Cet écrit est consacré à un couple qui me tient à cœur : Rhadamanthe/Valentine ou le Rhadaval comme on l'appelle. La raison de mon amour pour ce ship est toute bête : Rhadamanthe est scorpion, Valentine est verseau, et ils ont un lien à la fois dans la série originale et dans The Lost Canvas. Voilà, il m'en faut pas plus XD
L'histoire se situe après la guerre sainte du XVIIIème siècle de The Lost Canvas. Il y a aussi des éléments du gaiden d'Aspros donc il se pourrait qu'il y ait du spoil.
Bonne lecture.
Disclaimer : les personnages ne m'appartiennent pas.
Prise de conscience
La guerre sainte opposant Hadès et Athéna avait fait des ravages, il y eut de lourdes pertes aussi bien dans un camp que dans l'autre. Au final, l'armée d'Athéna avait réussi à triompher de celle du dieu des Enfers, au prix de nombreux sacrifices… Cela s'était soldé par les disparitions d'Hadès, Sasha, Alone et Tenma. Les survivants purent profiter d'une vie normale de paix durement acquise, malheureusement celle-ci ne durerait pas, certains devaient préparer le terrain pour la prochaine guerre.
Cependant, un miracle se produisit : les spectres revinrent à la vie, sans comprendre comment cela fut possible. Toutefois, les dieux, Alone et le chevalier de Pégase demeurèrent introuvables, comme s'ils avaient disparu de la surface de la Terre. De plus, dans cette nouvelle vie, ils furent privés de leur cosmos et de leurs étoiles maléfiques scellées dans une tour, devenant ainsi des êtres humains ordinaires.
L'étonnement fit place à l'incompréhension : pourquoi être revenu, si ce n'est pas pour combattre au nom de leur divinité ? Même Pandore qui avait survécu au conflit, fut introuvable, elle aurait été aperçue pour la dernière fois au château d'Heinstein, puis se serait volatilisée sans laisser aucune trace… Résultat, l'armée d'Hadès fut livrée à elle-même, sans commandement. Ce constat frustra les plus fidèles et les plus sanguins, qui ne supportaient pas l'idée de s'être réveillés sans la présence de leur divinité, et de devoir vivre comme de simples civils. Néanmoins, ils durent se rendre à l'évidence, cela ne servait à rien de s'énerver sur un fait dont ils n'étaient pas responsables. Ils durent se résigner à continuer d'avancer dans leurs nouvelles conditions.
Ainsi, se retrouvant sans savoir quoi faire, les spectres se dispersèrent, la plupart retournèrent dans leur pays d'origine, espérant trouver un but dans leur nouvelle vie ou retrouvant l'ancienne qu'ils avaient perdue en devant des soldats.
C'était ce que fit Rhadamanthe, l'ancien juge retourna en Angleterre accompagné de son fidèle bras droit : Valentine. Ce dernier avait affirmé qu'il souhaitait le suivre et se remettre à son service, comme il avait toujours été à ses côtés. Cela avait fortement surpris le blond, après ce qu'il s'était passé durant la guerre sainte, la Harpie voulait toujours se tenir près de lui ? Alors qu'il l'avait lui-même tué de sang-froid ? Ce n'était pas logique, mais il n'avait rien dit, se contentant d'acquiescer silencieusement. Après tout, Valentine pouvait bien faire ce qu'il voulait, il n'allait pas l'en empêcher. Toutefois, même s'il ne le montrait pas, quelque part au fond de lui, il fut honoré et reconnaissant de la loyauté sans faille que lui témoignait son lieutenant.
Du côté du Chypriote, cela sonnait comme une évidence : peu importe le contexte, l'époque ou le lieu, il était et serait toujours le serviteur de Rhadamanthe. Bien qu'au fond, l'attitude de son supérieur dans leur précédente vie l'avait blessé… Mais il ne pouvait pas lui en vouloir, le juge avait eu raison : Alone n'était pas Hadès, il n'avait donc pas à l'écouter. Quel fut son soulagement quand Rhadamanthe l'accepta de nouveau, c'était tout ce qui comptait pour lui. S'il y avait bien un secret qu'il cachait au plus profond de son cœur, c'était ses sentiments pour son seigneur : tous étaient au courant de son admiration et son respect sans borne pour la Wyvern, cependant ils ignoraient qu'il en était également amoureux, c'était mieux ainsi. La Harpie avait abandonné tout espoir que ses sentiments fussent réciproques, mais ce n'était pas grave, rien que le fait de pouvoir être à ses côtés le comblait, il s'en contenterait.
De retour sur ses terres, Rhadamanthe était revenu au manoir des Walden avait repris sa place en tant que noble et nouveau dirigeant de la famille, étant le dernier membre encore en vie de la lignée. Sa réapparition avait enchanté et soulagé les domestiques qui s'étaient inquiétés de la disparition soudaine de leur seigneur, cela avait d'autant plus rassuré sa cousine, Chris. Quelle fut sa joie de revoir son cousin accompagné de son valet ! Du jour au lendemain, elle s'était retrouvée seule : entre lui qui était parti sans un mot et sans donner de nouvelles, et sa sœur Ursula qui s'était volatilisée, il y a quelques années, après avoir tué leur père et tenté de l'assassiner. Jusqu'à présent, elle était l'unique héritière des Walden, mais la donne avait changé et ce fut avec plaisir qu'elle avait cédé le titre à son cousin.
Dès qu'elle avait aperçu le blond et le Chypriote, elle avait accouru vers eux et s'était jetée dans leurs bras, en pleurant de joie. La noble aimait énormément Rhadamanthe et Valentine, qui lui tenaient parfois compagnie et prenaient soin d'elle quand elle était plus jeune, leurs départs l'avaient fortement chagrinée. Elle apprit que les deux hommes avaient été éveillé, eux aussi, en tant que spectres et qu'ils avaient combattu pour leur seigneur Hadès… Du moins celui qu'il avait pensé être leur dieu.
Rhadamanthe fut stupéfait par l'histoire de sa cousine, jamais il n'aurait imaginé qu'Ursula aurait assassiné son oncle et qu'elle s'en serait prise à sa sœur, causant du tort à tel point qu'un chevalier d'or dut intervenir. Ce qui le surprit encore plus, c'était que Chris avait aussi éveillée son étoile maléfique, endossant le surplis du Cetus, mais qu'elle avait refusé d'embrasser son destin de spectre, en contenant son pouvoir. Enfin de compte, c'était sûrement mieux ainsi, il était heureux qu'elle fût en vie et qu'elle eut acquis l'usage de la parole après cette terrible épreuve.
Valentine fut également ravi de la revoir, l'ancien spectre lui vouait une certaine affection, et fut content de savoir qu'elle avait pu échapper à l'emprise d'Alone et éviter la guerre… C'était un destin trop cruel et injuste pour une fille aussi douce et aimable qu'elle. Il avait passé de bons moments avec elle et Rhadamanthe, des souvenirs de leur précédente vie lui revinrent en tête : il se revoyait, plus jeune, jouer dans le jardin en compagnie des deux Walden. Parfois, Chris et lui tressaient des couronnes de fleurs, la petite fille rayonnait de bonheur et son jeune maître les regardait faire avec un sourire dissimulé. D'autres fois, il s'entraînait à l'épée avec le blond sous le regard pétillant d'admiration de la fillette. Encore aujourd'hui, le jeune homme chérissait ces doux instants.
Trois mois passèrent depuis leur réintégration au manoir, reprenant leur marque : le juge remplissait méticuleusement ses devoirs de noble, quant au Chypriote, il l'assistait consciencieusement dans ses tâches. Tout semblait aller pour le mieux, du moins… en apparence, car intérieurement la Harpie continuait à se mourir d'amour pour la Wyvern. Malheureusement, il ne pouvait pas contrôler ses sentiments, et plus il passait de temps en compagnie de son seigneur, plus il ne faisait que les amplifier. Même s'il s'était résigné, son cœur battait toujours pour lui… Il voyait bien que son supérieur ne s'intéressait pas à lui, et pourtant… au fond, il avait espéré un peu d'attention, qu'il vît en lui plus qu'un simple serviteur, comme un ami peut-être… Mais force de constater que rien n'avait changé… Quel idiot il avait été, d'avoir pensé un instant qu'il pouvait être un peu plus… C'était cette pensée qui l'attristait un peu plus chaque jour, souffrant en silence de cette passion qui le consumait.
Toutefois, une personne avait su le percer à jour : Chris les avait longuement observés dans leur quotidien. Et malgré son aspect juvénile et réservé, elle possédait un esprit aiguisé et avait développé une grande compréhension du monde qui l'entourait. La jeune noble voyait bien que Valentine poussait des soupirs à la fois amoureux et dépités pour son cousin. Bien évidemment, Rhadamanthe ignorait tout cela, pour lui tout était comme à l'accoutumée. Il était bien loin d'imaginer qu'il était l'objet de l'attention de son subordonné et ce dernier s'était éperdument épris de lui. Ce n'était guère étonnant, il ne s'intéressait pas à ce genre de chose, il était même fortement probable qu'il trouvait cela futile. Enfin, cela restait à démontrer, car dans ses souvenirs : elle le revoyait faire preuve d'une certaine tendresse envers elle et son valet. Il n'y avait qu'avec eux, qu'il abandonnait son attitude stricte et farouche, les traits de son visage semblaient moins durs et se permettait quelques rares sourires discrets. Elle fut persuadée qu'il appréciait son lieutenant plus qu'il ne le laissait paraitre, une idée germa dans l'esprit de Chris, la faisant sourire malicieusement. Oui… ça pourrait marcher… Elle le verrait bien si le blond éprouvait quelque chose pour son serviteur, il ne restait plus qu'à exécuter son plan.
Alors que le jeune homme aux cheveux rose profitait d'une pause dans son travail, Chris vint à sa rencontre et lui proposa de prendre le thé avec elle. Ce dernier avait accepté, c'était toujours avec plaisir qu'il passait du temps en sa compagnie. Quand il l'avait rencontrée pour la première fois, elle lui paraissait si timide et délicate, il s'était rapidement attaché à cette gentille petite fille muette à la chevelure gris argenté, contrairement à sa sœur ainée qui ne lui faisait pas bonne impression... comme si elle lui semblait fausse et dangereuse. Et pour cause, son intuition se révéla fondée au vu de l'histoire de la demoiselle. Valentine put constater à quel point Chris avait grandi et mûri, la dernière fois qu'il l'avait vu, elle n'était encore qu'une adolescente au caractère calme et effacé, à présent elle était devenue une charmante jeune femme plus confiante. Ils discutèrent de bon train autour d'une bonne tasse de thé, le Chypriote ne se doutait pas, un seul instant, que quelqu'un les observait de loin, contrairement à l'Anglaise qui l'avait aperçu du coin de l'œil mais faisait semblant de ne pas l'avoir repéré.
L'ex juge des Enfers qui passait par là, les avait aperçus parler avec entrain en buvant du thé, ils avaient l'air de passer un agréable moment, vu l'humeur enjouée de sa cousine et le sourire plus modéré qu'affichait son subalterne. D'un côté, cette vision lui apporta une certaine paix intérieure, des réminiscences du passé lui revinrent en mémoire : où il observait les mines réjouies de ces deux-là quand ils jouaient ensemble. Le blond se rappela alors, qu'il avait toujours aimé les voir sourire, cela lui procurait un peu de chaleur et de réconfort dans son quotidien froid et terne. Ils étaient bien les seuls dont il se souciait réellement, les seuls qui comptaient pour lui, l'impitoyable et féroce ex spectre de la Wyvern. Cependant, d'un autre côté et sans comprendre pourquoi, leur proximité le gênait. Pourtant, c'était une situation tout à fait normale, et dont il avait l'habitude de voir mais… l'idée que Valentine pût être plus proche de sa cousine que de lui, lui tordait les entrailles. C'était insensé, comment pourrait-il la préférer à lui, son seigneur ? Néanmoins, le doute persistait… Frustré et n'aimant pas cela, il partit les poings serrés, étant légèrement contrarié. Ce qui n'échappa pas au regard affuté de Chris. Tiens… tiens… son cousin avait l'air mécontent, intéressant pensa-t-elle.
Les jours qui suivirent, le même manège se produisit : la noble faisait en sorte que Rhadamanthe fût témoin de ses rendez-vous avec son serviteur. Ces fois-là, elle se montra un peu plus audacieuse : osant se tenir au bras de Valentine, lui caresser les mains ou l'embrasser sur la joue. Naturellement, le valet n'y voyait aucune arrière-pensée, prenant cela comme des marques d'affection purement amicales. Après tout, il la considérait un peu comme la petite sœur qu'il n'avait jamais eu. En revanche, elle avait bien noté les signes d'inconfort que montrait inconsciemment le blond. Ce dernier fut fortement agacé par ce flirt, Chris aurait-elle le béguin pour son subordonné ? Non, ce n'était pas possible, et puis même si c'était le cas, la Harpie ne l'aimait pas… n'est-ce pas ? Alors pourquoi se laissait-il faire ? Pourquoi ne la repoussait-il pas ? Était-ce par courtoisie ? Quelque part, il espérait que ce soit ça. Toutefois, il ne comprenait pas pourquoi cela l'énervait profondément, il se surprit à penser que Valentine n'appartenait qu'à lui et à personne d'autre. C'était ridicule ! Depuis quand était-il aussi possessif ? Décidément, il ne se reconnaissait pas, et la raison de ce ressenti lui échappait complètement.
L'ancien spectre du Cetus avait visé juste : la Wyvern aimait plus son bras droit qu'il ne le soupçonnait. Mais ce dernier était un homme têtu qui refusait de voir la vérité en face. Lassée de ce petit jeu, elle décida de tenter une approche plus explicite et directe, peut-être que son cousin ouvrirait enfin les yeux ? Du moins, elle l'espérait.
Un jour aussi ordinaire qu'un autre, voyant que Rhadamanthe et Valentine allaient se croiser dans un angle du manoir, la noble à la longue chevelure argentée intercepta le Chypriote au détour du couloir. De leurs positions, le maître des lieux pouvait apercevoir son subalterne en présence de sa cousine, mais il n'était pas dans le champ de vision du jeune homme aux cheveux rose pâle. Il fut tout de même assez proche pour entendre leur conversation.
« Ah te voici, Valentine. Je te cherchais.
– Oui ? Que puis-je faire pour vous, Dame Chris ?
– Tout d'abord, laissons tomber les formalités entre nous : tu peux me tutoyer et m'appeler simplement par mon prénom.
– Mais… il ne convient pas de m'adresse à vous de cette manière…
– Pour être honnête, je moque des conventions et de l'étiquette. Nous nous connaissons depuis longtemps, pour moi tu es un ami, mon égal. Alors traitons-nous comme tel, tu veux bien ?
– Eh bien, si cela peut vous… mmh… te faire plaisir. Nous ferons comme vo… comme tu le souhaites. Prononça-t-il difficilement, il n'était pas habitué à de telles manières. Néanmoins, les paroles de la noble le touchaient.
– Merci, mais je ne veux pas te forcer si cela te met mal à l'aise. En vérité, j'ai autre chose à te dire.
– Je t'écoute, Chris. Qu'y a-t-il ? la questionna-t-il, elle fut ravie par le fait qu'il la tutoyait et l'appelait par son prénom.
– Valentine, cela fait un moment que nous nous côtoyons. Je dois dire que mes sentiments à ton égard ont changé…
– Que veux-tu dire ? demanda-t-il, n'osant comprendre.
– … Je suis tombée amoureuse de toi… dit-elle, alors que ses joues prirent une teinte rosée. »
La nouvelle lui fit l'effet d'un choc. La jeune Walden l'aimait ? Comment était-ce possible ? Il n'en croyait pas ses oreilles. Et pourtant, le sourire qu'elle lui dédiait et la tendresse qu'il décela dans son regard, lui firent comprendre qu'il ne rêvait pas.
« Je t'aime, lui confirma-t-elle. Je souhaiterais devenir ta femme.
– Ma Dame… c'est si soudain… je…
– Il en est hors de question ! s'interposa une tierce personne. »
Les deux anciens spectres se tournèrent en direction de la voix, le Chypriote fut effaré de voir qu'il s'agissait de Rhadamanthe.
« Se-Seigneur Rhadamanthe… bafouilla-t-il hébété, il ne s'attendait pas à le voir intervenir dans cette conversation !
– Chris, j'ose espérer que tu n'es pas sérieuse, dit-il sur un ton sévère.
– Oh que si, je suis on ne peut plus sérieuse, lui répondit-elle calmement du tac au tac.
– C'est une plaisanterie ?! Te rends-tu compte de la gravité de tes paroles ?!
– Bien sûr que j'en ai conscience. Et je suis prête à le répéter : j'aime Valentine et je voudrais l'épouser.
– Bon sang, Chris ! Tu ne peux pas ! Ôte-toi cette idée de la tête !
– Et pourquoi cela ?
– Tu es une noble de la famille Walden. Tu ne peux pas te marier avec n'importe qui comme ça te chante !
– Aux dernières nouvelles, je suis la première concernée. Je suis assez grande pour choisir mon futur époux, et Valentine n'est pas n'importe qui !
– Ce n'est qu'un valet ! Un simple roturier qui n'a rien à t'offrir, il n'est pas digne de t'épouser !
– Je me moque de son statut social, je n'ai que faire de savoir qu'il ne vient pas d'une famille prestigieuse ou qu'il ne possède pas de richesse particulière. Je l'aime comme il est : c'est une personne digne de confiance que je connais depuis l'enfance. Il n'est pas étonnant que je finisse par en tomber amoureuse, je veux me marier par amour.
– Je m'y oppose. Jamais je ne l'accepterai !
– Je n'ai pas besoin de ton autorisation, mon cher cousin. Tu peux me renier si tu le souhaites, je n'ai pas besoin d'appartenir à la famille Walden pour être heureuse. »
Elle avait tenu son discours, tout en soutenant bravement les orbes dorés, rempli de fureur, de la Wyvern. Rhadamanthe resta coi devant l'assurance dont faisait preuve sa cousine. Elle n'était plus la fille timide et peu sûre d'elle, qu'il avait connu avant son départ. Désormais, elle était devenue une jeune femme au caractère affirmé, digne d'une Walden de ce nom.
Tandis que les deux nobles débattaient, Valentine lui fut oublié et mis de côté. D'une part, il était flatté et reconnaissant des sentiments de la femme à son égard. Cependant, il ne les partageait pas, ou du moins pas comme il pensait qu'elle voudrait : il l'aimait certes, mais d'un amour fraternel. D'autre part, les paroles de Rhadamanthe le dévastèrent : était-ce vraiment ce qu'il pensait de lui ? Un moins que rien qui ne méritait pas d'attention, ni même de considération ?
« Est-ce ton dernier mot ? demanda-t-il, comme s'il s'agissait d'un avertissement.
– Oui. Valentine, voudrais-tu m'épouser ?
– Je…
– N'ose même pas accepter, le menaça la Wyvern.
– Qu'est-ce qui te dérange tant, Rhadamanthe ? Est-ce tu penses vraiment tout ce que tu as dit sur lui ?
– Bien évidemment, mentit-il avec véhémence. »
Quand le juge croisa le regard blessé rempli de déception du Chypriote, il sut qu'il venait de commettre une énorme erreur. Aussi lourde de conséquence comme lorsqu'il l'avait tué. Rhadamanthe regretta aussitôt ses paroles, mais sa fierté l'empêchait de s'excuser.
Alors, c'était comme cela que le voyait son supérieur… pensa le jeune homme. A ce moment-là, la décision de Valentine fut prise.
« Dame Chris, je serai honoré de vous épouser, affirma-t-il avec impétuosité.
– … Faites ce que vous voulez, dit-il avant de leur tourner le dos et partir. »
La Harpie fut froissée par l'attitude de son seigneur. C'était peut-être mieux ainsi… il oublierait son amour pour lui, et avec un peu de chance, peut-être qu'avec le temps, il finirait par aimer la jeune femme comme elle le mériterait.
Cette dernière resta abasourdie face au comportement de son cousin. Les choses ne tournèrent pas comme elle l'aurait voulu… l'entêtement dont il faisait preuve semblait sans borne. Pauvre Valentine… il était tombé amoureux d'une vraie tête de mule. Néanmoins, elle espérait tout de même que Rhadamanthe changerait d'avis avant qu'il ne fût trop tard.
Chris offrit au jeune homme un anneau orné du blason de la famille Walden, en guise de bague de fiançailles. Il avait appartenu à son père, c'était l'un des seuls souvenirs qu'il lui restait de l'ancien patriarche. Elle avait tenu à ce que ce fût lui qui l'eut, bien qu'il ne se sentît pas digne d'un trésor aussi inestimable, mais elle lui avait assuré que si.
Quelques jours s'écoulèrent depuis, et du côté de Rhadamanthe, c'était toujours le chaos intérieurement, tout se bousculait dans son esprit : son tourment vis-à-vis de son serviteur, l'audace de sa cousine, le mariage… Pourquoi se sentait-il si troublé ? Il avait toujours été un homme sûr de ses convictions, mais là, c'était comme si tout ce qui s'était passé les firent s'écrouler. Valentine… son fidèle et loyal lieutenant… qui se tenait toujours à ses côtés, lui apportant un soutien sans faille. En étant honnête avec lui-même, il était plus qu'un simple subordonné : c'était son ami, son confident, le seul en qui il pouvait avoir une confiance aveugle. Le seul qui trouvait grâce à ses yeux avec son corps svelte, sa peau opaline, ses longs cheveux d'un rose tendre, et ses yeux couleur ambre où il pouvait y lire toute sa dévotion. Mais plus encore… le seul qui faisait battre son cœur, comme personne n'avait su le faire avant, et le mettre dans tous ses états, lui d'ordinaire si froid et détaché de ce genre d'émotion. Ce fut à cet instant que la vérité lui éclata au visage : il était tombé amoureux de la belle et féroce Harpie. Il s'en rendit compte alors qu'on allait bientôt le lui enlever… Cette constatation le démoralisa. Non, il ne pouvait pas le perdre, il ne voulait pas le laisser s'en aller avec quelqu'un d'autre ! Il devait réagir et vite.
Valentine se trouvait dans le salon, regardant distraitement le paysage par la fenêtre, tout en buvant une tasse de thé. Il repensait encore à tout qu'il s'était passé récemment : la déclaration et la demande en mariage de Chris, les mots durs de Rhadamanthe… Il voulait prétendre que tout allait bien, mais ce n'était pas le cas. Il se sentait encore blessé par les propos du blond, et le pire, c'était qu'il l'aimait encore. Ses sentiments avaient l'air de persister malgré tout, pourtant il avait essayé de les réprimer, ce fut hélas sans succès… Et Chris dans tout cela, elle ne méritait pas d'être fiancée à un homme qui en aimait un autre. Il devrait peut-être reconsidérer la proposition ? Non, il avait fait un choix et il devait s'y tenir. Il lui fallait juste du temps pour effacer ses émois.
Juste au moment où il se disait cela, il sentit une main se poser sur son épaule. Le jeune homme détourna les yeux de la fenêtre pour dévisager la personne qui le touchait, et fut consterné de voir qu'il s'agissait de son seigneur. Cependant, contrairement à ce qu'il s'attendait, il ne lui adressa pas un regard sévère et indéchiffrable comme il avait l'habitude de recevoir, mais un regard empreint de tendresse… et de tristesse ? Du moins, c'était ce qu'il pouvait lire dans ses iris dorées. C'était étonnant, l'Anglais n'était pas connu pour être une personne expressive, la dernière fois qu'il avait eu le droit à ce genre d'attention de sa part, c'était dans son enfance. Toutefois, pourquoi le regardait-il de cette manière ? Alors qu'il n'en avait rien à faire de lui… C'était à n'y plus rien comprendre…
Voyant le trouble dans les yeux ambrés de son subordonné. Rhadamanthe prit une grande inspiration avant de prendre la parole :
« Valentine, j'aimerais te parler.
– … Vous voulez parler à une personne indigne de votre rang, Seigneur Rhadamanthe ? le questionna-t-il sur la défensive. »
La Wyvern soupira, évidemment que la Harpie n'allait pas bien le recevoir après ce qu'il avait dit. Néanmoins, il ne se démonta pas pour autant.
« Oui, je veux vraiment m'entretenir avec toi, répondit-il calmement.
– Et de quoi voulez-vous me parler ? demanda-t-il, toujours sur un ton sec.
– … J'aimerais m'excuser auprès de toi, avoua-t-il tout bas.
– Pardon ?
– Ecoute-moi, je regrette tout ce que j'ai dit à ton propos. Je ne le pensais pas.
– Alors pourquoi l'avoir dit ?
– J'étais en colère… Mes paroles ont dépassé ma pensée. En vérité, tu es bien plus qu'un simple subalterne à mes yeux : tu es mon bras droit, mais aussi mon seul et unique ami. La demande en mariage de Chris m'a rendu furieux et la peur m'avait envahi… la peur de te perdre. »
Le Chypriote n'en croyait pas ses oreilles, l'ancien juge s'excusait et lui ouvrait son cœur. C'était inédit, il ne put que l'écouter en silence tant il était stupéfait.
« J'avais remarqué tous vos rendez-vous, vous aviez l'air si proche… on aurait pu croire que vous formiez un couple d'amoureux. Et cela m'avait rendu jaloux, parce que j'avais l'impression que tu t'éloignais de moi, au profit de ma cousine…
– … Vous devriez savoir pourtant que je ne me détournerai jamais de vous.
– Je le sais… Tu m'as déjà prouvé à plusieurs reprises ta loyauté sans faille. Mais je ne tolérerai pas de te voir avec quelqu'un d'autre…
– Je ne comprends pas, je serai toujours à votre service, quoiqu'il arrive. Alors pourquoi ?
– Ce que je veux dire… c'est que je ne veux pas que tu te maries, car à ce moment-là, ton cœur appartiendra à une autre. Et cette pensée m'insupporte… parce que… le mien n'appartient qu'à toi, finit-il par avouer. »
Cette révélation ébranla l'homme aux cheveux rose, cherchant toute trace de moquerie dans le regard ocre du blond, toutefois il n'en fut rien : il était d'une pure sincérité. Ce qui l'affecta encore plus, ne pouvant réprimer un sanglot et empêcher ses larmes de couler… S'en fut trop pour le pauvre Valentine qui ne s'y attendait pas du tout.
En voyant la réaction de son valet, Rhadamanthe se maudit intérieurement, il n'avait pas l'intention de le faire pleurer. Était-il si mauvais que cela pour exprimer ses sentiments ? Ne sachant pas quoi faire dans cette situation, le juge le prit maladroitement dans ses bras dans une tentative de le consoler. La Harpie sursauta de surprise, c'était bien la première fois que son maître effectuait un geste aussi tendre envers lui. Il se laissa aller, c'était si bon d'être sans ses bras.
« Valentine, ne pleure pas. Tu me mets dans l'embarras… avoua-t-il gêné.
– J'aimerais vous y voir ! L'autre jour, vous disiez que je ne suis rien pour vous, et aujourd'hui vous affirmez… m'aimer ? Comment voudriez-vous que je réagisse à cela ?! Je me sens encore bafoué dans mon honneur, mais je ne peux vous en vouloir complètement, je vous admire et respecte trop pour cela…
– Je suis désolé, je vois bien que je t'ai fait du mal. Aussi bien dans cette vie que dans la précédente… Je suis un piètre seigneur, n'est-ce pas ? Je n'ai jamais su te rendre ta fidélité, et je pense que c'est ce qui me plait le plus chez toi. Tu as toujours été là pour m'épauler, et même si tu es mon subordonné, tu n'es pas quelqu'un de soumis, tu n'as pas hésité à me faire face pour suivre tes propres convictions et ce quelque soit les conséquences… Sur ce point-là, tu me ressembles. Sache que je suis fier de d'avoir un lieutenant aussi puissant et dévoué que toi. Personne n'est plus digne que toi pour avoir sa place à mes côtés. »
A ces mots, toutes les pensées noires et le chagrin du Chypriote s'étaient envolés, remplacés par une douce chaleur naissant dans sa poitrine. Jamais il n'aurait cru, un jour, entendre de telles paroles provenant de son juge.
« Seign…
– Non, tu n'as plus besoin d'utiliser de titre honorifique, ni de me vouvoyer pour m'adresser la parole. Nous sommes au-dessus de cela, je veux que nous puissions parler sur un pied d'égalité, alors appelle-moi par mon prénom et tutoie-moi.
– Je… Très bien… capitula-t-il, puis il reprit avec un air sérieux. Tes propos me touchent, cependant, j'espère que ce n'est pas que du vent. Je te préviens, malgré mon dévouement à ton égard, je ne te pardonnerai jamais si tu te joues de moi. Je ne suis pas n'importe qui, ose seulement m'humilier à nouveau et je te le ferai regretter, Rhadamanthe Walden. »
Même lui, l'ex spectre de la Wyvern, ne devait pas prendre à la légère et sous-estimer son subalterne. Après tout, lui aussi avait été l'un des spectres les plus puissant de l'armé d'Hadès, ce n'était pas pour rien qu'il l'avait choisi comme son second, et ce n'était certainement pas par favoritisme. Il pouvait deviner à travers son regard ambré toute sa détermination et son ardeur, au prochain écart, il pouvait être sûr que la Harpie ne lui ferait pas de cadeau. Il devait admettre qu'il ne pouvait pas rêver de meilleur partenaire.
« Tu as ma parole, je te jure sur mon honneur que j'ai été sincère avec toi. Tu es la seule personne que je désire être totalement mienne.
– J'ai toujours pensé que j'étais chanceux d'être au service d'une personne aussi formidable que toi, je me rends compte maintenant que je le suis encore plus que je ne l'imaginais. Je t'ai toujours appartenu… Si ma loyauté envers toi est aussi forte, c'est parce que non seulement je t'idolâtre, mais également… parce que je t'aime, confessa-t-il dans un murmure. »
N'y tenant plus après une telle déclaration, Rhadamanthe attrapa le visage de son vis-à-vis et l'embrassa à pleine bouche. D'abord ébahi par ce contact inattendu, la stupeur laissa rapidement place au bonheur et au soulagement. Valentine ne tarda pas à répondre au baiser et l'approfondir, en passant ses bras autour du cou de son maître. Il en avait tant rêvé… L'Anglais put apprécier la douceur des lèvres de son valet, c'était si agréable comme sensation qu'il pourrait en devenir accro.
Alors qu'ils savouraient ce moment d'intimité, ils furent interrompus par une exclamation de surprise. Les deux amants se séparèrent et tournèrent la tête vers la provenance de ce bruit, et furent effarés de découvrir que ce fut Chris qui les avait pris sur le fait. Soudain, la honte et la culpabilité les assaillir, persuadés que cette vision la dévasterait. Techniquement, elle venait de surprendre son fiancé embrasser un autre qu'elle, c'était un acte d'infidélité.
« Chris… je… commença le Chypriote
– Non, ne dis rien. Je le sais… l'interrompit-elle.
– C'est de ma faute, pas celle de Valentine, intervint Rhadamanthe. Si tu dois en vouloir à quelqu'un c'est moi.
– Que… Non ! C'est aussi de ma faute ! J'ai ma part de responsabilité !
– Pff… Hihihi ! »
La fiancée se mit à rire, sous le regard ahuri des deux hommes.
« On peut savoir ce qui te fait rire ? demanda le juge de façon hostile, ne voyant pas ce qu'il y avait de drôle.
– Hihihi… Oh, pardonnez-moi ! Je ne peux pas m'empêcher de trouver cela fort comique et mignon !
– Mais… il n'y a rien de comique, ni de mignon… Ecoute-moi, je suis désolé que tu nous ais trouvé dans cette situation. Je t'assure que je ne voulais pas te tromper… tout est allé si vite, je me suis laissé emporter par le feu de l'action…
– Tu n'as rien à te reprocher, Valentine. En fait, je trouve ça drôle et touchant de vous voir vous défendre mutuellement pour un fait qui ne m'offusque nullement !
– Comment cela ?
– J'étais au courant de vos sentiments l'un envers l'autre. Seulement… mon cousin n'est, hélas, pas très doué sur le plan sentimental, je voyais bien qu'il ne se doutait pas un instant que tu étais amoureux de lui. De plus, il ignorait également qu'il t'aimait, et quand il s'en est rendu compte, il refusait de l'admettre. Cette demande n'était qu'un prétexte pour le pousser à accepter ses sentiments et te les faire part.
– … Tu t'es joué de moi ? l'interrogea-t-il offusqué.
– Ne m'en veux pas, Rhadamanthe. Je ne voulais que votre bonheur à tous les deux, les personnes qui comptent le plus à mes yeux. Valentine, parce qu'il est mon ami et qu'il m'est précieux. Et toi, mon cher cousin, la seule famille qu'il me reste. Je vous aime tous les deux, je veux vous voir heureux, c'est tout ce qui m'importe.
– Chris… Je ne sais quoi dire. Je t'aime aussi, comme un frère qui aime une sœur. Tes intentions me touchent profondément… J'aimerais te rendre heureux également…
– Tant que vous l'êtes tous les deux, je le serai ! »
La jeune femme se dirigea vers Valentine et lui chuchota à l'oreille : « Tu devrais offrir la bague que je t'ai donné à Rhadamanthe. Je suis sûre que cela lui fera très plaisir. Bienvenue dans notre famille. », puis s'adressa à son cousin : « Je te le confie, prends soin de lui comme il le fait déjà pour toi. », déclara-t-elle avec un sourire.
La Harpie suivit son conseil et remit le bijou à la Wyvern qui fut surpris de le voir en possession de cet objet. La nostalgie l'envahit à la vue de cet anneau et des armoiries de la famille Walden dessus, il devait revenir à l'héritier de leur lignée. Le juge laissa son amant lui mettre la bague au doigt. Une fois ceci fait, Chris prit leurs mains et les rejoignit, comme si elle scellait leur union et leur donnait sa bénédiction. Les deux anciens spectres furent enfin réunis pour son plus grand bonheur.
