Bonjour tout le monde, merci de vous être arrêté pour lire cette histoire.
J'ai beaucoup aimé The Falcon and the Winter Soldier. Ce petit OS a été inspiré après avoir vu le dernier épisode, donc attention aux SPOILERS. L'histoire est centrée autour de Bucky et Yori.
Disclaimer : The Falcon and the Winter Soldier ne m'appartient pas.
Closure
Il y avait une boîte posée sur le paillasson sale, devant sa porte d'appartement. Bucky se figea dans le couloir, les yeux rivés sur l'apparition inattendue, immédiatement suspicieux avant d'être curieux. La boîte n'avait rien d'extraordinaire : en carton, d'aspect glacé, d'une couleur grenat et fermée au moyen d'un élégant ruban blanc frisotté. Une carte couleur d'ivoire y était suspendue.
La première pensée qui traversa l'esprit de Bucky fut celle d'un piège. Qui pouvait lui envoyer un paquet ? Il n'y avait que Sam et sa famille qui pourraient figurer sur sa liste (très) restreinte d'amis, et il n'était revenu de Delacroix que depuis deux jours. Il pensa au Wakandiens avant de rejeter l'hypothèse. Le fiasco avec Zemo était encore trop récent pour qu'il reçoive un appel amical, encore moins un cadeau. Quelle autre option restait-il que celle d'un piège, ou au moins une mauvaise blague.
Ses clés serrées dans sa main de chair, le centenaire s'approcha lentement de son propre palier avant de s'accroupir devant la boîte. Ses doigts de métal frôlèrent la surface cartonnée, puis se saisirent de la carte. « Izzy ». Le restaurant japonais de son quartier, tenu par des coréens. Bucky n'y avait plus mis un pied depuis des semaines. Son cœur se serra douloureusement dans sa poitrine, et l'espace d'un instant, il se sentit complètement perdu. Il avait envie d'ignorer le paquet, de rentrer chez lui, d'allumer la télé et de ne penser à rien. Il avait envie de jeter la boîte pour l'oublier. Il…
Il prit la boîte avec précaution, soupesa son contenu. Trop léger pour contenir une bombe ou une arme. Il aurait peut-être préféré ce cas de figure. Ses mains tremblaient. Il dût s'y reprendre à deux fois pour insérer sa clé dans la serrure. Des larmes lui montèrent aussitôt aux yeux, suivies d'un sanglot qu'il ravala avec difficulté.
Son appartement était silencieux, vide mais familier. Il regarda le poster d'il ne savait plus quel dessin animé que Cass et AJ lui avaient donné pour orner ses murs. Il l'avait accroché dans son salon. Il le regarda longtemps, sentant sa trachée se comprimer, sentant le vide l'aspirer comme un trou noir.
Finalement, il passa devant sa télé sans l'allumer, posa la boîte sur l'îlot de sa cuisine et se percha sur un des tabourets. Il cligna des yeux. Les larmes sautèrent littéralement de ses paupières, atterrirent sur la boîte. Il renifla silencieusement. Il se sentait seul et effrayé. Il regarda par la fenêtre, fixa le ciel blanc, couvert d'une épaisse couche de nuages.
Même le Soldat de l'Hiver avait toujours aimé regarder le ciel, de jour comme de nuit, découvert comme couvert. Le Soldat aimait admirer les étoiles ou le soleil couchant. Il aimait regarder les nuages défiler au-dessus de sa tête alors qu'il attendait derrière son viseur, observer les oiseaux voler au loin vers des horizons vers lesquels il fixait souvent son regard en rêvant d'une fin qu'il ne verrait jamais. Ses supérieurs n'avaient jamais apprécié cette manie qui était la sienne, mais aucune de leurs sessions correctives n'étaient parvenues à effacer ce « dysfonctionnement », comme ils les appelaient.
Aussi Bucky passa de longues, longues minutes à fixer le ciel en rêvant de s'échapper, parce qu'il le pouvait, parce que personne n'était là pour l'en empêcher, et parce que… parce que…
La pression qui grimpait depuis le moment où il avait posé les yeux sur la boîte trônant sur son paillasson creva sans prévenir, mais en silence. Il exhala profondément, précipitamment, et sentit les larmes tomber en rigole silencieuse. Sa poitrine se dégonfla comme un ballon. Il posa son front contre la surface froide et dure de l'îlot et se concentra sur ce point de contact qui l'ancrait ici et maintenant. Il se laissa bercer par sa propre respiration, par les battements réguliers de son cœur, par le ronronnement tranquille de son bras en métal.
Au bout d'un moment – quelques secondes ? Quelques minutes ? – il se redressa lentement, et avant de se laisser le temps de douter à nouveau, il défit le ruban blanc de la boîte en carton. Les rabats s'ouvrirent, dévoilant cinq mochis aux haricots rouges, à l'aspect poudré, posés sur un rectangle noir, à côté d'une enveloppe.
Bucky chassa les dernières larmes de ses yeux de sa main gauche et attrapa délicatement l'enveloppe de la droite. Rien n'y était inscrit, mais elle contenait un papier soigneusement plié qui était recouvert de l'écriture familière de Yori.
D'abord, il n'osa pas lire les mots et préféra observer les lettres déliées du vieil homme qui était devenu son ami avant de redevenir une victime. Bucky voulait juste croire, l'espace de quelques instants, qu'il pourrait recoller quelque chose d'impossible à réparer avec Yori. Mais il savait qu'il ne pourrait pas réparer ses actes. Le Soldat avait tué car il avait été un assassin. Bucky n'avait jamais eu le choix, pourtant c'était bien sur ses mains que se trouvait le sang de toutes ces victimes, accumulées au fil des décennies.
Yori était un père qui avait perdu son fils. Bucky ne pourrait jamais lui ramener son enfant, pas plus qu'il ne pourrait apaiser la douleur et le vide du cœur du vieil homme. Presque contre sa volonté, les yeux de Bucky se focalisèrent sur les six lignes inscrites sur le bout de papier déplié.
« Ce n'est pas une question de pardon. C'est une question d'achèvement. Maintenant que je sais comment est mort mon enfant, je peux avancer. Je ne l'oublierai jamais, et je l'aime de tout mon cœur.
Bonne chance, James. »
Bucky relâcha un souffle fragile, alourdi par les sanglots qui voulaient exploser, briser le silence. Il ferma les yeux et laissa couler ses larmes.
Il ignorait s'il pleurait pour Yori ou pour son fils qu'il avait assassiné.
Il ignorait s'il pleurait pour lui-même, pour le Soldat qui n'avait jamais hésité à exécuter ses cibles.
Les mochis étaient soyeux et moelleux sous ses doigts. Il les mangea lentement, laissa le parfum sucré et familier de la pâte de haricots rouges tapisser sa langue. Il savait que les mochis se dégustaient avec du thé chaud, du thé vert et amer. Yori lui avait appris ça. Il n'avait que de l'eau minérale en bouteille dans son frigo.
Il pensa à la terreur du jeune homme devant lui, du jeune homme qui savait qu'il allait mourir mais qui ne pouvait s'empêcher d'implorer, d'espérer. Ses suppliques avaient glissé sur le Soldat comme l'eau sur les plumes d'un canard, parce que le Soldat ne connaissait pas la pitié, parce que le Soldat remplissait toujours ses missions, et parce que le Soldat savait ce qui l'attendait si jamais il échouait.
Lui non plus n'oublierait jamais le fils de Yori. Il n'oublierait jamais que son sang entacherait toujours ses mains.
« Bonne chance, James. »
Mais il voulait avancer, et Yori venait de lui dire de faire le premier pas.
Bucky comptait bien l'écouter.
Fin
Voilà, j'espère que vous avez aimé cet OS autant que j'ai aimé l'écrire. En tout cas, merci de l'avoir lu !
