chapitre 1

Tout avait commencer de cette façon :

« Tu ne peux pas me laisser tranquille une minute, c'est quoi ton problème au juste ? »

Severus fixait son amant, ses yeux ne quittant pas le regard furieux du jeune homme. Ignorant superbement la question de Harry, il posa son verre, porta une main à la poche intérieure de sa veste et en sortit un paquet de cigarettes. Il en porta une à sa bouche, et de l'autre main, l'alluma avec un briquet. Le temps semblait avoir brusquement ralenti, le silence de mort régnant dans la pièce donnant une impression de lenteur infinie aux actions pourtant simples effectuées par le ténébreux.

Tous ces gestes précautionneux donnaient l'impression que le yakuza se fichait royalement de ce que lui disait son amant. Mais ce n'était pas le cas, bien au contraire : maintenant qu'Harry était au courant, Severus appréhendait au plus haut point sa réaction. Même s'il ne laissait rien apparaître extérieurement, son calme apparent ne servait qu'à masquer ce trouble qui commençait à le gagner. Mais la patience du jeune homme avait ses limites, et voir Severus aussi calme semblait le rendre de plus en plus furieux. Le yakuza aurait presque juré avoir vu de la fumée sortir de ses oreilles, mais il n'éprouvait toujours pas le besoin de dire le moindre mot.

Ou plutôt, il attendait qu'Harry fasse le premier pas. Comme il s'y attendait, connaissant parfaitement le tempérament fougueux de son amant, ce fut lui qui craqua le premier. D'un pas rapide, il se rapprocha de Severus et, du revers de la main, fit tomber la cigarette de ses lèvres pour l'écraser d'un geste rageur au sol.

"Putain, tu sais que je déteste quand tu fais ça ! Ça t'amuse de me voir comme ça ou quoi ? Réponds-moi bordel !

- De quoi tu parles ?

- Fais pas l'innocent, tu sais très bien de quoi je parle, je suis sûr que tes chiens de garde t'ont mis au courant !"

La réponse de Harry le surprit quelque peu, il ne l'aurait pas imaginé si pertinent. Il ne pensait pas le jeune homme stupide, loin de là, mais dans l'urgence de l'action, il avait souvent tendance à écouter son instinct, et à oublier d'écouter sa raison. Bien sûr qu'il savait ce qu'il s'était passé. Ses hommes l'avaient immédiatement appelé pour le prévenir de la tentative de kidnapping, comme à chaque fois, mais ils lui avaient également dit que cette fois-ci, ils avaient dû se révéler à Harry pour le protéger.

Il se souvint avoir éprouvé une grande contrariété devant cette nouvelle, et les deux hommes avaient eu bien de la chance de ne pas avoir été en face de lui à ce moment-là. Depuis ce coup de téléphone, Severus avait attendu la venue de son amant, qui n'avait d'ailleurs pas tardé, celui-ci étant arrivé un quart d'heure plus tard.

"Qu'est-ce que tu veux savoir ?"

L'intonation de la voix de Severus n'avait pas changé, confirmant les dires de Harry, mais cette simple question déstabilisa le jeune homme qui, pendant un court instant, sembla ne plus savoir par où commencer. Harry se reprit rapidement, la colère devant le calme olympien du yakuza semblant lui rendre la possession de ses moyens.

"Pourquoi on a essayé de me kidnapper ? Pourquoi tes hommes me suivaient ? Et depuis quand tu me fais suivre comme ça ? Pourquoi tu me l'as caché ? Tu me fais pas confiance ou quoi ? T'as aucun droit de...

- Tu vas te calmer, à la fin.

- Réponds-moi alors, tu t'en fous de ce que je te raconte ou quoi, tu trouves que je ne vaux pas la peine que tu te fasses chier à me répondre ?

- Ne dis pas n'importe quoi, espèce de sale chatte irritante je te ferai savoir que dans cette relation c'est toi qui n'écoute pas c'est moi le plus qui te supporte.

- Putain tu me soûles, connard !"

D'une main, Harry saisit un vase qu'il jeta par terre, le fracassant ainsi en mille morceaux, pensant sans doute que ce geste suffirait à le calmer. Severus avait très légèrement tiqué devant l'insulte proférée par son amant. Il n'était pas dans les habitudes du jeune homme de s'emporter de la sorte, jusqu'à en oublier toute prudence. En temps normal, Harry évitait de dire quoi que ce soit qui puisse le mettre dans une rage noire.

S'il s'était laissé emporter au point de ne plus se soucier de le mettre en colère, chose que toute personne sensée d'esprit sur cette terre s'efforçait d'éviter, les colères du yakuza étant assez effrayantes pour que personne n'ait envie de les expérimenter plus d'une fois, cela signifiait que Harry était encore plus sous tension qu'il ne l'avait imaginé et qu'il avait grandement besoin de se défouler. L'acte totalement cliché qu'il venait de réaliser le confirmait dans ses pensées. Et qui d'autre que lui pouvait se vanter de savoir exactement quels étaient les points sensibles du jeune homme ?

" Vas-y casses n'importe quoi c'est pas comme-ci cette demeure n'est pas chez moi !"

La phrase prononcée sur un ton ironique rendit Harry encore plus furieux qu'il ne l'était déjà et dans un geste désespéré, il se jeta sur le yakuza, se moquant du fait qu'il n'était absolument pas de taille face à lui, la stature de l'homme d'affaires étant au moins deux fois plus imposante que la sienne.

Il voulait lui faire perdre ce calme qui l'exaspérait au plus haut point. Malheureusement pour lui, l'attaque de Harry ne fit pas du tout peur à Severus qui se contenta d'emprisonner les poignets de jeune homme d'une seule main avant de le bloquer contre le mur, l'empêchant ainsi de se servir de ses jambes pour une quelconque attaque en traître.

Severus regarda le visage de son amant, le découvrant le souffle légèrement rapide, les sourcils froncés et des yeux plus que furieux plantés dans les siens.

"Lâche-moi enfoiré."

La voix de Harry était basse mais Severus savait bien que c'était une ruse, sentait clairement que même s'il avait arrêté de crier, le jeune homme ne s'était pas calmé pour autant, bien au contraire. Le yakuza savait bien que ce qui allait suivre ne lui plairait pas, mais il ne voyait pas d'autre alternative pour le moment...

"Pour ma femme je ferais tous" répondit Severus, éludant totalement la demande d'Akihito. Celui-ci resta d'abord totalement abasourdi, semblant analyser l'information, avant que ses yeux ne se remettent à lancer des éclairs vers le yakuza.

" On n'est pas encore marié ! Gronde Harry de mauvais humeurs.

_Ça se peut s'arranger...

_Alors tu le savais, et tu ne m'as rien dit, enchaîna le jeune homme, toujours sur cette même voix basse et en même temps extrêmement dangereuse.

- Que je savais quoi ? Que l'on voulait te kidnapper ? Que tous mes ennemis avaient appris ton existence à cause de ce connard de Lucius et qu'ils cherchaient à t'utiliser contre moi ? Tu aurais pu t'en douter."

La dernière remarque de Severus ne plut pas du tout à Harry qui fit soudainement exploser toute sa colère au visage de son amant.

"Et bah non, je ne savais pas, hurla-t-il, je suis vraiment trop con comparé à toi, désolé d'avoir une intelligence aussi limitée !

_Ne me cherche pas Potter, répondit Severus, lui aussi commençant à perdre son calme devant les propos du jeune homme.

Il était parvenu là où il voulait emmener le jeune homme, mais cela ne lui plaisait définitivement pas. Si Severus continuait ainsi, il était plus que probable que quelque chose de fâcheux allait se produire...

- Alors monseigneur, pourquoi n'avez-vous pas éprouvé le besoin de prévenir votre pauvre sous-merde totalement débile de cette nouvelle ?

Le ton ironique de Harry acheva de faire perdre son calme à Severus qui lui répondit en élevant soudainement la voix.

_C'est pour ta protection, petit cul arrogant."

Severus écarquilla légèrement les yeux, prenant brusquement conscience des mots qu'il avait prononcés sans même s'en rendre compte. Non... Il n'avait pas voulu dire ça... Harry n'aurait jamais dû le savoir... Suite au silence qui accompagna cette déclaration, le yakuza se rendit compte qu'il venait effectivement de faire une grossière erreur, et il se maudit de tout son être pour avoir laissé échapper quelque chose d'aussi crucial.

"Alors comme ça, non seulement je suis trop con, mais en plus tu me prend pour un faiblard, c'est bien ça ?"

La voix de Harry était à peine plus élevée qu'un murmure et Severus ne sut quoi répondre. C'était faux bien sûr. Il n'avait fait ça que pour le protéger, pas un seul instant il n'avait considéré Harry comme con ou flaible, le jeune homme avait simplement eu un moment de faiblesse parfaitement compréhensible compte-tenu des évènements qu'il avait vécus.

« Lâche-moi. »

Cette fois-ci encore, sa voix avait à peine dépassé le murmure. Harry gardait la tête baissée, ses mèches cachant ses yeux, voilant ses sentiments au regard de Severus qui ne pouvait se résoudre à accéder à la demande du jeune homme. Que se passerait-il s'il le laissait partir ? Même si son esprit lui conseillait d'accéder à cette requête, son corps ne parvenait pas à se résoudre à le laisser partir.

« LACHE-MOI PUTAIN ! »

La prise sur les poignets de Harry se desserra lorsque Severus aperçut enfin son visage, baigné par les larmes. Pendant un instant, il fut incapable de réfléchir, ne voyant que ses larmes, et son masque s'effrita, dévoilant sa douleur face à l'état de son amant. Harry profita de cet instant de faiblesse pour dégager ses poignets et poussa de toutes ses forces sur le torse du yakuza, le forçant à reculer. Severus reprit alors ses esprits, mais trop tard, le jeune homme avait déjà couru jusqu'à la porte.