Joyeux Anniversaire Starck !
Rose Lancastre, Rose York, Rose Tudor, Rose Tyrell…
La voilà piégée dans une pièce, seule avec le roi d'Angleterre. Ce géant roux, imposant, bedonnant, l'accule contre un mur au fil de la conversation, et Margaery Tyrell, malgré tout son savoir faire, se retrouve sans ressources lorsqu'il lui déclare à brûle-pourpoint, totalement inapte à l'empathie pour voir son dégoût :
-Margaery, je vous désire plus que tout au monde…
-Ce n'est pas moi que vous désirez, Votre Majesté, c'est mon image. Je suis le pâle reflet de ma cousine, c'est elle que votre coeur désire vraiment.
Il lui attrape la main et la serre dans les deux siennes, et sa petite main blanche ressemble à un petit oiseau emprisonné dans une cage.
-J'ai aimé et rêvé de votre cousine pendant huit ans avant de la prendre pour reine, mais maintenant, je suis sûr que le destin m'a poussé à cela pour que je vous rencontre, vous, Margaery.
Il se penche pour l'embrasser, mais Margaery, par réflexe, le gifle.
Le géant roux est furieux, il respire fort, les ailes de son nez frémissent, il est devenu tout rouge, ses deux poings sont serrés, près à s'abattre comme des enclumes.
La Rose se tasse sur elle-même, yeux baissés, sa position est maintenant totale soumission et crainte. Elle espère que ça suffira. Elle se morigène. Fut un temps où elle était plus futée que ça… mais ça n'a pas suffit non plus...
Le roi n'a jamais ni frappé une femme, ni pris une femme contre sa volonté, il ne va pas commencer maintenant malgré son orgeuil blessé. Mais engoncé dans sa vanité, il lui lance :
-Si Anne ne me donne pas de fils, vous deviendrez ma reine et ma femme légitime, et vous me donnerez des fils ! J'en fais le serment : je vous ferai changer d'avis.
Puis il quitte la pièce à grands pas, le parquet de chêne tremble derrière lui, tout comme la jeune femme qu'il délaisse… pour un temps.
Le soir, Margaery est auprès de la reine. Anne Boleyn est fatiguée par sa grossesse, elle veut se déshabiller, se faire coiffer pour la nuit et se coucher, mais Margaery lui demande un instant seule avec elle.
Anne soupire puis fait sortir ses dames de compagnie qui avaient commencé à brosser ses longs cheveux noirs.
-Qui a-t-il ? demande-t-elle d'un air las, alanguie dans un petit fauteuil foncé.
-Henry a essayé de m'embrasser, aujourd'hui…
-Quoi ?!
La reine bondit de son fauteuil comme si elle n'était pas enceinte de huit mois.
-Je l'ai giflé…
Margaery se contente de baisser la tête. Anne va et vient dans la pièce, une main sur la bouche, l'autre posée sur son ventre rond, furieuse et mécontente. Son esprit travaille, mais Margaery voit bien qu'elle n'a pas toute sa logique. Finalement la reine d'Angleterre se plante devant elle.
-Pourquoi l'avoir repoussé ? demande-t-elle finalement. Je ne peux pas le satisfaire dans mon état, autant que ce soit quelqu'un en qui j'ai confiance qui le fasse…
-Parce que je ne l'aime pas !
-Evidemment que vous ne l'aimez pas ! Ce goujat ! Qui vous demande de l'aimer ?
-Vous !
-Je vous demande simplement de coucher avec lui !
-Mais je ne le désire pas, je…
Les deux femmes se font face, le reflet l'une de l'autre, l'une délaissée, l'autre désirée, toutes les deux désirables ; en colère, le coeur déchiré, se sentant trahies…
-Vous ? la relance la reine, une moue adorable et ses grands yeux bleus fixant la jeune Tyrell.
-Je vous désire, vous.
Et Margaery n'attend pas de réponse, elle dépose un baiser brûlant sur les lèvres d'Anne, passe les mains dans ses cheveux défaits… elles se fixent de nouveau dans les yeux, le visage à quelques centimètres l'une de l'autre, leur souffle court balayant leurs lèvres… et Anne fait le second pas. Elle dévore la Tyrell comme une bête fauve déchaînée, la plaque contre une commode et se penche au-dessus de son ventre pour mieux s'en délecter. Margaery n'est pas en reste et répond avec désir et passion. Anne fait glisser la manche de Margaery et se met à embrasser son épaule dénudée… Les deux femmes se sentent libres, Margaery rit, Anne s'enivre de son rire, puis brusquement, tout s'arrête.
Anne s'est sauvée à l'autre bout de la pièce et se prend la tête entre les mains.
-Que m'avez-vous fait ?! Par quelle sorcellerie… Il ne faut pas, il ne faut pas…
Margaery se rhabille. Elle a l'habitude, elle : elle était libre, à Haut-Jardin. Mais peut-être qu'Anne ne connait rien à l'amour entre femmes…
A vrai dire, Anne avait fait quelques expériences à la cour de France et des Pays-Bas. Mais elle était si jeune, à peine une adolescente… Maintenant elle est supposée aimer Henry VIII, être sa reine, lui donner des enfants, des garçons, des héritiers mâles. Tout ce temps passé à le séduire puis à le garder amoureux sans se donner à lui, à manipuler, à jouer au jeu dangereux de la politique, tout ce qu'elle a acquis à force de maîtrise de soi et d'intelligence retorse… il ne faut pas que ce soit gâché par une amourette avec cette fille sortie de nulle part qui lui ressemble comme une jumelle. Mais est-ce un hasard ? Elle ressent pour cette femme des sentiments si forts qu'ils la perforent, et en même temps, c'est comme si elle se retrouvait seule avec elle-même…
Pourquoi est-elle apparue un jour dans ses appartement vêtue d'une robe sobre, en panique, incapable de parler pendant des jours ? Et quand elle avait commencé à parler, c'était pour parler de feu, et réclamer son frère…
Leur ressemblance était si frappante qu'Anne ne pouvait pas la faire simplement disparaître. Quand elle fut remise, elle l'avait présenté comme sa cousine et nouvelle dame de compagnie. Son nom et son prénom n'étaient pas connus, de même que sa Maison. Margaery avait agit parfaitement jusqu'à présent. Avec Henry, elle était courtoise et affable mais gardait de la distance. Henry, ce grand dadais n'avait vu qu'une version améliorée d'Anne et en était tombé fou amoureux.
Margaery se dirige vers la reine et la prend dans ses bras, la berce…
-Il m'a dit une chose épouvantable…
-Quoi, encore ?
-Que si vous ne lui donniez pas de fils, il me convaincrait et me prendrait pour épouse pour que je lui en donne. Je pense que vous êtes moins en sécurité que vous ne le pensez, Anne.
Anne Boleyn tremble entre ses bras, les yeux dans le vide. Margaery a bien une idée en tête…
-Puis-je vous suggérez un moyen, Votre Majesté ?
-Faites.
-Il faudrait absolument lui assurer la naissance d'un fils…
-Et par quelle sorcellerie comptez-vous faire cela ?
-Pas par sorcellerie : par ruse. Pour survivre.
Margaery lui chuchote quelques phrases à l'oreille, Anne s'arrête de trembler, et s'effondre, sans connaissance.
-LA REINE ! crie Margaery en l'empêchant de heurter le sol trop violemment.
Les dames de compagnie accourent. Le lendemain matin, Henry est dans ses appartements. Anne Boleyn le rassure, le bébé va bien. Ce sera un garçon. Le roi d'Angleterre est soulagé, baise la main de sa reine. En partant, il frôle Margaery et lui lance un regard brûlant et lourd de sens qu'elle ne lui rend pas. Mais Anne voit tout et serre les poings de colère dans son lit trop grand pour elle seule. Elle sait ce qu'elle doit faire.
Il fallait à Anne un homme de confiance. Thomas Wyatt était encore follement amoureux d'elle, et il avait la confiance du roi… Il fut parfait.
Trouver un bébé roux nouveau-né proche du terme d'Anne fut chose assez aisée à Londres. Convaincre les parents de le vendre, un peu moins… Le faire entrer discrètement dans le Palais de Palencia, une toute autre affaire. L'échanger contre la fille tout juste née d'Anne sans que presque personne ne le remarque, un miracle.
Anne pleure quand Margaery lui enleva sa fille, et prend sans forces le nourrisson mâle dans ses bras, badigeonné de son sang et des restes de son placenta.
Henry ne tarde pas. Il était transporté de joie. Enfin un héritier mâle pour le trône ! Sa descendance est assurée ! Il aime sa femme plus que quiconque au monde à ce moment là. Les feux d'artifice illumine la nuit londonienne et il y a une fête extraordinaire pendant sept jours.
Mais la reine est malade. Tout le monde pense que c'est la maladie du bébé. Mais Margaery et Thomas Wyatt savent…
Un jour, le roi est auprès de son fils, gonflé de fierté. Margaery s'occupe du bébé depuis sa naissance. Le roi flirte encore avec elle, mais il se montre moins pressant : il va voir ailleurs en attendant que sa reine se remette de sa mélancolie qui le glace et le repousse.
-Votre Majesté…
-Oui Margaery ?
-Etiez-vous seul, durant votre enfance ?
-J'avais mes deux sœurs auprès de moi, nous avons été élevés par ma mère.
-Etiez-vous heureux de leur compagnie ?
-Si fait ! Nous nous amusions beaucoup.
-Puis-je faire une suggestion ?
-Faites, douce Margaery, faites…
-Pourquoi ne prendrions-nous pas deux petites filles, ou une petite fille et un petit garçon, pour tenir compagnie au jeune Prince Edouard ? Qu'il puisse connaitre cette joie lui aussi.
Le roi d'Angleterre caressa longtemps sa barbe rousse, pensif.
-Je suppose que ce serait une bonne chose. J'attends d'Anne d'autres héritiers, mais je suppose que nous pouvons faire cela en attendant.
Ainsi, même si elle doit se montrer extrêmement prudente, Anne Boleyn retrouve sa fille et reprend goût à la vie.
Elle se doit de reprendre le roi dans son lit au bout de plusieurs mois. C'est son devoir de reine : concevoir des petits princes et des petites princesses d'Angleterre. Mais depuis que Margaery lui a déclaré ses sentiments, elle n'a plus envie de lui. Elle le supporte, mais sans passion. Lui l'aime pour être la mère de son héritier.
Anne Boleyn et Margaery Tyrell cèdent à leur passion : leur amour éclot dans la pénombre, comme une rose des ténèbres. Elles se voient en cachette, volent des petits moments coquins dans les jardins, s'embrassent devant les enfants quand il n'y a personne. Anne en tant que reine demande à sa dame de compagnie de réchauffer son lit les nuits froides… Personne ne se doute de rien, d'autant qu'elles sont aussi affables l'une que l'autre avec Henry VIII, qui se sent comme un coq entouré de ces deux belles cousines presque jumelles, l'une aux cheveux couleur corbeau, l'autre aux cheveux couleur d'automne. Il ne lui manquerait plus que Margaery devienne sa maîtresse pour qu'il soit comblé… du moins le pense-t-il.
Un jour qu'elles sont seules dans une pièce des appartements de la reine avec les enfants, Margaery prend la main d'Anne. Celle-ci lui sourit, et la baise tendrement. Mais son sourire se fâne devant l'air sérieux de Margaery.
-Votre Majesté… Partons.
-Comment ça, partir ?
Anne rit, elle caresse la main de Margaery.
-Loin d'ici, loin d'Angleterre, loin d'Henry. Prenons Elizabeth et partons.
Anne devient soudain froide et lointaine.
-Vous savez que je suis La reine, ici. Que pouvez-vous m'offrir de mieux ailleurs ?
-La liberté. Croyez-moi, Anne, j'ai été La reine, un jour moi aussi, et je l'ai regretté ; j'ai péri dans les flammes… Il y aura toujours des complots contre vous, des maîtresses pour vous remplacer, des partisans pour vous dénigrer, et vous n'avez qu'un seul héritier pour le moment… Voulez-vous rester la poule pondeuse d'Henry toute votre vie ?
Anne la gifle. Furieuse, elle se lève et sonne ses autres dames de compagnies.
-Sachez Madame que j'ai aussi une influence politique.
-Seulement tant que vous aurez l'oreille d'Henry…
-Vous pouvez disposer. Je ne veux plus de vous dans mes appartements. Ni à Hampton Court.
Anne l'exile à la campagne. Margaery part la tête basse. Elle est blessée, mais elle comprend Anne. Elle aussi dévorée d'ambition s'était accrochée au pouvoir, avait gravi des montagnes et fait des choses contre sa nature pour arriver tout en haut de l'échelle.
Une semaine passe. Puis deux. Anne Boleyn ne rappelle toujours pas Margaery près d'elle et la jeune femme désespère. Sa présence lui manque plus que l'air qu'elle respire pourrait lui manquer. Elle passe ses journées dans le désoeuvrement le plus total et n'a envie de faire aucun effort.
Un soir un messager vient : elle doit l'accompagner à Londres dans la nuit. Margaery fait son petit paquetage et le suit, méfiante tout de même : cela pourrait être une ruse d'Henry pour tenter de la séduire. Elle arrive à Londres, et on l'a fait monter dans une calèche. Quelle surprise y découvre-t-elle ! Anne Boleyn et Elizabeth, serrée contre son giron. Elle ne peut s'empêcher de l'embrasser passionnément, et Anne lui rend son baiser avec la même fougue.
-J'ai réfléchi à ce que tu m'as dit, lui donne pour tout explication Anne alors que la calèche s'éloigne de la ville.
-Où allons-nous ? demande Margaery, même si la destination lui importe peu tant qu'elle est réunie avec son amour.
-En France. Après tout, François 1er est un vieil ami.
-Oh. Quel genre d'ami ?
Anne éclate de rire.
-Ne sois pas jalouse, pas ce genre d'ami là !
Plus le voyage avance, et plus Anne est joyeuse. Quand elles quittent Calais pour entrer en territoire français, Margaery la voit littéralement revivre.
Finalement, François 1er les reçoit cordialement. Il n'a jamais supporté Henry VIII et accepte d'aider Anne. Mais pour ne pas risquer une guerre ouverte avec l'Angleterre, il ne peut pas l'inviter à rester à la cour, à Amboise. Cependant, il lui dit de choisir une région n'importe où en France, et il lui offre un petit domaine.
Anne s'est découverte enceinte peu de temps après être arrivée en France, et elle a accouché d'un petit garçon aux cheveux aussi noirs que ceux de sa grande soeur sont roux. L'héritier du trône d'Angleterre est ici, bien caché, avec elles. Il s'appelle Loras. Le roi d'Angleterre a fait déclarer Anne morte peu de temps après sa fuite et s'est marié avec Jane Seymour qui lui a donné un autre fils, pense-t-il. Elles sont en sécurité.
Margaery et Anne vivent simplement mais dans le confort, sous le soleil français, dans ce pays de cœur qu'Anne aime tant. Jamais elles n'auraient pensé que le bonheur soit si simple. Mais après toutes les épreuves qu'elles ont traversées, la famille qu'elles forment aujourd'hui est la chose la plus importante qu'il soit à leurs yeux. Peu importe quelle magie et quelle destinée les a réunies. Elles s'aiment et sont ensemble, c'est tout ce qui compte.
Fin.
