaux ne pouvaient pas résister à de savoureux fruits rouges et la raison pour laquelle Stanley n'était pas aussi vieux jeu que certains (surtout un) voulaient bien le penser comme lui même devait lutter pour ne pas mettre en pratique cette particularité des merles ne pouvant résister à picorer des baies. Piquer un baiser ni vu ni connu sur les lèvres toujours plus tentantes de son petit ami.

Alors que là, faute de montrer à Bill et uniquement à Bill que Stanley Uris était capable de lui voler un baiser quasi en public, le jeune homme écopait du meilleur fauteur de trouble en ayant une fois encore la raison à s'illustrer devant lui dans tous ses détails de pourquoi Richie Tozier alias Trashmouth était le pire (et de loin !) compagnon de lecture.

Tel un moustique insupportable, ce petit plaisantin bourdonnait autour de lui. Feignait de s'intéresser à tel ouvrage, laissant à Stan quelques précieuses minutes de répit – à peine le temps d'en souffler de soulagement – pour ensuite apostropher ce dernier qui se serait volontiers envolé à tire d'ailes. En lui avouant, la bouche en cœur, qu'au fond de lui il avait toujours su que ce cher Stan the man était gay. Mais que cet étrange intérêt (presque une obsession) pour les oiseaux avait été un indice des plus révélateur ! Franchement, adorer un sujet aussi chiant et délicat que les oiseaux, ce n'était pas anodin ! Ça et le fait de trop souvent mater le cul de Bill Denbrough avec un petit sourire approbateur se croyant très discret, très certainement trop concentré par le fait d'y repenser plus tard une fois seul et d'en sortir son petit oiseau pour encore mieux se remémorer tout ça... Une nouvelle fois merveilleusement dérangé dans sa lecture, le soi-disant concerné par ces sujets scabreux avait froncé les sourcils en comprenant malheureusement très bien cette super blague digne de l'humour Tozier vu tous les trop nombreux sous entendus phalliques que Richie osait faire en utilisant les oiseaux exprès pour agacer leur plus grand défenseur qui ne goûtait que très peu à ce genre de plaisanterie. Pas du tout en fait !

Enfin peut-être qu'en ne prêtant pas attention à lui, Richie allait se lasser. Faire tout le contraire de ce cher Eddie qui lui démarrait à la minute où la première blague entrait en scène.

- Hé Stan, t'as vu ce magazine là ?

Pour rester dans le sujet phallique, tout sourire, Richie lui pointait du doigt un magazine gay.

Stan ignorait s'il y en avait d'autres mais celui ci restait le plus voyant. Très voyant, ainsi doté en couverture de ses couleurs chatoyantes et de ce gars tout musclé, tout lisse, tout sourire, tout parfait... Sa première pensée avait été d'imaginer la réaction de son père s'il était rentré à la maison avec un tel ouvrage entre les mains, au lieu des habituels magazines ornithologiques pour sauver l'honneur ou bien au contraire montrer que son homosexualité était autant assumée et naturelle que sa passion pour les oiseaux... Pas encore. Et Richie n'allait quand même pas encore revenir sur le sujet, quasiment publiquement en plus !

Comme toute réponse à la question de Richie et à toutes celles que lui même pouvait bien se poser, Stanley s'était tout simplement contenté de hausser les épaules pour aussi vite vaquer à ses occupations. Se replonger dans sa lecture avec cependant plus de peine à se concentrer sur son sujet pourtant de grande prédilection d'habitude, pour s'apaiser. Son esprit était ailleurs, à se demander si Bill lisait ce genre de magazines gay, pornographiques gay, ou bien pornographiques tout court. Si à cause de ce cher Richie, meilleur ami de Big Bill, il avait déjà eu entre les mains ce genre de lecture et que ses mains avaient donc fait un tout autre ouvrage que simplement tourner sagement les pages...

Ils avaient beau sortir ensemble, et avant ça être amis depuis l'enfance, ce sujet demeurait une zone d'ombre entre Bill et Stan qui ne s'était jamais imposée dans leur relation jusqu'ici...

Comme s'il lisait dans ses pensées, une fois de plus, Trashmouth se comportait à nouveau tel un super ami très cool et secourable. (D'après le concerné !).

- Je suis sûr que Big Bill apprécierait ce magazine !

Ainsi donc William Denbrough, alias Big Bill le très courageux et respectable chef spirituel des Losers, lisait ce genre de truc, se masturbait en zieutant des magazines gay. Pris au dépourvu, à chaud (à sec, comme dirait Trashmouth, avant de se faire gentiment rappeler à l'ordre), si brusquement mis au courant sans non plus en avoir la confirmation et donc un peu décontenancé, le jeune homme ne savait pas trop quoi en penser. Ça ne le choquait pas outre mesure puisqu'il savait que Bill dessinait pas mal de nus masculins sur son modèle, pour s'exercer en dessin et son usage personnel. Toutefois, Stan ignorait que son petit ami pouvait être familier de ce genre de choses alors que lui n'avait jamais osé ne serait-ce que feuilleter ce genre de revues pour adultes et certainement pas celles de nature homosexuelle.

Probablement parce que là aussi il pensait trop à la réaction que pourrait avoir son père, condescendant en observant que finalement les gays étaient bel et bien des déviants uniquement intéressés par le sexe contrairement aux attirances dites normales entre une femme et un homme forcément légitimes en tout points. Pourtant, Stan savait très bien que tout ça était complètement faux mais c'était mission impossible de tenir tête à Donald Uris. Pour lui en tout cas.

- C'est bon j'ai compris, t'as peur que Bill trouve ce gars plus beau et attirant que toi.

Richie Tozier aka Trashmouth, toujours fidèle au poste pour tirer son ami Stan d'un mauvais pas, d'un triste et déprimant sujet de réflexion ! Sauf que ce n'était pas ce genre de sinistres pensées qui minaient actuellement l'esprit du seul juif des Losers, comme le confirmait le regard noir dont il avait gratifié son ami adoré Richie. Ce cher Richie qui parlait toujours trop, et trop fort. Et ne se démontait jamais, Trashmouth avait tout de même été le premier à avoir donné le coup d'envoi pour achever un clown tueur, ça ce n'était pas rien !

- Mais faut pas t'en faire, comme je t'avais dit c'est pas trop son truc les gars trop baraqués et intégralement épilés. Tu restes et restera toujours la référence de Bill en matière de gars super bandants !

Richie partait vraiment loin, très loin, quand il était si bien parti sur cette lancée. Sur visiblement un de ses sujets de prédilection, c'est à dire la relation amoureuse entre Bill et Stan qui l'amusait toujours beaucoup. Un des deux concernés du couple avait bien souvent l'impression de se retrouver face à un petit enfant trop curieux...

Par chance tous les deux étaient seuls dans cette boutique, ce n'était pas la foule à cette heure creuse en fin de matinée. Cependant, la caissière ou un client malintentionné pouvait les entendre, enfin entendre Richie ! Stanley détestait quand des détails de sa vie privée se retrouvaient ainsi étalés comme de la confiture très sucrée qu'il fallait toujours plus ajouter sur sa tartine et s'en repaître. Et il se doutait que le grand frère du défunt Georgie Denbrough pensait pareil, même si les bêtises débitées par Richie faisaient souvent bien rire Bill au grand dam de leur ami commun Stan.

Après lui avoir tapoté l'épaule avec une complicité que Stan avait du mal à comprendre, Richie s'avançait de quelques pas pour se saisir dudit magazine... L'ornithologue du groupe était à deux doigts de remettre le sien et quitter les lieux aussi vite. Avant la suite forcément tragique des événements puisque Richie Tozier en faisait partie en plus d'en être l'investigateur ! Mais trop tard, le comique en titre des Losers venait de l'épingler au sol en relevant certains articles censés fortement l'intéresser (sans blague). En particulier celui sur comment faire gagner à son pénis quelques précieux centimètres de manière naturelle, sans chirurgie ou traitement médicamenteux. À l'aide de quelques massages pouvaient s'apparenter à de la simple et agréable masturbation !

Avec une pointe de sérieux aussi insupportable que tombant à point nommé et toujours auréolé d'un radieux sourire faussement innocent, Richie encourageait son cher ami juif à répondre à cet article pour confirmer de la véracité de cette technique faisant à merveille ses preuves puisque c'était forcément grâce à tout ça qu'il avait réussi à retrouver les centimètres perdus suite à sa bar-mitzvah !

S'ils s'étaient trouvés seuls et ne se tenaient pas actuellement dans un lieu presque public, Stanley lui aurait expliqué une nouvelle fois que la circoncision qu'il avait eu étant bébé n'influait en rien sur le bon fonctionnement de son anatomie. Et s'il avait été aussi pervers que son ami, pour ne pas dire grossier, il aurait même ajouté que Bill ne semblait pas se plaindre à ce niveau, bien au contraire. D'ailleurs peut-être que Billy boy s'était confié à son meilleur ami Richie sur ce sujet, par exemple sur tous les avantage de sucer un gars circoncis et Richie songeait déjà au profil de son futur partenaire qui devrait donc l'être aussi pour pouvoir tester la chose à son tour !

Comme le faisaient certaines filles entres elles, commentant, devinant, notant les prouesses de leurs petits amis ou garçons idéals. Greta le faisait en tout cas. Et Stanley connaissait trop le chef spirituel des Losers, en tant qu'ami et plus, pour ne pas lui faire confiance sur le sujet. Jamais Bill Denbrough ne pourrait trahir sa confiance et sa vie privée. À la limite, peut-être que parfois il racontait à Richie certains petits détails mais sûrement rien de bien explicite...

Toujours armé de son magnifique sourire et après un petit clin d'œil complice, Trashmouth avait emporté le fameux magazine avec lui sous son bras. Le magazine à torturer le pauvre Stan depuis de trop longues minutes et la chose était loin d'être terminée, cette foutue revue n'en avait pas fini avec lui, loin de là...

Pétrifié, ne pouvant croire qu'il se sentait déjà des plus admiratif envers Richie qui allait oser se payer ce livre lourd de sens sur la sexualité de celui qui l'achetait et comptait donc en faire bon usage. Son propre magazine serré dans ses bras, les oiseaux décidément toujours là pour le rassurer et le protéger, Stan l'avait suivi discrètement... Afin d'avoir la confirmation devant ses yeux comme quoi son ami payait ce magazine comme s'il en avait pris un sur les oiseaux par exemple !

De toute façon la personne qui l'encaissait était la fille du gérant, son jugement serait forcément (normalement) moins dégoûté ou accusateur que celui d'un homme soi-disant normalement constitué censé être dégoûté par ces vicieuses abominations. La jeune femme s'était contentée de sourire, sûrement elle aussi admirative de ce jeune homme à oser afficher sans complexe ses préférences sexuelles considérées anormales pour les plupart des gens. En plus de montrer combien l'amant le plus notable et fougueux de Madame Kaspbrak était un très bon ami qu'aucun mortel méritait. Même Stan the man !

- C'est pour mon ami, là bas, il n'osait pas passer à la caisse avec ce magazine.

Cette fois, c'était un sourire attendri qu'affichait la caissière. Un sourire directement envoyé et adressé à Stan Uris puisque ce cher Richie avait jugé bon d'illustrer son propos et sa bonne action en désignant son ami homosexuel terriblement timide ! Également trop gêné et définitivement trop fier pour oser admettre, s'avouer, qu'il aurait bien aimé qu'au fond ce magazine soit pour lui. Pour y jeter un œil, juste par curiosité bien sûr. En le planquant dans son sac à dos pour pouvoir le faire entrer le plus discrètement possible (surtout illégalement !) chez lui ! Pour ensuite le cacher au fin fond de son placard...

Tout ça juste pour être sûr que Richie n'ai pas la mauvaise idée de l'exhiber un jour aussi maudit que celui ci, en brandissant avec une effusion d'émotions le premier magazine sur lequel Stan s'était branlé. Et comme par hasard, un truc gay !

Avec tout ça, suite à cette mésaventure et cet insupportable sourire affiché par Richie en sortant de la boutique avec ce foutu magazine, Stanley Uris n'avait même pas osé acheter son propre trouvaille sur les oiseaux. Tant pis il allait s'abonner à celui ci aussi, ce n'était ni un gros risque ni très étonnant. Et beaucoup moins gênant pour ne pas dire humiliant.