UNE MALÉDICTION,
DEUX ÂMES SAUVAGES,
TROIS RONCES,
QUATRE QUI PIQUENT.

Je suis inquiet pour Lucy, elle semble éteinte depuis quelques jours.

Nous aussi Grey, nous aussi...

« Bonne nuit »

Couchée sur son lit un bras tendu vers le plafond, Lucy regardait d'un air morose le haut de sa main droite où un tatouage d'un rose pâle la colorait jadis. On pouvait y voir les dessins d'épaisses ronces s'entremêlaient cachant cette marque d'affiliation qu'elle chérissait temps. Elles serpentaient tout autour de son poignet pour finir leur course au niveau de son coude. La mage lâcha un soupire et laissa retomber son bras sur son visage. Lentement des larmes coulèrent jusqu'à rejoindre la base de ses joues. De la manche de son pull elle écrasa les quelques gouttes d'eau salé.

Un « merde » retentit dans la pièce adjacente. Mécontente, Lucy se redressa péniblement puis resta assise ainsi le temps de passer une de ses mains, poing fermé, devant ses yeux pour essuyer les larmes qui restaient. Après quoi elle se leva et marcha d'un pas nonchalant jusqu'à la cuisine d'où provenait le bruit. Arrivée dans l'encadrement de la porte, elle aperçut un homme aux cheveux blonds farfouiller dans les placards, laissant tout un désordre sur son passage.

― Qu'est-ce que tu fais Luxus ? demanda-t-elle froidement.

― J'ai faim, fait moi à manger.

― Tu veux une nounou peut-être ?

― Non je veux juste une femme qui sache où est sa place : la cuisine, répondit-il d'un ton qui se voulait sarcastique.

― Je te rappelle que tu es "chez moi" et que "j'ai" gentiment accepté de t'héberger car le maître me l'a demandé.

― Tu crois que ça me plaît d'être ici ?

― Va dormir dehors alors.

Ses sourcils se plissèrent, la première fois que Lucy lui avait lancé ce genre de pique il avait cru halluciner, la petite blonde qui était en outre la gentillesse incarnée donnait dans le cynisme. Une mimique étira ses lèvres alors qu'il pensait au fait que ces petites joutes verbales avaient tout de même quelque chose de distrayant.

Cela faisait presque un mois qu'il vivait chez elle. Les premiers jours, se passait tout du moins correctement car à vrai dire ils ne se voyaient que très rarement. Soit il était en mission, soit c'était elle, et il le vivait très bien.

Lucy quant à elle, avait très vite déchanté en rentrant de sa dernière expédition. Cet homme était un vrai porc. Elle se souvenait encore de l'état dans lequel elle avait retrouvé son appartement, paix à son âme. Puis il y eut sa condition qui ne lui permettait plus d'exercer la magie. Alors, elle fut bien obligée d'arrêter les missions et par conséquent de rester chez elle presque tous les jours depuis une semaine.

« Bonne nuit. Reviens-nous vite, Lucy... »

Ça recommençait. Les voix dans sa tête et cette douleur inconnue. Instinctivement ses mains agrippèrent ses oreilles, plaquant leur paume le plus fort possible contre ses orifices. Ses jambes devenaient de plus en plus moles comme du coton, et finalement c'est le corps lourd qu'elle tomba au sol avec fracas. Malgré cela ses ongles continuaient de gratter la peau à la base de sa nuque griffant l'épiderme jusqu'au sang. À cet instant tout ce qui l'importait était que ces murmures continuels cessent.

Alerté par le bruit Luxus se retourna. Son regard était braqué sur le planché où Lucy gisait recroquevillée en position fœtale tout en se balançant d'avant en arrière. Il jura en même temps qu'il lâcha la porte du placard qu'il était en train de fouiller. Aussitôt, il accourut à ses côtés et lui releva la tête d'une main. Elle était mal au point avec ces grosses perles de sueur qui dévalaient le long de sa peau toute blanche. Doucement, il passa son autre bras sous ses jambes puis il se releva et fixa le visage toujours un peu plus blême de Lucy.

Vraiment le vieux lui était redevable sur ce coup.

.✶ . ✶.

Lucy papillonna plusieurs fois des yeux avant de retrouver une vision correcte. Les coudes enfoncés dans le matelas et maintenue sur ses avant-bras, elle observait la pièce le visage encore endormi. Sa tête la lançait toujours un peu, et il lui était impossible de se souvenir « du pour quoi du comment » elle avait fait pour se retrouver dans cet état et surtout dans son lit. Puis la réalité la rattrapa, elle avait encore fait une crise.

Non sans difficulté, elle retira la couette et posa ses pieds au sol. La désagréable sensation des vêtement collés par la sueur à sa peau lui fit expirer un son qui s'apparenta plus à un grognement. Elle était bonne pour prendre une douche.

Maintenant assise sur son lit, Lucy regarda tout autour d'elle, le réveil affichait dix-neuf heures trente-deux, elle était restée inconsciente durant neuf bonnes heures ! Un souffle d'exaspération s'échappa d'entre ses lèvres, elle était littéralement à bout, ce qui était paradoxale au vu de tout ce sommeil amassé. Les yeux dans le vague elle tourna la tête, mais ne remarqua pas la chaise de son bureau qui avant changé de place.

Elle décida de se lever, mais se mettre debout fut plus difficile qu'elle ne l'aurait cru. Ses jambes tremblaient tellement comme des feuilles sous son poids qu'elle manqua de s'écrouler. Heureusement que cette chaise était là. Lorsque sa main se posa dessus, évitant ainsi de se retrouver par terre, elle constata qu'elle était chaude. Quelqu'un avait veillé sur elle. Mais elle pensa bien vite à autre chose quand son ventre se mit à gargouiller. Une délicieuse odeur émanait de la pièce à côté. Curieuse, elle s'avança vers l'ouverture qui menait du salon à la cuisine.

Luxus se tenait de dos, affairé à découper un quelconque aliment avec une rapidité déconcertante. Lorsqu'il eut fini il se déplaça et ouvrit un paquet de pâte que Lucy rangeait habituellement dans un des placards fixés au mur. Elle était impressionnée, ce n'était pas tous les jours qu'elle avait devant elle une démonstration des talents culinaires du dragon slayer. Elle fit un pas en avant pour s'approcher, et s'adossa contre le plan de travail un sourire moqueur suspendu à ses lèvres. Furtivement elle emprunta une cuillère qu'elle s'empressa de tremper dans la sauce pour y goûter.

― Je pensais que Mira en rajoutait quand elle disait que tu te débrouillais bien en cuisine, mais c'est que monsieur est un vrai cordon bleu.

― Est-ce parce que je suis un homme qu'il t'est apparu impossible que je sois bon en cuisine ?

― Oh non, bien sûr que non. C'est juste le fait que tu n'étais pas enclin à cuisiner qui m'a fait penser ça. Et aussi tes propos machistes, plaisanta-t-elle.

Luxus sourit, un rire narquois s'échappa de ses lèvres. Il tourna la spatule dans la casserole et baissa le feu de la gazinière.

― Tu devrais aller prendre une douche avant de manger.

Un nœud se forma dans son estomac, s'il y avait bien une chose qu'elle n'aimait pas c'était se sentir sale et que quelqu'un lui fasse la remarque l'embarrassait beaucoup. Sans un mot elle se décolla du plan de travail et amorça son chemin vers sa chambre, mais Luxus l'interpella :

― Ne ferme pas la porte à clé.

Surprise elle se retourna. Luxus la fixait, aucune moquerie ni sur ses lèvres ni dans ses yeux paraissait sur son visage. Pour une fois il avait le regard le plus sérieux que Lucy ait pu voir depuis qu'elle le côtoyait.

Sa main droite commença à trembler ce qui mit fin à son observation. Elle comprenait très bien les paroles de Luxus et aurait préféré qu'il n'en sache rien. Mécontente elle claqua sa langue contre son palais, puis ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais ne savant quoi ajouté elle ne dit mot. Au lieu de ça elle partit dans sa chambre prendre des habits pour se changer et ferma la porte de la salle de bain derrière elle.

La clé ne bougea pas d'un pouce.

Le jet d'eau chaude fit souffler Lucy de soulagement. Elle adorait sentir l'eau brûlante parcourir sa peau la réchauffant de l'intérieur. Mais l'eau devint vite glaciale, elle poussa un juron et éteignit le plus vite possible la douche. Ses mains tremblaient, bientôt suivis par son corps entier qui se mit à grelotter de froid. Elle attrapa une serviette accrochée à la tringle du rideau de douche et s'emmitoufla à l'intérieur. Ses dents claquèrent s'usant les unes contre les autres. Elle se changea le plus vite qu'elle put, mais le froid ne disparaissait pas.

Debout devant le miroir elle regarda son visage dans la glace et hurla. Elle tomba à genoux quand un sanglot incontrôlable s'échappa de sa gorge. Les larmes affluèrent à torrent, il lui était impossible de les contrôler. Tout ça c'était trop, elle ne pourrait plus en supportez davantage vivement que ce jour vienne.

« J'ai hâte moi aussi »

― Tais-toi !

Elle voulut abattre ses poings contre le carrelage, mais de grandes mains les encerclèrent avant qu'elle n'ait pu finir son geste. Elle ouvrit ses yeux, inondés de larme, choquée. Luxus était devant elle, le visage tordu d'inquiétude. Aussitôt la chaleur de ses mains se fraya un chemin dans ses avants bras jusqu'à réchauffer tous ses membres. Soulagée, Lucy se laissa choir dans les bras du blond qui la rattrapa sans problème. Lové contre son torse, elle se sentit bercer par la chaleur qui émanait de lui. Pour la première fois, elle se sentait vraiment bien en la présence de cet homme, et pour la première fois elle ferma les yeux sans penser à sa malédiction.

.✶ . ✶.

Luxus s'enfonçait de plus en plus dans la forêt de Magnolia. Sa destination quoique éloigné de la ville était obligatoire s'il voulait avoir le fin mot de l'histoire. Un grand chêne habité se tenait fièrement à l'abord d'une clairière. Une femme dont la chevelure rose malgré son âge avancé ratissait les feuilles mortes devant la porte de sa maison. Lorsqu'elle aperçut le mage, elle se pinça les lèvres et le foudroya du regard.

― Je ne veux pas d'humain ici ! Du balai.

― Je ne viendrais pas si ce n'était pas important.

La vieille femme ne le lâche pas des yeux et lorsqu'elle eut jugé qu'il était sincère elle le laissa entrer. L'endroit était chargé, des étagères pleines de livres et feuilles dispersé un peu partout longeaient les parois de l'arbre. Un matelas posé sur un sommier servait de couchette et de l'autre côté une grande table était posé sous la fenêtre. Des tubes à essai et substance étrange recouvrait la table, son laboratoire sûrement.

― Qu'est ce qui t'amènes ici ?, demanda sèchement Polyussica

― Je voudrais savoir ce que vous savez de ça.

Luxus lui tendit une feuille. La doctoresse inspecta le croquis représenté et fronça les sourcils.

― Sur qui as-tu vu ça ?

― Lucy, la constellationniste de la guilde.

― J'ai déjà vu ce tatouage auparavant et ce n'est pas de la bonne magie tu peux me croire.

― Qu'est-ce que c'est ?

― Une malédiction.

― Une malédiction ? Comment ça ?

― Elle fait partie des choses que l'on oublie avec le temps, souffla la vieille femme.

Elle marqua une longue pose puis enchaîna :

― Il y a bien longtemps lorsque Zeleph terrorisait les habitants de Fiore, certains mages créèrent un médaillon qui selon eux serait capable d'annihiler les pouvoirs du mage noir. L'un des mages envoya son unique fille remettre le médaillon comme présent. Mais la magie s'est retournée contre eux et Zeleph enchanta le médaillon à son tour. La fille du mage fut touchée par la malédiction et se retrouva dans un premier temps dépossédé de ses pouvoirs jusqu'à ce qu'elle s'endorme et ne se réveille jamais.

Polyussica se retourna et pose la feuille sur son bureau.

― Elle est morte ?

― Non. De là découle la malédiction, elle a été condamnée à dormir, son esprit emprisonné, pour le reste de ses jours.

― Comment savez-vous tout c'la ?

La vieille femme souffla.

― J'y étais.

― Attendez, mais vous avez quel âge ?!, s'exclama Luxus abasourdi.

― Tu voulais savoir ce dont souffrait cette fille je te l'ai dit, maintenant va-t'en ! Tu ferais mieux de te préparer à lui faire tes adieux, elle n'en a plus pour très longtemps.

À suivre...