ers de Fire Emblem ne m'appartiennent pas. Ils ont été créés par Shouzou Kaga, et développés par Intelligent Systems.

Cette histoire est un Modern AU.

Il ne contient aucun Spoil.

Il s'agit ici d'une Fanfiction.

Zakuro Ruby Kagame
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Dernier Souffle

Les tic-tacs de la trotteuse de l'horloge résonnent dans la pièce et me martèlent le crâne. J'ai laissé tomber l'idée de les compter lorsque le temps nécessaire pour prononcer silencieusement le nombre dans ma tête a dépassé l'écart entre deux secondes, bien que je n'ai pas mieux à faire. J'attends dans cette petite pièce depuis bien trop longtemps et celle qui m'a faite venir ici sait que pour moi, ce temps est très précieux. Comme si j'en avais encore à perdre...

Mon regard balaye le bureau étonnamment rangé, il n'en a pas toujours été ainsi. La décoration est cependant restée la même. Depuis combien de temps je viens ici, cinq ans, six ? Je me perds sur l'horloge murale, ovale, banale, au moins autant que le reste de la pièce qui pousse à la promiscuité. Je regarde la montre à mon poignet, j'ai deux minutes et quarante-sept secondes d'avance, ou plutôt, c'est celle au mur qui a du retard. C'est un peu comme si je vivais dans l'avenir, non ? Plutôt paradoxal pour quelqu'un comme moi.

Observer la plante verte mourir sur le bureau m'a rapidement ennuyée et me voila à scruter une à une les quelques photos qui traînent, ridiculement exposées. Celle du gros chat roux n'était pas là, la dernière fois d'ailleurs, et je ne suis guère étonnée de ne voir la présence d'un quelconque homme dans l'un des cadres. Je n'en aurais probablement jamais l'occasion.

Lorsque la porte grince, je tourne très légèrement la tête et salue la femme qui vient d'entrer, la propriétaire du chat d'ailleurs. Celle-ci affiche un air grave - comme à chaque fois - et s'assoie silencieusement face à moi, derrière son petit bureau blanc. Pour une fois, ses yeux bistre ne sont ni rouges ni gonflés, et je me demande encore comment elle a fait pour devenir toubib. Sans sa blouse et son stéthoscope autour du cou, j'aurais encore des doutes aujourd'hui quant à ses qualités de médecin.

—Je suis désolée de t'avoir fait attendre, Byleth.

Je sais que je ne trouverai nul sourire sur son visage aujourd'hui, ni sur le mien. Ceux-ci sont morts depuis longtemps maintenant et j'en ai déjà fait le deuil.

—Venez-en aux faits, Manuela. Combien ?

La doc' soupire d'exaspération. Elle me connait particulièrement bien maintenant, après tout, c'est elle qui me suit depuis le tout début. Je n'avais que quinze ans, on peut dire qu'elle et moi avons une relation stable et durable de fait. Quoiqu'il en soit, la jeune adolescente qui espérait que tous les problèmes de la vie se résolvent en ouvrant un paquet de Dragibus a laissé sa place à une personne bien plus pragmatique, fataliste même, alors pourquoi tourner autour du pot ?

Je me gratte nerveusement la tête et une part de moi me trahit dans ce geste qui ne manque pas de voiler le regard du médecin. Manuela devrait être indifférente à ceci, c'est son métier après tout, mais j'imagine que lorsque l'on côtoie ses patients sur de longues périodes, ce genre de choses est difficile à prononcer. Et pourtant, ses lèvres s'ouvrent, et la sentence tombe.

Trois mois.

Cette fois-ci, je reste totalement indifférente, comme si mon corps s'était soudain rigidifié, charmante comparaison mais ceci-dit très réaliste quand on connait mon cas. La minute qui suit, chaque mot qu'elle prononce entre par une oreille mais ressort aussitôt par l'autre. La suivante, je commence de nouveau à intercepter les mots qui s'échappent de sa bouche et dont je connais le sens par-cœur.

—Byleth...

Je l'entends souffler, comme si elle était vraiment attristée de cette nouvelle qui pourtant, ne peut surprendre personne.

—Ca va, je réponds en me levant pour la couper avant qu'elle ne commence à me parler de stratégie thérapeutique.

Je regarde un instant la plante sur la table et comprends parfaitement - trop peut être - ce qu'elle est en train de vivre. Elle, comme moi, sommes en train de nous flétrir. Pour résumé la chose en trois mots : je vais mourir.

Je souffre de fibrose pulmonaire idiopathique, et comme son nom l'indique, il n'y a aucune raison à cela. Je n'ai jamais fumé, j'ai toujours eu un mode de vie plutôt sain, même lorsque j'étais enfant et pourtant, à quinze ans, et après une longue année d'examens et d'analyses, le diagnostic est tombé. Pour faire simple : mes poumons se rigidifient sans raison. Le collagène s'accumule dans mes alvéoles, ils s'épaississent. Mes derniers examens montrent des kystes importants. Mes poumons ressemblent grosso-modo à un bloc de gruyère : épais et parsemé de trous. C'est une maladie rare, vraiment très rare, évolutive et très agressive. La seule solution envisageable serait une greffe, mais là encore, mon typage HLA - ce qui définie les taux de compatibilité - est rare. Dans le genre pas de bol', on ne peut pas faire mieux.

—Tu es venue avec quelqu'un aujourd'hui ?

Manuela se lève et m'accorde un regard qui se veut réconfortant, emprunt de compassion. Je secoue très légèrement la tête de bas en haut pour lui indiquer que je ne suis pas seule. J'imagine que cela la rassure de savoir qu'au moins, je mourrai entourée. Pour moi, c'est encore pire.

—On se revoit le mois prochain, alors.

J'opine encore d'un petit mouvement bien que, je ne comprenne pas pourquoi je dois retourner la voir si comme elle le dit, je n'ai plus que trois mois à vivre. Je n'attends pas qu'un quelconque traitement voit le jour d'ici là, ni que l'on m'appelle pour une paire de poumons miracles et compatibles. Je sais que je vais mourir depuis que l'on m'a annoncé la maladie, j'ignorais cependant quand bien que ces derniers temps, mon corps murmurait la réponse que Manuela vient à l'instant de confirmer. Beaucoup pense que je suis dans le déni, mais ceux qui me connaissent savent que je suis seulement préparée.

C'est drôle - ou pas - mais le chemin du retour me semble bien plus court qu'à l'aller jusqu'à la salle d'attente ou l'on m'attend. Sûrement parce que je cherche comment annoncer la nouvelle sans faire trop de dégâts. Je n'ai jamais cachée être malade et tous mes amis étaient là lorsque mon état n'a cessé de se détériorer. Quoiqu'il en soit, être préparés ou non ne les aidera en rien à faire passer la pilule - celle-ci est plutôt grosse - et celle à qui il se sera plus difficile de l'annoncer est probablement aussi celle qui connait tous les détails de ma maladie plus que quiconque et qui se lève à l'instant pour m'interpeller.

—Tu as terminé ? elle demande aussitôt en me voyant.

—Oui, je réponds très simplement.

Elle ne me demande pas ce que Manuela et moi nous sommes échangées, elle sait parfaitement que je lui dirai tout prochainement. Une part de moi aimerait la prévenir dés maintenant mais mes pensées s'apesantent sur mes lèvres et ne veulent pas les franchir. Nous nous engouffrons dans l'ascenseur dés que celui-ci s'ouvre, il s'agit d'une clinique privée mais tout comme pour les hôpitaux, je n'aime pas m'y attarder et lorsque les portes se referment, j'ai l'impression que tout est différent.

Je me suis bien plus d'une fois attardée sur la couleur caractéristique des cheveux de mon amie mais ses longueurs albâtre semblent contraster bien plus encore que d'habitude dans ce quotidien terne. L'odeur qu'ils dégagent, sucrée mais légèrement acidulée, me parait aussi plus vive. Est-ce parce que l'on m'a annoncé que ma vie prendrait bientôt fin que je relève soudain ce genre de détails ? Je trouve l'idée particulièrement ridicule, mais lorsque la jeune femme qui m'accompagne se tourne vers moi et que ses iris parme m'interrogent, je me dis qu'il y a peut-être une part de vrai dans tout ça.

—Quelque chose ne va pas ? elle s'enquiert alors.

—Je vais mourir, Edelgard, je soupire une énième fois.

—Je sais, répond-elle de façon détachée.

Je n'arrive pas à lui dire que je sais quand je vais mourir, de façon plus ou moins précise. Manuela a d'ailleurs parlé de trois mois, mais cela pourrait être un peu plus dans le meilleur des cas, et un peu moins dans le pire. Je suis le genre de personne qui doit éviter d'attraper un simple rhume. J'ai du renoncé très tôt aux longues promenades en hiver et les seuls flocons que je vois m'apparaissent soit derrière une vitre soit lorsque je suis avec Edelgard.

—Où sont les autres ?

—Elles préféraient attendre dehors.

—Et elles t'ont laissée seule ?

—Je ne suis pas une enfant Byleth, ça ne me dérangeait pas d'attendre.

S'il y a bien quelque chose qu'Edelgard a du apprendre à mes côtés, c'est la patience, elle qui ne supporte pas rester à ne seulement rien faire. Et moi, ce que j'ai appris en étant aux siens, c'est que je la trouverai toujours près de moi, même si je désir la voir ailleurs. Car ailleurs serait certainement bien mieux qu'ici, surtout maintenant.

—Tu n'étais pas obligée, je tiens tout de même à lui rappeler.

Je le sais, elle le sait, et on ne dit rien. Entre nous, les choses ont toujours ou presque été ainsi et je me contente d'appuyer mon épaule contre la sienne et de frôler sa main du bout des doigts. A cet instant, je n'ai besoin de rien d'autre que de sentir ces quelques frissons caractéristiques parcourir ma peau et me rappeler que je respire encore.