Amélie's miracle - Amelie rennt

Comme souvent, lorsqu'un film m'a marqué, des images, des scènes tournent en boucle dans ma tête jusqu'à ce que je les en fasse sortir en écrivant : cette fois, c'est le magnifique film "Amelie rennt"(titre original) ou « Amelie's miracle" (titre français) que je vous conseille évidemment de regarder (et si possible en vostfr, beaucoup mieux que la version française : www. youtube watch ?v=BJ3qgktyVFg - recoller les espaces) avant de lire cette fic qui en est la suite directe .

De nombreuses petites touches de romantisme discrètement mais savamment distillées au fil du film (bravo au réalisateur et à toute l'équipe du film au passage !) – un frôlement de main, des regards, des soupirs, une relation qui balance imperceptiblement entre amour et amitié, sans qu'on n'ait jamais une réponse claire, entre une Amélie explosive et un Bart touchant qui la tempère... Voici comment mon petit cœur indécrottablement romantique va faire pencher la balance du côté de l'amour et va faire se rapprocher Bart et Amélie… pour le meilleur ! Bonne lecture !

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Il semblait à Amélie qu'elle avait envoyé suffisamment de signes explicites : sa main qui avait délibérément frôlé celle de Bart lors de leur nuit d'escapade dans les montagnes, mais qu'il avait aussitôt fuie dans un sursaut (de dégoût ? de timidité ?), ses regards appuyés vers lui, qui l'avaient gêné et fait détourné la tête, et sa prétendue sensation de froid une fois arrivés au sommet, où il ne l'avait pas prise contre lui pour la réchauffer comme elle l'attendait, mais où c'était elle qui avait fini par poser sa tête contre son épaule…

Et pourtant, il n'avait guère montré davantage qu'il pouvait éprouver des sentiments amoureux pour elle, et leur relation était restée strictement amicale, au grand désespoir d'Amélie. Seule sa main qui avait pris la sienne durant leur retour en hélicoptère à la fin de leur escapade dans la montagne pouvait lui apporter un infime espoir. Car depuis qu'elle avait gravi cette montagne en sa compagnie, contre toute attente, elle avait appris à le connaitre et elle était tombée complètement sous son charme. Il faut dire qu'il avait fait preuve beaucoup de qualités : de la gentillesse avec le temps qu'il lui avait accordé, le fait indéniable qu'il lui ai sauvé sa vie de la noyade et de la foudre dans la montagne, et qu'il l'ait porté sur son dos pour lui permettre d'atteindre le sommet. Chaque pas qu'il avait fait les avaient rapprochés à la fois de la montagne et tous les deux , dans une relation singulière qui pouvait sembler pour un observateur extérieur un mélange d'amour et d 'amitié.

Au tout début pourtant, si on lui avait prédit qu'elle tomberait amoureuse de ce garçon, elle se serait certainement esclaffé, en prenant ça pour une blague : un grand gars maigre en chemise à carreaux, salopette et bottes kakis, aux cheveux roux et bouclés en bataille, qui parlait aux vaches, et qui l'avait insultée et provoquée… Enfin, il fallait le reconnaitre, elle aussi l'avait insulté, et pas qu'un peu… Mais il avait ri, et son rire était le plus doux rire qu'elle avait jamais entendu ; il avait souri, et son sourire était le sourire le plus lumineux plus qu'elle ait jamais vu… Et un sentiment d'amour tout nouveau était venu la submerger au fur et à mesure qu'elle avait gravi la montagne avec lui , contre toute attente… Mais voudrait-il d'une gamine comme elle, colérique et insupportable, comme petite amie ? Et puis, il y avait la différence d'âge… Elle venait d'avoir treize ans, il en avait presque seize. Pourtant, elle aurait franchi des montagnes pour qu'il lui sourit toujours rien qu'à elle. Hélas, elle avait promis d'emmener Stephi au sommet avec elle avant la fin du séjour, et si Amélie avait une qualité, c'était de toujours tenir ses engagements… Et arrivée au sommet, Stephi s'était assise entre eux, sans se soucier de les déranger, pour ce qui devait être leur dernière balade avant son retour à Berlin. Elle partait déjà, le lendemain…

Avant de partir, allait-elle arriver à exprimer à Bart ce qu'elle ressentait ? Le brasier qui enflammait son ventre chaque fois qu'elle le regardait ? Les accélérations incontrôlables de son cœur ? Son souffle coupé comme si l'une de ses crises d'asthme allait débuter ? Elle mourait d'envie de se blottir dans ses bras, qu'il la serre contre lui, qu'il lui donne son premier baiser… Ces fantasmes l'obsédaient et tournaient dans sa tête chaque soir dans son lit avant que le sommeil ne l'emporte, dans sa chambre austère du centre de soin…

- Alors, c'est demain, le grand départ ? demanda Bart soudain, la tirant de ses pensées, tandis qu'ils redescendaient tous les trois vers la vallée.

- Oui, nos valises doivent être descendues des chambres à neuf heures, pour qu'ils puissent nettoyer les chambres avant l'arrivée des prochains pensionnaires en début d'après-midi, coupa Stephi avant qu'Amélie eut le temps de placer un mot. Mes parents viennent me rechercher en voiture, et nous avons presque huit heures de route avant de rentrer à la maison, mais je crois qu'Amélie en a moins que moi, car j'habite plus haut, presque vers la mer Baltique. D'ailleurs, en été, nous passons toutes nos vacances dans cette région, dans un appartement super qu'on loue au bord de la plage car le médecin a dit à ma mère que l'air marin est très bon pour mon asthme…

Amélie leva les yeux au ciel en essayant de supporter pendant quelques heures encore le babillage verbal incessant de sa bruyante voisine de chambre… Tournant les yeux vers Bart, elle le vit échangea un regard à la fois amusé et rempli de compassion devant le visage résigné qu'il avait surpris sur Amélie…

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Lorsqu'ils arrivèrent dans la vallée, elle laissa Stephi regagner le centre, et suivit Bart qui devait s'occuper de son troupeau, comme à l'accoutumée. Il alluma l'ordinateur, fit entrer les vaches qui attendaient sagement la traite devant les portes du hangar situé au bord du parc verdoyant– Amélie se demandait toujours comment elles connaissaient l'heure exacte sans se tromper – elles devaient avoir une horloge dans la tête - avait-elle un jour demandé à Bart, qui avait rigolé sans lui répondre pour autant.

Une fois les vaches placées dans leurs stalles, il nettoya soigneusement les trayons de la première, nommée Lisa, puis plaça habilement les trayeuses sur les pis, caressant d'une paume rassurante de sa main le flanc de l'imposant mais placide ruminant et lui parlant doucement pendant que la traite commençait. Amélie sentit soudain une bouffée d'amertume l'envahir : combien elle aurait donné pour être à la place de Lisa à cet instant ! Mon dieu, voilà qu'elle était jalouse d'une vache ! Elle se gifla intérieurement et secoua la tête pour essayer de chasser cette idée.

- Ca va, Mourache ?

- Oui, oui !

- Tu veux essayer ?

- Moi ?! Je ne sais pas si je saurais…

- Mais si, c'est facile, tiens, essaies avec Rosie : d'abord, tu nettoies les trayons avec le produit désinfectant…

- Comme ça ?

- Oui, c'est parfait ! Maintenant, tu prends la trayeuse, tu places les gobelets sur les pis…

- Ça lui fait pas mal ?

- Non, ne t'inquiète pas, c'est si tu la traies pas qu'elle aura mal… C'est la cata si tu oublies de faire une traite, elle peut avoir très mal et risquer des mammites…

- Ok, c'est bon comme ça ?

- Oui, c'est parfait, tu te débrouilles bien, je pourrais t'embaucher ! rit Bart.

- ça me plairait bien !

- Tu reviens quand tu veux…

Ça y était, le sujet de son départ imminent était enfin abordé. Peut-être qu'Amélie pourrait enfin réussir à lui avouer, à lui faire comprendre…

- Mon séjour coûte cher, mes parents ne peuvent pas me faire revenir avant l'été prochain…

- Seulement ? ça fait long dis donc… Tu pourrais peut-être revenir en hiver ? c'est sympa aussi, la montagne en hiver : la neige, le froid, le vent…

- Ça donne pas vraiment envie, ça…

- Non, en vrai, il faut venir au moment de Noël, le village est décoré, c'est magnifique ! Et il y a un super grand marché de Noël avec des ventes d'artisanat local, ça vaut le coup, je te promets, avec des balades en luge tirés par des chevaux et pour manger, du délicieux vin chaud et des tartes flambées…

- Mmmh, ça, ça donne envie ! Mais je crois pas qu'ils pourront me payer plusieurs séjours dans l'année. J'ai entendu ma mère dire que ces finances étaient justes à cause de ce séjour. D'ailleurs, je ne suis même pas sûre que le centre soit ouvert l'hiver.

- Non, bien sûr, l'hiver, il est fermé pour les malades, il ouvre juste pour des colos à la neige, mais tu pourrais venir à la maison, je te laisserai ma chambre et je dormirai avec mon frère… Je suis sûr que ma mère dirait oui.

- Heu, je sais pas… hésita Amélie, soudain intimidée à l'idée de partager sa vie intime avec celle de Bart, même pour quelques jours.

- Réfléchis, tu seras la bienvenue…

- En attendant, même si je viens cet hiver, ça va me paraitre drôlement long sans toi, j'ai pas envie de rentrer à Berlin, je déteste la ville, et les gens sont cons… Surtout ceux de mon âge… Tu vas me manquer…

- Toi aussi tu vas me manquer, Mourache… dit Bart en lui frottant énergiquement le dessus de la tête.

Mais en même temps qu'elle sentait ses lèvres trembler et son sourire la quitter, Amélie ne put retenir ses larmes qui roulèrent soudainement sur ses joues. Elle eut honte de se conduire comme une gamine mais c'était plus fort qu'elle, elle ne pouvait pas s'empêcher de pleurer. Elle baissa la tête.

- Eh, Mourache, qu'est-ce qu'il y a ?

- J'veux pas partir … sanglota-t-elle

Bart s'abaissa pour mettre les yeux à son niveau et la forcer à le regarder.

- Eh ! Tu reviendras ! C'est pas comme si tu t'en allais pour toujours…

- Je veux pas te quitter ! Et si tu m'oubliais… Ou quand je reviens, imagine tu ne veux plus trainer avec moi…

Les sanglots d'Amélie redoublèrent, mais elle sentit la main de Bart se glisser -enfin- derrière sa nuque, et rapprocher sa tête contre lui. Son visage vint s'écraser contre son pull bordeaux…

- Je pourrai pas t'oublier, Amélie, chuchota Bart à son oreille, on a sauté par-dessus le feu ensemble, tu te souviens ? ça lie les gens pour toujours ça !

Amélie sourit à travers ses larmes, c'était la première fois qu'il l'appelait par son prénom…

- Et puis on peut s'écrire, se téléphoner…

Amélie releva la tête et son visage s'éclaira à travers ses larmes :

- C'est vrai, tu veux bien ?

- Bien sûr, tous les jours même, si tu veux ! J'aime pas trop écrire, mais pour toi je ferai un effort…

- Tu jures ?

- Juré ! Allez on la finit cette traite ? Bertha attend !

- Ok ! Amélie essuya ses larmes d'un revers de manche et ils continuèrent la traite.

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Bart avait promis de venir lui dire au revoir, vers dix heures, quand sa mère arriverait. Son père avait trop de travail pour refaire le voyage une nouvelle fois. Sa mère était déjà là et avait déjà chargé ses affaires dans la voiture quand il arriva enfin.

Amélie fit un signe à Bart pour qu'il parle à sa mère de la possibilité qu'elle revienne au moment des fêtes de Noël. Elle s'était préparé à un refus catégorique, mais curieusement, sa mère ne fut pas catégoriquement opposée. Amélie ignorait que le médecin du centre avait émis un bilan très positif de l'évolution de l'état de santé d'Amélie et avait suggéré qu'elle fasse le plus souvent possible des séjours à la montagne, même de courte durée, loin de l'atmosphère polluée de la ville. La seule condition qu'émettait sa mère était qu'elle puisse contacter la mère de Bart, pour avoir son accord et fixer les conditions du séjour. Amélie, enchantée, serra sa mère dans ses bras… Mais il était déjà temps d'y aller, sa mère s'installait déjà dans la voiture et programmait le trajet sur son smartphone... Amélie se tourna vers Bart, essayant cette fois-ci de retenir ses larmes, une boule nouée au fond de sa gorge…

- Bon, ça y est, c'est le départ…

- Surtout, appelle-moi pour me dire que tu es bien arrivée ! Je t'ai laissé mon numéro là-dessus, tu le perds pas, surtout, il y a mon adresse aussi…

Il lui tendit un papier à carreaux plié en quatre.

- OK, merci, dit Amélie en le glissant dans sa poche arrière de son jean, je t'appelle sans faute en arrivant, et toi, tu te rappelles, tu m'as promis de m'écrire tous les jours…

- Promis, Mourache ! sourit-il. Je vais me ruiner en timbres pour toi !

- Amélie, il est l'heure ! s'impatienta sa mère en baissant sa vitre.

- Bon, il faut vraiment que j'y aille…

- Ok, prend soin de toi ! Et à Noël j'espère !

- J'espère aussi. Toi aussi prends soin de toi !

Elle le regarda et hésita à lui faire la bise, mais comme il ne faisait pas un geste, elle n'osa pas faire le premier pas, surtout avec sa mère à côté qui la regardait sans doute, et ouvrant la portière, elle se glissa sur le siège.

Puis tandis que la voiture commençait à avancer, elle ouvrit la vitre et passant sa tête au dehors, elle lui lança :

- Merci pour tout !

Elle ne reçut que son sourire comme réponse avant que la voiture ne prenne de la vitesse et lui fasse perdre de vue son visage… Pour ne pas sombrer dans la tristesse, elle mis aussitôt le casque de son lecteur MP3 et plongea son cerveau dans de la musique rock mise à tue-tête.

Ce ne fut qu'après quelques heures de route monotone qu'elle se rappela le bout de papier donné par Bart qu'elle extirpa en se tortillant de sa poche. Lorsqu'elle le déplia, elle vit en haut le numéro de téléphone et l'adresse de Bart. Son écriture était tout en rondeurs, curieusement très soignée et régulière, mais son regard fut vite attiré par la petite phrase courte mais explicite, écrite juste en en-dessous:

"Amélie, je t'aime. Acceptes-tu d'être ma petite amie ?"

Amélie étouffa au fond de sa gorge le cri de joie qui faillit sortir… Elle relut le papier à chaque quart d'heure du retour pour être sûre qu'elle n'avait pas rêvé et garda un grand sourire aux lèvres tout au long du trajet. Quand enfin elle arriva à Berlin, la première chose qu'elle fit, sans même aider sa mère à finir de vider le coffre de ses valises, fut de s'enfermer dans sa chambre avec le téléphone et de composer de ses doigts fébriles le numéro inscrit sur le papier.

Ce fut une voix juvénile qui lui répondit :

- Allo ?

- Allo, Hias ?

- Oui ?

- Bonjour, c'est Amélie, je voudrais parler à ton frère…

- Je l'appelle…

Amélie se rongea les ongles en attendant qu'il arrive au bout du fil, une vieille habitude qu'elle avait pourtant perdue depuis le CE1… Qu'allait-elle lui dire ? Elle était tellement à sa joie tout au long du trajet qu'elle n'avait même pas pris le temps d'y réfléchir, comme une bécasse qu'elle était. Elle n'eut pas le temps de réfléchir davantage, un grésillement dans le haut-parleur indiquait qu'on prenait déjà le téléphone à l'autre bout de la ligne…

- Allo ?

- Allo, c'est Amélie…

- Tu es bien rentrée ?

- Oui…

Amélie ne savait comment commencer la conversation, et entortilla une mèche de ses cheveux autour de son index.

- Tu as fait bonne route ?

- Très bien… Je… j'ai lu ton message… sur ton papier…

- Ah…

Amélie aurait pu jurer entendre son rougissement au bout du fil… Elle prit une grande inspiration et se lança : après tout, c'était comme pour un pansement, il valait mieux l'arracher un grand coup…

- Je… euh… C'est oui… Ma réponse est oui.

- Hein ?

- J'accepte d'être ta petite amie… Je t'aime aussi… ajouta-t-elle dans la foulée.

Un silence à l'autre bout…

- Allo ?

- Oui, je… je sais pas quoi dire… Je… suis un peu gêné…

- Pas autant que moi…

À nouveau un silence…

- Pourquoi tu me l'as pas dit avant que je parte ? j'ai essayé de t'envoyer ses signes, plein de signes… et t'as jamais réagi…

- J'ai pas osé, je… Tu es plutôt intimidante, tu sais…

- Moi ?! C'est plutôt toi qui m'intimide ! D'ailleurs, je te rappelle que tu es mon ainé…

- Et alors ?

- Alors t'as plus d'expérience que moi dans ce domaine…

- C'est pas parce que je suis plus vieux que j'ai plus d'expérience…

- Tu veux dire… T'as jamais eu de petite amie ?

- … Non…

- …

- Et toi ?

- Quoi, moi ?

- Tu as déjà eu un amoureux ?

- J'ai que treize ans, je te rappelle !

- Et alors ?! Hias est bien à l'école primaire et pourtant il a déjà une chérie…

- Ben dis donc, il est précoce !

- Amélie ! coupa la voix de sa mère du couloir, tu as bientôt fini avec le téléphone ? J'ai promis à ton père de l'appeler quand on serait arrivées…

- Crotte, je dois raccrocher, mais je t'appelle dès que je peux, et je t'écris aussi…

- OK ! Alors à très bientôt Mourache !

- Je t'aime ! chuchota Amélie pour éviter que sa mère l'entende

- Moi aussi !

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Ils s'appelaient régulièrement, ce qui fut plus facile à Amélie une fois que ses parents consentirent à lui offrir un portable neuf, et comme Bart l'avait promis, il lui écrivait et elle lui répondait. Il lui donnait des nouvelles du troupeau, de sa famille, du village, de la montagne… Dans ses lettres, il lui glissait des feuilles aux couleurs automnales, une aile de papillon argentée, un petit fossile de coquillage ancien trouvé sur un chemin… Elle lui racontait sa vie en ville, le collège, les profs, ses camarades de classe…

"Coucou, Mourache,

Comment ça va chez toi ? Ici, tout va bien, la patte de Nelly est vraiment parfaitement guérie depuis qu'elle a sauté par-dessus le feu. J'espère qu'il en sera vite de même pour toi.

Je t'ai parlé dans ma dernière lettre du match que nous devions faire avec les copains contre le village voisin : nous les avons battu à plate couture : 4 buts à 0 ! T'imagine la fête après ça ! Le coca a coulé à flots !

Sinon, l'automne avance, l'herbe se fait rare et il est temps pour le troupeau de regagner définitivement l'étable pour l'hiver. C'est le moment le plus pénible, elles n'aiment pas être enfermées. Mais pas le choix, elles dégraderaient les pâtures avec le gel et la boue…

Je vais devoir te laisser, j'ai promis à Hias de l'aider à faire son exposé pour l'école…

A très bientôt au téléphone. Porte-toi bien d'ici là.

Bart."

"Hello le montagnard,

Tu peux pas savoir comme je m'ennuie du Tyrol : le grand air, le vent, le parfum de l'herbe… Ici, l'air pue la pollution, les pots d'échappement… Je ne m'en rendais pas compte avant d'être venue chez toi… Du coup je compense en sortant au parc près de chez moi, mais c'est pas pareil, et ce fichu asthme se rapplique dès que je fais le moindre effort…

Le collège est chiant : les cours ne sont pas intéressants… À quoi peut bien nous servir de savoir conjuguer un verbe au passé simple ou de résoudre une équation à deux inconnues… Je préférerais t'aider à la traite, c'est plus utile… Le lait on le boit, on peut en faire du fromage, de la crème, du beurre… Et c'est bon !

Au fait, ma mère a dit qu'elle appellera la tienne ce week-end pour se mettre d'accord pour ma venue ! Vivement le mois de décembre, j'ai trop hâte de te revoir ! Au fait, je n'ai même pas une photo de toi, pour montrer à mes deux meilleures copines : elles ne veulent pas croire que j'ai un petit ami, et me traitent de menteuse… Pff ! Je crois qu'elles sont tout simplement jalouses ! Alors, pense à m'envoyer une photo dans ta prochaine lettre , s'il te plait ! Merci.

A très bientôt.

Amélie."

Les jours ne parurent jamais aussi longs pour Amélie que ceux qui la séparaient des vacances de Noël. Ses parents avaient accepté son séjour dans le Tyrol, même si sa mère avait tiqué sur le fait qu'elle ne serait pas là pour le réveillon de Noël. La condition était qu'elle devrait prendre le train seule jusqu'à la ville la plus proche où Bart et sa mère viendraient la chercher en voiture. Sa mère ne voulait pas prendre le risque de faire un trajet aussi long avec le mauvais temps. Elle resterait une semaine chez Bart et ferait de nouveau le voyage en train pour être de retour à Berlin pour le réveillon du nouvel an .

Amélie comptait donc les jours sur son calendrier, barrant avec satisfaction les jours qui s'écoulaient - semblait-il de plus en plus lentement. Elle ne pensait qu'à Bart, son sourire, ses tâches de rousseur qui parsemaient sa peau blanche, ses yeux verts… Combien de fois ses professeurs la reprenaient-ils en classe ? Combien de fois se retournait-elle dans son lit le soir en pensant à leurs retrouvailles? Et plus elle essayait de réfléchir à l'attitude qu'elle devrait avoir avec lui, moins elle trouvait de solution satisfaisante… Devrait-elle l'embrasser, devait-elle au contraire le laisser faire le premier pas ? Et s'il essayait d'aller plus loin ? Devait-elle le repousser ? Elle essayait d'imaginer tous les cas de figures pour savoir comment réagir de la façon la plus appropriée mais plus elle y pensait, plus ses idées s'embrouillaient dans sa tête… Et plus les jours passaient, plus la joie de le revoir se transformait en angoisse…

Elle mit plus de deux mois à trouver des idées de cadeaux pour lui, sa mère et son frère, et plus d'un mois à élaborer le contenu de sa valise à emmener, ce qui la distrait un peu de ces tourments.

Déjà plus qu'un mois…

Plus qu'une semaine…

Plus que deux jours…

Demain…

Demain !

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- N'oublie pas de bien remercier, et donne à sa mère tout de suite en arrivant la boite de chocolats, j'ai peur qu'ils fondent sinon ! Et mets bien ton linge dans le sac à part, pas comme lors de ton dernier séjour où j'ai tout retrouvé en vrac dans les valises…

- Maman ! Oui, tu me l'as déjà dit !

- Et appelle moi quand tu arrives, ne fais pas tomber ton téléphone à l'eau cette fois !

- Oui, maman, il faut que je monte, le train va partir !

- OK, n'oublie pas de descendre au bon arrêt, la ligne est directe.

- Oui ! Bisous maman !

Amélie serra sa mère dans une dernière étreinte, puis monta, et se trouva rapidement une place près d'une fenêtre donnant sur le quai où sa mère lui faisait de grands signes de la main. Malgré elle, elle se surprit à lui envoyer un baiser de la main et à lui sourire, alors que le train démarrait lentement…

Elle soupira lorsque la gare disparut de sa vue : elle ôta son manteau chaud et se mit à l'aise, vérifiant machinalement que son ticket était à portée de main pour le contrôleur. Puis, elle se mit de la musique sur son baladeur MP3 qu'elle avait généreusement rempli, sachant le trajet long. Malgré cela, l'excitation de revoir Bart après tous ces mois la déconcentrait de son écoute. Elle ferma les yeux et pensa à essayer de dormir un peu, mais changea d'avis, elle avait trop peur de ne pas se réveiller et manquer l'arrêt. Il devait venir la chercher avec sa mère… Comment diable devrait-elle se comporter… Elle se sentait soudain intimidée, elle qui avait toujours eu tellement de courage face à sa maladie…

Une voix dans le haut-parleur annonça la gare de destination : plus de temps pour les questions, plus de temps pour les réponses… Le temps était à l'action… Amélie attrapa bravement sa valise, enfila son manteau… Les freins crissèrent dans un cri aigu, et elle descendit bravement du train…

Quelques voyageurs descendirent en même temps et dans la masse clairsemée, elle ne le vit pas tout d'abord, mais quand la foule se fut dissipée, elle reconnut sa silhouette élancée qui se détachait dans le ciel gris de l'hiver… Les boucles cuivrées de ses cheveux étaient à demi cachés par un gros bonnet de laine gris foncé, mais c'était bien lui : Bart…

- Bart !

- Amélie !

Il s'approcha d'elle. Elle sentit son cœur faire des ruades dans sa poitrine, tandis qu'il s'approchait...

- Tu vas bien ? Tu as fait bon voyage ?

- Oui, merci.

- Viens, ma mère nous attend dans la voiture sur le parking… Attends, laisse ton sac, je vais le prendre.

Il lui sembla qu'il avait encore grandi tandis qu'elle n'avait pas bougé d'un centimètre… Elle le suivi jusqu'au parking, où un véhicule utilitaire de type 4x4 était garé. Bart chargea le sac dans le coffre, puis invita Amélie à monter à l'arrière.

Elle salua timidement la mère de Bart installée au volant, qui lui souhaita la bienvenue avec le sourire, et ils parcoururent la vingtaine de kilomètres qui séparaient la gare du village. Elle profita de ce temps pour prévenir ses parents de son arrivée.

En se rapprochant des montagnes, dans la pénombre de la fin de journée, on apercevait une couche blanche de neige de plus en plus épaisse qui couvrait les prés. Seule la route avait été dégagée par le passage d'un chasse-neige. Mais le trajet entre le village et la ferme de Bart eut été impossible si le véhicule n'était pas tout terrain, et plus d'un fois il patina dans le petit chemin de terre qui aboutissait à sa maison qui jouxtait la ferme. Amélie n'était encore jamais entrée chez lui. Sa mère lui prit son manteau, et l'invita à ôter ses boots recouvertes de neige après la courte traversée de la cour.

- Hias, viens dire bonjour ! appela la mère.

Le frère de Bart descendit les escaliers de bois au fond de l'entrée et salua d'un air bougon Amélie.

- Hias, sois aimable, grogna la mère pendant qu'elle ramenait le sac d'Amélie du coffre.

- On voit bien que c'est pas toi qu'on oblige à dormir avec Bart ! Je suis sûr qu'il ronfle ! Pourquoi il dort pas avec Amélie ? C'est son invitée, après tout…

- Parce que ce ne serait pas convenable, je te l'ai déjà expliqué… Bart, monte le sac d'Amélie dans ta chambre et fais lui visiter. Mettez-vous à l'aise, Amélie.

Amélie se hâta d'ouvrir son sac et d'en extirper pour l'offrir la boite de chocolats qui ne semblaient pas avoir trop souffert du voyage, et elle suivit Bart qui avait récupéré son sac et qui grimpait déjà les escaliers.

- Les toilettes sont au bout du palier, dans la salle de bain, mais tu en as aussi en bas, à droite de l'entrée, si tu préfères. Et ça c'est ma chambre, enfin la tienne, pendant ton séjour ici…

Il poussa la porte en bois sombre et Amélie pénétra dans sa chambre : elle était petit et mansardée, juste sous la toiture, mais curieusement très chaleureuse.

- J'ai fait ton lit ce matin, les draps sont tout propres. Je viendrai fermer les volets le soir, ils sont un peu capricieux. Et aussi, la lampe de chevet a un faux contact, si elle clignote, tu la tapotes légèrement sur la table de nuit.

Tandis que Bart expliquait, Amélie jetait un œil autour d'elle : une petite étagère au-dessus du lit contenaient des livres, et une autre à côté du bureau contenait une belle collection de mangas shonen et seinen, une mini-chaîne et une petite collection de CD et de DVD. Sur le bureau, un ordinateur portable était fermé.

- N'hésite pas si tu veux bouquiner le soir, proposa Bart en suivant son regard. On pourra se faire des films aussi si ça te dit.

- Merci…

- Bon je te laisse t'installer, il faut que j'aille m'occuper du troupeau…

- Tu m'attends ? Je veux venir avec toi.

- Si tu veux, mais tu as des vêtements qui ne craignent rien ? Et ça caille, tu as vu ? Couvre-toi bien!

- J'ai que ça… des jeans… Mais ma mère m'a acheté un gros manteau bien chaud, tu as vu ?

- Je vais demander à Hias qu'il te prête une de ses salopettes de travail, elle devrait t'aller…

Il revint avec la dite salopette, un vêtement kaki immonde qu'Amélie n'aurait pas voulu porter à Berlin pour tout l'or du monde, mais ici, ça avait moins d'importance, même si elle serait surement moins séduisante dans ce vêtement que dans les siens.

- Je me change aussi et on se retrouve en bas ? dit Bart en prenant dans son armoire un clone agrandi de la salopette qu'il lui avait donnée.

Il laissa Amélie. Elle soupira en regardant à nouveau l'immonde salopette, puis se changea rapidement, ne voulant le faire attendre.

- Amélie, pour ce soir, ça vous convient une pizza maison ?

- C'est parfait, madame.

- Amélie vient m'aider pour le troupeau, m'man.

- Ok, à tout à l'heure les jeunes.

Bart alluma la lampe extérieure, et ils sortirent dans la nuit noire. Le froid faisait sortir un nuage de vapeur de leurs bouches et la neige craquait sous leurs pas. Lorsqu'il alluma le hangar, ils furent accueillis par un concert de meuglements…

- Elles attendent la traite ? interrogea Amélie.

- Non, y a pas de traite en ce moment, elles sont en tarissement.

- C'est quoi, ça ?

- Dans moins de deux mois elles vont vêler : du coup, on arrête leur production de lait petit à petit, pour qu'elles soient prêtes à redonner du lait après la naissance des veaux…

- Ben, alors tu fais quoi ce soir ?

- Je les nourris, je vérifie les abreuvoirs, et je regarde si elles vont bien.

- Tous les jours ?

- Deux fois par jour. Et le matin, je nettoie les enclos.

Amélie grimaça :

- C'est un peu dégueu, non ?

- J'ai l'habitude…Et puis faut le faire de toute façon… Bon allez, viens m'aider à distribuer le foin…

Amélie n'avait pas l'habitude de travailler, et bien vite, elle se retrouva couverte de foin de la tête aux pieds, sans compter que la poussière lui déclencha un début de crise, qu'elle enraya tout de suite avec son spray de Ventoline.

- Ah, Rosie a une mamelle gonflée, je vais l'isoler et la mettre à la diète, et lui faire une injection d'antibio en prévention.

- Comment tu vois ça ?

- Regarde ici, c'est plus gonflé que l'autre côté. Un quartier risque d'être perdu si on ne fait rien… Viens là ma belle…

Docilement, la vache se laissa conduire jusqu'à une petite stalle plus loin.

- De l'eau et de la paille, ce sera bien pour ce soir…

Amélie le regarda ensuite faire l'injection, habilement, en intra-musculaire. La vache ne réagit même pas.

- Tu es doué, j'aurais appelé le vétérinaire à ta place…

- Bah, on l'appelle pas pour ça, même pour les vêlages maintenant, j'ai l'habitude, on a investi dans une vêleuse, ça aide bien…

- J'aimerai assister à ça… Une naissance, ça doit être chouette !

- Reviens dans 2 mois, sourit Bart.

Amélie lui sourit en réponse, mais elle doutait intérieurement que ses parents acceptent qu'elle vienne aussi souvent…

- Et les veaux de cet été, je ne les vois plus…

- Ils sont vendus, ça fait aussi un apport financier. On ne garde que quelques génisses pour renouveler les vaches réformées. Mais on essaye de les garder le plus longtemps possible : on les aime nos vaches ! Elles sont toutes nées ici.

- Et le père, il est où ?

- Là-bas, il a un enclos pour lui tout seul.

Bart la conduisit jusqu'à l'enclos au fond de l'étable où un taureau au pelage tacheté et au corps massif la regardait en soufflant bruyamment par les naseaux.

- Il a pas l'air commode !

- C'est un air qu'il se donne, mais il est gentil, notre Pikachu !

- Pikachu ? Vous avez donné le nom d'un Pokémon à votre taureau ?!

- C'était dans ma période Pokémon ! Que veux-tu ! Et mon père disait oui à tout ! sourit Bart en vérifiant son eau et son foin.

Une fois toutes les tâches de Bart terminés, il regagnèrent la maison : Amélie n'avait pas senti le froid dans l'étable, où la chaleur dégagée par les vaches réchauffait l'atmosphère et où les murs coupaient le vent, mais le Foehn glacial qui soufflait de la montagne la saisit dans la cour et ce fut avec plaisir qu'elle retrouva la douce chaleur de la cheminée de la maison.

- Montez vous changer et faire un brin de toilette avant de passer à table, c'est prêt dans une demi-heure les enfants.

Le repas se passa dans la bonne humeur, la famille de Bart avait l'habitude de mettre la télé en mangeant et sa mère la mit à l'aise, sans compter Hias qui s'avérait un incorrigible bavard.

- Vous comptez faire quoi demain, les jeunes ?

- Je pensais emmener Amélie au marché de Noël et faire un tour en calèche, ou s'il fait beau comme aujourd'hui, en profiter pour aller faire une balade .

- Bonne idée. Il y aura moins de monde l'après-midi au marché, le soir c'est blindé, et pour s'approcher des stands c'est pas de la tarte, les gens viennent à des kilomètres à la ronde faire ce marché de Noël.

- Oui, j'ai vu un reportage à la télé, ça a l'air sympa, approuva Amélie en se régalant de la délicieuse tarte tatin que la maman de Bart avait préparé pour le dessert.

Après le repas, Amélie insista pour aider à débarrasser, et Bart lui proposa un film ou jouer sur leur console, que lui et son frère avaient eu en commun pour Noël dernier. Amélie opta pour la console, et il jouèrent jusqu'à plus de vingt-trois heures, alternant courses de Mario Kart et Mario Party, Super Smash Bros ultimat et Fifa 2020, jusqu'à ce que la mère de Bart viennent les rappeler à l'ordre : Hias était couché depuis longtemps, et même si Amélie était en vacances, Bart devait se lever de bonne heure pour s'occuper du troupeau…

Elle souhaita donc bonne nuit et monta se coucher : fatiguée par le voyage et ses émotions, le sommeil la gagna aussitôt…

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Elle fut réveillée le lendemain par un rayon de soleil audacieux, qui s'était glissé entre deux lattes du volet et s'était planté en plein sur sa paupière droite. Elle pesta d'abord, puis se rappela où elle était : elle tendit la main vers son téléphone, et regarda l'heure : onze heures ! Elle avait sans s'en rendre compte fait le tour du cadran ! La honte ! Elle se leva et fila à la salle de bains, où elle s'habilla rapidement, puis dévala les escaliers…

Elle trouva Hias devant la télé, et la mère de Bart en train de préparer des légumes pour le repas du midi.

- Bonjour Madame, je suis désolée, je ne m'étais pas rendue compte de l'heure… Je mettrai mon réveil demain…

- Bonjour, Amélie, ne vous excusez pas, l'air de la montagne fait dormir, c'est connu. Vous êtes en vacances après tout, dormez aussi longtemps que nécessaire. Poulet basquaise, ça vous va pour ce midi ? À cette heure-ci, je ne vous propose pas de petit déjeuner, mais si vous voulez un jus de fruit, de l'eau ou du lait… de notre ferme, bien sûr !

Amélie goûta le lait et le trouva délicieux.

- Vous faites du fromage avec ce lait ?

- Non, nous le vendons à une coopérative, nous n'avons pas le temps de gérer ça en plus, avec mon travail. Bart a déjà abandonné ses études pour reprendre le troupeau de mon mari, c'est déjà beaucoup de travail, mais ça tourne bien. Nous espérons chaque année agrandir un peu le troupeau.

La maman de Bart expliqua qu'elle travaillait à la petite poste du village. Bart gérait quasiment tout seul, sauf l'administratif, quand il fallait signer des papiers, encaisser ou gérer les factures…

- Où est Bart, à propos ?

- Il est parti chercher un produit chez son oncle pour faire une injection à une de nos vaches, il n'en avait plus. Il ne devrait pas tarder.

En fait, il les rejoignit presque à midi : après le repas, comme le soleil était resplendissant malgré le froid vif, il proposa à Amélie de faire une balade dans la montagne, il voulait lui montrer un autre point de vue, plus proche et praticable malgré la neige.

Amélie s'habilla chaudement, sa mère ayant heureusement prévu la panoplie complète du parfait montagnard, manteau bien chaud, moufles épaisses, écharpe et bonnet, chaussettes épaisses et chaussures de marche confortable et imperméables - sur recommandation de Bart. Pour éviter la même mésaventure que lors de sa première randonnée en montagne, Amélie avait prévu deux sprays de Ventoline, un dans sa poche de manteau, et un de secours dans son sac à dos. Si elle trépignait intérieurement d'impatience à l'idée de se retrouver enfin seul avec Bart, ses espoirs furent vite déçus. Dès qu'elle faisait mine de se rapprocher de lui, ses pas semblaient automatiquement se décaler pour maintenir une distance minimale entre eux. Ses yeux semblaient fuir son regard. Et plus ils se rapprochaient du sommet, plus Amélie s'inquiétait et se rongeait les sangs. Avait-elle rêvé ce mot qu'il lui avait écrit ? N'y aurait-il jamais rien entre eux de concret ? En âme téméraire qu'elle était, elle décida néanmoins de se lancer et de crever l'abcès qui la rongeait…

- Encore une petite heure de marche et on y est, annonça Bart alors qu'ils faisaient un arrêt pour s'hydrater avec un chocolat chaud encore fumant que la maman de Bart, prévoyante, avait mis dans une Thermos.

- Bart ? Je peux te poser une question ?

- Mmmh ?

- Pourquoi … Pourquoi tu m'as pas… encore embrassée ?

Amélie bafouillait et se sentit rougir, pourtant bravement elle continue sur sa lancée :

- Je croyais… que tu voulais que je sois ta petite amie.? Tu as changé d'avis ? Tu veux plus de moi ?

Bart eut un sursaut, puis une grimace, qu'Amélie interpréta comme une grimace de dégoût. Elle en avait la confirmation, elle n'était pas assez belle ou bien elle était trop jeune pour lui, et elle allait se faire plaquer, avant même d'être vraiment sortie avec lui…

Il hocha la tête, dépité :

- Merde, Mourache ! Tu me gâches mon effet de surprise…

- Quoi ?

- Bien sûr que je veux toujours de toi, mais je voulais attendre d'être au sommet pour… pour t'embrasser…

- Hein ?! Alors comme ça, t'es romantique ?!

- Qu'est ce qui y a de mal à être romantique ?

- Rien du tout ! Ça me plait ! sourit Amélie.

- Donc tu peux attendre d'être au sommet ?

Amélie sentit son cœur s'accélérer : il allait enfin l'embrasser… Elle acquiesça d'un hochement de tête, muette de stupeur. Il lui sourit, et rangeant la thermos dans son sac à dos, il lui tendit sa main qu'elle attrapa et ils poursuivirent leur route. A l'idée de son premier baiser, Amélie sentit sa bouche s'assécher : comment devrait-elle faire ? Pencher la tête ou pas ? Les yeux ouverts ou fermés ? Et la durée ? Et elle ne s'était pas lavée les dents ce midi ! Et si il voulait lui faire un french kiss ? Dans quel sens tourner la langue ? Et pour respirer ? Rien que l'idée de sa langue dans sa bouche lui serra le ventre, mais elle n'avait pas d'autre choix que d'avancer et de le suivre.

Enfin, le sommet fut en vue : plus petit que celui qu'ils avaient escaladé cet été, mais avec une vue aussi belle sinon plus, sur la vallée enneigée et le village, qui paraissait tout petit d'où ils étaient… Le vent qui soufflait était si glacial qu'il semblait à Amélie qu'il lui entaillait les joues…

- On y est ! Comment tu trouves la vue ?

- Splendide ! C'est magnifique ! répondit Amélie en essayant d'étouffer les tremblements de sa voix et de camoufler ceux de ses mains.

Elle vit Bart fouiller dans sa poche, et en tirer un petit sachet en papier blanc.

- Tiens, c'est pour toi…

- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle intriguée.

- Un petit cadeau symbolique...

Amélie, intriguée, ouvrit le sachet, y glissa sa main, et en sortit un petit cordon de cuir, sur lequel était glissé un pendentif marron et lisse en forme de cœur.

- C'est un objet artisanal, en corne de vache taillée à la main… Je l'ai trouvé au marché de Noël.

- C'est magnifique… Merci, souffla Amélie qui ne s'y attendait pas.

- Je te l'accroche ?

- Oui, s'il te plaît…

Il se glissa derrière elle et elle sentit un frisson lorsque ses mains effleurèrent par mégarde son cou pour y accrocher le collier. Puis il revient devant elle et la contempla. Sous son regard, Amélie se sentit rougir.

- Il te va bien…

- Merci… bafouilla-t-elle.

Elle sentit sa poitrine exploser lorsque la main froide de Bart se posa sur sa joue gauche, et son rythme respiratoire qui s'accéléra lui fit craindre la venue une crise d'asthme. Elle essaya de contrôler son souffle en fermant les yeux.

- Ça va ? s'inquiéta Bart.

- Je suis un peu nerveuse…

- Tu veux prendre ton spray ?

Amélie gloussa et rouvrit les yeux, amusée de son air sérieux :

- Non, quand même pas…

Bart sourit affectueusement, mais déjà, il approchait son visage du sien et leurs sourires s'effacèrent simultanément à la solennité du moment qui venait. Le visage de Bart était maintenant si proche qu'elle aurait pu compter ses tâches de rousseur une à une et le nombre de cils roux au bord de ses paupières… Elle contempla ses yeux aussi verts que le feuillage de la forêt du Tyrol. Il semblait avancer de plus en plus lentement, comme s'il désirait sadiquement retarder le contact de leurs bouches. Tout doucement, très naturellement, sans même y penser, leurs têtes s'inclinèrent légèrement et – enfin - les lèvres de Bart se posèrent délicatement sur les siennes… Mais à peine Amélie eut-elle le temps de prendre conscience de leur chaleur, de leur douceur, de la forme de leur contour, que déjà elles se retiraient… Elle faillit le supplier de l'embrasser encore, mais détournant le regard, il se mordillait la lèvre inférieure, et ses oreilles et ses joues étaient aussi rouges que le tissu de son anorak…Il se racla la gorge :

- On ferait mieux de redescendre pour arriver avant la nuit : la nuit tombe très vite en ce moment…

Néanmoins, il lui tendit la main, qu'elle saisit avec bonheur : elle ne la lâcha plus jusqu'à leur retour à la maison….

- Si on regardait un film ce soir, tu as des DVD sympas dans ta chambre, j'en ai repéré que je n'ai pas vu, proposa Amélie après le repas.

- Bart ? appela sa mère alors qu'il s'apprêtait à suivre Amélie dans les escaliers, tu te rappelles ce que nous avons convenu ?

- Oui, m'man… soupira-t-il.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Amélie curieuse alors qu'ils entraient dans sa chambre.

- Rien, c'est juste… Non, laisse la porte ouverte…

- On va pas gêner ton frère avec le bruit ?

Bart se racla la gorge et il bredouilla :

- Ma mère veut que je laisse ouvert… quand je suis avec toi dans ma chambre… rougit-il.

Amélie rougit également à l'insinuation implicite de Bart…

- OK, pas de souci…

- Tu veux quoi comme film ?

Il se mirent d'accord sur un film d'action assez récent, et s'assirent sur le lit comme sur une banquette, le dos au mur et l'écran d'ordinateur en face sur le petit bureau. Amélie lui prit la main, et se serra contre lui : elle pouvait sentir la chaleur émaner de son corps et son parfum léger indescriptible. Au bout de quelques minutes de film, elle laissa aller sa tête sur son épaule…

- Tu vas rien voir si tu as la tête de travers, sourit Bart

- Je m'en fiche, je suis bien comme ça…

Bart sourit et tendrement, lui déposa un baiser sur les cheveux. Amélie le regarda, sentant un incendie ravager son cœur : elle l'aimait tellement qu'elle avait l'impression que ses sentiments devenaient incontrôlables. Qu'attendait-il pour l'embrasser à nouveau ? S'il ne le faisait pas, elle allait faire le premier pas… Mais au moment où elle se décidait, elle entendit l'escalier craquer et la tête de la mère de Bart apparaitre dans l'encadrure de la porte. Elle ne que le temps de lâcher la main de Bart et de s'écarter de lui.

- Tout va bien, les jeunes ? Ne vous couchez pas trop tard cette fois !

Amélie faillit bouder, puis se consola : après tout son séjour venait de débuter, et il l'avait déjà embrassé deux fois - enfin une fois et demi - elle pouvait donc espérer un beau séjour.

Le lendemain après-midi, comme promis, Bart l'emmena au marché de Noël. Comme on était le vingt-trois décembre, il y avait vraiment beaucoup de monde, mais ils réussirent à avoir une place pour le tour en calèche, après près d'une heure d'attente.

Le traineau, digne du père Noël, était tiré par 2 petits chevaux à la robe dorée et aux crins délavés, munis d'un collier de feutrine rouge aux clochettes dorés qui tintaient doucement à chaque balancement gracieux de leur encolure. Bart lui apprit qu'il s'agissait de Haflingers, une race de petits chevaux rustiques originaires du Tyrol, au pied sûr et au caractère doux. Amélie monta donc en confiance à l'arrière du traineau. Elle ne s'attendait pas à une telle vitesse de la part des petits chevaux lorsqu'ils s'éloignèrent au trot à la sortie du village, le traineau glissant sur la neige tassée, et le vent glacial cinglant son visage. Le conducteur, un homme grisonnant d'une soixantaine d'année, n'était guère causant, mais malgré ça, son visage souriant sembla sympathique à Amélie.

- Ca va, pas trop froid les jeunes ?

- Non, ça va, merci. Ça va, Mourache ?

Amélie n'osa pas avouer qu'elle ne sentait plus le bout de son nez, et que ses doigts étaient gelés, malgré ses gants de laine épais … Bart lui attrapa la main, et la tenant fermement dans la sienne, la glissa dans la poche fourrée de son manteau.

Alors qu'ils atteignaient un beau point de vue sur le village, dans un virage qui les ramenaient déjà vers celui-ci, il pencha la tête vers elle, et sans prévenir, lui déposa un rapide baiser sur les lèvres… Amélie, prise de court, n'eut pas le temps de réagir, qu'il faisait déjà mine de regarder le paysage… Elle rougit et sourit malgré elle, et rougit encore plus lorsqu'elle s'aperçut que Bart la regardait de nouveau et souriait de la voir sourire… Elle mordilla sa lèvre inférieure, puis décida de prendre l'initiative, et se penchant à son tour, lui colla à son tour un baiser bien appuyé sur ses lèvres. Après quelques secondes, ils éloignèrent leurs visages et se sourirent. Amélie se tourna vers lui et glissa son autre main encore libre dans l'autre main de Bart. Ils restèrent ainsi jusqu'à l'arrivée au village. Bart l'aida galamment à descendre du traineau, ils remercièrent le conducteur, et décidèrent de faire le tour du marché. Celui-ci était encore plus grand que ce qu'avait imaginé Amélie après la description de Bart : les stands semblaient ne pas se terminer. On trouvait de tout, de l'alimentaire, essentiellement, au décoratif, vêtements et babioles : stands de pots de miel de montagne, de bijoux faits main, de vêtements en cuir ou en fourrure, de jouets en bois, de décorations de Noël, de fromages de chèvre secs, de santons de crèches en bois, et bien sûr, des innombrables stands de nourriture, de vins chauds, et de beignets, crêpes, gaufres, tartes flambées, à n'en plus finir… Et les gens, par centaines, à la queue leu leu devant les stands, à piétiner…Il y avait tellement de monde que rapidement, pour éviter de la perdre dans la foule, Bart attrapa sa main pour qu'ils ne soient pas séparés par inadvertance.

- Eh, mais je rêve pas ! Bart tient la main d'une fille ! entendit soudain Amélie derrière elle.

Ils se tournèrent tous les deux, pour apercevoir trois jeunes, qui avaient à peu près l'âge de Bart, un sourire narquois aux lèvres. Elle reconnut les garçons qui s'étaient moqués d'elle au début de son séjour l'été dernier, pendant leur partie de foot.

- Salut les gars ! salua Bart.

- Tu fais du baby-sitting, rassure-moi, Bart ? Elle est un peu jeune pour être ta meuf, mec ! ricana le plus grand à la , qui sembla à Amélie être le chef de la bande.

Bart sourit :

- Je vous présente Amélie, c'est ma petite amie…

Amélie baissa la tête, en entendant les rires moqueurs qui fusèrent en réaction à cette annonce.

- A part lui donner un biberon, et lui changer les couches, tu dois pas faire grand-chose avec elle… Je suis sûr qu'elle sait même pas comme tailler une pipe ou même rouler une pelle, continua le plus grand sur la même lancée.

Bart perdit aussitôt son sourire et sembla se décomposer :

- Sois pas vulgaire, Johann ! Viens, on s'en va Amélie !

- Eh, mec, te vexe pas ! Reviens Bart, oh, c'était pour rire, mec !

Mais Bart traina Amélie par la main à travers la foule, en marchant si rapidement qu'elle fut bien vite essoufflée.

- Attends, Bart… Attends, s'il te plait… Je n'arrive pas… à te suivre…

Il s'arrêta si brutalement qu'elle lui rentra dedans. Elle posa ses mains sur ses cuisses et à demi accroupie, pencha la tête pour reprendre son souffle.

- Je suis désolé, dit-il en arrachant rageusement son bonnet de sa tête et en fourrageant de ses doigts nerveux sa chevelure rousse, signe d'une profonde colère. J'ai des potes qui peuvent être vraiment très… très cons…

- T'inquiète, c'est pas grave, on s'en fiche de ce qu'ils ont dit… Et puis, je sais que je suis une gamine, tu me l'as dit la première fois qu'on s'est rencontrés toi aussi, tu te souviens ? Que je faisais encore dans mes couches…

Amélie essayait de dérider Bart, qu'elle sentait particulièrement tendu…

- Je te connaissais pas à l'époque, s'excusa Bart. Et je n'ai pas été vulgaire, contrairement à eux… C'était déplacé, impoli, grossier… et… dégueulasse…

Amélie rougit et osa demander en bégayant :

- Tu trouves ça dégueulasse de penser qu'on pourrait… toi et moi… se… rouler une pelle ?

Bart toussota pour masquer sa gène, détournant le regard.

- Moi je serai pas contre… ajouta Amélie le cœur battant, jaugeant sa réaction et s'étonnant elle-même de son audace.

- Tu veux un vin chaud ? Ça nous réchauffera, coupa-t-il, essayant désespérément de changer de sujet, complètement gêné par la tournure de la conversation, et ne sachant absolument pas sur quel pied danser…

Amélie n'en revenait pas : il avait réussi à carrément esquiver…

- Euh, c'est de l'alcool, je ne sais pas si ma mère serait d'accord…

- Il y a peu d'alcool, en fait l'essentiel s'évapore avec la chaleur, tu ne risques pas plus qu'en buvant du cidre je pense… En tout cas, je n'ai jamais vu personne prendre une cuite au vin chaud…

- OK, alors, va pour le vin chaud…

Amélie n'y avait jamais gouté, et elle fut agréablement surprise du parfum voluptueux s'échappant du gobelet de vin brûlant, épais et sirupeux: les épices - cannelle, badiane, anis - se mêlaient agréablement avec le goût acidulée des rondelles d'orange, et la chaleur transmise par le gobelet en plastique lui réchauffa agréablement les mains.

Ils marchèrent loin de la foule, pour éviter de se faire bousculer, alors que le crépuscule tombait déjà et que les réverbères des rues s'allumaient.

- Ça te plait ?

- Délicieux ! Merci.

- De rien…

Amélie le regarda fuir son regard. Elle avait définitivement été trop loin en lui parlant de roulage de pelle, une fille ne devait pas faire le premier pas, ce n'était visiblement pas convenable… Mais alors qu'elle soupirait de résignation, baissant le regard sur son gobelet, Bart pencha soudainement la tête vers elle et l'embrassa doucement : comme dans un rêve, elle sentit la pression s'accentuer, la bouche de Bart s'ouvrir, et l'extrémité de sa langue frôler ses propres lèvres... Sans hésitation, elle ouvrit la bouche, l'invitant à entrer. Rien ne l'avait préparé à cette sensation de douceur qui l'envahit. Elle avait toujours imaginé qu'un french kiss serait poisseux, humide, collant, mais ce n'était que pure douceur, incomparable et indescriptible . Elle avait l'impression de flotter, de fondre alors que la langue de Bart frôlait doucement la sienne, ravivant l'arôme délicat du vin chaud sur son palais. Le temps sembla se suspendre, puis délicatement, il se retira et la regarda, les joues aussi rouges que les oreilles, semblant attendre une approbation. Comme Amélie lui sourit en signe d'accord, il sembla rassuré.

- Si tu veux goûter une tarte flambée avant de rentrer, on devrait se dépêcher, la foule va arriver de plus en plus…

- Ok…

Il lui tendit la main qu'elle prit avec hésitation :

- Tu es sûr ? Et si on les croisait de nouveau ?

- On s'en fiche, viens !

Amélie sourit et le suivit, rassurée.

Le soir vint et après s'être occupés des vaches et avoir diné, Amélie proposa qu'ils regardent de nouveau un film. Ils se retrouvèrent comme la veille de nouveau sur le lit, Amélie impatiente qu'ils soient seuls, à l'abri des regards. Elle avait hâte de renouveler cette expérience enivrante d'un baiser avec lui, et pourtant elle se posait des questions. Était-elle dépravée d'aimer cela à ce point ? Bart allait-il la prendre pour une dévergondée ? Dès le début du film elle se glissa néanmoins contre lui, et quelques minutes plus tard, elle attirait son visage d'une main pour de nouveaux baisers. Bart tenta de la raisonner, craignant à tout moment l'arrivée de sa mère ou de son frère.

- Amélie, glissa-t-il entre deux baisers.

- Quoi ?

- Ma mère …

- Ta mère n'entendra pas si tu ne fais pas de bruit, chuchota-t-elle.

Elle entendit Bart soupirer doucement, mais néanmoins, il répondit à sa supplique muette et entrouvrant les lèvres, leurs langues entrèrent à nouveau en contact, électrisant Amélie, qui s'enhardissait et lui répondait avec enthousiasme, une coulée de lave chaude semblant parcourir son corps. Sans même y réfléchir, elle se hissa à cheval sur ses cuisses pour être face à lui, glissant ses mains le long de ses joues, puis de son cou. Bart glissa en réponse ses bras autour d'elle les mains caressant doucement son dos, déclenchant des frissons inattendus.

Avec le bruit qu'ils firent, il n'entendirent malheureusement pas les escaliers grincer, et c'est un couple en plein baiser langoureux que la mère de Bart surprit. Elle toussota bruyamment, les faisant sursauter. Amélie descendit aussitôt de Bart, aussi rouge que Bart, ne sachant comment réagir.

- Bart, viens avec moi s'il te plait, je voudrais que nous ayons une petite conversation, toi et moi… Non, Amélie, inutile de vous lever, restez ici et continuez votre film, je vous le renvoie vite…

Amélie se rongea les sangs tandis que Bart suivait piteusement sa mère en bas… C'était de sa faute s'il se faisait disputer… Peut-être n'aurait-elle plus le droit de venir désormais ? Où même de le voir ? Elle devrait peut-être même repartir dès demain à Berlin. Elle se prit la tête dans ses mains, désespérée, en attente de la réponse, imaginant les pires scénarios…

Mais déjà les escaliers grinçaient, et la tête rousse familière réapparut :

- Je suis désolée, Bart… Tu t'es fait gronder à cause de moi…

- Non, je ne me suis pas fait gronder, ne t'inquiète pas…

- Qu'est-ce que t'a dit ta mère ?

- Rien que tu ne doives savoir pour l'instant…

- Quoi ?! Je veux savoir !

- Elle a juste mis les choses au clair, ne t'inquiète pas, tout va bien… On peut reprendre le film…

- Mais, est- ce qu'on peut toujours… s'embrasser ?

Bart sourit :

- Tu penses vraiment qu'à ça ?!

Amélie fronça les sourcils :

- Oui, bien sûr que je ne pense qu'à ça ! Lors de mon dernier séjour, je ne pensais déjà qu'à ça ! Je suis follement amoureuse de toi ! Et j'aime t'embrasser.

Bart secoua la tête, mais écartant un bras, il l'invita néanmoins contre lui :

- Allez, viens !

Amélie ne crut pas à sa chance et vint se blottir dans ses bras. Puis relevant la tête, elle plongea dans son regard si doux : elle se sentit fondre et ses lèvres rejoignirent sa bouche pour un nouveau baiser. Ses mains enthousiastes se glissèrent sur son torse, cherchant à découvrir ce nouveau territoire, mais à peine s'étaient-elles posées, qu'elle sentit Bart lui attraper les poignets et lui maintenir solidement les bras, tout en poursuivant son baiser. Elle tenta de se libérer pour poursuivre ses caresses, en vain car il était beaucoup plus costaud qu'elle : plus elle se débattait, plus la prise de Bart s'affirmait : elle finit par renoncer, et se contenta d'un baiser langoureux.

Lorsqu'ils cessèrent, Amélie était à bout de souffle :

- Je veux te toucher, pourquoi tu veux pas ? demanda-t-elle, d'une moue boudeuse.

- Ce n'est pas que je ne veux pas… Mais j'ai fait une promesse à ma mère… Je ne veux pas la trahir…

- Qu'est-ce que tu lui as promis ?

- ça ne te regarde pas…

- Si la promesse me concerne, ça me regarde… bougonna-t-elle.

- Allez, arrête de bouder !

- Non, dis-moi ! Dis-moi ou je te chatouille !

Et joignant le geste à la parole , Amélie glissa ses mains le long des côtes de Bart, et le chatouilla sans retenue. Bart semblait sensible, car il suppliait qu'elle s'arrête entre deux longs éclats de rire.

- Allez, dis !

- Non, fais-moi confiance, c'est tout. Je sais ce que j'ai à faire ou pas, et je gère… Après tout, c'est moi l'ainé, non ?

Amélie joua une fausse grimace boudeuse, puis bien vite sa bonne humeur reprit le pas, et elle se colla à lui pour regarder la fin du film.

Flash-back

La mère de Bart ferme la porte de la cuisine :

- Bart, je ne sais pas par où commencer… Est-ce que tu te rends compte qu'Amélie n'a que treize ans ?

- Oui, maman, bien sûr que je le sais…

- Et qu'elle est sous ma responsabilité durant son séjour ici ? Sa mère me l'a confiée…

- Oui, mais on ne faisait rien de mal : on ne faisait que s'embrasser…

- S'embrasser peut mener à d'autres choses, tu viens d'avoir seize ans, et nous n'avons jamais eu vraiment l'occasion de parler de ça, mais…

- Maman, nous avons des cours d'éducation sexuelle à l'école, coupa Bart affreusement gêné, je sais ce qu'il faut savoir…

- Je ne vais pas y aller par quatre chemins, Bart, il est hors de question, tu m'entends, que tu fasses quoi que ce soit avec Amélie avant sa majorité sexuelle. Elle est plus jeune que toi, elle est sous ta responsabilité : tant qu'elle n'aura pas quinze ans, je tolère juste les baisers, uniquement ça… Aucun geste déplacé, et bien sûr, aucune relation sexuelle… Ses parents pourraient porter plainte contre toi, et ils auraient raison…

- Oui, m'man, ne t'inquiète pas…

- Je veux une promesse, Bart : que rien ne se passe avant au moins ses quinze ans…

- Je te le promets, maman…

- Bon, tu peux retourner la voir… Et bien sûr, la porte reste ouverte…

Fin du flash-back

Le lendemain, c'était le réveillon de Noël : Amélie aida Hias à confectionner des petits gâteaux de Noël, tandis que la mère préparait le repas.

Lorsque le soir arriva, elle offrit enfin les cadeaux qu'elle avait choisis : Hias eut droit à un jeu de société, leur mère un parfum et pour Bart, un ensemble composé d'un bonnet, une écharpe et des moufles assortis…

- Je me suis dit que tu penserais à moi quand tu les porterai cet hiver…

- Idiote, j'ai pas besoin de ça pour penser à toi, sourit Bart. Tiens, voilà ton cadeau.

- Mon cadeau, mais tu me l'as déjà offert, non ?

- Au sommet ? C'était une bricole !

Amélie déballa fébrilement son cadeau emballé dans une simple enveloppe : un billet de train aller-retour de Berlin pour le Tyrol.

- C'est pour ton prochain séjour cet été. Je t'attendrai Amélie !

Amélie ne put retenir des larmes d'émotion, et sauta au cou de Bart.

Le séjour fila comme l'éclair à partir de Noël. Les trois jours restants avant le retour consistèrent à aider Bart à s'occuper des vaches, elle apprit même à nettoyer le fumier et pailler l'étable, et le beau temps se maintenant, ils purent refaire quelques longues balades. Le soir, Bart évitait les temps seul avec elle et prétexta que Hias voulait jouer avec eux aux jeux vidéo. Jamais la santé d'Amélie n'avait été aussi bonne, elle n'avait fait aucune crise depuis le début de son séjour, et n'avait utilisé son spray que trois fois, au contact de la poussière du foin…

Trop vite, ils se retrouvèrent sur le quai de la gare, les bagages d'Amélie à ses côtés.

- Amélie, je vous souhaite un bon retour chez vous, vous pouvez revenir quand vous voulez , vous êtes la bienvenue à la maison.

- Tu me dois une revanche sur Mario Kart, je vais m'entraîner, jubila Hias en lui disant au revoir. Il commençait à l'apprécier, c'était bon signe. La mère de Bart lui fit un signe discret pour qu'ils s'éloignent du quai, laissant aux deux amoureux un dernier moment discret d'intimité.

- C'est trop dur, gémit Amélie, c'est encore plus dur que la dernière fois… Je ne veux pas m'en aller.

- Moi non plus je ne veux pas que tu t'en ailles, mais tu reviens bientôt. Six mois, ça va passer vite…

Bart attrapa machinalement une mèche de ses fins cheveux bruns.

- Merde, mon train arrive.

- Je t'aime, Amélie ! Et penchant la tête, Bart l'embrassa avec passion durant les quelques secondes que le train mit à s'arrêter, l'enlaçant tendrement contre lui.

- Je t'aime aussi, Bart, je porterai ton cadeau tout le temps sur moi…

- Moi aussi, sourit Bart en montrant les bouts de son écharpe. Allez, monte vite, je vais t'aider pour ta valise.

Et ouvrant la porte du wagon et glissant la valise dans le sas, il se pencha vers Amélie pour un dernier rapide baiser.

Amélie attendit dans le sas jusqu'à ce que le train s'éloigne pour le saluer d'une main, jusqu'à ce qu'il ne soit plus visible et effaça ses larmes d'un geste volontaire, avant de rejoindre les autres passagers…

- Ca y est ? Elle arrivera à quelle heure ? demanda sa mère alors que Bart les rejoignait

- Vers 19h30. Bart sentit sa voix trembler d'émotion alors qu'il retenait ses larmes.

- Eh, je t'ai vu l'embrasser ! taquina son frère.

- Évidemment que je l'embrasse, c'est ma petite amie, idiot…

- Beurk, c'est dégueu…

- Ah bon, alors tu l'embrasses pas, ta petite chérie Lucy ?

- Ah ben non, beurk alors ! On se tient juste la main, comme ça tout le monde voit qu'on est un couple…

Bart échangea un regard amusé avec sa mère malgré la tristesse de sa séparation avec Amélie : son frère avait encore bien le temps pour ça…

xxx

Amélie programma tout de suite avec ses parents son prochain séjour dans le Tyrol : étant donné les spectaculaires nouveaux progrès de son état de santé – et sa nouvelle dégradation au contact de la pollution de Berlin due à l'arrivée des beaux jours - ils n'hésitèrent pas une seconde, d'autant que l'accueil de Bart et de sa famille leur permettait des économies non négligeables, même si la mère d'Amélie insista pour payer cette fois une compensation financière aux frais de repas et d'hébergement. Amélie dut donc de nouveau patienter durant de longs interminables mois le début des vacances scolaires d'été, tâtant sans arrêt par réflexe du bout de ses doigts le petit cœur de corne qu'elle portait en permanence autour de son cou... Cette fois, elle partait pour un long mois de vacances au Tyrol, durant lequel elle devrait quand même se rendre au centre une fois par jour faire un atelier de respiration d'une heure, c'est la condition pour partir, puis elle irait 15 jours avec son père en Italie, et 15 jours avec sa mère en mer du Nord.

Les ultimes consignes passées, la promesse de téléphoner dès qu'elle arriverait faite, Amélie subit de nouveau les longues heures de voyages en train. Quand elle arriva, Bart l'attendait, sa chevelure flamboyant sous le chaud soleil de juillet. Cette fois, ils n'hésitèrent ni l'un ni l'autre et s'embrassèrent pour se dire bonjour .

- Vous n'arrivez pas au meilleur moment, Amélie, expliqua la maman de Bart, ils nous annoncent quinze jours de canicule à partir d'après-demain… Mais bon, dans les montagnes, je pense que ce sera plus supportable qu'en ville ?

- J'habite au 3è étage d'un immeuble pas isolé, je vous dis pas la fournaise dans ma chambre depuis quelques jours… À côté, il fait bon ici…

Ce fut avec plaisir qu'Amélie retrouva la chambre de Bart : depuis son départ, elle nota l'apparition de nouveaux mangas et DVD sur l'étagère, et la photo d'elle qu'elle lui avait envoyé – celle où elle se trouvait la moins moche – trônait dans un petit cadre sur sa table de chevet.

- Comme ça, tu es la dernière chose que je vois avant de m'endormir, et la première chose que je vois à mon réveil, se justifia-t-il.

- Je suis pas une chose, Pedzouille ! se moqua-t-elle.

- Façon de parler, Mourache !

À entendre Bart l'appeler par ce nom, elle eut la sensation agréable d'être enfin de retour chez elle.

Toutefois, son séjour allait être moins reposant que celui de l'hiver dernier : l'été Bart avait beaucoup plus de travail, certes, les vaches étaient en extérieur, mais à l'heure de la traite, il fallait les faire rentrer, vérifier leur bon état, brancher les machines, leur mettre leur ration de granulés, s'occuper des veaux. Enfin, être là pour le passage du collecteur et l'aider à transférer la récolte biquotidienne de lait… Tous les matins, Bart faisait également le tour des clôtures avant de lâcher son troupeau, ayant eu quelques mauvaises surprises par le passé avec des vaches qui se faisaient la belle. Une fois, il avait même dû aller en rechercher une qui se promenait dans le village.

Néanmoins, excepté l'heure en début d'après-midi au centre de soins, le reste des journées, ils avaient pas mal de temps libre : Bart en profitait alors pour lui montrer de nouveaux coins de la montagne et de la forêt. Ils y allaient plutôt le matin, dès la traite faite, quand le soleil ne tapait pas encore trop, afin d'être revenus en fin de matinée.

L'après-midi, ils restaient à l'abri dans le salon, pièce la plus fraîche de la maison, avec ses gros murs en pierre qui l'isolaient relativement bien du soleil cuisant, et le soir, ils ressortaient à la fraiche, une fois le soleil couché, au chant des grillons, arroser le potager, et faire une petite balade aux alentours, où ils échangeaient alors, sous le ciel étoilé et à l'abri des regards indiscrets, de tendres baisers.

Une fin d'après-midi, où Amélie aidait Bart à ramasser du petit bois pour faire un barbecue, elle s'enfonça par mégarde un énorme éclat de bois dans le pouce.

- Ah ! Merde, fais chier !

- Qu'est ce qui t'arrive ? accourut Bart aussitôt, après avoir posé son tas de fagots.

- Ah ! Merde, ça fait mal, la vache…

- Montre ! Ah, c'est rien, t'inquiète ! Viens avec moi…

Et Bart la conduisit dans la salle de bain, où il sortit une trousse de premiers soins.

- Laisse-moi regarder ça de plus près… Bouge pas ! Ok, je crois qu'il va fallait que je fasse une petite incision sinon, ça va être galère pour la récupérer…

- Quoi ?! Tu veux me couper le doigt ? s'épouvanta Amélie.

- Non, bécasse ! Juste agrandir légèrement l'ouverture, sinon, j'arriverai pas à attraper l'écharde, elle est de belle taille, mais elle s'est cassée nette au bord de ta peau. Attends, on doit avoir ce qu'il faut…

Il farfouilla dans la trousse pendant qu'Amélie s'inquiétait :

- J'espère que tu sais ce que tu fais, au moins ?

- J'ai déjà soigné des trucs bien pire que ça à mes vaches, des entailles, des plaies… Je les ai même déjà recousues…

- Je suis pas une vache ! s'indigna Amélie.

- Je sais bien, c'est juste pour te dire que j'ai l'habitude. Allez, donne ta main !

Amélie hésita.

- Tu me fais pas confiance ?

Il la regardait autorité mêlée d'une pointe de déception, et Amélie ne pouvant se résigner à le vexer davantage, finit par lui tendre le bras.

- Ssss ! siffla-t-elle alors qu'elle sentit la pointe fine du scalpel appuyer à l'entrée de la blessure.

Elle faillit retirer sa main sous la douleur vive, mais Bart plus rapide, lui attrapa prestement le poignet pour la maintenir.

- Ne bouge pas, je ne veux pas te couper plus qu'il ne faut. Amélie ferma les yeux, une douleur fugace et vive lui traversa le pouce.

- Aïe !

- Ok, je vois bien le bout de l'écharde, maintenant : j'ai plus qu'à la retirer…

Et prestement, il ôta d'un geste de la pince à épiler l'énorme écharde, dans une dernière douleur, qui fit monter les larmes aux coins de yeux d'Amélie.

- Voilà, c'est fini, douillette ! Attends, il faut désinfecter. Tes vaccins contre le tétanos sont à jour, au moins ?

- Euh, je crois, oui… Ssss ! Doucement ! gémit-elle alors qu'il tamponnait généreusement de lotion antiseptique son entaille sanguinolente.

- Voilà, un pansement, et d'ici deux ou trois jours, tu seras comme neuve !

- Merci !

- Bon, on y retourne, il faut que j'allume le feu avant que maman rentre…

- Eh ! Et mon bisou ?!

- Ton bisou ?

- En récompense, pour avoir été courageuse !

Bart sourit et lui plaqua un petit baiser rapide sur les lèvres . Puis il tendit la joue :

- Et moi aussi, j'ai droit à un bisou, pour t'avoir bien soignée ?

Amélie sourit à son tour, et l'embrassa sur la joue, puis sur les lèves d'un baiser plus profond.

Bart mit brutalement fin au baiser, entendant le bruit d'un moteur dans la cour :

- Merde, ma mère arrive, et rien n'est prêt ! Vite, Mourache !

Comme annoncé par la météo, la canicule s'installa franchement : même avec la fraicheur de la montagne, Amélie mourait de chaud et avait fini par s'endormir uniquement en petite culotte et sans drap, les volets et la fenêtre entrouverts pour laisser entrer l'air frais bienfaisant de la nuit…

- M'man, on peut s'absenter toute la journée demain ? C'est samedi, et Amélie n'a pas ses soins le week-end.

- Pour quoi faire ?

- Je voudrais emmener Amélie pique-niquer dans la forêt.

- Mais, et la traite ? Moi, je travaille demain…

- Je la ferai avant de partir et on sera revenus à temps pour celle du soir.

- Et le collecteur qui passe à onze heures ?

- Hias est en vacances : il peut faire pour une fois ? Il sait… Tu es OK, Hias ? C'est exceptionnel…

- Si Hias est d'accord, c'est OK pour moi, après tout tu peux prendre un jour dans l'année pour te reposer, tu n'arrêtes pas… Hias ?

- Oui, bien sûr, pas de problème… soupira Hias.

- Merci p'tit frère ! Je te revaudrai ça !

- J'y compte bien !

C'est ainsi que le samedi matin, Amélie marchait aux côtés de Bart, qui portait le sac à dos contenant le pique-nique. Ils marchèrent d'un bon pas, sous le soleil déjà chaud de la matinée, Amélie constatait chaque jour ses progrès en endurance et étant de moins en moins essoufflée. Au bout d'une bonne heure de marche, ils parvinrent à la forêt, dont le sentier balisé s'élançait en serpentant vers la montagne.

Après encore une petite heure de marche sous la fraicheur agréable des grands arbres, ils bifurquèrent sur un petit sentier à peine visible au milieu des fourrés, et atteignirent une clairière semi-ombragée où une immense cascade se jetait dans une petite étendue d'eau.

- J'ai pensé qu'on pourrait pique-niquer ici, qu'est-ce que t'en dis ?

- Ouah, c'est magnifique !

Bart sourit, content que l'endroit plaise à Amélie.

- J'ai découvert l'endroit par hasard, personne ne vient ici… C'est super calme !

- C'est parfait !

- Bon, c'est pas tout ça mais je meurs de faim, on mange ?

Bart prévoyant avaient emmené une couverture de sorte qu'ils étaient installés confortablement sur l'herbe : sa mère leur avait préparé un bon repas froid : une grosse part de quiche au thon, une salade de riz et de tomates du jardin, des chips et des fruits.

- Ce qu'il fait chaud maintenant, soupira Amélie, allongée et posant une main sur son estomac bien rempli par le repas copieux.

- On pique une tête pour se rafraichir et digérer ? proposa Bart.

- Ce serait une bonne idée, si j'avais amené mon maillot de bain…

- Et alors ? Moi non plus j'ai pas de maillot ! On s'en fiche, personne viendra ! Je l'ai déjà fait des tas de fois, y a jamais personne ici…

Et sans attendre la réponse d'Amélie, Bart ôta son t-shirt et son short, se retrouvant sans aucun gêne en caleçon devant elle, puis sans l'attendre, il courut en criant jusqu'au bord de l'eau où il sauta dans un dernier hurlement Amélie vit disparaitre quelques secondes sa tête dans l'eau puis il ressortit en soufflant.

- Elle est un peu froide mais ça fait du bien ! Tu viens ?

Amélie hésita entre piquer une tête dans cette eau qui avait l'air si rafraichissante et que Bart la voit en sous-vêtements. Finalement, son envie de s'amuser prit le dessus et prestement, elle se débarrassa de son short et de son débardeur. Elle n'avait pas choisi le meilleur ensemble : une simple brassière de coton blanc – elle n'avait pas encore suffisamment de poitrine pour justifier l'achat d'un soutien-gorge, à son grand désespoir – et un slip de la même couleur. Elle avait d'autant plus honte de sa poitrine que dans les mangas de Bart qu'elle avait parcourus rapidement avant de dormir, elle était tombée sur des illustrations de filles au décolleté plongeant sur une poitrine de taille inhumainement grande… Bart semblait donc d'après sa déduction aimer les grosses poitrines, ce qui la désespérait d'autant plus…

Cachant d'une main son slip et de l'autre bras le peu de poitrine qu'elle avait, elle rejoignit Bart, plongeant juste son gros orteil dans l'eau pour en tester prudemment la température.

- Allez, p'tite nature, viens d'un coup, c'est plus facile !

Mais Amélie avançait doucement, les pieds, puis les jambes, quand Bart l'éclaboussa soudain, la faisant hurler sous les innombrables gouttelettes d'eau froide qui recouvraient son dos…

- Arrête ça, Bart ! Oh, tu vas me le payer !

Et désormais complétement mouillée, elle s'élança bravement dans l'eau et le rejoignit de quelques mouvements de nage, puis entreprit de lui appuyer sur la tête pour le faire couler. Mais elle n'avait pas pensé que Bart était plus grand qu'elle d'une bonne tête : il avait donc pied, là où elle ne l'avait pas. Il rit, en faisant semblant de se débattre, mais sans aucune peine de maintenir Amélie à bonne distance, qui finit par s'essouffler à force de s'agiter : elle tenta de reprendre son souffle, mais paniqua légèrement, et se raccrocha alors à la seule prise à proximité : Bart.

Glissant les bras autour de son cou, elle s'y cramponna solidement. Bart glissa ses bras autour de son dos. Au contact de leurs peaux, elle ne put retenir un frisson involontaire et le regarda : il était encore plus mignon, ses cheveux roux ondulés mouillés plaqués sur son front, de fines taches de rousseur semées régulièrement sur sa peau nacrée, et la blancheur éclatante de ses dents parfaitement alignées dévoilés par son sourire ravageur. Elle ne put lui résister et l'embrassa sans prévenir. Bart répondit son hésiter à son baiser, leurs langues se mêlèrent avidement. Amélie se colla à lui, sentant une chaleur agréable envahir tout son corps. Voulant se rapprocher encore plus, elle glissa ses jambes autour de ses cuisses, collant son bas-ventre contre le sien, la chaleur agréable se transformant en brasier dans son abdomen. Sa respiration s'accéléra, mais alors qu'elle bougeait instinctivement son bassin dans la volonté inconsciente de se rapprocher encore plus de lui, Bart la repoussa soudain brutalement, et s'éloigna, la laissant se maintenir seule à la surface de l'eau de petits mouvements de bras anarchiques.

- Qu'est ce qui te prend ? grogna-t-elle.

Il avait mis fin à un moment agréable, et Amélie sentait la frustration la gagner.

- C'est plutôt à moi de te demander ça !

Il évitait son regard…

- Qu'est-ce que j'ai fait ?

- Qu'est-ce que t'as fait ?! Elle demande ce qu'elle a fait, en plus ?!

- Ben oui ! Amélie secoua la tête d'incompréhension, essayant de revenir où elle avait pied.

Bart prit sa tête dans ses mains, et bafouilla une vague explication :

- Évite de me coller comme ça, tu veux bien ?

- C'est nouveau ! Et pourquoi ça ?

- Parce que je suis un mec, et que… oh merde !

Amélie rougit en comprenant soudain ce qu'il insinuait sans le dire : elle avait eu des cours d'éducation sexuelle au collège… Mais elle était prête pour ça : elle l'aimait !

- Je suis d'accord pour le faire avec toi ! annonça-t-elle déterminée, mais le cœur battant d'appréhension.

- Quoi ?!

Bart la regardait bouche bée, les yeux écarquillés…

- Je veux le faire avec toi ! Je t'aime !

Il fronça les sourcils :

- Arrête ! Ne dis pas n'importe quoi, Amélie !

- Je dis pas n'importe quoi : si tu en as envie, je suis prête !

- Non, Amélie, c'est hors de question !

- Pourquoi ? Je ne te fais pas envie ? C'est parce que ma poitrine est trop petite, c'est ça ?

Amélie sentit les larmes d'amertume monter au bord de ses yeux… Bart claqua de la langue, énervé :

- C'est pas ça du tout !

- Alors quoi ? Donne-moi une bonne raison, Bart !

Elle le regardait de ses yeux chocolats qui brillaient de larmes d'incompréhension et de l'humiliation d'être rejetée.

Voyant son chagrin, Bart se radoucit : il s'approcha doucement d'elle, et posant une main sur son épaule, tenta d'expliquer :

- Évidemment que tu me plais Amélie, ne va pas te faire d'idées, c'est pas du tout la raison… C'est juste que …j'ai fait cette promesse à ma mère…

- Quoi ? Quelle promesse ?

Bart soupira :

- J'ai promis que…on ne ferait rien avant tes quinze ans…

- Pfff, c'est débile ! Je connais des tas de filles au collège qui l'ont fait avant d'avoir quinze ans !

- C'est pas pour autant que c'est un exemple à suivre !

- Ta mère en saura rien… Et je suis prête…

- Moi je le saurai ! Je ne trahirai pas une promesse que j'ai faite ! Et puis même sans cette promesse, on n'a aucun moyen de contraception, imagine que tu tombes enceinte…

Bart sortait ses derniers arguments, mais Amélie ne pouvait imaginer ce qu'il lui en coûtait de la repousser ainsi : lorsqu'elle s'était collée sensuellement à lui tout à l'heure, une érection incontrôlable était soudainement venue lui vriller le bas-ventre, et il avait dû faire appel à tout son self-control en la repoussant pour calmer le jeu et se contenir… S'il n'y avait pas eu cette promesse faite à sa mère, il aurait probablement déjà porté Amélie hors de l'eau, l'aurait allongée sur la couverture et entièrement déshabillée… Et sa petite poitrine, dont il avait deviné les subtils contours derrière sa brassière de coton, ne l'aurait pas dérangé : c'était la sienne, il aimait la petite taille d'Amélie, il aimait la fragilité qu'elle cachait derrière la dure carapace de son caractère, il aimait tout d'elle, il aurait pu gravir chaque sommet de chaque montagne du Tyrol pour elle. Chaque jour, il imaginait sa première fois avec elle, comment il la caresserait, comme elle s'abandonnerait à lui, comment il la pénètrerait et comme ils jouiraient tous les deux, essoufflés, en sueur… Lorsqu'il était seul dans sa chambre, ces fantasmes cuisants tournaient dans sa tête et ne le quittaient pour un temps que lorsque les caresses qu'il se prodiguait en solitaire en pensant à elle lui apportaient un soulagement temporaire. Renoncer à ce fantasme qu'Amélie lui proposait de vivre sans aucune retenue lui demandait un effort colossal.

Amélie baissa la tête : elle n'avait pas pensé à ça.

- Et puis, on a le temps, je ne veux pas presser les choses… d'accord ?

Amélie réfléchit et le regarda :

- L'an prochain, à la même date, j'aurai quinze ans cette fois… Promets-moi qu'on reviendra ici, et qu'on le fera.

Il secoua la tête :

- Je peux pas promettre ça, Amélie !

- Tu as fait une promesse à ta mère, et tu refuses de m'en faire une ?! s'indigna-t-elle, prête à exploser de colère… Promets-le, Bart ! Promets-le !

- Ok, je promets, Amélie, mais…

Amélie se jeta à son cou, le coupant :

- Maintenant, j'aurai la patience d'attendre… souffla-t-elle en l'embrassant.

- D'accord, mais par contre, à l'avenir, évite de faire ce que tu as fait tout à l'heure…

- Est-ce que c'est… douloureux ? osa demander Amélie.

Bart retint un sourire :

- Non, pas vraiment… Disons que c'est juste… inconfortable…

Amélie baissa le regard, gênée.

- En tous les cas, on s'en tient aux baisers, s'il te plait…

Amélie tint sa parole, et pendant tout le séjour, elle s'efforça de ne jamais tenter Bart comme elle l'avait fait involontairement : elle se tint à distance respectable lorsqu'ils se retrouvaient seuls, et lui laissait dorénavant l'initiative des baisers.

L'été passa très vite, et le séjour se termina : Amélie promit à Bart de revenir à Noël. Elle ne savait pas que ses projets allaient devoir être modifiés…

xxx

- Amélie, papi et mamie viennent de m'appeler. Ils vont passer les fêtes de fin d'année avec nous ici, ils resteront quinze jours, annonça son père un mois avant Noël.

- Quoi ? Mais, et mon séjour chez Bart comment l'an dernier ?!

- Il faudra l'annuler, tu iras de toute façon cet été, comme prévu… Et puis, le docteur a dit qu'une fois par an suffisait, vu ton état de santé qui s'est largement amélioré…

Pour toute réponse, Amélie partit s'enfermer dans sa chambre en claquant la porte et pleura à chaudes larmes, même si elle se réjouissait de la venue de ses grands-parents qu'elle adorait. Ils vivaient désormais en Islande où ils passaient leur retraite, et elle avait si rarement l'occasion de les voir à part par appel vidéo au téléphone qu'elle était malgré tout contente.

Pourtant au repas du soir, elle boudait encore, et mangea du bout des lèvres : elle devrait annoncer la mauvaise nouvelle à Bart, qui se réjouissait comme elle de sa venue.

- Si tu es si triste que ça de ne pas voir ton amoureux, suggéra son père, invite-le donc à passer les fêtes de fin d'année avec nous à Berlin…

Amélie resta bouche-bée quelques secondes :

- T'es sérieux papa ?

- Le seul truc, c'est le manque de place, mais papi et mamie m'ont dit qu'ils prendront un Airbnb, ils ne veulent pas déranger. Bart pourrait dormir dans le salon ? ou toi ? Parce que bien sûr, il est hors de question que vous dormiez ensemble, ta mère me tuerait…

Amélie sourit, puis se jeta au cou de son père : elle avait de la chance, son père était un homme merveilleux, et par bien des côtés, Amélie savait qu'elle lui ressemblait, sa mère le lui répétait assez souvent, mais dans sa bouche cela sonnait plutôt comme un défaut...

- Merci papa ! Je peux appeler Bart tout de suite ? J'espère que sa mère sera d'accord…

L'accord de la mère de Bart ne fut pas évident, ce qui lui posait problème était la gestion du troupeau : mais l'oncle de Bart ayant finalement gentiment accepté de le remplacer durant le temps du séjour, qui se limiterait à la semaine du nouvel an, elle consentit finalement à le laisser y aller… C'était la première fois qu'il se rendait à l'étranger, il n'avait que rarement quitté le Tyrol, à l'occasion de quelques voyages scolaires en primaire et au collège, et jamais pour une grande ville comme Berlin…

Il prit donc le train, non sans appréhension, mais heureux de retrouver Amélie, qu'il retrouva non sans peine le soir avec son père sur le quai bondé de monde de l'immense gare du centre-ville. Après un trajet dans les rues suréclairées et embouteillées de Berlin, ils arrivèrent à leur petit appartement. Les grands-parents d'Amélie les y attendaient, sa grand-mère, petite, au visage doux et jovial, qui plut tout de suite à Bart, avait préparé le repas en les attendant, tandis que son grand-père était assis sur le canapé et regardait le journal télévisé : le père d'Amélie lui suggéra de montrer à son invité où il dormirait, et qu'il se mette à son aise pendant qu'il aiderait à mettre la table. Elle conduisit donc Bart à sa chambre au bout du couloir, un peu intimidée qu'il se retrouve chez elle.

- La salle de bains et les toilettes, c'est la porte juste à ta gauche en sortant, la porte à droite, c'est la chambre à mon père. Je suis désolée, c'est pas très grand…

Elle poussa la porte et Bart découvrit une chambre très sobre et très petite.

- Je suis désolée, je n'ai pas beaucoup d'affaires, j'ai dû partager avec la chambre chez ma mère… s'excusa Amélie.

- Ça ira très bien, sourit Bart en posant son gros sac kaki à bandoulière, et son sac à dos.

- Je t'ai fait de la place dans mon placard, tu as le casier en bas à droite. Euh, les volets marchent bien, les lampes aussi… Si tu veux lire, tu te sers… - Bart regarda machinalement l'étagère, essentiellement des livres d'école, des classiques, des BD… - Je n'ai pas de DVD, mais mon père a une immense collection de Blu-ray dans le salon.

- À table ! entendirent-ils de la cuisine.

- On arrive, mamie ! hurla Amélie. Tu viens ?

Le premier soir, Bart partagea avec eux un repas simple mais très bon : salade de roquette, galettes de pomme de terre, fromage et tarte aux pommes maison.

- Vous avez assez mangé, les jeunes ? demanda la grand-mère d'Amélie, prévenante.

- Je pourrais plus rien avaler mamie, même si ta tarte aux pommes est la meilleure du monde.

- C'est à cause du caramel que je mets dessus. Et vous, jeune homme ?

- Euh, vous pouvez me tutoyer, madame… C'est parfait, j'ai très bien mangé.

- Alors comme ça, le père d'Amélie m'a expliqué que vous êtes son galant…

Bart sourit en baissant la tête, amusé par l'expression et par le fait qu'elle continuait à le vouvoyer.

- De mon temps, jamais tes parents n'auraient accepté ça, Amélia… On devait vous passer la bague au doigt avant d'espérer dormir sous le même toit.

Bart nota avec amusement qu'Amélie portait presque le même prénom que sa grand-mère.

- Papi ! se défendit Amélie, je vais dormir dans le salon, il prend ma chambre !

- C'est vrai ça, Franz, tu es vieux jeu, vis avec ton temps, protesta la grand-mère.

- Un petit café, maman ? coupa le père d'Amélie pour clore la discussion.

- Non, ça va pour moi, je suis fatiguée, on va se rentrer, d'accord Franz ?

- Ok, on vous attend pour midi, je ferai simple, steak frites, ça vous va ?

- C'est parfait, mon grand ! Bon les jeunes, on vous laisse, bonne nuit ma Mélie…

- Bonne nuit, mamie, bonne nuit papi…

Amélie proposa un film, elle n'avait malheureusement pas de console de jeux chez son père, uniquement sa 3DS, mais Bart sembla s'en accommoder. Ils choisirent un vieux film que Bart adorait et qu'Amélie n'avait jamais vu : « retour vers le futur ». Le père d'Amélie, qui était un grand fan, se joignit à eux. Ce fut assez frustrant pour Amélie de se retrouver à côté de son amoureux sans pouvoir l'embrasser, car évidemment, en présence de son père, il en était hors de question. Elle n'osa même pas lui donner la main, même s'ils échangèrent régulièrement en biais regards tendres et sourires.

Le lendemain, mardi, elle avait prévu de faire visiter le centre-ville à Bart l'après-midi et de l'emmener au cinéma, afin qu'ils aient un peu plus d'intimité : il flânèrent donc dans les rues et firent du lèche-vitrine jusqu'à l'heure de la séance. Mais après avoir pris les billets, tandis qu'elle attendait Bart qui était parti aux toilettes, Amélie entendit soudain une voix tristement familière :

- Tiens, mais c'est Amélie à la culotte petits poneys !

Elle se retourna et tomba nez à nez avec les trois garçons qui habitaient la même rue que chez sa mère : le blond à gauche souriait d'un air méprisant , le châtain aux longs cheveux à droite et à casquette ricanait aux paroles du plus petit au milieu, prénommé Lukas, qui passait son temps à l'embêter et qui par-dessus le marché se trouvait malheureusement pour elle être dans sa classe…

- À moins qu'aujourd'hui, t'aies mis une couche culotte !

Amélie s'apprêtait à retorquer, quand elle vit leurs sourires s'effacer en sentant une ombre avancer dans son dos.

- Y a que moi qui soit autorisé à parler des culottes d'Amélie, compris les mioches ?!

Bart !-

Il s'avança vers Lukas et le toisa de toute sa hauteur. Il faisait presque une tête et demi de plus que lui, et Amélie sentit la peur presque palpable de Lukas en réaction…

- T'es qui, toi ?! osa-t-il néanmoins lancer pour se donner une contenance.

- Je suis le petit ami d'Amélie – elle vit avec plaisir Lukas écarquiller les yeux de stupéfaction - et si jamais j'apprends que vous l'avez encore embêtée, vous aurez affaire à moi… C'est bien clair, j'espère ? Il s'abaissa et rapprocha son visage pour regarder Lukas dans les yeux et celui-ci détourna son regard :

- Très clair…

- Bon ! Tu viens, Amélie, le film va commencer…

Et si les trois garnements avaient pu douter des affirmations entendues de la bouche de Bart, n'imaginant absolument pas Amélie être avec quelqu'un comme lui, leurs doutes furent effacés lorsque, assis au fond du cinéma, ils aperçurent, quelques rangés de siège devant eux, le grand rouquin et Amélie – oui, Amélie ! – échanger plusieurs baisers langoureux durant le film… Ce fut donc la dernière fois que Lukas devait embêter Amélie, ne voulant prendre le risque de retomber sur son susceptible petit ami…

Mercredi, les grands parents d'Amélie avaient proposé une sortie Bowling, que son papi affectionnait particulièrement. Ils mangèrent sur place, le bowling faisant aussi office de restaurant. Le père d'Amélie proposa de faire deux équipes : papi et lui contre Bart et Amélie, sa grand-mère ne jouant pas, elle se contentait d'encourager. Le grand-père d'Amélie était effectivement doué, et Bart n'ayant jamais joué, la première partie fut à son avantage. Mais c'était sans compter l'habileté de Bart qui réalisa plusieurs beaux « strike » – et l'inhabileté de son père –, tandis qu'Amélie en réussit un et plusieurs « spare », ce qui leur permit de remporter, mais de justesse, la deuxième partie : fiers d'eux, ils saluèrent leur victoire par une danse endiablée qui fit sourire tout le monde.

- Ton galant me plait, souffla la grand-mère d'Amélie à son oreille tandis qu'ils regagnaient la voiture.

Le jeudi, Amélie, qui ne voulait pas que Bart s'ennuie le moins du monde, lui proposa de passer quelques heures à la patinoire : si Bart eut un temps d'adaptation et prit quelques gadins au démarrage, il fut ensuite presque aussi à l'aise qu'elle et ils patinèrent d'autant plus longtemps qu'en ce jour de veille du réveillon, il n'y avait presque personne sur le terrain…

Lorsqu'ils rentrèrent le soir, ses grands-parents et son père venaient de finir les courses pour le réveillon, et rangeaient tout dans le frigo, discutant du menu de réveillon du lendemain.

- Papa, est ce qu'on ira au feu d'artifice de la ville, comme tous les ans ?

- Bien sûr ma puce, on ne raterait ça pour rien au monde. On grignotera un morceau avant de partir et on réveillonnera en rentrant, ça vous va ?

- Je voulais te demander si on peut assister au concert gratuit juste avant ? C'est mon groupe préféré qui joue cette année ! S'te plait s'te plait pitié !

- Tu sais, ma chérie, je n'ai plus l'âge de me fader un concert entier debout, et encore moins tes grands-parents…

- Oh, je t'en supplie papa ! D'habitude, les concerts du réveillon sont nuls, mais celui-là, c'est super important ! Juste cette fois ! Pitié pitié pitié ! supplia-t-elle.

- Bon, d'accord ! Voilà ce que je te propose : étant donné que Bart sera avec toi, et que vous avez chacun votre téléphone, je vous propose d'aller seuls au concert et on vous rejoindra pour le feu d'artifice… Si Bart est d'accord bien sûr..

- Ouaih ! Super ! Tu connais surement, Bart, c'est le groupe Juli ?

- Non, je connais pas, désolé… En matière de musique, j'ai des goûts de vieux… Mais bien sûr je suis d'accord pour venir, tu as l'air si enthousiaste !

- Tu verras ce sera super ! Oh, je suis trop contente !

Bart ne put s'empêcher de sourire en voyant Amélie sautiller de joie et d'impatience.

Le lendemain, ils grignotèrent un morceau et Amélie les fit partir de très bon heure de l'appartement : elle voulait être bien placée pour le concert. Ils arrivèrent si tôt qu'il n'y avait presque personne et qu'après plus de deux heures d'attente dans le froid de l'hiver berlinois, ils purent se retrouver juste en face de la scène. La foule afflua vite ensuite, et arriva en masse derrière eux, sur la grande place qui fut bientôt noire de monde. Enfin, le concert commença…

Bien que Bart ne connaisse pas, il fut vite convaincu par l'énergie et les performances musicales du groupe.

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Quant à Amélie, elle était visiblement aux anges, voyant sa chanteuse fétiche de très près, et criant chaque chanson par cœur…

À la fin du concert, ils attendirent un peu que la foule se disperse, puis Amélie appela son père pour savoir où le retrouver. Celui-ci avait choisi un point stratégique de la ville, en hauteur et non loin du lieu du concert, d'où ils verraient parfaitement le feu d'artifice sans être gênés par la foule. À minuit, le compte à rebours débuta par dix gros feux explosifs qui retentirent dans le ciel. Puis un immense feu doré éclata dans le ciel.

- Bonne année ! crièrent-ils tous.

Bart la serra dans ses bras, puis l'embrassa, lui murmurant à l'oreille :

- Bonne année, Amélie ! Je t'aime.

Amélie fut un peu gênée par cette manifestation d'amour devant son père et ses grands-parents, mais quand son père fit une accolade à Bart, pour lui souhaiter aussi la bonne année, elle comprit qu'il l'avait accepté, ce qui la réjouit.

Le feu d'artifice se poursuivit pendant un bon quart d'heure, au bout duquel ils regagnèrent la voiture, au milieu des piétons qui continuaient à faire la fête et lancer des pétards dans la rue…

Ils réveillonnèrent ensuite , en se régalant du délicieux repas que la grand-mère d'Amélie, fin cordon-bleu avait mitonné toute la soirée, puis jouèrent aux cartes, belote, tarot, jusqu'à quatre heures du matin, moment où les grands-parents, fort fatigués, prirent congés.

- Laisse donc ton père dormir, désigna la grand-mère du menton en pointant le père affalé sur le canapé, je crois qu'il a un peu trop abusé du vin ce soir ! Et laisse le rangement, on fera tout ensemble demain, j'ai déjà rangé ce qui allait au frais…

- Ok, mamie t'inquiète pas ! Bonne nuit, à demain.

- Ne nous attendez pas avant au moins midi…

Amélie tourna la clé derrière eux, et se tourna vers son père : affalé sur le dos, il ronflait comme un sonneur, la bouche ouverte… Elle alla chercher une couverture, et le couvrit pour éviter qu'il n'ait froid.

- Tu es bien prévenante, Mourache ! chuchota Bart.

- Tu as vu ça ! Le problème, c'est qu'il a pris mon lit…

Bart haussa les épaules :

- Où est le problème ? T'as qu'à prendre le sien !

- T'es fou, j'oserai jamais, j'ai pas le droit de rentrer dans sa chambre… S'il apprend ça, je suis privée de sortie pendant un mois…

- Tu veux que je te laisse ton lit ? Y a pas de problème, je peux dormir par terre, dans la cuisine ou le couloir,si tu me donnes une couverture.

- T'es pas fou, non ! Non, mon lit est pas super grand, mais en se serrant un peu… Enfin, si tu es d'accord ?

- Je suis pas sûr que ton père apprécie ça, je pense qu'il préférerait que tu prennes son lit, tu sais…

- Bah, tant pis pour lui, il avait qu'à moins picoler ! Ça te dérange, si je dors avec toi ?

- On l'a déjà fait à la montagne, la première fois qu'on s'est rencontrés, je te rappelle…

- C'est vrai, mais à l'époque, tu n'étais pas encore mon petit ami…

- C'est vrai…

Ils entrèrent dans la chambre, Amélie ferma les volets.

- D'ailleurs, je t'ai jamais demandé : à quel moment t'as su ? Que tu étais amoureux de moi ? Malgré les insultes et mon mauvais caractère…

- Je crois que c'est ça qui m'a plu chez toi, ton caractère de battante. Ton envie d'aller au bout et de faire ce que tu voulais, malgré tout, sans peur. Ta force… As vrai dire, tu m'as intrigué dès le premier contact… Et toi ?

- Quoi, moi ?

- Quand est-ce que tu as su ?

- Pour être honnête, je t'ai d'abord trouvé pot de colle avec moi, un peu lourd quoi ! Et puis j'aimais pas que tu me tiennes tête, personne ne le fais d'habitude, mais ensuite, j'ai appris à te connaitre, tu t'es confié, tu m'as parlé de toi, de ton père, et puis, au final je t'ai trouvé drôle et gentil et…très séduisant…

Bart retint un gloussement :

- C'est bien la première fois qu'on me dit ça !

- Tu rigoles ?

- Non ! Pas du tout ! Au collège, les filles passaient leur temps à se moquer de mes cheveux…

- J'adore tes cheveux, murmura Amélie en passant la main dans ses mèches rousses épaisses et bouclées…

Puis se rendant compte de l'audace de son geste, alors qu'il la regardait sans rien dire, elle s'arrêta :

- On devrait dormir, je crois…

- Oui … Je crois qu'il est largement temps de se coucher !

- Je vais mettre mon pyjama, j'arrive.

Lorsqu'Amélie revint, Bart l'attendait, debout :

- Tu pouvais te coucher, tu sais…

- Je voulais savoir quel côté tu préférais…

- Euh, j'y ai pas réfléchi… Près de la fenêtre, si ça te dérange pas ? Le bruit des voitures me berce…

Bart rit :

- Moi, c'est le contraire ! La première nuit, j'ai eu du mal à m'endormir , le silence de la montagne me manque !

Il se déshabilla rapidement, ôtant son t-shirt et son jean et se glissa rapidement dans le lit :

- Je suis désolé, je n'ai pas de pyjama, je dors comme ça…

- Pas de problème ! Merde, j'ai pas pensé, j'ai qu'un oreiller ! Le mien est sous la tête de mon père…

- Viens contre moi, et mets ta tête sur mon bras si tu veux…

- C'est vrai ? Je peux ?

- Bien sûr !

Amélie vint se glisser contre Bart sans se faire prier davantage. L'étroitesse du lit l'obligeait à être à son contact pour ne pas tomber : son torse nu lui transmettait sa chaleur, et elle s'enivra de ce contact et de son odeur, puis s'enhardissant, glissa une main le long de sa taille.

- Doucement, Amélie, ton père est à côté et…

- Je sais, j'ai encore six mois à tenir, chuchota-t-elle, mais laisse-moi garder ma main comme ça. Et fait pareil avec moi, s'il te plait !

Bart soupira puis se tourna vers elle, et posa sa main sur sa hanche.

- On dirait que ça te demande un effort surhumain de faire ça…

- Oui, admit Bart, car je voudrais en faire bien plus, tu n'imagines même pas…

- Dis-moi, si c'est juste des mots, ça ne compte pas pour ta mère !

- Ce ne sont pas des choses à entendre pour tes chastes oreilles…

- Dis, je ne suis plus une gamine !

Amélie étouffa un bâillement.

- Jusqu'à tes quinze ans, si ! sourit Bart, et il l'embrassa tendrement sur le front. Allez, Belle au Bois Dormant, il est temps de s'endormir pour un siècle.

- Mon prince est déjà là, sourit Amélie. Bonne nuit, prince charmant !

- Bonne nuit, Mourache !

- ça c'est tout de suite moins romantique ! Eh ben, bonne nuit Pedzouille !

Au matin du premier janvier, un mal de tête intense réveilla le père d'Amélie : il avait l'impression que des centaines de petits marteaux faisaient de la batterie sous son crâne. Grimaçant, il ouvrit un œil, et se rendit alors compte qu'il avait dormi sur le canapé. Ce n'était certes pas la première fois : lorsqu'il regardait un film tard le soir, ça lui arrivait souvent, mais lorsqu' il se rappela que sa fille et son petit ami étaient là et que sa fille était normalement censée dormir sur ce même canapé, une bouffée d'adrénaline le réveilla plus efficacement que le café le plus costaud. Il se leva d'un bon et vit que la porte de sa propre chambre était ouverte, son lit parfaitement fait.

Il poussa alors doucement la porte de celle de sa fille, priant pour qu'elle ne soit pas nue comme un ver dans son lit. Dans la pénombre, il la distingua dans son pyjama habituel, blottie contre Bart qui dormait tranquillement à ses côtés. Il soupira, et décida de les laisser dormir. Il avait besoin d'une bonne douche et d'une bonne dose de caféine.

Il était en train de se servir un mug de café quand du bruit derrière lui fit tourner la tête.

- Bonjour, monsieur.

- Tiens, bonjour Bart. Vous avez bien dormi ?

- Oui, très bien, je vous remercie.

- Café ?

- Je veux bien…

Le père de Bart versa un deuxième mug pendant que Bart s'asseyait, puis le posa devant lui et s'assit en face, sa propre tasse à la main.

- Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je veux juste m'assurer que vous prenez bien toutes les précautions Amélie et vous pour vous protéger… Ma fille est encore jeune et vous êtes le plus vieux, je considère donc que c'est vous qui êtes pleinement responsable. Vous devez… enfin, vous avez…

Bart, aussi mal à l'aise que le père d'Amélie, ne put s'empêcher de rougir à tous les sous-entendus que cette conversation amenait.

- Monsieur… Je vous arrête tout de suite… Votre fille et moi, on n'a encore rien fait…C'est juste qu'hier soir, vous dormiez profondément et Amélie n'a pas osé prendre votre lit donc…

- Vraiment ? coupa le père. Rien du tout ?

Au ton de sa voix, Bart devina sans peine le soulagement du père d'Amélie, mêlé de scepticisme.

- Je veux dire, rien à part s'embrasser, bien sûr…

- Bien sûr… Eh bien, Bart, plus je discute avec vous, plus vous me semblez un garçon raisonnable. Amélie est mon seul enfant, je l'aime plus que tout, et je sais qu'avec sa mère, on lui a fait traverser des moments pas faciles, avec notre divorce, en plus de sa maladie… Je ne veux pas qu'elle souffre davantage… Je vois bien le changement que vous avez réussi à opérer depuis que vous êtes entré dans sa vie… Si, si ! Ne jouez pas les modestes ! Elle est plus heureuse et épanouie, depuis que vous êtes ensemble, même à distance. Ne la faites jamais souffrir, c'est tout ce que je vous demande…

- Ce n'est pas mon intention. J'aime votre fille, c'est une personne formidable…

Le père lui sourit :

- Je vous la confie, Bart.

- Merci pour votre confiance, monsieur, je ne la trahirai pas…

- En tout cas, quand vous devrez faire quelque chose, prenez vos précautions : je veux bien être grand père, mais pas avant au moins une dizaine voir une quinzaine d'années…

Cette conversation fut coupée par le bruit de la porte et des pas d'Amélie qui se levait et évita à Bart de devoir donner une réponse embarrassante…

C'était la dernière journée qu'Amélie et Bart passèrent ensemble : cette fois, ils restèrent tranquillement à l'appartement, et passèrent l'après-midi à jouer à des jeux de sociétés avec les grands-parents et le père d'Amélie, dans une bonne ambiance. Le soir, les grands-parents d'Amélie dirent au revoir à Bart, puisqu'il devrait prendre le train de bonne heure le lendemain matin :

- Au revoir, Bart ! Bon retour dans vos montagnes et portez-vous bien… Je suis ravie que ma petite-fille ait trouvé quelqu'un d'aussi gentil que vous. Si un jour vous voulez venir en Islande, vous serez les bienvenus.

- Merci, madame, au revoir !

- Vous pouvez m'appelez Amélia !

Bart sourit, heureux d'être si bien accepté dans la famille.

Les parents d'Amélie partis, ils eurent alors la surprise d'avoir la visite éclair de la mère d'Amélie qui venait leur souhaiter une bonne année, même si Amélie soupçonna qu'elle venait surveiller en même temps comment se passait le séjour de Bart…

Le père d'Amélie l'invita à rester diner, ce qu'elle accepta. Elle ne resta néanmoins pas longtemps, car tout le monde tombait de sommeil à cause du réveillon de la veille. Tout le monde se prépara ensuite rapidement pour le coucher, d'autant plus qu'ils devraient se lever tôt pour arriver à l'heure à la gare.

Les adieux furent de nouveau une déchirure pour Amélie et Bart, même si il lui avoua que ses montagnes lui manquaient et que ce serait impossible pour lui de vivre ici toute l'année.

- Moi aussi, elles me manquent, je suis tombée amoureuse d'elles en même temps que de toi… Je reviens en juillet, promis ! Et cette fois, pas de grands-parents qui tiennent !

Et oubliant son père qui se tenait à côté, Amélie embrassa langoureusement Bart, avant qu'il ne s'éloigne par le train de sept heures cinquante-trois…

xxx

De nouveau, Amélie était rêveuse en classe, et avait du mal à se concentrer sur le moindre petit exercice. Les cours semblaient fades, et la venue de Bart avait ravivé un manque qui la rongeait de l'intérieur… Elle aurait voulu rester toujours à ses côtés, vivre avec lui, dans l'air pur des montagnes…

- Amélie… - une voix semblait venir de loin - Amélie ?

- Oh ! Excusez-moi, professeur, vous disiez ?

Éclats de rire dans la salle de classe…

- Eh bien, Amélie, vous rêviez ? Je vous demandais votre imprimé d'orientation ! Il est à rendre pour la fin de la semaine, dernier délai, et vous êtes la dernière qui ne me l'ait pas encore rendu…

Zut, ce fichu imprimé d'orientation lui était complètement sorti de la tête ! Leur professeure principale leur avait donné avant les vacances de Noël, et demandé d'y réfléchir, et avec la venue de Bart, elle avait complétement zappé…

- Oui, j'y pense, Madame !

- Vendredi, si vous ne me l'avez pas donné, j'appelle vos parents…

Amélie se pencha donc sur la question, dès son retour à la maison : elle lut les questions avec détermination.

Projet de métier ? Elle n'en avait pas… Orientation générale ou professionnelle ? Elle n'y avait jamais réfléchi plus que ça… Classer ses choix d'établissement par ordre de préférence ? aucune idée…

Tout ce qu'elle savait est qu'elle voulait passer son avenir avec Bart, en s'occupant du troupeau… Du troupeau ?! Une soudaine illumination fit battre son cœur plus vite : elle alluma son ordinateur, et entreprit de faire des recherches… Elle passa toute la fin d'après-midi et toute la soirée sur Internet, à lire, visionner, récupérer de la documentation… Lorsque sa mère, voyant encore la lumière qui passait sous sa porte à vingt-trois heures, lui intima l'ordre de se mettre au lit , elle referma son portable satisfaite, l'imprimé d'orientation rempli : il ne lui restait plus qu'à convaincre ses parents pour qu'ils signent. Son père, pas de problème, il la suivrait, mais sa mère, ça, c'était une autre histoire. Elle décida d'attendre le lendemain matin, moment le plus favorable puisque sa mère, toujours pressée, serait obligée de signer rapidement.

- M'man, attends, j'ai oublié : tu peux signer ce papier pour l'école ?

- Amélie, tu exagères, tu attends toujours le dernier moment, grogna sa mère, alors qu'elle enfilait ses chaussures tout en jetant un coup d'œil inquiet à la grand horloge sur le mur de l'entrée.

Mais malgré tout, elle attrapa la feuille et le crayon qu'elle lui tendait et sans même regarder de quoi il s'agissait, griffonna rapidement sa signature en bas…

- Bon sang, je vais être en retard, n'oublie pas que ton père passe te chercher ce soir. Je serai pas rentrée, tu penses à mettre l'alarme en fermant.

- Ok, m'man, à ce week-end.

L'alternance entre ses deux parents divorcés avait parfois du bon… Et que sa mère soit speed parfois aussi… Amélie sourit : et d'une signature… L'autre serait du gâteau !

La vue de son père les yeux écarquillés aurait valu une photo :

- Une école agricole ?!

- Oui, papa…

- Et ta mère est d'accord ?

- Ben, oui, tu vois bien, elle a signé.

- Tu es sûre de toi ? C'est assez curieux comme choix…

- Je suis sûre de moi, papa…

- Et ce choix n'aurait-il pas un lien avec un certain Bart, ou plutôt, un lien certain avec Bart… ?

Amélie sourit au jeu de mots de son père… Mais il lisait si facilement en elle :

- ça m'intéresse, vraiment, je trouve ça passionnant… Et en plus, je voudrais l'aider à la ferme, améliorer ce qu'ils font, apporter des choses, des idées, un savoir-faire…

- D'où le choix de l'option, acquiesça son père.

- Oui…

- Bon, je suis surpris, mais en même temps, je te vois bien faire ce genre de travail… Ok, va pour la section « conduite d'élevage » option « transformation laitière ». Mais tu as bien conscience que cette école est loin, Amélie, donc que tu seras forcément en internat et que tu vas partir pour trois ans d'études avant de décrocher ton diplôme et pouvoir commencer à travailler…

- Oui, papa, j'ai tout regardé hier : je sais que les tarifs de l'école sont assez…

- Ne t'occupe pas des tarifs, l'essentiel est que tu sois sûre de toi… J'espère juste que tu seras prise…

- Il y a très peu de demandes, ils ne remplissent jamais la totalité de la classe…

- OK, allez donne-moi ce stylo... Que je signe…

Amélie dut également affronter la réaction de stupeur sa professeure principale à la lecture de sa fiche d'orientation, mais ce ne fut rien en comparaison de la colère qui anima sa mère lorsqu'elle le découvrit par hasard lors d'un échange téléphonique avec son père. Elle lui hurla dessus, mais Amélie laissa passer, persuadée que la colère de sa mère était davantage due au fait qu'Amélie lui avait dissimulé quelque chose, plutôt qu'au choix de l'orientation lui-même.

Après un long échange avec son père, puis avec elle, elle finit par se résigner à devoir laisser partir sa fille au mois de septembre suivant, et à ne la revoir qu'à chaque période de vacances scolaires…

Amélie eut encore six mois d'école pour mûrir son projet et le conforter… Elle emprunta des tas de livres à la bibliothèque, sur l'élevage, les fromages, les yaourts, les races de vaches… Elle s'acheta même une yaourtière, et entreprit de réaliser des tas de recettes différentes de yaourts, qui régalèrent ses parents…

Elle n'avait encore rien dit à Bart de son projet et comptait lui en faire la surprise… D'ailleurs, plus le temps des grandes vacances approchait et plus son cœur se serrait d'appréhension… Elle avait promis à Bart de se donner à lui, et pourtant, elle se sentait si maladroite, si ignorante de ce qu'elle devrait faire, qu'elle finit par faire de nouvelles recherches sur Internet, d'un tout autre genre, effaçant soigneusement son historique à la fin de chaque navigation - ses parents auraient été affolés de voir les mots clés « conseil première fois », ou « comment faire l'amour » apparaitre dans la saisie intuite de la barre de recherche… Elle orienta aussi sans en avoir l'air la conversation avec les copines : elles en virent à suggérer que la seule façon de faire plaisir au lit à un garçon était de le sucer, dixit d'autres filles de l'école ou vagues connaissances… À nouveau, elle chercha donc une solution sur Internet avec les mots clés « comment sucer » qui se transformèrent en suggestion « réussir une fellation »… Elle tomba sur des sites hard avec des photos qui lui soulevèrent le cœur de dégout et lui donnèrent la nausée, puis d'autres plus soft où une charmante jeune femme montrait en vidéo comment s'entrainer sur une banane… Amélie s'appliqua donc le jour suivant, avant que sa mère ne rentre, sur une des bananes qui trônait dans la corbeille à fruits de la cuisine, en essayant, comme l'avait indiqué la dame, de ne pas la racler avec les dents, et de bien utiliser sa langue partout, essentiellement sur l'extrémité… Au bout de quelques semaines de bananes à chaque goûter, qui la dégoutèrent à jamais de ce fruit, elle jugea qu'elle était un peu plus à l'aise, et espéra qu'elle serait aussi efficace sur Bart : mais en aurait-elle le courage après les images qu'elle avait vues ? Rien n'était moins sûr, et elle se décourageait chaque fois qu'elle y pensait… Elle avait en plus eu l'occasion d'apprendre dans ses lectures sur la première fois la présence de la douleur et du sang… Comme si c'était déjà pas suffisant d'avoir ses règles tous les mois, grommela-t-elle quand elle l'apprit. La grande sœur d'une de ses amies leur apprit que c'était moins douloureux après quelques fois, que « ça passait » selon ses mots… Amélie appréhendait donc le retour chez Bart tout autant qu'elle l'attendait avec impatience, mais comme à son habitude, elle n'allait pas se défiler. Au contraire, elle comptait affronter cette nouvelle épreuve comme la battante qu'elle était…

xxx

Bart venait de passer son permis - dans sa région du Tyrol, il était possible de le faire dès l'âge de dix-sept ans. C'était beaucoup plus pratique pour lui ainsi, il pouvait maintenant se rendre chez le vétérinaire directement pour chercher des produits pour ses vaches si nécessaire sans devoir attendre de passer par son oncle, et était ainsi moins dépendant de la présence de sa mère pour gérer les à-côtés demandés pour le troupeau. Il avait pu en économisant s'acheter une petite voiture d'occasion, d'un vieux modèle mais avec peu de kilométrage. Son oncle lui avait montré comment faire les réparations et entretiens les plus simples. C'est ainsi que début juillet, il put faire la surprise de venir chercher Amélie seul à la gare. Elle fut donc surprise quand Bart lui indiqua la nouvelle voiture, mais qu'elle n'y vit pas sa mère au volant, et se réjouit de ce progrès. La maison n'avait pas changé. Hias avait un peu grandi, il devait rentrer au collège en septembre. Leur mère l'accueillit très chaleureusement et elle retrouva avec bonheur la chambre de Bart sous les combles.

Dès le lendemain, elle retrouva avec d'autant plus de plaisir les occupations liées au troupeau, qu'elle savait que celles-ci feraient partie de ses trois prochaines années, et de son avenir professionnel. Dans sa tête, tournaient déjà mille idées pour planifier la production de yaourts, de fromages, et comment les vendre à la ferme et sur les marchés locaux… Peut-être même pourraient-ils exporter ? Jusqu'en Allemagne, qui sait ? De penser à tout ça lui occupait l'esprit, et l'empêchait de méditer sur la promesse qu'elle avait fait faire à Bart, il y avait déjà un an de ça… Un an déjà, et deux ans qu'ils se connaissaient, qu'ils échangeaient, qu'ils étaient amoureux… D'ailleurs, plus Amélie fréquentait Bart, plus elle le trouvait formidable, rien à voir avec les garçons qu'elle pouvait côtoyer à Berlin, puériles et immatures… Et la montagne ! Comme elle lui avait manquée ! Qu'elle avait hâte de la gravir à nouveau et de retrouver cette sensation de liberté à son sommet !

Bart ne la fit pas s'impatienter davantage : la chaleur étant cette année plus supportable, il proposa une balade l'après-midi même. C'est ainsi qu'équipés chacun d'un sac à dos, avec de l'eau et le spray de Ventoline d'Amélie , qui lui servait de moins en moins, ils reprirent le chemin qui les avaient conduits la première fois jusqu'au sommet. Amélie, contrairement à son habitude, était plutôt silencieuse. Elle pouvait sentir dans la poche droite de son jean, au bout de ses doigts, le contact lisse et froid du sachet du préservatif qu'elle avait osé chiper discrètement dans la corbeille où il se trouvait au milieu de dizaines d'autres identiques, à l'infirmerie de son collège. Rien de plus facile, il lui avait suffi de simuler un mal de tête et pendant que l'infirmière se rendait dans le local de réserve chercher le comprimé de doliprane censé la soulager, elle s'était servie dans la corbeille posée sur le bureau, le cœur battant. C'était la première fois qu'elle volait de sa vie et elle n'en était pas fière, mais les deux autres options - demander directement à l'infirmière qu'elle lui en donne un ou aller en acheter toute une boite dans une pharmacie - étaient tout simplement inconcevables… Elle ignorait que Bart, torturé par la même promesse, et connaissant Amélie qui ne l'oublierait pas - elle était aussi têtue qu'une mule- avait fini peu de temps avant son arrivée par prendre la voiture et se rendre dans la bourgade la plus proche équipée d'une pharmacie, pour y acheter une boite de préservatifs « au cas où »… Après tout, le père d'Amélie avait bien insisté : il était le plus vieux, donc il était le responsable. Et s'il pensait impossible l'éventualité qu'ils aient l'un ou l'autre une IST, la perspective d'une grossesse d'Amélie était en revanche une hypothèse tout à fait valable. La boite de préservatifs était bien cachée tout au fond de son armoire, sous les piles de pulls soigneusement pliés par sa mère, mais qu'il rangeait toujours lui-même. Il était donc sûr qu'elle ne tomberait pas dessus par inadvertance. Il s'était même entrainé, un matin où sa mère travaillait et où son frère était en classe, à en enfiler un correctement, histoire de ne pas être pris au dépourvu le moment venu. Par contre, il ne pouvait pas imaginer que leur besoin se ferait sentir dès le premier jour du séjour d'Amélie…

Ils faisaient une pause sur un tronc d'arbre couché sur le bord d'un sentier ombragé, lorsqu'Amélie se décida : elle commença par une approche contre lui, une tête appuyée sur son épaule, un simple baiser, puis une étreinte de plus en plus explicite, jusqu'à ce que leurs langues se retrouvent enfin, loin des regards indiscrets…

- Bart ? Tu te souviens ? interrompit-elle, décidée à se lancer.

- Quoi donc ?

- Ta promesse de l'été dernier…

- Bien sûr que je m'en souviens… Comment veux-tu que je l'oublie !

- J'ai quinze ans, maintenant… Tu as tenu la promesse faite à ta mère… Tu dois tenir celle que tu m'as faite…

- Je te rappelle que tu es là pendant un mois ! On a le tout le temps d'y penser… Tu viens à peine d'arriver…

- J'ai attendu un an, je n'attendrai pas un jour de plus… Je veux qu'on le fasse ! Aujourd'hui !

- Eh, du calme, Mourache ! De toute façon, j'ai pas pris ce qu'il faut pour se protéger, OK ?! Et il est hors de question de le faire sans protection…

Bart, très calme, comptait sur cet argument qu'il pensait imparable, pour dissuader Amélie et repousser l'échéance. Certes, il désirait Amélie dans ses fantasmes cachés, mais il ne se sentait pas l'habileté et l'aisance pour la guider comme il savait qu'il devrait le faire. Oh, oui, bien sûr qu'il avait vu quelques films pornos, mais en garçon mature qu'il était, il savait qu'ils ne reflétaient absolument pas la réalité. Ces films l'avaient juste aiguillé sur l'anatomie de la femme, qu'il n'avait que vaguement entraperçue par ses livres évasifs de sciences naturelles… En théorie, il était prêt, mais il préférait attendre encore un peu pour passer à la pratique, même si c'était reculer pour mieux sauter…

C'est pourquoi il ouvrit des yeux ronds comme des billes et pâlit, lorsqu'Amélie glissa sa main dans sa poche et en sortit un petit carré de couleur bleu foncée, qu'il reconnut instantanément. Il savait qu'il n'avait désormais plus aucune excuse pour se défiler. Malgré tout, il essaya, maladroitement :

- C'est pas vrai… Amélie !

- Quoi ?

- Je… Tu crois pas que tu précipites les choses, on n'est pas pressés à ce point, non ?

- T'as pas envie de moi, ou quoi ?!

Amélie s'énervait et commençait à sentir les larmes lui monter aux yeux. Aussitôt, elle sentit les bras de Bart se refermer autour d'elle et entendit sa voix rassurante chuchoter à son oreille :

- Bien sûr que j'ai envie de toi…C'est pas ça, mais…

- Alors, montre-le moi !

Bart, les sourcils froncés ne répondit rien, mais relâcha son étreinte et se leva. Alors qu'Amélie sentait qu'ils allaient repartir d'ici, lui fâché et elle déçue, il lui attrapa la main…

- Ok, viens par là..

Et il la guida à travers un petit sentier perpendiculaire, qui les conduisit jusqu'à une paroi abrupte, qui recouvrait en partie un sol doux recouvert de mousse.

- On sera plus tranquilles, ici. Il manquerait plus qu'on nous dérange…

Amélie sourit, rayonnante, elle allait avoir ce qu'elle voulait, comme souvent. Mais son sourire s'effaça en voyant le visage de Bart, trahissant un mélange d'hésitation et d'inquiétude. Elle décida alors que c'était le bon moment pour mettre à profit son entrainement passé sur les bananes, et s'agenouilla bravement devant lui. Ignorant son regard interrogatif, elle déboucla sa ceinture, déboutonna d'un seul geste son jean et glissa sa main à l'intérieur pour en sortir ce qui était sans aucune contestation plus long et large qu'une banane... Si elle entendit son souffle s'accélérer, et ce qu'elle tenait durcir dans sa main, cela ne l'arrêta pas. Elle approcha son visage, ferma les yeux, et plongea la bouche ouverte et le cœur battant, les mains moites d'appréhension à l'idée d'être à la hauteur et de ne pas mal faire pour cette première fois.

- Woh ! Woh ! Attends un peu ! Qu'est-ce que tu fais ?!

Elle s'était attendu à tout, sauf au recul soudain de Bart qui échappa à son emprise, le visage rouge et le regard affolé.

- Je… je…

Amélie ne trouvait plus ses mots…

- Attends une minute, demanda Bart en reboutonnant son jean.

Elle fondit en larmes, et cacha son visage dans ses mains, toujours à genoux sur le sol moussu. Aussitôt Bart s'agenouilla à côté d'elle :

- Eh… chuchota-t-il, je… Je m'excuse, mais je ne comprends pas… Pourquoi tu veux faire ça ? C'est quoi l'idée ? Explique-moi !

- C'est… c'est pour te faire plaisir, je croyais… que… les garçons aimaient ça… sanglota Amélie.

- Amélie, regarde-moi !

Amélie releva la tête, les yeux baignés de larmes, vers son amoureux : il la regardait sans colère, avec douceur et tendresse :

- Amélie, je veux faire l'amour avec toi, mais je ne veux pas, surtout pas, que tu te forces à faire quelque chose que tu n'as pas envie de faire, juste parce que tu penses que les choses doivent être faites comme ça. Je veux que tu fasses uniquement ce dont tu as envie. Dis-moi, montre-moi, ce dont tu as envie…Faire l'amour, pour moi, c'est ça, montrer à l'autre ce qui nous plait, partager de la douceur, de la tendresse… On n'est pas dans un film porno…Ce n'est pas ce que je veux de toi…

Amélie sentit ses larmes se tarir, tandis que Bart lui attrapait les mains. Elles semblaient si petites au creux des siennes...

- Dis-moi ce que tu aimerais vraiment faire, Amélie… Dis-moi, montre-moi…

- Je… je voudrais… te toucher… et que tu me touches aussi…

- Bon, alors si on commençait par là, tout doucement, tranquillement… On n'est pas obligé d'aller jusqu'au bout… On peut prendre notre temps… Et même si on a rien fait avant la fin de ton séjour, tu reviendras des tas d'autres fois… On a toute notre vie, pas vrai ? souffla-t-il.

Amélie acquiesça, un sourire s'esquissant sur ses lèvres. Bart posa sa main sur sa joue, et déposa un doux baiser sur chacun de ses yeux, mouillant ses lèvres des dernières larmes encore accrochées à ses cils, puis il l'embrassa sur les lèvres. Le baiser s'approfondit et tandis qu'ils s'embrassaient, Bart l'allongea lentement sur la mousse, retenant sa chute d'une main dans son dos. Le baiser se fit plus ardent, tandis que Bart osa glisser ses mains de ses poignets vers ses bras, puis ses épaules. Ses lèvres glissèrent vers son cou, tandis que ses mains descendaient vers sa poitrine. D'un regard, il attendit une permission qu'elle lui accorda volontiers, avant de poser ses mains en coupe sur ses seins, à travers son t-shirt. Elle entendit un gémissement discret s'échapper de ses lèvres tandis qu'un incendie semblait embraser son ventre.

- J'ai tellement rêvé de ce moment, Amélie… C'est encore mieux que dans mes rêves…

Il quitta sa poitrine brièvement, à son grand désespoir, mais elle sentit le bout chaud de ses doigts se glisser entre son jean et le bas de son t-shirt pour se faufiler en dessous.

- Dis-moi, surtout, si je fais quelque chose qui ne te plait pas, murmura-t-il.

- Continue, Bart… Continue, supplia-t-elle.

Ses doigts remontèrent, et bravement, repoussèrent le soutien-gorge de coton, dernier obstacle protégeant sa peau… Puis elle sentit sa main se poser sur sa poitrine, et ce fut son tour de gémir involontairement.

- Amélie, je peux… retirer ton haut ?

Elle donna son consentement d'un hochement de tête.

Lorsqu'elle se retrouva la poitrine découverte devant lui, elle ne put réprimer un long frisson.

- Tu es magnifique, souffla-t-il admiratif.

- Je suis… désolée… Je n'ai pas de très gros…

- Tes seins sont parfaits ! coupa Bart, tu es parfaite !

Et joignant le geste à la parole, il se pencha sur son sein et déposa un baiser sur son extrémité. Cette fois, ce fut un cri aigu de plaisir qui s'échappa des lèvres d'Amélie sans qu'elle puisse le retenir.

- Bart ! Bart ! appela-t-elle. Je veux… toi aussi… déshabille-toi !

Obéissant aveuglément à ses ordres, Bart ôta son t-shirt : ses chaussures, ses chaussettes et son jean suivirent le même chemin. Il était debout devant elle, en simple caleçon noir, qui ne pouvait cacher l'érection incontrôlable que la vue d'Amélie lui procurait. Il la rejoignit alors au sol, au-dessus d'elle. Elle sentit une pointe d'appréhension en se retrouvant dans la cage de chair formée par ses deux bras, son torse large au-dessus d'elle et essaya de contrôler son souffle qui s'accéléra de plus en plus lorsque Bart entreprit de descendre d'une main la fermeture qui fermait son jean, tout en égrenant une pluie de baisers de ses seins à son ventre dans lequel elle sentait une vague de chaleur grandir et la submerger….

- Bart !

- Je suis là, souffla-t-il… Je m'arrête si tu veux… Tu as juste à me dire stop…

- J'ai peur…

- De moi ?

- Non, de moi, de ce que je ressens, c'est trop…

- Intense ?

- Oui, j'ai l'impression que je vais prendre feu littéralement !

- Je ressens la même chose que toi…

- Vraiment ? Mais comment…

- Laisse-moi te montrer… souffla-t-il rassurant, et glissant doucement la main dans la culotte d'Amélie, il entreprit des caresses qu'Amélie, rougissante et sans voix, n'aurait jamais pu imaginer, des caresses qui la mirent vite au supplice d'un plaisir grandissant et incontrôlable…

- Bart, viens ! Je te veux !

- Tu es certaine ?

- Oui, viens, je veux… Maintenant !gémit Amélie.

Bart se leva, prit le préservatif, ôta son caleçon, puis ouvrant le sachet, il le déroula d'une main tremblante, s'y prenant en deux fois.

- Excuse -moi, je suis un peu nerveux…

- Pas grave, moi aussi, Bart… Viens ! Amélie ôta d'un geste son jean et sa culotte qu'elle envoya valser dans l'herbe.

Il vint se glisser entre ses jambes et elle sentit le contact du froid du latex contre la face interne de sa cuisse.

- Tu es sûre ? il n'est pas encore trop tard pour…

- Non, Bart, s'il te plait !

- Ok ! souffla-t-il.

Elle le sentit qui se frayait un chemin, doucement, et attendait avec appréhension la sensation de douleur, serrant les dents. Celle-ci fut intense mais fugitive, comme les éclairs de chaleur qui zébraient parfois le ciel étoilé de la montagne en été : alors que son corps s'ouvrait entièrement pour accueillir Bart, elle fut alors saisie par la sensation de plénitude qui accompagna ce moment. Elle se sentait… entière !

- J'y… J'y suis… Ça va, Amélie ?

Ne pouvant répondre, les mots n'étant pas assez forts pour exprimer ce qu'elle ressentait, elle hocha la tête.

- Je… peux bouger ?

- Oui…

Elle sentit Bart repartir doucement en arrière, puis d'une poussée un peu plus forte revenir.

- Hm ! gémit-il contre son oreille. Je suis désolé, Amélie, mais je vais pas pourvoir tenir longtemps !

- C'est pas grave ! Viens ! Viens !

Elle attrapa d'une main sa taille, et de l'autre son cou, glissant ses doigts dans ses boucles rousses humides de transpiration. Deux poussées de plus et elle sentit Bart frémir en elle tandis que sa bouche laissa échapper un cri rauque de plaisir. Puis, il s'effondra de tout son corps sur elle. Il n'était pas si lourd, et la sensation du poids chaud contre son propre corps lui parut étonnamment agréable… Il était là, le souffle court contre son oreille, et les yeux fermés, s'abandonnant complètement, presque fragile dans ce moment intime. Amélie caressa doucement ses cheveux :

- Attends, je me pousse, je dois être lourd…

- Non, reste encore un peu… Est-ce que c'était agréable ?

- Encore mieux que je l'imaginais… Dis, je ne t'ai pas fait trop mal ? s'inquiéta Bart, prévenant.

Amélie secoua la tête :

- Je m'attendais à pire, le rassura-t-elle.

- Je suis désolé, en plus, j'ai été trop rapide, j'essayerai d'assurer mieux la prochaine fois…

A l'idée d'une prochaine fois déjà annoncée par Bart, Amélie sourit et le serra contre elle.

- C'était parfait ! Je t'aime, Bart…

- Je t'aime aussi, Amélie…

xxx

Ils n'eurent pas le courage après ça de finir l'ascension de la montagne, la repoussant au lendemain : se tenant main dans la main, se jetant régulièrement des regards amoureux, ils descendirent le sentier de retour, plein de confiance de cette preuve d'amour qu'ils s'étaient échangés durant ce moment d'intimité.

À leur retour à la ferme, les vaches attendaient la traite à la porte du hangar : ce fut le moment que choisit Amélie pour expliquer son projet d'avenir à Bart.

- Tu es sûre de toi, Amélie ? Tu sais, c'est un métier difficile, on ne gagne pas énormément, il faut se lever tôt tous les jours, jamais de vacances…

- Tu essais de me décourager ou quoi ?! Non, je suis décidée, et je voudrais venir travailler avec toi quand j'aurai eu mon diplôme, dans trois ans… Enfin… si tu es d'accord ?

- Bien sûr que je suis d'accord !

- Super ! Je suis trop contente ! Enfin, je pense qu'il faudra que je me trouve un logement ailleurs au village parce que Hias va pas être d'accord pour que tu squattes tous les jours sa piaule…

- Tu rigoles ? Amélie, dans trois ans, on pourra dormir dans la même chambre, tu seras majeure…

Bart s'interrompit brutalement .

- Quoi ?

- Non, rien… Je pensais à… Non, c'est rien, tiens, aide moi à finir la traite…

Bart eut toute la nuit pour tourner et retourner dans sa tête ce qui l'avait préoccupé plus tôt dans la soirée. Au lever du soleil, il avait pris sa décision et lorsque tout le monde se leva dans la maison, il était déjà parti depuis longtemps avec sa voiture…

- Où est Bart ? demanda la mère d'Amélie alors qu'elle s'installait pour le petit déjeuner.

- Probablement parti à la traite, c'est l'heure, non ? répondit Amélie en jetant un œil à l'horloge.

- Non, j'entends les vaches meugler, elles attendent encore… Hias, tu peux aller les traire, Amélie vous pouvez l'aider ? Je ne suis pas sûre qu'il ait fini à temps pour le collecteur…

Sa mère essaya de l'appeler sur son portable, mais tomba sur la messagerie. Ce ne fut que vers dix heures qu'il répondit enfin : elle le sermonna tout d'abord, et Amélie entendit vaguement Bart s'excuser et s'expliquer.

- Bon, grommela-t-elle, il rentre, il est sur la route, une urgence, qu'il m'a dit, je n'en sais pas plus… Mais tout va bien, c'est le principal… Bon je file au travail, je suis déjà en retard !

Bart arriva juste à temps pour la collecte : Amélie ne sut pas plus que sa mère ce qu'il avait été faire. Elle ne devait le savoir qu'en haut de la montagne, l'après-midi, sur le sommet où Bart et elle avaient sauté par-dessus le feu il y avait deux ans déjà.

- Tu te souviens ? murmura Bart en passant son bras autour de son épaule.

- Je me souviens … Tu m'as pris la main pour qu'on saute tous les deux… C'était la première fois…

- C'est faux, je t'ai pris la main avant, pour te trainer jusqu'au sommet !

- Oui, et tu m'as portée sur ton dos !

- Si c'est pas de l'amour avec un grand A, je sais pas ce que c'est, Mourache !

Amélie sourit en regardant les montagnes à perte de vue autour d'elle :

- En tout cas, le médecin a été formel la dernière fois, je suis considérée comme guérie, le feu a fonctionné…

- Il a mis un peu de temps…

- On a le temps devant nous maintenant…

- Oui, c'est pour ça, Amélie, que je voulais te demander…

Il s'interrompit et se tourna, s'accroupissant pour prendre quelque chose dans une poche de son sac à dos posé par terre. Son dos large cachant tout, Amélie ne pouvait voir ce qu'il prenait.

Il se retourna puis se redressa ensuite et s 'approcha d'elle :

- Amélie, je sais que tu es encore très jeune, et tu vas surement me trouver débile ou ringard de te demander ça, et peut être même tu vas m'envoyer bouler, mais je veux vraiment te demander quelque chose…

- Que ce que c'est ?

- Je voudrais te demander de t'engager aujourd'hui, ici, en cet endroit, à partager ta vie future avec moi, comme épouse…

- Quoi ?!

- Veux-tu être ma femme ? Pas maintenant bien sûr, on est trop jeunes tous les deux, mais plus tard, quand on aura l'âge, et qu'on sera prêts.

- Bart, je…

Amélie ferma les yeux brièvement, et vit en ce court instant son avenir apparaitre comme un flash de couleurs, des couleurs qui n'existaient pas, pas encore, mais qu'ils allaient inventer tous les deux : une vie ensemble dans les montagnes, loin de la ville, dans le calme, l'espace, la verdure, avec le troupeau, et peut être des enfants…

Elle rouvrit les yeux, et vit ceux de Bart qui la regardaient, inquiets de sa réponse, inquiets de son rejet… Comment pouvait-il penser qu'elle rejetterait ça ? une promesse de futur avec lui, à s'aimer, et à être heureux…

- Oui ! Oui !

Amélie rit aux éclats

- Oui ! Je le veux, Bart ! Je veux t'épouser !

Bart l'enlaça si brusquement qu'elle en eut le souffle coupé, puis il la souleva sous les bras et la fit tournoyer autour de lui, achevant ce joyeux tour par un tendre baiser . Puis, il la reposa et gravement annonça :

- Ce matin, si je me suis absenté, c'est pour aller acheter ça…

Il prit la main gauche d'Amélie et elle sentit qu'il glissait à son annulaire quelque chose de froid.

Lorsqu'il relâcha son poignet, elle releva la main, et vit briller à son annulaire une fine bague en or rose, réhaussée d'une petite fleur finement ciselée où scintillait au soleil une petite pierre rose.

- C'est une tourmaline rose… J'espère que j'ai bien choisi et qu'elle te plait… Acceptes-tu de la porter ?

- Si elle me plait ? Oh, Bart ! C'est… c'est magnifique !

Le sommet de la montagne fut cette fois seul témoin de la façon dont Amélie et Bart se manifestèrent de nouveau physiquement leur amour…

xxx

Épilogue :

- Linna, Elias, dépêchez-vous, on va encore être en retard à l'école ! râla Amélie.

- Je file moi aussi, je dois rentrer les yaks pour la traite !

- D'accord, je dépose les enfants et je viens de rejoindre pour m'occuper des fromages...

- Allez, les monstres, venez dire au revoir !

- Papa ! Papa !

Deux petites frimousses aux chevelures aussi rousses que celle de leur père – l'une longue, l'autre courte – surgirent en courant et lui sautèrent dans les bras.

- Soyez sages, ne faites pas enrager vos maitresses !

Puis Bart se pencha vers sa femme et l'embrassa :

- A tout à l'heure, Mourache !

Amélie sourit :

- A tout à l'heure…

Amélie repensait, durant le cours de retour de l'école, à tout le chemin parcouru depuis que ses parents l'avaient trainé de force jusqu' ici : son diplôme, obtenu avec mention à la fin de ces trois années à l'école agricole, les premiers fromages de vaches de la ferme, qui se vendirent si bien sur les marchés locaux et dans les restaurants qu'ils purent agrandir le troupeau et se faire construire une belle petite maison après son mariage avec Bart, non loin de la maison de sa mère, et depuis trois ans, un troupeau d'une douzaine de yaks, qui lui permettait de tester des recettes de fromage originales, qui se vendaient bien au-delà des frontières du Tyrol…

Quand Amélie y réfléchissait, elle remerciait sa maladie : sans son asthme, elle ne serait jamais venue dans ces montagnes, n'aurait jamais connu Bart… Aurait-elle été heureuse quand même ? Elle inspira profondément, et regarda les splendides montagnes du Tyrol qui s'étiraient sur l'horizon à perte de vue devant ses yeux : non, son bonheur était inégalable ! Et sa maladie avait été le prix à payer pour l'atteindre : elle ne regrettait rien, absolument rien.…

FIN

Quelques remarques de fin :

J'ai aimé écrire la première fois d'Amélie et Bart comme quelque chose de pas forcément parfait (Non, Bart n'est pas un Dieu du sexe, et non, Amélie ne prend pas son pied trois fois dès la première fois :D…), mais de toujours dans le consentement et le respect de l'autre. Bart fait toujours très attention à demander l'accord d'Amélie, même s'il la désire ardemment, et c'est tout à son honneur. C'est comme ça que je l'imagine, prévenant, galant et à l'écoute.

J'ai aimé aussi glisser quelques petites allusions personnelles discrètes, je n'en dirai pas plus, mais si 2 personnes passent un jour par-là par hasard, je sais qu'elles se reconnaitront dans ces allusions !

Voilà, il est temps d'achever ce récit et de le laisser enfin : il est surement perfectible mais j'ai été heureuse d'imaginer la suite de leur histoire et d'arriver à lier ces deux-là jusqu'à la fin de leur vie. Pour moi, Amélie et Bart forment un couple peu connu mais intense… Je les laisse à leur bonheur que j'imagine complet. Je vous souhaite le même bonheur dans votre vie amoureuse… À très bientôt pour une nouvelle fic . Petite fleur d'automne.