Note d'auteur.

HELLO AGAIN !

Aujourd'hui c'est Erejean Day, et je me suis rendu compte en corrigeant que cet OS était pour le jour 1 de la week ptdrrrrrrrrrrr si ça c'est pas du retard (mais bon quand on preche la bonne parole, c'est toujours le bon moment)

D'ailleurs si vous êtes interessés par l'idée de rejoindre la Erejean nation, appelez moi au ******* vous serez gentils 333 mais pour ça il faut avoir lu les masterpieces erejean de Neil aka Eating-flowers parce que c'est le prérequis pour voir la lumière oui oui faites moi confiance hihihi

BON pour cet OS attention ils font des vilaines méchantes choses oulalala aka boire et fumer dla beuh ce sont des mauvais garçon grrrrr

Pour résumer : Eren est pété et Jean est défoncé et le temps d'une soirée ils vont kiss kiss fall in love comme on dit (ouais jsuis crevée et c'est franchement un bon résumé vous allez voir)

JE T'EMBRASSE TRES FORT NEIL 333333 all my erejean are for u girl

Bonne lecture !


MAYBE A LITTLE BIT DRUNK


Eren ne sait plus vraiment ce qu'il fait là.

Il savait, au début, quand la musique était encore à un niveau acceptable, que quelqu'un n'avait pas vomi sur la table de la cuisine, qu'un groupe enthousiaste ne dansait pas dans le salon en hurlant des paroles qu'Eren ne comprend plus vraiment à ce stade. À un moment dans la soirée, il s'est trompé de verre et a descendu cul sec un truc sur lequel il n'aurait jamais posé ses lèvres en temps normal : mais maintenant c'est trop tard.

Son meilleur ami a refusé de venir avec eux pour réviser un devoir. Sa sœur fait des concours de shot avec une blonde qui a apparemment l'air de lui plaire (ce qu'Eren trouve très bizarre, car Mikasa est plus ou moins un mur blindé que personne n'intéresse, et là tout à coup cette fille est arrivée et non seulement sa sœur a dit merde à sa promesse de les ramener en un seul morceau ce soir et donc de ne pas boire, mais en plus elle l'a abandonné dans les bras d'un groupe de mecs appartenant à une fraternité chelou).

Donc, la soirée d'Eren n'est pas incroyable, et ces mecs lui ont sûrement fait boire le double de son poids en alcool. Il a apparemment la tête d'un gars sympa à qui on peut taper l'épaule (et non seulement taper sur l'épaule, mais ils l'ont soulevé en l'air en criant et en riant, lui ont mis une bouteille entière dans les mains, et lui ont raconté toutes sortes d'anecdotes qu'Eren n'avait pas envie de savoir et que donc il a fini par la boire, cette bouteille).

Ce qui veut dire, pour faire court, qu'il a à présent deux solutions : aller s'allonger dans l'herbe et s'endormir jusqu'à ce que le soleil se lève et qu'il crame comme un lézard, ou bien monter à l'étage afin d'échapper à ce groupe de filles qui l'entoure dans le canapé et qui lui touche les fesses en riant. Ce qui est affreux, gênant, et Eren veut qu'on laisse ses fesses tranquilles.

Donc, il se lève : des pas hésitants, pas très droits, et des sourcils froncés alors qu'il traverse la foule qui danse et qui saute en rythme. Un rythme qu'il n'entend même pas, finalement, tellement sa tête pleine d'alcool est fatiguée de tout ce bruit.

Il tombe sur un mec qui veut absolument lui faire goûter un verre à la boisson bleue qui a l'air parfaitement dégoûtant alors Eren lui offre un sourire bourré et fait semblant d'être prêt à lui vomir dessus. Le passage s'ouvre comme la mer noir devant lui, jusqu'à l'escalier, et il s'avance sans attendre une seconde de plus.

La montée des marches est un peu plus compliquée que l'escalade de l'Everest, mais Eren fait ça comme un grand : un pied après l'autre, les mains fermes autour de la barre, il a l'impression de mettre une éternité à arriver à l'étage.

Et quand il y est enfin, il ne peut s'empêcher de soupirer face aux quelques personnes qui s'embrassent contre les murs. À côté des portes, assis par terre : personne n'a l'air d'en avoir quelque chose à faire du gars bourré qui se cogne parfois l'épaule contre une lampe ou une paire de chaussures perdue.

Eren ouvre une première porte, met quelques secondes de trop à entendre des gémissements et à voir deux paires de fesses, puis la referme en s'excusant. La salle de bain est tout aussi occupée et soudain il est heureux d'être un mec et de pouvoir pisser par la fenêtre sans en avoir grand-chose à faire. La deuxième chambre n'est pas une chambre mais un bureau et cette fois c'est trois paires de fesses qu'il voit et il s'autorise à froncer les sourcils avant de refermer la porte.

Sur le chemin, un mec encore plus bourré que lui le regarde avec un air perdu un instant, puis lui tombe presque dessus en chuchotant « je t'ai enfin trouvé ». Eren est et certain de ne pas connaître ce type, et en tout cas de ne pas le connaître assez pour le laisser mettre ses mains sur son cul et commencer à essayer de les passer en dessous de son t-shirt. Il lui met un coup de genou dans les parties, puis s'éloigne dans le couloir qui tangue toujours autant pour ouvrir encore une fois deux ou trois portes (et trouver sans surprises de nouvelles paires de fesses, nues, et dans certaine ce n'est malheureusement pas la seule chose qu'il voit).

Quand, enfin, Eren arrive à la dernière chambre du bout, il croise les doigts en entrant à l'intérieur. Si des gens sont encore en train de forniquer, alors il va devoir s'allonger sur le sol et dormir là en priant que personne ne lui vomisse dessus ou ne vienne à nouveau le tripoter.

Tout d'abord, il ne voit pas grand-chose : la pièce est silencieuse et sombre, et (miracle) personne ne remue sur le lit qui est encore fait. Personne ne fait gémir personne et personne ne montre son derrière à l'encadrement dans lequel il se tient. Eren pousse un soupir qui vient sûrement du cœur, puis s'avance en refermant la porte derrière lui.

Le silence est agréable, même si les basses font encore trembler le sol et les murs et qu'en se concentrant bien, Eren peut entendre des gens à côté qui n'ont pas l'air d'en avoir quelque chose à faire de la discrétion. Il s'en fiche pas mal, lui aussi, et finit par s'avancer jusqu'au lit pour se laisser tomber dedans.

— Putain de merde, souffle-t-il en enfonçant sa tête dans un coussin.

Là tout de suite, il ne sait pas trop s'il veut mourir, ou simplement dormir jusqu'à l'année prochaine. Eren sent pourtant que tout l'alcool présent dans son corps va faire en sorte qu'il se sente à la fois détendu et un peu trop éveillé, alors finalement il va juste rester là, à attendre que le temps passe et que ses pensées reviennent (parce que l'alcool, chez lui, ça anesthésie tout jusqu'à ne laisser qu'une capacité de réflexion limitée).

Eren se retourne, roule sur le côté, et regarde le plafond. Pendant quelques secondes. Jusqu'à ce qu'une voix manque de le faire hurler :

— Alors quoi, tu vas juste dormir-là ?


Eren est certain qu'il ne va pas vraiment en vouloir à Mikasa. En vérité, sa sœur est derrière lui depuis au moins l'école primaire, depuis tellement longtemps qu'ils se disputaient presque tous les jours au lycée pour qu'elle profite enfin de sa vie plutôt que de se donner comme mission de contrôler la sienne.

Depuis qu'elle était arrivée chez lui, ramenée par le docteur Jaeger après la mort de ses parents. Depuis ce jour où elle s'est enfuie pour retourner chez elle sans trop savoir comment, et qu'Eren a été le premier à la retrouver, à lui offrir les mots qu'elle mourrait d'entendre, et à lui enrouler une écharpe rouge autour du cou.

Donc, Eren ne va pas lui en vouloir. La faculté, les soirées, des promotions enfin différentes et des chemins qui se séparent un peu : Mikasa se fait d'autres amis, et pour la première fois elle commence enfin à faire des choses qui ne mettent pas Eren en premier plan.

Bon, il aurait préféré que ça se fasse autrement, qu'elle lui pose un lapin comme une personne normale, plutôt qu'elle décide de l'abandonner entre les griffes d'une équipe de rugby (ou autre) adorateur d'alcool.

C'est au moment où Eren se dit qu'il ne va pas lui en vouloir (en parti car il a enfin trouvé un endroit pour se poser plus de cinq secondes sans risquer de finir sourd) que la voix le fait sursauter.

— Alors quoi, tu vas juste dormir-là ?

Eren en tombe presque du lit.

Il se redresse trop vite, les yeux écarquillés, et son regard parcourt la chambre pourtant pas si grande que ça jusqu'à finalement tomber sur un mec, assis dans un fauteuil juste à côté de la fenêtre ouverte. Son casque a glissé autour de son cou, et il tient apparemment une cigarette dans ses doigts, au bout du bras paresseusement rejeté à l'extérieur.

Eren se demande comment il a pu le louper.

— Je... désolé.

— Pourquoi ?

— Oh, et bien tu es... là.

— Ouais, je sais.

— Enfin, tu es... tu étais là avant moi.

— Je sais aussi.

Eren fronce les sourcils. La chambre n'est éclairée que par les lampadaires de la rue, à l'extérieur, et ce mec est illuminé à peu près correctement : un rictus amusé, des cheveux qui lui tombent dans la nuque, d'une couleur un peu cendrée. Des traits un peu flous, aussi, pour les yeux bourrés d'Eren.

— Tu veux que je parte ? Parce que cette chambre est la seule qui reste et si les mecs de l'équipe de je ne sais plus trop quel sport me remettent la main dessus je vais finir en coma éthylique à l'hôpital. Pourquoi y'a rien à manger dans cette maison ?

— Le budget alcool. Trop de budget alcool, et pas assez pour la bouffe.

— Oh. D'accord. C'est logique.

Il fronce à nouveau les sourcils.

— Du coup je dois repartir ? Parce qu'il y a aussi ce gars dans le couloir qui m'a pris pour... pour je ne sais pas qui, mais en tout il voulait toucher les fesses de ce que je ne sais pas qui. Du coup il a touché les miennes. Et ces filles en bas aussi. Et l'un des mecs du club sportif qui boit trop.

Il fait la moue, et penche la tête sur le côté.

— Est-ce que tu vas toucher mes fesses ?

Un petit rire lui parvient.

— Nan, mec. Je vais pas toucher ton cul. Promis.

— Génial. Je peux rester, alors ?

— Fais-toi plaisir. J'ai en général pas trop de problèmes avec ma conscience, mais je m'en voudrais un peu de te renvoyer dans les griffes du mec dans le couloir. T'as l'air d'avoir eu ton compte pour la soirée.

Eren sourit. Étrangement, ça lui fait plaisir : il se sent bête et bourré, et un rien pourrait le faire rire à ce stade, alors il se contente de rouler encore un peu pour sortir du lit. Il s'écrase au sol, une fois au bout, mais se reprend en moins de dix minutes ce qui veut dire qu'il doit être une sorte de génie. Le sol ne s'est toujours pas décidé à redevenir droit et lisse, il s'emmêle les pieds quelques fois, mais réussi à atteindre une chaise (qui était soigneusement rangée sous le bureau).

Il la traîne sur la moquette, la place en face de l'inconnu le long du mur, puis ouvre son côté de la fenêtre pour mettre sa tête dehors et inspirer l'air de la nuit.

Ça fait du bien, et Eren soupire.


Il se rend compte que l'inconnu le fixe avec un air amusé au bout de plusieurs longues secondes.

— C'est quoi ton nom ?

— Eren. Et toi ?

— Jean.

Eren lui tend la main, et Jean la prend pour la serrer. C'est un peu curieux de faire connaissance comme ça, comme si Eren n'est pas en train de ricaner tout seul simplement parce que ce mec est plus beau de près.

— Tu es plus beau de près.

— Merci. Et toi t'articules vachement bien pour un mec bourré.

— Merci.

Et Eren a l'impression que c'est le plus beau compliment du monde.

— Je suis doué pour être bourré, apparemment. J'ai monté les escaliers tout seul.

— Comme un grand ?

— Ouaip.

— Impressionnant. Tu le seras encore plus si tu ne finis pas par vomir partout sur les tapis.

Jean sourit, un rictus qui étire ses lèvres et fait remonter ses joues sans découvrir ses dents. C'est incroyablement séduisant, et Eren oublie presque qu'il n'est jamais intéressé par personne. Rien ne l'intéresse vraiment à part le club de débat (où sa prof l'adore car tout le monde finit toujours pas lui donner le dernier tellement il est épuisant) et le sport. Peut-être qu'il connaît les mecs du club sportif, finalement. Il a plus ou moins fait le tour de tous les clubs de la fac.

Même celui d'aviron.

Alors, quand on fait en sorte de s'amuser avec ses amis, de gagner des débats, et de participer à n'importe quelle compétition de sport tant que ça le fait bouger, on a pas vraiment le temps de se trouver quelqu'un.

— Je vomis pas.

— Jamais ?

— Nope. J'ai un estomac en béton armé. Je peux éventuellement m'évanouir dans un caniveau, mais je vais vomir sur personne. Je suis le mec bourré idéal.

— Quelle chance j'ai, n'est-ce pas ?

— Ça, tu peux le dire.

Eren sourit à son tour, car Jean est vachement sympa. Il est tranquille, assis là tout seul, les yeux tournés vers la rue et le porche de la maison pleine d'étudiants éméchés.

Soudain, Eren se retourne pour détailler la chambre des yeux, et finit par demander à Jean :

— C'est ta chambre ?

— Ici ? Non, tu rigoles. La mienne est mieux décorée que ça.

— Oh, je pensais. Comme t'étais là et tout.

— En premier.

— Ouais. Désolé de squatter.

Jean lui lance un coup d'œil, le détaille de haut en bas, puis le fixe tout à coup droit dans les yeux. Ça arrive, parfois : les gens le regardent, puis Eren le leur rend et soudain ils s'exclament un truc comme « mec, tes yeux ! » ou « c'est quoi cette couleur ? » ou « putain, on dirait presque qu'ils brillent dans le noir ».

Jean ne dit rien, lui.

— C'est pas grave. Ça aurait pu être pire.

— Je serais pas venu si tout l'étage s'était pas transformé en baisodrome. J'oublie pas grand-chose le matin, en général, et pour le coup ça me fait chier. Tu sais que y'a un plan à trois à deux chambres d'ici ?

— Nan, je savais pas. Et je m'en serais sans doute passé.

— Ouais. Désolé. Mais je viens de m'en souvenir et fallait que je partage l'image.

Il grimace, et secoue la tête. Quelques secondes de silence, puis les invités en dessous montent le son et ça leur parvient un peu plus fort. Eren n'est pas sûr d'apprécier la chanson.


— Alors, comment t'as fini ici ?

Eren se tourne vers Jean. Il a fini par se poser contre la fenêtre, pour regarder le ciel qui disparaît légèrement avec la lumière de la ville, et avant de s'en rendre compte il est parti. La voix de son presque sauveur le ramène sur terre.

— Dans la chambre ?

— Nan, à la soirée. Comment t'as fini ici ?

— Oh.

Eren prend une seconde pour réfléchir.

— Ma sœur voulait venir. Je l'ai suivi. C'est elle qui me suivait partout, avant, mais maintenant j'ai l'impression qu'on fait presque plus rien ensemble alors je voulais juste m'assurer qu'elle allait pas dans un endroit bizarre.

— Et... t'es rassuré ?

— Tu rigoles ? T'as loupé la partie ou je t'ai dit que l'étage était devenu un baisodrome ? Trop de personnes m'ont touché les fesses.

— T'as peur qu'elle se fasse tripoter ?

Eren rit, parce que ça c'est vraiment drôle.

— T'es marrant. Nan, ça ça m'inquiète pas. Celui qui essayera de tripoter ma sœur le regrettera bien assez vite. C'est arrivé une fois, dans le train quand on était au lycée, et elle lui a littéralement brisé le pénis, comme un bout de bois. Un coup de genou et le vieux a pleuré pendant plus de trente minutes. On a dû attendre l'ambulance.

— Wha...

— Ouais. En plus on a fini en garde à vue.

— Pour le pénis cassé ?

— Nan, parce que j'ai frappé le policier qui a demandé à Mikasa de s'excuser.

Ce souvenir le fait rire, car finalement l'hôpital vers lequel cette ambulance a emmené le gars qui a juré de porter plainte s'est trouvé être celui où travaillait le Dr Jaeger. Belle ambiance dans la salle des urgences.

Quand il se tourne vers Jean, presque étonné de son silence, il le trouve tourné vers lui avec la bouche entre-ouverte.

— Oh non, souffle Eren. Ton père est flic, c'est ça ? Tu es en train de m'insulter dans ta tête en te disant que tu es tombé sur un petit con irrespectueux. Enfin, je suis irrespectueux parfois mais je t'assure que ce jour-là il le méritait complètement. Bon, peut-être qu'ensuite j'ai accidentellement craché sur un autre qui tentait de nous séparer et que Mikasa en a choppé deux à elle toute seule et que ça m'a rappelé ce jour à la manifestation pour je sais plus trop quoi (je fais les manifestations, juste parce que c'est cool de crier en ayant l'air en colère je trouve que ça fait du bien, enfin bon ça dépend parce que les trucs contre la liberté des autres c'est pas terrible, une fois je me suis retrouvé à une manif anti-homosexuels et franchement t'aurais dû voir la tête du mec qui marchait à côté de moi quand j'ai demandé à son pote s'ils étaient en couple, c'est comme ça que je me suis retrouvé encore une fois chez les flics et que j'ai...)

— Eren.

— Ah. Oui. L'alcool bavard arrive, je crois.

— Mikasa ?

Eren hausse un sourcil.

— Mikasa, ouais. Ma sœur. Enfin ma demi-sœur parce que techniquement on est pas relié par le sang mais je la considère quand même comme...

— Mikasa Ackerman ?

Jean en fait presque tomber sa cigarette, et c'est le moment où Eren essaye d'arrêter de parler pendant une seconde, rien que pour remettre son cerveau en marche.

Ça ne fonctionne pas bien, alors il dit juste :

— Oui. Oui ? Ouais, Mikasa Ackerman.

Le gars le fixe avec un peu plus d'ardeur, puis finit par acquiescer lentement.

— Tu connais ma sœur ? Parce qu'elle est en licence de maths donc si t'es avec elle c'est un peu décevant étant donné que les mecs de sa promo sont les plus gros losers que j'ai jamais vus de ma vie. J'ai squatté un cours en amphi et je crois que mon voisin a essayé de me draguer en me parlant de sa calculatrice multifonction.

Jean grimace largement, soudain presque outré.

— T'es sérieux, là ? Maths ? J'ai encore un peu d'amour propre, merci.

Eren soupire, presque soulagé.

— Ouf. Génial.

Jean pouffe, en lui renvoyant un coup d'œil amusé, puis s'explique :

— Je suis pas en maths, mais tout le monde connaît Mikasa Ackerman. Une fille super belle en licence de maths qui fait du karaté et de la boxe thaïe ?

— Elle a battu la championne en titre de la région la semaine dernière, s'exclame Eren avec un grand sourire. J'ai cru qu'ils allaient me faire sortir tellement j'ai hurlé. J'ai peut-être aussi insulté son adversaire, ce qui était vraiment pas cool, mais elle lui a botté le cul. Je me laisse trop entraîner par mon élan, parfois. Le contrôle, c'est pas mon truc.

Eren retombe dans son siège et plie ses jambes pour que ses pieds soient contre le rebord de la fenêtre.

— Ouais, Mikasa Ackerman et son frère. J'ai aussi entendu parler de toi. Plus ou moins.

— Ah bon ?

Jean hausse un sourcil en entendant sa voix tout à coup un peu moins certaine, et Eren se mord la lèvre. Jean est plutôt cool, comme mec. Il a l'air marrant. C'est étrange, comme impression, surtout après quelques minutes à peine.

Et Eren ne sait pas trop ce qu'on peut raconter sur lui, alors...

— Pourquoi tu fais cette tête ? Mikasa et son frère canon, y'a pas de honte. 'Parait que toutes les équipes de sport te veulent. T'as vraiment l'air d'un hyperactif.

Eren cligne des yeux.

— Je le suis, en fait. Hyperactif, pas canon. Enfin, je suis pas forcément moche, mais c'est pas ce qu'on dit de moi en général.

— Oh, alors on dit quoi ? Que tu parles trop ?

— Ouais. Entre autres.

— T'as le sang chaud et t'es une vraie pipelette. Je m'en remettrais. Mais ils ont pas tort, pour le frère canon.

Jean lui renvoie un sourire un peu goguenard, et Eren se sent soudain tout bizarre. Il lui donne un petit coup dans l'épaule, qui paraît tellement moue et peu enthousiaste que c'en est ridicule.


— T'es en quoi, alors ?

Jean prend une taffe sur sa cigarette (qui finalement n'a pas du tout l'odeur d'une cigarette, et Eren se sent un peu bête d'avoir mis aussi de temps à s'en rendre compte) puis se retourne vers lui. Ils sont vraiment bien là, avec l'air de la nuit et la musique dans le fond.

Deux personnes ont essayé d'entrer, mais ils ont rapidement refermé la porte quand Eren a fait des bruits dégoûtants donnant l'impression de vomir tripe et boyaux près du lit. Jean a éclaté de rire, et lui a fait promettre d'essayer l'imitation des gémissements pour le prochain coup.

— Quoi ?

— T'as dit que t'étais pas en maths. T'es en quoi, alors ?

Jean paraît réfléchir une seconde, puis lui répond :

— En droit.

— Quoi ?

Le regard d'Eren ne peut s'empêcher de descendre lentement vers le joint qu'il tient entre ses doigts, et qui parfume peu à peu la chambre.

— Difficile à croire ?

— T'as les cheveux presque longs, mec. Et tu fumes. Et... oh mon dieu. Je finirais sûrement devant toi un jour si tu deviens juge.

— Eh bah, t'es pas très optimiste.

— Je suis réaliste. Et en fait, tout le monde sait que je suis la personne la plus optimiste sur cette terre.

Il s'appuie un peu plus contre le dossier de sa chaise.

— Droit ? Sérieux ?

— Nan, je déconne. Je suis en ciné. Ou plus précisément, en licence d'Art spécialisation métiers de l'audiovisuel et reproduction filmographique.

— Ah. Ouais. Ça te va mieux, d'un coup.

Eren sourit, et se rapproche presque un peu.

— Ça me va mieux ?

— Bah, je veux dire : t'es quand même un mec qui a l'air de pas avoir bu dans une soirée où le budget boisson écrase le budget bouffe et t'es là à ta fenêtre comme un petit vieux avec ton joint. On vous voit faire des trucs bizarres dans le parc de la fac, parfois.

Jean hausse un sourcil, et Eren fait de même avec ses épaules.

— Je juge pas. Je juge déjà les mecs de maths, je peux pas tout faire. Ciné, c'est mieux que droit. Tu mets pas ces manteaux en tweed qu'ils portent tous et tu rajoutes pas une balance dans ta bio sur les réseaux sociaux au bout du premier jour. C'est cool, les films.

Il réfléchit tout de même une seconde, s'intéressant tout à coup aux étoiles qui semblent briller un peu plus.

— Ça veut dire que tu pètes les couilles de tout le monde à la sortie du cinéma, non ?

— Ouais. C'est ce que mes amis disent. Ils veulent plus vraiment regarder de films avec moi. Ni en parler.

— Moi je veux bien en regarder avec toi. Personne ne gagne de débat avec moi. Souvent ils me mettent un poing dans la tronche une fois à court de mots. Donc j'aime bien parler de films.

Il lui offre un sourire ravi, comme si sa réponse explique quelque chose de très important comme la fin dans le monde ou le réchauffement climatique. Jean pouffe à nouveau et tire encore sur son joint. La fumée qui s'échappe de ses lèvres est épaisse et s'échappe par la fenêtre avant de s'effacer dans l'air.

— Ce que tu viens de dire n'a aucun sens.

— Je suis bourré. Mais je peux quand même résumer à : faudrait qu'on matte un film ensemble.

Les sourcils de Jean se haussent, si haut qu'Eren se demande un instant ce qui peut bien provoquer une telle réaction. Comme son esprit est encore embrumé, il se contente de sourire largement et peut presque voir ses yeux briller dans le reflet qu'il aperçoit sur la vitre de la fenêtre.

Jean se racle la gorge.

— Ouais. D'accord, ça serait... cool. Pourquoi pas.

Il détourne le regard.

— Et toi ? T'es en quoi ?

— Lettres.

— De la littérature ? Non mais je rêve.

Jean éclate de rire et fume à nouveau.

— Tu parles des gens en art mais toi t'es en lettres ? L'hypocrisie nous tuera tous, mais toi en premier.

— Vous êtes plus bizarre que nous.

— Vous êtes les seuls qui allez aux représentations de théâtre des arts du spectacle.

— Encore heureux sinon ils joueraient jamais devant personne.

— Mon dealeur est en lettres.

— Ouais, ça m'étonne pas.

Un sourire échangé, et Jean lui tend le morceau de joint avec un sourcil haussé. Eren hésite une seconde, avant de le prendre pour tirer dessus.

Il tousse à plein poumons.

— Merde, souffle-t-il en posant une main sur sa poitrine, les yeux larmoyants. Tu doses ça comme un mec en art, j'avais oublié.

L'éclat de rire de Jean est franc et le cœur d'Eren s'affole un peu. Les réverbères éclairent son visage, ses dents blanches, son nez froncé, ses traits détendus, et il se surprend pour la première fois à se dire que ça ne serait pas si mal de tenter de sortir avec quelqu'un.

Est-ce que ça signifie plus de conversation comme ça, de cœur battant, et de mains un peu moites ? Eren signe tout de suite.

Deux secondes plus tard la porte s'ouvre, et le regard de Jean croise celui d'Eren à peine un instant avant que le dernier ne se mette à gémir bruyamment en retenant son sourire. La porte claque après un « merde, désolé ».

Et ce qu'il reste, c'est le rire erratique de Jean tandis qu'il se tord dans son fauteuil en se tenant le ventre.


Le temps passe vite, avec Jean.

Ils épuisent pas mal de sujet, depuis des anecdotes ridicules où Eren raconte la manière dont il a fait exploser le plafond du cours de science avec une pauvre fiole et un bouchon sous pression, jusqu'à Jean qui lui parle de son top 10 des pires films jamais créés, avec des descriptions très précises et un argumentaire beaucoup trop sérieux pour l'heure et le moment. Eren l'écoute sans en louper une miette.

Finalement, quand la musique commence à se calmer en bas et que, sans qu'ils ne s'en rendent compte, les gens ont commencé à peu à peu disparaître en bas de leur fenêtre, Eren sent enfin l'alcool redescendre.

Et avec lui, sa fameuse énergie soi-disant increvable. Soi-disant, car là il est bien certain d'être complètement épuisé. Sa tête dodeline sur le côté et la voix de Jean se perd quelque part au loin. Son corps glisse légèrement, il commence à rêver de quelque chose qu'il n'arrive pas bien à saisir et...

Une main se pose sur son épaule et il sursaute.

— T'es pas dans un caniveau, ici. Y'a un lit deux places à côté avec des draps non souillés par la fornication.

Eren cligne des yeux, et hoche mollement la tête.

— Un lit. Quelle magnifique invention.

— N'est-ce pas ? Vas-y, je vais partir de toute manière.

Eren cligne à nouveau des yeux, mais pas tout à fait de la même manière.

— Partir ? Pourquoi ?

Jean fronce les sourcils.

— Hum, et bien pour rentrer chez moi ? Je plaisantais pas quand je disais que c'était pas ma chambre.

Mais Eren ne peut retenir cette sensation dans sa poitrine, qui explose en même temps que son murmure déçu :

— Mais tu viens de dire que c'était un lit deux places...

Ils se fixent un instant, et le silence est étrange car la musique a disparu. Tout est plus calme, plus tranquille. Et l'ambiance disparaît avec le bruit, bizarrement.

— Tu...

Eren se lève, tout à coup, tellement brusquement que Jean ne trouve rien d'autre à faire que lui agripper le poignet. La terre n'est apparemment toujours pas plate à nouveau car tout tangue soudainement et Eren se retrouve sur des genoux, les mains agrippées aux accoudoirs d'un fauteuil bien plus confortable et épais que sa vieille chaise de bureau.

Il déglutit. Jean fait de même. Leurs visages sont proches, et Eren se sent obligé de préciser :

— Je sais qu'on dirait que je l'ai fait exprès mais je te jure que c'est pas le cas.

— Ah bon...

Jean ne parle pas très fort, trop concentré à perdre son regard entre les yeux grands ouverts d'Eren et sa bouche, ses lèvres rendues sèches par tout l'alcool qu'il a avalé.

— Je...

Eren ne sait pas trop qui s'est rapproché, ensuite : lui, peut-être, ou alors Jean, c'est possible. Leurs souffles sont proches, et la seconde d'après des mains sont dans ses cheveux et il sent quelque chose contre sa bouche et des vibrations dans son ventre, un nez qui s'écrase contre le sien et des doigts qui attrapent le côté de sa taille.

Lui fait à peu près la même chose. Il ne s'y connaît pas trop mais ça paraît naturel de passer ses mains au milieu des mèches de Jean, contre les os de sa mâchoire, dans la pliure de son cou. Le baiser est étrange et peut-être pas si soudain, et quand ils arrivent à court d'air Eren se dit vraiment qu'il ne veut pas arrêter, alors il s'éloigne une seconde pour reprendre son souffle.

Leurs regards se croisent à nouveau, et Jean murmure « merde » avant de l'attirer à nouveau à lui. Leurs corps sont proches, comme ça, incroyablement proches étant donné que tout le poids d'Eren est sur lui, appuyé sur ses cuisses et ses jambes.

Le silence disparaît, le bruit dans le couloir aussi, la lumière des lampadaires qui frappent son dos : il ne reste plus que des frissons et des soupirs et une chaleur qui s'oppose à l'air soudain frais de la nuit.

Ils finissent par se séparer à nouveau. Leurs fronts se touchent. Eren déglutit.

— Je...

— Peut-être que je vais rester.

— Ouais ? Super.

— Ouais..., répète Jean en se rapprochant à nouveau. Super...

Il y a une seconde, une seconde pendant laquelle Eren pense que c'est un peu incroyable : cette chambre, Jean, la tranquillité au milieu du bruit. La sensation au creux de sa poitrine et l'envie de tout lui raconter, de tout entendre, de vouloir le garder pas trop loin, même tout près.

Puis leurs bouches se trouvent à nouveau, et Eren ne pense plus à grand-chose.


— Tu rentres directement ?

— Nan. Apparemment Mikasa sera pas à la maison alors j'ai le temps d'aller faire un tour au gymnase pour voir si quelqu'un veut pas se faire botter le cul.

Tout en descendant les marches de l'amphithéâtre, Eren jette un coup d'œil à Armin (qui n'est pas du tout en lettres et qui s'invite juste pendant les cours en amphi car « c'est important d'avoir de la culture littéraire » et « de toute façon y'a tellement monde que personne remarque » ce qui est vrai). En arrivant en bas, il se dépêcher d'attraper l'exemplier plein de textes divers pour la semaine suivante, de le ranger dans son sac, et de quitter la salle pour aller rejoindre son meilleur ami qui s'est éclipsé discrètement.

— Bon, tu viens chez moi après du coup ? Parce que j'ai enfin reçu ce jeu et je l'ai même pas encore déballé pour pouvoir...

— Eren ?

La voix, qu'il reconnaît presque immédiatement sans vraiment le vouloir, le force à se retrouver. Armin lui lance un regard sympathique, et Eren sait qu'il se dit sûrement que c'est encore le capitaine d'une équipe quelconque venu pour lui prouver par A plus B qu'il doit absolument intégrer l'option sport et les rejoindre.

Badminton, football, basket, volley-ball, athlétisme, course : Armin les a vu défiler un par un et repartir avec la même réponse « je peux aider pour un match, au pire, mais un seul sport c'est un peu ennuyant ».

Seulement cette fois, la voix d'Eren paraît un légèrement différente quand il lui dit :

— Vas-y, Armin. On se retrouve chez moi.

Il ne le regarde même pas, les yeux fixés sur le gars de leur âge qui s'avance lentement vers eux, les mains dans les poches.

— D'accord... à plus, alors.

Le petit hall de l'amphi du bout se vide peu à peu, jusqu'à ce que le prof sorte de la salle, passe à côté d'eux, sorte dehors, et soudain ils sont seuls.

Jean lui sourit. Eren le fixe avec des yeux grands ouverts.

— T'as l'air ravi de me voir.

— Honnêtement, j'avais fini par croire que t'étais un fantôme. Ou une hallucination de mon cerveau flottant dans une mer d'alcool.

Il l'a vraiment cru, en se réveillant le matin. Complètement seul, dans un lit défait, avec un mal de tête aussi puissant qu'une perceuse faisant un trou dans un mur à trois heures du matin. Mikasa l'a trouvé par miracle, et l'a ramené chez eux en s'excusant à demi-voix.

Eren avait été trop déçu pour lui en vouloir.

— Pour un mec pourtant connu, t'es difficile à trouver.

— Pourquoi tu voulais me trouver ?

Eren s'en veut un peu de son ton trop brusque, mais il n'y peut rien : c'est trop gênant. Ses propres mains trouvent ses poches, il détourne le regard.

— Okaaay, souffle Jean avec exaspération. Je voulais juste savoir pourquoi tu m'avais pas rappelé après... après ça, mais j'imagine que j'ai ma réponse.

L'air presque vexé, il commence à marcher et passe à côté d'Eren à vitesse grand V. Ce dernier a à peine le temps de lui attraper le poignet.

— Attends, tu rigoles ou quoi ? Comment j'étais censé t'appeler ?

Jean fronce les sourcils et leurs regards se croisent à nouveau.

— Peut-être avec le numéro que je t'ai laissé, Sherlock.

Il paraît presque énervé, et le visage d'Eren se froisse.

— Quel numéro ?

— Celui sur la table de nuit.

— Celui sur la — quoi ?

Il lâche Jean, les yeux grands ouverts et les sourcils haussés.

— Sur la table de nuit ?

Ils se fixent comme des imbéciles, pas trop certains de quoi dire. Eren se racle la gorge.

— Je... j'ai pas vu. J'ai même pas regardé, en fait. J'ai juste vu que t'étais plus là, et j'avais tellement mal au crâne que...

Il murmure un « merde », avant que le silence ne s'installe. Quand il devient trop long et certainement trop gênant, Jean finit par soupirer. Il ricane à peine deux secondes après.

— Donne-moi ton téléphone.

Le temps que sa phrase se termine, Eren fouille déjà dans la poche de son jean pour le lui tendre. Ses yeux brillent à nouveau, tout à coup, et Jean maintient le contact pendant sans doute un instant de trop avant de baisser le regard vers l'écran.

— Comment tu m'as retrouvé ?

Il le regarde entrer son numéro, et marquer à côté « Jean Kirschtein ».

— J'ai dû aller demander à Mikasa en personne et me faire huer par la moitié de sa promo comme chaque personne qui s'approche d'elle. Y'avait aussi cette blonde, qui semblait prête à me mettre un coup de coude dans les parties façon brisage de manche.

— Oh, Annie. Ouais, c'est pour elle qu'elle m'a abandonné à la soirée. Elles sortent ensemble. C'est cool, hein ?

Jean lui rend son téléphone avec un sourcil haussé.

— Très cool, Jaeger. Maintenant si ça t'embête pas je dois aller en cours à l'autre bout de fac. Cette fois j'espère que tu sais comment on appelle un numéro.

Eren s'apprête à répondre qu'il n'est pas non plus débile (tout en essayant d'ignorer le cœur agréable serré que produit la voix sarcastique de Jean sur lui) quand tout à coup le concerné s'avance vers lui alors même que la porte est dans son dos.

Une seconde plus tard des lèvres sont sur les siennes. C'est rapide et presque normal, et Eren en reste bouche bée.

— A plus.

Puis il disparaît, et Eren reste planté là encore un instant, son téléphone dans la main.


Des bisous !