Bonjour tout le monde !

Bienvenue sur ce One-shot tout droit sorti de mon esprit tortueux. Et comme d'habitude, je change encore de fandom pour renouer avec mon premier amour dans le domaine des romans : Harry Potter.

Pour ceux ou celles qui auraient ou ont eu la curiosité de faire un tour sur mes autres histoires, pas d'inquiétude ! Malgré les délais de publication effroyables (pas taper), je ne compte pas abandonner ma fic longue (aka Vox Mortem), qui va d'ailleurs être complètement retravaillée et étoffée. Mais comme mon fichu cerveau a une sale propension à la distraction, la prochaine mise à jour risque de mettre encore un bon moment à arriver. La preuve, je viens de pondre un OS que je n'imaginais pas pondre un jour. La magie de l'écriture...

Et donc, d'où sort ce texte ? D'une combinaison de plusieurs facteurs. Prenez mes activités de bêta-lectrice centrées sur la correction d'une fic HP, ajoutez-y une chanson latino obsédante que j'ai un peu trop écoutée, mixez avec ma préférence pour l'époque des Maraudeurs et les frères Black (bon, il n'y en aura qu'un seul des deux ici) et mon envie de renouer avec l'écriture, et vous obtenez ceci.

Pour les curieux(ses), la chanson mentionnée plus haut s'intitule Baila conmigo, de Rauw Alejandro et Selena Gomez.

Je remercie tout particulièrement Sakka-sensei pour avoir corrigé ce One-shot et m'avoir apporté ses précieux conseils.

Allez, je ne vous embête pas plus avec mon blabla. Bonne lecture !

Disclaimer : L'univers d'Harry Potter appartient à J.K. Rowling, qui doit franchement avoir peur parfois de ce que nos cerveaux peuvent inventer. Seules Diana et Amy m'appartiennent. Quant à l'image choisie pour la couverture, il s'agit d'une image libre de droits.


Trois minutes trente

Sirius porta son verre de punch à ses lèvres et en absorba une gorgée, savourant la douceur fruitée sur sa langue et la brûlure de l'alcool dans sa gorge. Il ignorait quel type de liqueur avait été utilisée dans la confection de ce breuvage, mais le mélange s'avérait fort réussi. De toute évidence, les Américains possédaient autant de talent pour réaliser leurs cocktails que pour organiser les soirées.

La fête d'anniversaire d'Amy Cauldwell battait son plein, au rythme du dernier tube occupant le top des ventes en Amérique et des flashs de couleurs vives en provenance des spots ensorcelés disséminés à travers le jardin de la villa de la famille Cauldwell, en Floride. Élèves de Poudlard et anciennes connaissances d'Ilvermorny se mouvaient sur les dalles de pierre reconverties pour l'occasion en piste de danse improvisée. Certains avaient même saisi le prétexte de la chaleur ambiante de cette nuit d'été pour s'octroyer un plongeon dans la piscine, en maillot de bain ou tout habillés pour les plus farfelus d'entre eux. Le garçon soupçonnait l'alcool coulant à flots d'être à l'origine de ces comportements surprenants. Des tables avaient été dressées contre la façade du manoir pour accueillir d'innombrables victuailles salées ou sucrées, sorcières ou moldues, et bon nombre d'adolescents s'y pressaient en quête de leur casse-croûte de la soirée.

Appuyé contre une colonne avec sa nonchalance habituelle, Sirius laissa ses iris gris s'égarer à travers cette bruyante assemblée, à la recherche de visages connus. Le premier d'entre eux qu'il identifia fut celui de leur hôtesse, Amy. Du haut de ses dix-sept ans tout juste atteints, elle possédait une aura solaire qu'accentuait sa chevelure blonde bouclée, ce blond doré tant envié de bien des femmes. Elle portait ce soir-là une courte robe noire ourlée de broderies dorées qui flattait ses courbes féminines et rehaussait la pâleur de son teint sans défaut. Ses lèvres parées de rouge dévoilaient ses petites dents blanches dans un sourire et ses prunelles couleur prairie pétillaient d'allégresse. Comme à l'accoutumée, ses mains fines voletaient en tous sens au gré de sa conversation animée avec Lily Evans, sa camarade de Gryffondor, ravissante dans son haut vert et sa jupe en jean.

Si le jeune Black en croyait ses habitudes,James rôdait forcément dans les parages de sa dulcinée. Il le repéra en effet quelques mètres plus loin, occupé à piocher de temps à autre parmi les petits-fours pour justifier sa proximité d'avec les deux filles et dévisager Evans avec son air énamouré habituel. En son for intérieur, Sirius secoua la tête, blasé. Que Merlin le garde d'afficher un jour sur son propre visage une telle expression d'amoureux transi ! Son orgueil bafoué ne s'en remettrait probablement jamais.

Cependant, James n'était pas le seul à dévorer des yeux une représentante de la gent féminine. À côté de Cornedrue, Remus s'attelait à se servir un verre tout en jetant des œillades à la dérobée à la jeune Américaine blonde. Sirius haussa un sourcil intrigué. À plusieurs reprises durant l'année écoulée, il avait suspecté son ami de développer un béguin prononcé pour la jeune femme. Force était de constater que son intuition se confirmait.

Il grimaça. Quelle plaie que les sentiments ! Des chaînes dont il se passait volontiers. James s'amusait souvent à le qualifier d'électron libre, trop épris de son indépendance pour lier durablement sa vie avec un membre du sexe opposé. Et il fallait admettre que, pour le moment, la description demeurait fidèle à la réalité. Au cours de sa scolarité, Sirius avait restreint ses fréquentations féminines à une ou deux demoiselles, pour une courte durée, et aucune autre n'avait semblé éveiller son intérêt depuis de longs mois. Et quand James le chambrait à propos d'une éventuelle troisième, il se contentait d'éclater de son rire si semblable à un aboiement, avant d'éluder le sujet au moyen d'une adroite plaisanterie.

Au cours de son inspection minutieuse de la foule, l'aîné des Black ne s'étonna guère de ne pas croiser leur quatrième comparse. D'aussi loin qu'il se souvînt, Peter n'était que peu friand de bains de foule et autres distractions adolescentes bruyantes. Il haussa les épaules avec fatalisme. Sans doute le retrouveraient-ils en train de dormir dans un coin au terme de la soirée, épuisé après avoir englouti son lot de nourriture.

Alors qu'il hésitait à rejoindre les deux autres Maraudeurs, avec l'intention de rajouter un peu d'animation à la fête, son balayage visuel s'arrêta net.

Là, au cœur d'un espace libre légèrement en retrait des adolescents agglutinés sur la piste improvisée, Diana Thurber dansait.

Dès leur première rencontre désastreuse sur le chemin de traverse, avant même son arrivée à Poudlard et sa décevante répartition dans la maison rivale, Sirius avait détesté cette fille. Là où sa meilleure amie Amy respirait la jovialité et la gentillesse, Thurber s'était rapidement illustrée comme une parfaite Serpentard bourrée de ruse et dotée d'une repartie insolente couplée à un sadisme exacerbé. Bien que considérée avec méfiance par ses propres compatriotes, en raison de son imprévisibilité et de son sang trop impur, elle ne se laissait pas intimider et forçait leur respect à coup de sortilèges vicieux. Durant l'année écoulée, lui et les autres Maraudeurs en avaient plusieurs fois fait les frais, après avoir déclenché les hostilités par le biais d'une blague à laquelle elle s'était empressée de répliquer. Si, depuis les récents événements, ils semblaient se tolérer davantage, Sirius savait pertinemment que la moindre étincelle suffirait à remettre le feu aux poudres et à rompre ainsi cet étrange statu quo.

Toutefois, ce soir-là, il ne reconnaissait pas la Serpentard. Habitée par la musique, elle tournoyait au gré des accords dans un abandon total, avec une grâce sauvage étrangement envoûtante. La lumière verte d'un spot glissa sur son corps mince et en redessina les contours dans la pénombre. Un flash blanc accrocha ensuite l'éclat métallique de la boucle de sa ceinture, telle une petite étoile au cœur de la pénombre ambiante. Les pans de sa tunique bleu roi au tissu vaporeux virevoltaient à chacune de ses pirouettes autour de sa silhouette un brin androgyne. Il crut entendre par-dessus la musique le claquement sec des talons de ses bottes texanes à l'occasion d'un petit saut, parcourut des yeux sans s'en apercevoir ses longues jambes fines moulées par un legging noir. Des bracelets dorés entouraient ses poignets, suffisamment larges pour couler le long de ses bras au moindre geste. À l'occasion d'un nouveau tour, ses cheveux à la teinte acajou, coupés au carré, fouettèrent l'air avant d'épouser les contours de son visage délicat.

Sirius ne pouvait détacher son regard d'elle, hypnotisé par sa gestuelle harmonieuse. Incapable de cesser de la contempler. Incapable de bouger. Son cœur pulsait contre ses côtes comme s'il cherchait à s'en extirper, à rejoindre la danseuse solitaire pour se mêler à sa chorégraphie inventée. Une lumière orangée éclaira alors sa figure. Ses lèvres brillantes, sans doute enduites de gloss pour l'occasion, s'ouvraient sur un sourire lumineux bien éloigné de son rictus sadique habituel. Ses iris sombres irradiaient de joie, hurlaient leur liberté. Car c'était précisément cette sensation qui exsudait par tous les pores de sa peau au hâle doré : la liberté. Et il ne pouvait que la dévisager, cette fille solitaire et insaisissable. Cet oiseau volant librement sur le courant ascendant des notes, loin de toute préoccupation et de toute attache.

Cependant, l'oiseau en question était soumis à la convoitise d'un individu désireux de lui couper les ailes. Un étudiant, probablement un peu éméché, entra dans son espace personnel, et sans se soucier de sa danse, lui attrapa le bras pour attirer son attention. Alors que les prunelles crépusculaires de la Serpentard s'emplissaient d'une lueur courroucée aussi familière que de mauvais augure, Sirius s'arracha enfin à sa léthargie. Il vida son gobelet d'un trait puis le jeta dans un coin avant de s'avancer vers sa camarade de classe qui se dégagea sèchement de la poigne de l'autre, soudain sur la défensive.

Lorsqu'il arriva à mi-chemin, leurs éclats de voix lui parvinrent à travers le vacarme tonitruant des exclamations et de la musique.

— Allez ma belle, danse avec moi ! Je suis sûr que ça va te plaire.

— Sans façon. En quelle langue je dois te le dire pour que ça rentre dans le pois-chiche qui te sert de cerveau ?

Le Gryffondor masqua son sourire naissant en une grimace, partagé entre le déplaisir de goûter à nouveau à la verve de la jeune fille et le soulagement de constater que celle-ci conservait ses réactions habituelles, à mille lieues de la fascinante danseuse qu'elle incarnait plus tôt. S'il savait mesurer son degré d'agacement à ses intonations et à l'acidité de sa repartie, l'autre semblait trop ivre ou déterminé à se l'approprier pour saisir l'avertissement.

— Allez, fais pas ta coincée…

Contre toute attente, la mine hargneuse de Thurber se mua lentement en un petit sourire imprégné d'un sadisme inquiétant. Ses yeux survolèrent l'épaule de son harceleur pour se fixer sur la piscine tandis que sa main se faufilait sous sa tunique fendue au niveau de sa cuisse et en extirpa partiellement sa baguette.

— Je crois que tu as besoin de refroidir un peu tes ardeurs, mon poulet…, chantonna-t-elle d'un ton doucereux.

Avant que Sirius n'eût le temps de combler la distance entre eux, l'importun effectua un splendide vol plané par-dessus la foule d'étudiants et atterrit tout droit dans la piscine avec un bruit d'éclaboussure retentissant. Quelques adolescents relevèrent la tête, abasourdis, tandis que d'autres s'esclaffaient franchement devant les déboires de l'adolescent éconduit. Néanmoins, la plupart ignorèrent l'esclandre, ou s'en désintéressèrent rapidement pour ceux d'entre eux qui connaissaient le caractère explosif et les démonstrations de force de Thurber.

Le Gryffondor, quant à lui, secoua la tête d'un air blasé.

— Joli lancer, commenta-t-il néanmoins lorsqu'il parvint à sa hauteur, élevant la voix pour couvrir les accords de rock et la pulsation sourde des basses.

Encore alerte, la jeune fille fit volte-face, baguette brandie devant elle. Elle le dévisagea un instant, entre stupéfaction et méfiance, puis sembla décider qu'il ne représentait pas une menace suffisamment sérieuse pour prendre la peine de conserver sa baguette en main. D'ordinaire, Sirius se serait senti offusqué d'être ainsi sous-estimé, mais une lueur étrange au fond de ses prunelles coupa net les protestations de son ego outragé. Au-delà de l'étincelle moqueuse coutumière, il discernait encore l'exaltation née de la danse et l'indomptable sauvagerie, bien trop captivantes à son goût. Ces facettes inconnues chez la jeune fille, si éloignées de son comportement habituel, le contrariaient sans qu'il ne pût expliquer pourquoi. Toutefois, cette impression dérangeante s'évapora dès qu'elle ouvrit la bouche.

— Ah tiens, Black… Tu viens savourer le spectacle ? Parce que si tu avais dans l'idée de jouer les preux chevaliers, c'est trop tard.

Sirius grinça des dents. Bien qu'éveillant davantage d'intérêt que d'ordinaire, Thurber restait Thurber : la langue trop pendue pour son propre bien et une propension certaine à frapper juste. Ses propos semblaient receler une part de vérité qui l'agaçait. Aussi préféra-t-il se retrancher dans le déni.

— Ne prends pas tes désirs pour la réalité, Thurber. Tu n'auras jamais rien d'une demoiselle en détresse.

— Encore heureux ! Et si au passage, tu en ressors frustré de ne pas pouvoir étaler ton légendaire courage de Gryffondor prêt à défendre la veuve et l'orphelin, c'est encore mieux pour moi.

— Vu que tu n'entres dans aucune de ces deux catégories, aucune chance pour que ça arrive.

Diana Thurber se tut un instant, à court de répliques cinglantes et l'air pincé de celle qui avait échoué à avoir le dernier mot. Sirius, lui, appréciait pleinement leur joute verbale, cet échange de politesses rassurant et familier, loin de l'ensorcelante vision qu'il avait contemplée auparavant. Toutefois, tout à ses pensées lénifiantes, il commit la regrettable erreur de sous-estimer son adversaire obstinée. Le sourire narquois, jusqu'à présent envolé, fendait à nouveau le visage de la jeune fille. Celle-ci pencha légèrement la tête sur le côté, le regard scrutateur comme si elle tentait d'élucider un passionnant mystère, de lire toutes ses pensées inavouées et inavouables enfouies au plus profond de son esprit.

— Si je ne te connaissais pas, Black, je penserais que tu es venu pour t'interposer, par pure jalousie.

Sirius haussa les sourcils, désarçonné. Qu'avait-elle bien cru déceler en lui pour énoncer des suppositions aussi erronées ? Certes, peut-être demeurait-il au fond de ses iris gris un vestige de la fascination précédemment éprouvée, qu'il attribuait volontiers à l'alcool ingurgité. Mais de là à en concevoir une telle interprétation…

À l'étincelle joueuse dans ses prunelles crépusculaires, il devina alors qu'elle se riait de lui grâce à ses élucubrations, une fois de plus. Son orgueil, piqué au vif, le perdit. Si Thurber désirait s'amuser, il lui offrirait un adversaire à la hauteur de ses exigences. D'un geste désinvolte, il passa une main dans ses mèches noires, un sourire en coin sur les lèvres.

— Mais comme tu me connais, tu sais déjà que je ne suis là que parce que je m'ennuyais. Et que ta tendance à attirer les ennuis est distrayante, souffla-t-il, un brin moqueur.

Connaissant la fierté de la Serpentard, sa provocation ne manquerait pas d'atteindre sa cible. Comme attendu, un léger frémissement crispa ses épaules, mais elle ne se laissa pas déstabiliser pour autant. Son ton devint glacial.

— Eh bien, la distraction est terminée, Black. Tu peux aller en chercher une autre ailleurs.

— Non, pas tout de suite. Puisque je suis là, autant danser, non ?

Cette fois, le masque goguenard de la jeune fille se fracassa littéralement au profit d'une franche stupeur. Troublé par sa propre proposition ─ par Merlin, mais d'où lui était venue une idée aussi saugrenue ─ mais ravi de l'effet obtenu, Sirius lui assena le coup de grâce.

— À moins que tu aies peur de ne pas réussir à tenir la cadence ?

Le garçon savait qu'il s'engageait sur une pente dangereuse en poursuivant dans cette voie insolite, mais son côté Gryffondor répugnait à se dédire. Par ailleurs, une part de lui espérait voir Thurber décliner l'offre, en bonne Serpentard trop lâche pour se vautrer dans une situation potentiellement embarrassante, ou trop pétrie de préjugés arriérés pour côtoyer plus que le strict nécessaire un membre de la maison rivale. L'autre part, en revanche, ne s'étonna pas le moins du monde de la lueur de défi qui naquit dans les iris indigo face à lui. Comme pour conforter la résolution naissante de l'adolescente, un nouveau morceau de rock sorcier débuta, diablement entraînant. Et scella ainsi leur perdition.

— Très bien, Black. Montre-moi ce que tu sais faire.

La démarche féline, elle vint se placer à sa droite. Les yeux brillants de satisfaction, Sirius laissa le rythme effréné s'emparer de son corps et commença à bouger. Dans un état second, il observa du coin de l'œil la gestuelle de Thurber, calquée sur la sienne en un parfait miroir. Mais bien vite, emportés par la musique, cela ne leur suffit plus.

En proie à un subit élan, il tendit le bras et s'empara de la main de sa partenaire. À sa grande surprise, ses doigts fins, rendus moites par la chaleur ambiante, se refermèrent sur les siens tandis qu'elle pivotait d'un pas agile pour lui faire face. Leurs regards se croisèrent à nouveau. Gris métallique contre bleu indigo. Défi et assurance. Ancrés l'un à l'autre comme s'ils voulaient fusionner et ne plus jamais se scinder. Brillant de la même sauvagerie exaltée, d'un magnétisme similaire, d'une identique et indomptable liberté.

Il commença par reculer de deux pas en entraînant la jeune fille avec lui, agréablement surpris par sa promptitude à le suivre. Le sourire aux lèvres, elle entrelaça leurs doigts le temps de quelques notes, puis lâcha l'une de ses mains pour amorcer une pirouette d'une parfaite exécution. Ses cheveux volèrent autour de son visage, caressèrent ses joues rougies et voilèrent un instant ses yeux pétillants. L'instant d'après, Sirius la libéra de son dernier étau, le temps pour eux de balancer les bras à l'unisson. Leurs épaules se frôlèrent, il rattrapa sa main et emprisonna sa taille au creux de son coude. Toute méfiance entre eux semblait s'être envolée au gré des accords, muée en une confiance nouvelle, étrangère, et pourtant naturelle au son de la musique.

Ils abandonnaient leur haine et leurs idées préconçues, s'abandonnaient, dans un mépris total du regard des autres et de leurs opinions étriquées. Diana éclata d'un rire frais auquel il joignit le sien. Et Sirius lâcha complètement prise.

Le reste de la danse se fondit dans ce tourbillon confus d'émotions et d'impressions qui habite les danseurs. Seules quelques sensations particulières s'en démarquèrent pour Sirius. Plus tard, il se souviendrait encore de son admiration envers l'adresse avec laquelle la Serpentard enchaînait les pas croisés sans jamais ralentir ni trébucher. De leurs doigts qui s'enserraient puis se déliaient. De la douce fragrance d'amande qui émanait de sa chevelure acajou alors qu'elle tournait sous son impulsion. Du soyeux toucher du tissu de sa blouse comme il l'incitait à se rapprocher d'un effleurement sur sa hanche. Puis, tandis que les dernières notes du morceau s'évaporaient dans l'air, il tressaillit involontairement sous la pression à la fois ferme et délicate de sa main sur son épaule.

Frappé par la réalité, par son bras enroulé au creux du dos de la jeune fille dont il percevait avec trop d'acuité la finesse de la silhouette.

Et pourtant encore égaré dans les prunelles crépusculaires de Diana Thurber, éclairées par la flamme de ses émotions sans fard. Leur promiscuité s'avérait telle qu'il sentait la caresse de son souffle pantelant sur son visage et distinguait la courbe envoûtante de ses lèvres entrouvertes…

Par réflexe, il la lâcha et s'écarta tandis qu'elle reculait de quelques pas, l'air hagard. Pourtant, ce fut elle qui émergea en premier de la léthargie de la danse.

— Pas mal, Black, admit-elle. Ton sens du rythme t'honore, même s'il ne suffit pas à compenser ton caractère orgueilleux.

Cette pique gratuite, si fidèle à la Serpentard qu'il côtoyait d'ordinaire, eut le mérité de l'arracher à son hébétude.

— Tu ne crois quand même pas que je t'aurais lancé ce défi s'il y avait eu le moindre risque de satisfaire tes envies de dérision ? rétorqua Sirius.

Un ricanement ténu échappa à la jeune fille.

— Non, en effet.

Avant que le silence entre eux n'eût le temps d'adopter les teintes de l'embarras, une voix familière s'éleva au-dessus du vacarme de la musique :

— Sirius !

Jetant un coup d'œil par-dessus son épaule, l'interpellé avisa James qui se frayait un passage à travers la masse mouvante des corps resserrés. Une moue de déplaisir sur le visage devant l'importun, Thurber se détourna et commença à s'éloigner, non sans lancer à l'intention du Gryffondor :

— Fréquenter un seul Maraudeur suffit pour ce soir. À la prochaine danse, Black ! Si tu ne te dégonfles pas avant.

— Aucun risque…

En dépit de son ultime bravade, Sirius n'en menait pas large. Les yeux rivés sur le dos de sa partenaire de danse, il se morigéna intérieurement. Comme lors de l'affrontement qui avait marqué la fin de leur sixième année, le masque de l'incorrigible peste était tombé, dissous dans le feu de l'action. Il avait alors entrevu l'intelligence et l'audace, les rires contenus et l'insouciance réprimée sous l'armure de la perfide Serpentard. La femme derrière la vipère. Et cette découverte l'avait précipité dans un abîme de bouleversement. Ses propres préjugés avaient éclaté et gisaient, vaincus, sur l'autel de son aveuglement.

Tout à sa prise de conscience, il réagit à peine lorsque James le rejoignit. À mesure que ses réflexions cheminaient sur ce périlleux sentier, un troublant constat vit le jour. Diana Thurber avait réussi à lui remuer les entrailles durant cette soirée hors du temps. L'odeur de ses cheveux, la souplesse et la chaleur de son corps sous son bras semblaient gravées dans son esprit, inscrites au fer rouge telle une brûlure qui lui submergeait encore les sens.

Il jura.

Il la détestait autant qu'elle le haïssait. Mais elle l'attirait. Et il la maudissait pour cela.

Sirius était cependant loin de se douter que, à quelques mètres de là, à l'ombre protectrice d'un arbre, l'objet de ses malédictions marmonnait un chapelet d'imprécations après avoir abouti aux mêmes conclusions en ce qui la concernait.


Et voilà ! J'espère que cet OS vous a plu. Si vous le souhaitez, n'hésitez pas à partager avec moi vos impressions à la lecture, je ne mords pas (enfin pas souvent). J'accepte volontiers les retours positifs comme négatifs, du moment qu'ils sont constructifs.

Pour les lecteurs qui se le demanderaient, le titre de l'OS correspond à la durée moyenne d'une chanson.

Sur ce, je vais aller coucher mes dernières idées sur papier.

À très bientôt !