Mute
Résumé : Il s'en est passé des choses en dix ans, au Centre comme dans la vie de Miss Parker. Celle-ci y travaille toujours, mais un détail a changé toute la donne, et elle se retrouve à présent éjectée du projet Caméléon. Seulement les questions restent indubitablement les mêmes : Où est Jarod ? Qu'est-ce que le Centre fabrique ? Comment Parker va-t-elle réussir à reprendre le projet en main et comment s'est-elle retrouvée dans cette situation si précaire ?
Voilà une suite et fin de ma série favorite proposée par mes soins comme je l'ai toujours imaginé et voulu. Un cadeau pour les fans de la première heure, et puis une petite envie de ma part de relancer le fandom. Je crois en vous, et en l'existence d'encore des fans de The Pretender ! Nous qui avions un site de fanfictions francophone si fourni (InTheMoonlight pour les connaisseurs), je n'ai qu'une envie c'est celle de repeupler ce site de fanfics ! Alors, à vos claviers, à vos reviews, n'hésitez pas à me MP, et on va tenter de refaire vivre cette série merveilleuse ! Et j'attend vos avis avec impatience ! Pour mes lecteurs habituels de Harry Potter et Once Upon A Time, pitié, allez mater cette série, elle est formidable et embarquez dans l'aventure avec moi x) Gros Bisous à tous
Seule à son bureau, Mademoiselle Parker observait le paysage de Blue Cove. Il faisait beau, pour un mois d'octobre. Le ciel était bleu, et d'ici, elle entendait les vagues déferler sur la plage en contrebas.
Une bande de nettoyeurs faisaient leur running hebdomadaire, tandis que deux informaticiens mangeaient leurs sandwichs sur un banc, pause de midi oblige.
Miss Parker entendit la porte s'ouvrir, mais ne daigna pas se retourner.
« Bonjour Mademoiselle Parker, émit une voix timide. »
Une fois encore, la chasseresse, si on pouvait appeler ça ainsi, resta muette. Broots lui apporta une boite comportant sans doute une salade quelconque. Elle la mangerait, ou pas. En fait, elle ne l'ingurgitait qu'une fois sur dix, mais cela n'empêchait jamais l'informaticien de venir chaque jour, chaque midi, lui apporter de la nourriture.
Et même si elle ne parlait pas, il continuait de la saluer chaleureusement à son arrivée. Aujourd'hui, comme quelques jours de temps à autre, il prit le temps de s'asseoir et de raconter sa journée.
Untel de la compta avec un œil de verre qui avait aperçu Lyle sortir de sa tanière, une autre à la jambe amputée qui traitait d'un dossier « passionnant » ou encore un énième ami balafré de quelque part qui avait fait une énorme bourde, il abordait tous les sujets possibles et inimaginables pour alimenter cette conversation à sens unique. Et Miss Parker avait toujours, soit son regard planté sur l'horizon, soit dans le vide.
Dix ans maintenant.
Dix ans que la Miss n'avait plus prononcé un mot.
Sydney était mort entre temps, d'un cancer fulgurant. Et elle n'avait pas été plus bavarde à son enterrement. Elle semblait morte de l'intérieur, et peut-être l'était-elle.
Toutes les menaces à son encontre semblaient lui être passé par-dessus la tête. Bien sûr, sa vie avait été menacée (quand ne l'était-elle pas au juste ?), par Raines essentiellement, et Lyle. Mais même ces deux-là avaient jeté l'éponge. A quoi cela servait d'achever une personne déjà morte de l'intérieur ?
Quand bien même, cette morte-là avait toujours une langue. Alors, le Centre lui avait trouvé un espace quelque part, dans un coin perdu où elle ne faisait rien d'autre que de rédiger des dossiers et en corriger d'autres.
Lorsque son travail n'était pas fait, personne ne la rappelait à l'ordre. Et lorsqu'il était exécuté avec brio, personne non plus ne la félicitait. Car Miss Parker était devenu le fantôme du Centre, errant chaque jour dans ces couloirs où Jadis elle en fut presque reine.
Au fur et à mesure du temps, plus personne n'avait prêté attention à elle. Au départ bien entendu, une myriade de psychiatres avait tenté de la faire sortir de son mutisme. Lyle avait même effectué des expériences sur elle, sans qu'elle ne bronche ni ne tremble d'un iota. Elle avait été interné aussi, dans des tas d'endroits différents. Les gens autour d'elle avaient été compréhensifs, présents, absents, menaçants, cruels, sadiques, mais cela n'avaient jamais provoqué quoique ce soit chez elle. Rien.
Alors ne restait-il plus que Broots.
Ce cher ami continuait de l'être, bien qu'elle ait été si infecte avec lui par le passé. Il lui ramenait sa nourriture le midi, faisait quelques courses de temps en temps, avait employé à ses frais une femme de ménage pour sa maison dont elle ne s'occupait plus vraiment et il envoyait Debbie lui faire la lecture une fois par semaine. Quand elle ne pouvait pas lui rendre visite, il le faisait lui-même. Quelques soirs, il passait et lui mettait la télévision et tous les matins, Miss Parker retrouvait ses médicaments préparés avec soin sur sa table de cuisine. Alors elle les prenait.
La seule chose dont il ne s'occupait pas étaient ses vêtements, étrangement. Ce minuscule détail demeurait intact dans sa vie : le choix de sa penderie. Pour le reste, soins médicaux comme factures, Broots était en charge de tout.
Sans lui, la Miss serait sans doute morte de faim ou d'une autre négligence quelconque.
Elle ne lui avait rien demandé pourtant. L'informaticien avait juste décidé de la maintenir ainsi de son propre chef. Mais qui l'aurait fait à sa place ? Sydney décédé, Mr Parker sans doute également, la Miss était seule.
Broots avait pris cette décision le jour où il l'avait retrouvé brulante de fièvre dans son lit, alors qu'elle ne s'était pas rendu à son bureau un matin. Elle n'avait pas appelé de médecin. Comment aurait-elle pu le faire puisqu'elle ne parlait pas ?
Il avait vite compris que la Miss n'était plus capable de se prendre en charge toute seule.
Quelques rumeurs couraient sur elle d'ailleurs. Quelques-uns disaient que Raines lui avait coupé les cordes vocales, d'autres qu'on lui aurait lavé le cerveau. Broots lui, savait que ce n'était rien de tout ça. Il n'en connaissait pas les raisons « réelles », personne ne savait. Mais pour une fois, le Centre n'en était pas responsable. Enfin, sans doute pas complètement.
Au bout d'une dizaine de minutes, Broots l'observa d'un air triste. Elle avait détaché ses yeux azurs du bleu de la mer en contrebas pour les fixer sur la porte de son bureau. Il ne savait même pas si ce qu'il lui racontait servait à quelque chose, si ce qu'il faisait servait à quelque chose.
Il s'arrêta ainsi en plein milieu de sa phrase d'un air morose.
« Tout cela n'a aucune importance de toute façon. Je vais vous laisser. »
Il observa de nouveau son visage impassible avant de sentir l'émotion l'étreindre. Si elle avait toutes ses capacités, elle l'aurait envoyé sur les roses. Alors il s'y envoya lui-même, ponctuant son départ par un « le fabuleux crétin que je suis retourne au charbon » en un sourire nostalgique.
Alors, le bureau vide de la Miss se retrouva de nouveau dans un silence pesant. Miss Parker jeta un regard sur l'heure, puis sur son repas. Elle décida d'en prendre quelques bouchée, plus par respect d'autre chose, même si Broots s'appliquait toujours à lui faire des repas de saison délicieux. La question n'était pas le goût, mais bien l'envie.
Raines avait mis sa tête à prix pour le retour de Jarod, et il avait en quelque sorte eut gain de cause, même s'il n'en était pas l'investigateur. Quelle ironie.
« Jarod… »
Elle chuchotait parfois son prénom. Mais seulement lorsqu'elle était seule. Même Broots ne l'avait jamais entendu le prononcer une seule fois depuis toutes ces années. A l'abri des regards, la Miss sortit ses yeux clairs de sa fixation perdue afin d'observer les alentours avec suspicion. Mais cela ne servait à rien, elle était devenue si « inoffensive » qu'il n'y avait aucune caméra ici, pas plus que de micros.
Mais il y avait une bouche d'aération, et Angelo, bien qu'ayant pris de l'âge, continuait de l'observer de là-haut, presque comme un ange gardien. Un ange démuni.
Le regard de l'homme se fixa sur le poste d'ordinateur de Miss Parker. Le fichier textuel ouvert disparu au profil d'une série de caméras. La Miss les enchaina en boucle, sans que les images ne montrent rien d'autres que des couloirs vides, des pièces où se déroulaient des expériences quelconques, des bureaux… mais rien de ce qu'elle recherchait. Il entendit un reniflement, puis le retour des touches de son clavier qui tapaient des phrases en rafales.
« Jarod, prononça l'empathe avant de s'éloigner de son point de vue. »
En dix ans, l'homme n'avait pas laissé tomber ses paquets de Cracker's Jack qui jonchaient les tuyaux d'aération. Une odeur de sucre s'échappait même de quelques pièces vides à cause de cela, mais elle ne dérangeait personne. Avant, le personnel nettoyait tout cela régulièrement, mais maintenant que le budget s'était de plus en plus serré, le peu de femmes et hommes de ménage restants n'avaient plus le temps pour ça. Alors, Angelo marcha sur au moins une trentaine de ses paquets avant d'arriver jusqu'à un espace caché, uniquement accessible par lui seul et rempli de dossiers.
« Jarod, retrouver Jarod, répéta-t-il. »
Les années passées dans ces canalisations avaient mis à mal son dos qui se courbaient de plus en plus au fil des ans, un peu comme s'il était plus proche des 80 ans que des 50. Angelo se mit tout de même à fouiller avec frénésie ce qui était à sa disposition, mais jeta les papiers d'un air rageur.
La technologie avait évolué, et avec cela la disparition presque complète de tout rapport papier. Cela avait rendu ses recherches extrêmement difficiles d'ailleurs, même si cela lui avait laissé entrevoir de l'espoir avec l'abandon de l'incinérateur servant à détruire les rapports.
Avec l'informatique, il y avait toujours de l'espoir que tout ne disparaisse pas entièrement, et d'ailleurs, le Centre le savait puisque les dossiers les plus « compromettants » étaient les seuls à avoir gardé leur forme physique.
En tout cas, cela faisait des mois, des années même qu'Angelo observait la Miss de temps à autre, accablé lui-même par le chagrin. Cependant, cet après-midi, c'était la première fois qu'il la voyait avec un regard différent. Un regard empli d'une étincelle extrêmement maigre, mais bel et bien présente.
Il ne fallait pas laisser passer ça.
Alors, Angelo prit le chemin inverse et se précipita avec tant de vitesse vers le bureau de l'ancienne chasseresse que la tuyauterie trembla et, au lieu d'atterrir devant, il s'effondra de tout son long sur la sortie grillagée. Angelo tomba tête la première dans le bureau de Miss Parker qui sursauta d'effroi, première réaction « naturelle » chez elle depuis bien longtemps.
« Angelo ! »
Sa voix était si faible, et cassée. Elle ne la reconnu par elle-même et son cœur tambourina dans sa poitrine à la seule entente de son timbre, à cette vibration qui parcourut son thorax, au seul son de ce prénom qu'elle venait de tenter de crier. Cela ressemblait presque au miaulement d'un chaton blessé.
L'homme quant à lui, était sonné, un peu désorienté comme à son habitude, mais il se releva vite. Cela faisait une éternité qu'elle n'avait pas vu l'ancien Timmy, et la Miss sentit son cœur se fendre lorsqu'il s'avança vers elle courbé comme un vieillard tandis que son visage, lui, reflétait son âge véritable.
« Mademoiselle Parker, prononça-t-il. Jarod. »
La Miss émit un soupir angoissé, juste à l'entente de ce prénom. Plus personne ne parlait de Jarod.
« Jarod est mort, dit-elle d'une voix si faible qu'elle-même l'entendit à peine. »
C'était ses dernières paroles avant qu'elle ne devienne muette il y avait déjà plus de dix ans. « Mort » avait-elle répété durant plusieurs jours.
« Matthew. »
Matthew ? La Miss ne comprenait pas. Encore une des énigmes d'Angelo. Elle n'avait plus la force de les déchiffrer, plus aujourd'hui. Alors, Parker soupira avant que son regard ne se porte de nouveau dans le vide, mais Angelo l'en empêcha et se mit à la secouer, ce qui la ramena un peu à la réalité.
« Matthew connait tous les secrets. »
Parker soupira, de dépit cette fois. Elle avait entendu cette phrase au moins un milliard de fois. Et les secrets ? Elle n'en avait plus rien à faire. Angelo le sentit, et la secoua de nouveau.
Cette fois, il commençait à l'agacer !
Personne ne la touchait ici, seul Broots en avait le « droit ». Elle se sentait alors prête à presque lui lancer son poing dans la figure, mais l'ancien Caméléon dut le sentir car il s'éloigna d'elle tout aussi rapidement, mais sans que sa panique ne se tarisse.
« La clé de Jarod. »
Le jeune garçon qu'elle avait connu autrefois lui accorda un dernier regard se voulant convainquant avant de retourner dans son conduit avec une agilité plutôt remarquable malgré son état physique. La Miss le regarda faire, avec indifférence avant de fixer du regard la bouche d'aération cassée. Elle le fit durant une trentaine de secondes puis retourna à son « travail », morne.
