Titre : Trois tournesols
Rating : M par précaution
Pairing : Threesome
Disclaimer : Les personnages et l'univers ne sont pas à moi, comme tout le monde ici s'en doute.
Statut : Terminé (OS)
Résumé : Ce matin-là, Severus se réveilla dans un lit qu'il ne connaissait pas, avec deux autres personnes. Sans aucun souvenir de ce qui l'avait mené à cet endroit.
NdA:
Bêta : Un grand merci à LoupSpell d'avoir pris le temps de corriger cette histoire !
Severus tenta d'ouvrir ses paupières, mais échoua lamentablement pour la troisième fois consécutive. Il ignorait si c'était à la suite d'un sort de pétrification, ou si son corps refusait tout simplement de lui obéir. Les spasmes dans son mollet lui indiquaient pourtant cette dernière solution.
Le Maître des potions ne s'était pas retrouvé dans une telle situation depuis les derniers mois de la deuxième guerre des sorciers. Il se souvenait d'un jour, perclu de douleur après une punition sous doloris du Seigneur des Ténèbres, si bien qu'il s'était affaissé dans le coin d'une ruelle Moldue lugubre, avant de pouvoir rentrer chez lui. Il ne s'était réveillé que le lendemain, au bruit d'un homme urinant sur le béton à quelques mètres de lui. Il avait mis de longues minutes avant de pouvoir se relever et boiter jusqu'à sa maison, tremblant.
Severus inspira profondément par le nez. Cela ne sentait guère l'urine. Pas le moindre soupçon d'ordures… L'endroit sentait le chaud, le feu de bois et l'eau de toilette, le linge propre, le musc...
Il remua légèrement les doigts, autant qu'il le put, revenant peu à peu à la réalité. Il se trouvait dans un lit doux et moelleux. Ses orteils effleurèrent les draps qui se trouvaient en boule à ses pieds. Son autre main frôla une surface molle mais ferme, chaude, parsemée de poils drus. Des poils ?
Severus se redressa subitement et ouvrit les yeux, fixant le mur face à lui et en analysant chaque détail avant de poser les yeux sur un autre élément. Une chambre. Il se trouvait dans une chambre. Elle était bleue cobalt, avec les moulures blanches apparentes, de style victorien. La porte était en face et il pouvait l'atteindre en quatre à cinq enjambées, pas plus. Il y avait des cadres accrochés au mur, mais il voyait trop flou après son sommeil profond, son presque coma, pour voir le visage des personnes qui y figuraient.
Un guéridon trônait à gauche de la porte, avec trois énormes fleurs de tournesol dans un vase en porcelaine immonde, bleu égypsien, à motifs floraux blancs. Le parquet était en chêne brut, les épais rideaux bleu minuit joliment disposés pour entourer une fenêtre à vitraux losanges.
De l'autre côté, se trouvaient une imposante cheminée de marbre et une coiffeuse en bois noire somptueusement sculptée. Le lit n'était pas à baldaquin, les draps étaient bleus maya et par Merlin, comment connaissait-il autant de nuance de bleu ?!
Severus ferma à nouveau ses paupières, ses yeux commençant déjà à s'assécher. Il savait parfaitement que son intérêt soudain pour la décoration victorienne venait simplement de l'incroyable capacité de son cerveau à bloquer tout ce qui pourrait théoriquement lui infliger de la douleur, qu'elle soit physique ou morale. Ainsi, il faisait tout pour retarder le moment où il se rendrait compte qu'il était dans un lit qui n'était pas le sien, entièrement nu, avec pas une, mais deux autres personnes. Des hommes, à en juger par ce qu'il avait senti sous ses doigts et les stéréotypes machistes qui forçaient les femmes à s'épiler des pieds au cou.
Pour être honnête, ce qui le mettait vraiment sur la piste, étaient les deux sortes de ronflement grave et distinct qu'il percevait de chaque côté de lui.
Pourquoi avait-il si mal au tibia ? Pourquoi ne se souvenait-il pas de la veille ? Pourquoi, par Merlin, ne pouvait-il pas enfin se retourner pour affronter la vue des personnes avec qui il avait passé la nuit.
Soupirant d'exaspération, Severus se retourna, les yeux toujours clos, pour se tenir à genoux au milieu du matelas, de façon à voir les deux hommes en même temps et ne pas ressentir un ascenseur émotionnel si le premier était potable et le second était horrible. Il ne se souvenait pas des événements qui l'avaient conduit ici : il pourrait bien faire face à un chien pour ce qu'il en savait.
Severus prit une longue inspiration et ouvrit lentement les paupières.
Ce fut pire que ce qu'il avait imaginé. Ce n'était pas un, mais deux chiens !
« Par Merlin ! » grogna-t-il.
Le son grave fit sursauter les deux autres individus qui ouvrirent les yeux précipitamment. Lupin poussa une sorte de glapissement effrayé, alors que Black reculait vivement, tombant sur le plancher avec un bruit sourd, un craquement sinistre et un juron étouffé.
« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda Sirius, apparaissant à nouveau derrière le matelas, tenant son bras contre son torse.
Il murmura une incantation et Severus se souvint alors à quel point Black était puissant. Il pouvait soigner un bras fracturé en quelques instants et sans baguette, là où Madame Pomfresh y mettait beaucoup d'énergie et de temps. Sortant de ses pensées, il regarda du côté de Lupin qui, lui, avait récupéré le drap pour le placer sur son corps maigre.
« Remus ? » haleta Sirius, les cheveux ébouriffés en scrutant son ami. « Ça va ? »
« Je… Oui… » murmura Remus, posant ses yeux partout sauf sur les deux hommes avec qui, il avait évidemment partagé sa nuit.
« Qu'est-ce qui s'est passé ? » exigea Severus croisant les bras sur sa poitrine.
« Toi, qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda Sirius en se relevant péniblement.
« Mature, comme toujours, » ricana Severus, essayant de ne pas laisser ses yeux planer sur la silhouette de Black.
Lui-même était toujours nu, et il se sentait un peu comme dans les vestiaires après un match de Quidditch. Tout le monde se déshabillait en ignorant tout morceau de chair pouvant se balader dans le champ de vision. Pourtant… L'offre était tentante.
« Qu'est-ce qu'on a fait ? » haleta Sirius, regardant autour de la pièce.
Il amena ses mains sur son corps, en tâtant chaque membre, semblant tenter de trouver blessures, suçons, morsures qui auraient pu y apparaître. Ne détectant apparemment rien, il passa une main dans ses cheveux et regarda à nouveau autour de lui le moindre signe qu'il se soit passé quelque chose. Par Merlin, ils étaient nus… La seule action logique qui résulterait d'une telle situation était qu'ils avaient…
« Quelqu'un à mal au cul ? » demanda-t-il faiblement. « Quelqu'un à mal au cul ?! » répéta-t-il, presque hystérique.
Lorsque personne ne répondit, toujours nu, il souleva les draps, partant à la recherche de la moindre trace de fluide qui pourrait valider ses suspicions. Lupin glapit à cause de l'air froid effleurant sa peau et de son ami qui le dénudait sans considération, continuant son enquête.
« Sirius ! » cria-t-il en ramenant les draps sur lui avec pudeur.
« J'exige de savoir ce que nous avons fait hier soir ? » continua Severus, impassible.
« Tu as beau exiger, bougre de Chaporouge ! Tu vois bien qu'aucun de nous n'a de réponse ! »
Severus poussa un grognement sonore et se leva, attrapant un pantalon posé sur la chaise médaillon de couleur bleu paon. Et par Merlin, il se trouvait dans la maison des Schtroumpfs ici ?!
Le pantalon n'était pas le sien, mais il n'y avait aucune trace d'autres vêtements ici et il était bien décidé à ne pas rester indéfiniment nu alors que les autres avaient le luxe de s'habiller. Où était sa robe noire ? Car c'était bien ce qu'il portait la veille, lorsqu'il était arrivé à… square Grimmaurd ! Il se trouvait à square Grimmaurd !
Il y avait eu une sorte de célébration au Ministère en fin d'après-midi, comme tous les deux mai, depuis cinq ans maintenant, pour fêter la fin de la guerre. Tous les participants aux combats avaient été invités, mais aussi les politiciens, les écrivains, les personnages importants… La plupart d'entre eux n'avait même pas œuvré pour mettre fin à la guerre, mais s'était illustré plus tard, à coup de grands discours et de papiers aguicheurs sur la façon dont ils avaient été un soutien dans l'ombre.
Les membres de l'Ordre du Phénix étaient, au fil des ans, de plus en plus écoeurés par ce que devenait cette célébration. Ainsi, chaque année, ils se retrouvaient entre eux, entre vrais combattants, entre personnes ayant laissé des êtres chers dans la bataille, entre ceux qui avaient sacrifié une partie de leur vie pour ce combat. Ils venaient au square Grimmaurd. Maintenant que la peine était plus lointaine, cette soirée n'était plus destinée aux larmes et aux souffrances.
Évidemment, les pertes étaient encore dures pour beaucoup d'entre eux, mais cinq ans de joie, de plaisir, de bons souvenirs, avaient apaisé les cœurs et ils pouvaient maintenant parler des disparus sans pleurs, sans avoir l'impression de sombrer.
Souvent, la petite fête durait jusqu'à tard dans la nuit et était arrosée de beaucoup d'alcool. Il était rare que Severus participe, mais il s'était laissé tenté cette fois, la présence des Malfoy et de Minerva aidant à l'en persuader. Il était donc venu, vêtu d'une chemise blanche, d'un pantalon noir et d'une robe de même couleur. Il portait aussi une ceinture et des chaussures en peau de dragon, offertes par Lucius après la libération de celui-ci, pour le remercier pour son témoignage qui l'avait libéré de prison et qui avait empêché Draco et Narcissa d'y aller ne serait-ce qu'un jour. Potter avait reçu les mêmes, pour les mêmes raisons.
Alors que s'était-il passé à cette soirée ? Ils avaient bu, c'était évident, mais de là à se retrouver au lit avec Black, de toutes les personnes existantes sur cette planète ? Ne parlons même pas de Lupin qui avait l'air d'une biche prise dans les feux du Poudlard Express.
« Si vous vouliez pimenter votre couple avec un Serpentard, vous auriez pu demander à Lucius, au lieu de me faire boire ! Il est toujours partant pour ce genre d'extravagance, » grogna Severus, fermant le dernier bouton de son pantalon.
Il détestait n'avoir aucun sous-vêtement, il se sentait indécent.
« Quel couple ? » bagaya Sirius. « Personne n'est en couple ici, Snape ! »
Severus se retourna et jeta un œil à Black qui paraissait sincère - aussi sincère qu'un Black puisse l'être - et tourna son regard vers Lupin, qui était tout aussi troublé.
« Alors expliquez-moi, par Morgana, comment nous en sommes arrivés là ?! »
S'attendant à des hurlements de la part du cabot, Severus fut surpris lorsqu'il reçut un sourire innocent, presque… enfantin ?
« Comment peut-on expliquer au jeune Snivellus que nous n'avons aucune putain d'idée sur ce qui se passe ici ?! »
Si sa phrase avait été douce au début, elle s'était finie en un hurlement furieux.
Severus allait répondre de façon cinglante, mais en fut empêché par l'ouverture de la porte. Il se retourna pour voir un Harry Potter débraillé et encore rougi par le sommeil. Celui-ci se frotta les yeux et commença à parler.
« Dis Sirius, est-ce que je peux te parler de- »
Comme c'était prévisible, il se coupa lorsqu'il aperçut les deux personnes supplémentaires dans la pièce, dont une, et pas des moindres, entièrement nue.
« Putain Sirius ! » bagaya-t-il. « Qu'est ce qui se passe ici ?! »
« On dirait un tourne disque qui passe la même phrase en boucle, » gloussa Remus, avant de rougir à nouveau face aux deux regards noirs qu'il reçut.
Sirius se hâta jusqu'à la porte, fit entrer son filleul dans la chambre et claqua le battant derrière lui. Il posa ensuite les deux mains sur les épaules du jeune homme et se pencha légèrement pour le regarder droit dans les yeux.
« Harry, » commença-t-il sérieusement. « Tu étais là hier soir ? Oui, bien sûr que tu étais là. Je t'ai vu et tu habites ici. Alors, peux-tu nous dire ce qui s'est passé ? »
« Siri… » murmura le garçon, rougissant et levant les yeux sur le plafond. « Tu es nu… Tu ne crois pas que c'est bizarre pour une conversation ? »
L'animagus soupira d'agacement et se redressa. Il regarda autour de lui et fit un geste de main négligeant. Aussitôt, une porte camouflée à côté de la tête de lit s'ouvrit et une élégante robe de chambre en fourrure noire en sortit. Black l'enfila et noua la ceinture, avant de soulever délicatement ses cheveux pour les décoincer du col, les mèches bouclées retombant légèrement sur ses épaules.
« Mieux ? » demanda-t-il avec une grimace exaspérée.
Potter baissa lentement les yeux et fut soulagé lorsqu'il remarqua que le moindre morceau de peau était caché. Il regarda les deux autres hommes, Snape tapant du pied et Remus essayant de nouer précairement son drap comme une toge romaine, puis répondit à Sirius :
« Après le départ de Minerva, Narcissa, Arthur et Molly, nous sommes restés en petit groupe dans le salon. Il y avait George, Ginny, Charlie, Ron, Draco, Hermione, Luna et… eh bien… Vous trois. »
Les hommes se regardèrent quelques secondes, essayant, sans succès de se souvenir des évènements. Cette partie de la soirée était floue mais encore relativement distincte dans leur esprit.
« Oh, et Lucius aussi ! » continua le garçon.
« Lucius ? » s'étonna Severus. « Pourquoi serait-il resté ? »
Le jeune homme haussa les épaules.
« Je ne sais pas trop… » dit-il. « Il avait l'air de s'amuser, et aussi un peu saoul, il faut bien l'avouer… »
« Ensuite ? » demanda précipitamment Sirius qui avait l'air de se moquer de la présence de Lucius comme de sa première retenue.
« Beaucoup de gens dormaient ici cette nuit, et je ne me souviens plus forcément dans quel ordre nous sommes allés nous coucher. Tout ce que je sais, c'est que nous avons fait des jeux de boisson et que certains se sont rapprochés… »
Snape renifla de mépris en jetant un regard furieux aux deux Maraudeurs encore vivants.
« Pas vous ! » clama le Survivant. « Je sais juste que Charlie a pris une chambre avec Hermione. Ron est parti se coucher étonnement au même moment que Luna, quant à George… »
Le jeune homme déglutit et jeta un oeil vers le professeur de potions, avant de continuer :
« Eh bien… Je l'ai croisé cette nuit en revenant de la cuisine et il sortait de la chambre de Draco… » murmura-t-il.
Severus s'étouffa avec sa propre salive, toussant plusieurs fois avant de s'adresser à l'ancien Gryffondor :
« Quoi ?! » haleta-t-il.
« Je n'insinue rien ! » répondit précipitamment Potter, levant les bras devant lui en défense. « Ils ont peut-être simplement échangé de chambre car Draco voulait un plus grand miroir… »
Sirius souffla d'exaspération et Severus renifla de dédain. Tout ceci n'expliquait absolument pas pourquoi il s'était retrouvé au lit avec deux hommes. Potter déglutit et regarda ses pieds. Il continua de raconter les événements dont il se souvenait :
« Je suis parti me coucher quand Sirius a proposé un strip poker. J'étais encore assez lucide pour savoir que je ne voulais pas voir mon parrain nu… » murmura-t-il, avant de regarder Black de la tête aux pieds « Raté… »
« Qui restait-il à ce moment-là ? » demanda l'animagus, balayant sa réflexion d'un revers de main.
« Vous n'étiez que les trois. »
« Il ne s'agit que de ça alors ! Un simple strip poker ! » se réjouit Sirius en regardant ses compagnons derrière lui.
Sa joie fut vite réduite à néant par l'intervention de Potter qui se racla la gorge.
« Quoi ? » demanda-t-il méchamment, fronçant les sourcils vers son filleul.
« Eh bien… Vous étiez dans le salon… » répondit le jeune homme. « Pourquoi seriez-vous monté dans ta chambre, quand tout était installé en bas ? »
Seul le silence lui répondit alors que les trois hommes le fixaient, immobile.
« Je te déteste, » déclara finalement Sirius d'une voix monotone, lâchant enfin ses épaules.
« Je sais que c'est faux, » sourit son filleul. « D'ailleurs je venais te voir parce que… »
Il s'interrompit et passa son regard entre Lupin et Severus, avant de reprendre :
« Tu sais quoi ? C'est rien, on verra ça plus tard ! »
Avant que quiconque n'ait pu ajouter un mot, Potter avait quitté la chambre, fermant précautionneusement la porte derrière lui.
« Alors, que s'est-il passé ? » demanda Black, se retournant vivement vers les deux autres.
Se faisant, il buta contre le guéridon et propulsa le vase contenant les tournesols par terre. Il regarda les dégâts, puis haussa les épaules, avant de se tourner vers Lupin qui levait les yeux au ciel.
« Vous êtes totalement inutile, » grogna finalement Severus.
Il se dirigea vers la porte et l'ouvrit, marchant sur des débris de porcelaine au passage. Il ne laissa néanmoins pas transparaître sa douleur, sachant qu'il devait rester droit et fier devant ses deux anciens ennemis. Il avait oublié qu'il ne portait pas de chaussures.
« Je vais découvrir ce qu'il s'est passé, » dit-il d'une voix mortellement calme. « Que ce soit grâce à un sort, une potion, peu importe ! Je trouverai ! Et vous deux, vous avez intérêt de faire fonctionner votre cervelle, car vous serez mes cobayes ! » ajouta-t-il avant de claquer la porte.
Alors qu'il marchait difficilement dans le couloir, il entendit la voix du loup-garou et la réponse de son acolyte :
« Il doit souffrir, non ? »
« Sûr… »
.oOo.
Severus était assis sur l'une des chaises confortables de la cuisine du square Grimmaurd. Il fixait attentivement les deux hommes face à lui, espérant que l'un d'eux ouvrirait enfin la bouche. Lupin avait l'air encore gêné, même s'il se tenait droit et pouvait maintenant affronter son regard. La légère rougeur sur ses joues signifiait que les souvenirs de leur réveil, quelques semaines auparavant, étaient encore vifs. Black servait le thé, comme s'il était normal de recevoir son vieil ennemi d'école à sa table un dimanche après-midi pluvieux. Lorsqu'aucun ne fit mine d'engager la conversation, Severus se résigna et soupira. Il passa une main dans ses cheveux gras pour les repousser en arrière, puis grogna :
« J'ai besoin de quelqu'un pour boire la potion que j'ai créé. Pour retrouver la mémoire. »
Black remercia poliment Lupin qui lui tendait un carré de chocolat pour accompagner son thé et attrapa un petit gâteau sec posé sur le plateau devant eux. Il le trempa lentement dans le liquide chaud et le porta à ses lèvres sous le regard incrédule de Severus.
Celui-ci secoua la tête et se tourna vers le loup-garou qui avait posé ses yeux sur la tasse qu'il tenait fermement des ses deux mains.
« Lupin ? » interrogea-t-il.
« Hors de question, » répondit doucement celui-ci, avant de porter la porcelaine à ses lèvres.
« Et pourquoi ? » cracha Severus.
« Je ne serais pas le cobaye de tes expériences. »
« Penses-tu que tu risques quelque chose avec moi ? » le questionna Severus avec hargne. « Dois-je te rappeler que je suis l'un des meilleurs Maîtres de potions d'Angleterre ? Peut-être même du monde ? Ce n'est pas une petite expérimentation à la légère. Tout est calculé, les résultats sur papier sont concluants, ainsi que les tests en amont des différents composants. »
Lupin le regarda un instant, mâchant lentement son carré de chocolat noir, irritant encore plus le professeur.
« Alors ? » aboya celui-ci.
« Alors je suis convaincu que tu ne m'empoisonnerais pas, Severus, » répondit le lycantrope. « Mais, tout d'abord, je ne tiens pas spécialement à retrouver les souvenirs de cette soirée. Si mon cerveau a préféré les oublier, je lui fais confiance, et je pensais que tu serais le premier à faire confiance à ton propre cerveau. De plus, je suis un loup-garou. Entre mon système immunitaire modifié et l'absorption régulière de potion Tue-Loup, tes résultats pourraient être faussés. »
Severus le fusilla du regard, détestant le fait qu'il n'y avait pas pensé lui-même. Lupin avait raison. Son organisme était différent et certaines potions réagissaient mal avec les loup-garou, comme l'aiguise-méninge qui pouvait leur créer des crises d'urticaires. Severus s'amusait toujours à penser que c'était pour qu'un loup-garou reste aussi idiot que possible, mais il était évident que Lupin ne l'était pas, à son plus grand désespoire.
« Bien, » cracha-t-il de mauvaise foi, sans pour autant accorder du crédit à ces paroles.
Lupin vit clair dans son jeu et lui fit un sourire suffisant, un sourcil haussé avec arrogance. Severus l'ignora et fouilla la poche intérieur de sa cape, se tournant vers Black dans un même temps. Il claqua une petite fiole de potion rosée sur la table, à côté des biscuits et s'adressa à l'animagus :
« Bois, » ordonna-t-il.
Black leva les yeux vers lui, l'air pensif, continuant de remuer lentement son thé, comme s'il ne venait pas d'être agressé verbalement.
« Voudrais-tu dîner avec nous, Severus ? » demanda-t-il.
Alors que le Maître des potions s'apprêtait à fouiller dans ses poches à la recherche de son petit carnet noir dans lequel il notait ses observations, il se figea de surprise. S'il n'avait pas été certain d'être dans la maison ancestrale des Black, il aurait pensé être chez les Lovegood. Seul Xenophilius, et maintenant sa fille, pouvaient le plonger dans cet état en une seule phrase. Que venait-il de se passer ?
« Pardon ? » demanda-t-il.
« Kreattur à fait assez de potage et de rôti de porc aux champignons pour au moins trente convives. Harry n'est pas là. Nous ne faisons rien ce soir, tu es ici, je pensais pouvoir t'inviter poliment à dîner. »
Severus fixa les deux hommes à tour de rôle, avant de se tourner à nouveau vers l'animagus qui piochait un nouveau biscuit. Avait-il toujours eu le bec aussi sucré ?
« Et tu continues de nier une quelconque relation entre toi et Lupin ? »
« Pourquoi ? » demanda l'animagus, surpris.
« Vous habitez ici tous les deux, aviez prévu de passer un week-end ensemble, comme un vieux couple, avant d'inviter votre vieil ennemi d'école et… Oh, j'oubliais ! Vous avez couchez ensemble il y a peu ! »
« Tu étais avec nous il me semble, » répondit le loup-garou. « Avons-nous une relation ? »
« Certainement pas ! » grogna Severus. « C'est un malentendu, une erreur de parcours, tout au plus ! »
Lupin haussa les épaules, se contentant apparemment de cette réponse.
« Qu'est ce que je dis à Kreattur moi ? » intervint l'animagus
« Ce n'est pas mon problème ! Bois cette potion ! »
« Et pourquoi tu ne le ferais pas ? » demanda Black.
« Je suis le seul à savoir ce qu'elle compose, quel ingrédient peut réagir avec quel autre, et quoi te donner en cas de problème, » répondit Severus, agacé de devoir se justifier. « Je dois être là pour noter la moindre information, le moindre changement de comportement ou sensation étrange. Je ne pourrai peut-être pas réagir si je la prends moi-même. C'est primordial pour un Maître des potions. »
« Et tu ne peux pas l'essayer sur quelqu'un d'autre ? » intervint Lupin.
Severus le fixa à nouveau, le regard plein de mépris.
« Pour savoir si cette potion fonctionne, il faut que le testeur ait une perte de mémoire qui ne soit dû ni à un sort, ni à une potion. Croyez-moi ou non, mais c'est chose rare dans mon entourage ! »
« C'est ton entourage qui est rare… » gromela Black.
Le Maître des potions le fusilla du regard, s'apprêtant à répondre une méchanceté, comme il était le seul à savoir le faire, mais s'en empêcha. Il avait besoin de Black, aussi stressant et humiliant que cela puisse être.
« Bois, » répéta-t-il simplement, poussant la potion sur la table.
« Tu manges avec nous ? » demanda à nouveau l'animagus, un sourire narquois sur les lèvres.
« Mais par Merlin, pourquoi ferais-je une telle chose ?! » s'énerva Severus, se relevant de sa chaise.
« Parce que, sinon, je ne bois pas ta potion, » répondit Black négligemment.
Un silence s'installa entre les trois hommes, entrecoupé par les craquements du feu et les mouvements discrets de l'elfe de maison qui semblait déplacer des objets à l'étage.
« Pourquoi ? » souffla Severus, s'effondrant sur son siège et passant les deux mains sur son visage.
« Parce que je peux le faire, » déclara Black, haussant les épaules. « Je sais ce qu'est un marché Serpentard. Tu vas me faire goûter une horrible potion, certainement composée d'horribles ingrédients et avec d'horribles effets secondaires. Beaucoup trop horrible tout ça, si tu veux mon avis ! Je ne vais pas l'accepter si simplement. Je suis peut-être un Gryffondor, mais tu oublies que je suis un Black et que je connais vos petits chantages. Alors, je te propose, en échange de cette horrible potion, un horrible dîner. La balle est dans ton camp, Snape. »
.oOo.
Severus regarda l'animagus debout devant sa chaise, en face de lui, faisant des grands gestes pour expliquer une histoire farfelue sur sa dernière escapade en forêt. Le Maître des potions sourit très discrètement lorsqu'il le vit trébucher sur le pied de la table. Son regard se porta ensuite sur Lupin, toujours à côté de son ami, qui observait celui-ci, souriant, apportant quelques commentaires et questions à son histoire.
Severus reprit son visage de marbre, mais continua de penser à ce qui l'avait amené à cet instant.
Trois mois qu'il travaillait sur cette potion infernale. Trois mois. Et pas une seule amélioration. Il avait fait goûter à l'ahuri en face de lui des dizaines de variantes et commençait à penser qu'elles lui grillaient graduellement le cerveau, à en juger par ce qu'il racontait en ce moment même. A chaque potion, Severus était contraint d'accepter un nouveau repas, et ce qu'il avait pensé au départ être horrible, s'était avéré être agréable. Petit à petit, voir les Maraudeurs était devenu une habitude, une distraction, et même quelque chose qu'il attendait.
Il ne savait pas du tout comment il en était arrivé là.
Il s'était détendu en présence des deux hommes et pouvait maintenant partager quelques plaisanteries avec eux. Ses répliques cinglantes étaient accueillies avec humour et son air revêche accepté comme une partie intégrante de sa personnalité, et non pas une attaque envers la race humaine.
Lorsqu'il était seul, Severus sortait parfois son petit calepin noir, dans lequel il notait les avancées de sa potion, et se demandait pourquoi il faisait tout ça.
Ses sentiments s'étaient déchainés lorsqu'il s'était réveillé avec eux ce matin-là, le lendemain de la fête. La colère, la peur, la haine. Il avait eu un besoin intense de savoir ce qui s'était passé, ce qu'il avait dit, fait. Le besoin de savoir que tout était en ordre, qu'ils n'avaient aucune munition contre lui, aucun matériel de chantage. Et le besoin de pouvoir les contrer immédiatement si c'était le cas.
Mais après ces semaines passées avec eux, il devait bien avouer que ce sentiment s'amenuisait. Ce besoin ne devenait qu'une masse de curiosité, qu'une envie vague d'une nouvelle découverte dans le domaine des potions, qu'un intérêt indistinct.
Pourtant, il continuait, se demandant si c'était pour son art, ou pour que ces petites réunions ne prennent pas fin, pas encore…
« Severus ? » entendit-il.
Il sortit de ses pensées, secouant légèrement la tête, et posa son regard sur Sirius qui le regardait avec curiosité. Quand était-il devenu Sirius ? Et non Black, le chien galeux, l'idiot ?
« Je vois… » rala l'idiot en question. « Tu ne m'as pas écouté, c'est ça ? Tu vas encore nous demander si on est ensemble ? »
Remus se mit à rire et Severus fit un sourire ironique.
C'était devenu une constante au fil de leurs dîners. Souvent, et maintenant plus pour les embêter que par réel intérêt, Severus leur demandait s'ils étaient sûrs de ne pas être en couple.
Après plusieurs mois, il avait bien vu qu'ils étaient simplement amis et que les gestes tendres qu'ils pouvaient avoir l'un envers l'autre n'étaient que ceux de deux hommes qui avaient vécu énormément de choses ensembles. Ils n'étaient pas en couple, pourtant, Severus se plaisait à leur reposer inlassablement la question.
« Non, » répondit-il enfin. « Sauf si la réponse à changer ? » dit-il avec un sourire narquois.
« Nan ! » lâcha Sirius avec négligence. « Remus est trop rigide pour moi ! »
« Et Sirius est bien trop… Sirius… » soupira Remus.
« Je suis tout sauf sérieux, cher ami ! » répliqua l'animagus avec un clin d'œil moqueur. « Tu aurais de la chance d'avoir un homme comme moi ! Je suis tellement sexy… »
« Je ne peux le nier, » rougit le loup-garou. « Mais je cherche autre chose qu'un corps bien fait pour compagnon de vie. Je veux un cerveau qui va avec ! »
« Tu ne peux pas avoir le bonbon au citron et les fesses de Dumbledore, Remus ! » s'exclama Sirius, faisant tousser Severus qui avala son cidre de travers. « A moins que ce que tu essaies de nous faire comprendre, c'est que tu peux allier le corps et le cerveau, en nous prenant tous les deux, » dit-il en désignant Severus, puis lui-même.
Heureusement, Severus avait prévu une telle bêtise et avait reposé son verre. Il ne s'attendait cependant pas à ce qu'elle soit si énorme et, surprit, ne calcula pas avec précision la trajectoire de sa fourchette jusqu'à son visage. De ce fait, il tacha sa robe noire avec la sauce blanche de son déjeuner.
Par la grâce de Merlin, personne ne remarqua sa maladresse, qui fut éclipsée par la réaction de Remus. Celui-ci, rouge de honte, avait frappé son ami sur l'épaule, d'un coup de poing fort et précis.
« Ça ne va pas de dire des choses comme ça ? Espèce d'idiot ! »
Il se tourna vers le Maître des Potions qui venait de poser sa serviette après avoir nettoyé la tâche.
« Je suis vraiment désolé, » ajouta-t-il précipitamment. « Désolé qu'il ait dit une telle chose ! Je n'ai jamais sous entendu que… Enfin… Non pas que tu sois… Bref ! Pardon ! » balbutia-t-il.
Severus fit un geste de main vague, signifiant ainsi qu'il n'y prêtait pas attention, et se tourna vers Sirius qui frottait son épaule endolorie.
« Je croyais que le temps où tu étais insultant avec moi juste par plaisir était révolu, Black, » grogna-t-il.
« Oh ça va ! » répondit celui-ci. « Tu me traites de débile toutes les vingts minutes et je n'en fais pas toute une citrouille ! Tu m'as même envoyé un message par hibou avec seulement marqué "Crétin" pas plus tard que la semaine dernière ! Sans aucune raison ! »
Severus grogna, pensant avec une mauvaise foi évidente que ce n'était pas la même chose, et croisa les bras sur sa poitrine. Remus le regarda avec attention avant de se tourner vers Sirius avec un regard appuyé.
« Il y a parfois des plaies qui ne sont pas aussi cicatrisées qu'on le pense… »
L'animagus l'observa avec incompréhension durant quelques secondes, avant qu'une petite lueur apparaisse dans son regard. Il se tourna vers Severus, et l'observa avec une tristesse non feinte.
« Ce ne sont que des taquineries entre amis… » dit-il gentiment. « Car c'est ce que nous sommes, pas vrai ? Des amis. »
Severus ne répondit pas et se contenta de prendre une nouvelle bouchée de poulet au champignon qu'il y avait dans son assiette. Il mâcha lentement, se contentant de regarder entre Sirius et Remus d'un air morne, comme si tout cela ne le touchait pas, ne l'intéressait pas.
« Je sais que j'ai pu être cruel quand nous étions jeunes, » continua Sirius, sans se soucier du manque évident de réaction du Maître de Potions. « J'étais un enfant, mal dans ma peau. Ceci n'excuse rien, mais d'une certaine manière, j'étais très jaloux de toi. »
« Jaloux ? » demanda Remus lorsqu'il fut évident que Severus ne répondrait pas.
« J'avais beau être rebelle, j'ai été élevé dans un foyer avec de nombreuses attentes. L'héritier. Je devais être Serpentard, froid, calculateur, ambitieux. Même si je ne voulais pas être toutes ces choses, je suppose que comme tous les enfants, je voulais être aimé par mes parents… »
« Oh Sirius… » murmura le loup-garou.
L'animagus fit un geste de main, signifiant que ce n'était pas grave, qu'il avait accepté ses sentiments et les actions de sa famille depuis longtemps. Le psychomage qu'il avait été voir après la guerre avait été d'un grand secours d'après Severus.
« J'étais qui je voulais être, j'avais des amis formidables, mais une petite partie au fond de moi voulait quand même l'approbation de mes parents. Je ne pouvais pas vraiment en vouloir à Reg, même s'il était exactement ce que j'aurais dû être. Il restait mon frère… » murmura Sirius avant de se tourner à nouveau vers Severus. « Alors quand je t'ai vu, toi, Serpentard, manipulateur, exceller en potion, intéressé par la magie noire, exècrer les Moldus, j'ai voulu te faire souffrir, te faire disparaître, pour faire disparaître cette partie de moi qui était, devait être, voulait être comme toi. »
Un silence s'abattit sur la table, brisé par les rires et les paroles des autres clients du pub. Severus continua de manger, fixant les trois gros tournesols décorant ironiquement leur table. Il était imperturbable, ne montrant pas qu'il avait entendu les paroles de l'homme qui l'avait persécuté étant enfant. En réalité, il était chamboulé. Ce n'était pas des excuses. Il n'en attendait pas. C'était une explication logique à un comportement. Et si Severus aimait quelque chose, c'était la logique.
Black l'avait malmené, insulté et parfois frappé. Ses réactions étaient toujours disproportionnées, toujours exacerbées et toujours violentes, comme la fois où il l'avait délibérément envoyé se confronter à un loup-garou. Severus ne savait pas qui de Black ou de Potter était le plus virulent, mais s'il expliquait la jalousie de ce dernier par rapport à Lily, il n'avait jamais compris l'acharnement de son compagnon. Personne ne pouvait être aussi solidaire avec un ami que l'avait été Black. Maintenant, il comprenait. N'excusait pas, mais comprenait.
« Tu n'y as pas été de main morte non plus, » continua Sirius avec un sourire narquois.
« Plait-il ? » demanda Severus.
« Ne fait pas celui qui ne comprend pas, ça ne te va pas, » rit l'animagus. « Je parle de la fois où tu m'as enfermé dans les toilettes avec une cinquantaine de crabe de feu par exemple. Par Godric, où avais-tu pu en trouver autant ?! Et comment avais-tu pu les faire venir sans avertir qui que ce soit ? Ça me dépasse ! Je parle aussi de la fois ou tu m'as fait venir aux abords de la forêt interdite en me faisant croire que Tracy Dunkan voulait m'embrasser, ou plus, et m'as laissé des heures pendus par les pieds ! Comment avais-tu pu faire un polynectar aussi réussi alors que nous n'étions qu'en quatrième année ?! »
Remus se mit à rire à gorge déployée, se souvenant apparemment parfaitement de la position compromettante dans laquelle il avait retrouvé son ami. Severus savait qu'il avait dû le détacher mais qu'il n'avait jamais eu la moindre explication. Sirius continua :
« Et la nuit que j'ai passé enfermé dans la réserve d'ingrédients, dans les cachots froids. J'ai cru que j'allais perdre mes orteilles ! Et lorsque tu as soudoyé les elfes pour me faire boire cette potion qui me ferait dire que des insultes pendant une journée entière. Je n'ai jamais eu autant d'heures de retenue de toute ma vie. »
Severus fit de son mieux pour ne pas laisser transparaître sa satisfaction au rappel de ce qu'il avait fait subir aux Maraudeurs, et surtout Sirius, de manière inexplicable. Durant la guerre, le chagrin l'avait focalisé sur ce qu'il avait subi, mais aujourd'hui, l'esprit plus clair, il était assez fier d'avoir pu rendre les coups.
« Nous avons été durs l'un envers l'autre au cours de nos sept années à Poudlard, » reprit sérieusement Sirius. « Même si j'admet avoir été le plus virulent et avoir commencé toutes nos batailles. Mais finalement, nous avons gagné la guerre ensemble. Ne prends pas tout ce que je t'ai dit à l'époque trop à cœur. Ce n'était que les paroles d'un gamin abandonné. »
« Soit, » dit simplement Severus, ne sachant vraiment comment réagir.
Il attrapa son verre, et se mit à boire pour être dispensé de répondre autre chose, se maudissant pour son incapacité à réagir de façon adéquate avec cette situation inattendue.
« Et puis, j'ai toujours pensé que tu avais de beaux yeux, » ajouta Sirius avec un sourire narquois.
Comme prévu, Severus s'étrangla à nouveau avec son cidre, sous les rires des deux derniers Maraudeurs. Rougissait-il ? Certainement. Mais tout ceci n'était dû qu'à l'alcool et au manque d'oxygène, pas vrai ?
.oOo.
« Donc… tu vas me jeter un sort ? » demanda Sirius, ses yeux gris perle fixant Severus.
« Oui, » répondit gravement celui-ci.
« Juste après m'avoir fait boire cette potion ? » questionna à nouveau Sirius.
« Oui. »
« Et c'est risqué ? »
« Oui, » répéta Severus.
« Qu'est-ce qui pourrait m'arriver ? »
« Convulsions, vomissements, perte de connaissance… »
« Charmant… » murmura Sirius, observant maintenant la potion bleu nuit qui semblait luire étrangement.
Severus resta stoïque, comprenant que la décision n'était certainement pas facile à prendre pour l'homme en face de lui. Si les potions précédentes avaient été relativement sans danger, celle-ci était bien plus hasardeuse. Lier sort et potion n'était pas tâche aisée, même si Severus se savait particulièrement doué dans ces deux domaines.
« Je pourrais avoir des séquelles à vie ? » demanda Sirius, presque naïvement.
Du coin de la pièce, Severus entendit un gémissement désespéré. Sachant que c'était Remus, et que celui-ci désapprouvait totalement leurs expérimentations, il n'y prêta pas attention.
« Pas d'après mes calculs, » grogna Severus. « Tu peux tout de même compter une marge d'erreur de sept pourcent. »
Sirius leva les yeux au ciel.
« Tu ne peux pas parler comme tout le monde ? Oui, non, peut-être, sont les seules réponses que je trouve digne d'intérêt. »
Ce fut au tour de Severus de rouler des yeux. Il lança un regard soupçonneux à Remus, toujours sur le fauteuil, qui continuait de se parler à lui-même et de grogner des mots indistincts. Le soupir de Sirius l'extirpa de ses réflexions et il se concentra à nouveau sur l'animagus.
« Bien, » dit simplement celui-ci.
Nouveau gémissement.
« En revanche, ça ne sera pas un simple repas que tu passeras avec nous en échange, mais un week-end entier ! » ajouta Sirius.
Severus soupira à son tour, essayant de paraître agacé, bien qu'il ne le fut pas le moins du monde : il s'y attendait. Il sortit sa baguette et proposa à l'animagus de s'installer sur le canapé pour éviter de s'écrouler au sol en cas de perte de connaissance. L'homme le fit sans discuter et s'installa confortablement. Prenant son temps, il enleva un pli invisible sur son costume et frotta la broche qu'il avait épinglée à sa veste. C'était une horreur qu'il avait trouvé dans une friperie et représentant trois fleurs de tournesol. Il la portait régulièrement pour l'embêter. Un rappel constant du matin qui les avait menés ici.
Après quelques secondes à laisser languir Severus, Sirius porta la potion à ses lèvres. Le Maître des potions l'observa attentivement, juste en face de lui, mais avant qu'il ne puisse prendre une gorgée, Remus sauta de son siège, hurlant :
« Non ! »
Sirius arrêta immédiatement son geste et tourna la tête vers le loup-garou à sa gauche. Severus fit de même, fronçant les sourcils. Il savait parfaitement que Remus n'était pas d'accord avec ses procédés douteux et ne voulait pas savoir ce qui s'était passé entre eux, mais de là à s'interposer, le Potionniste ne comprenait pas.
« Quoi, Lupin ? » grogna-t-il. « Tu ne vas pas recommencer avec tes discours sur la dangerosité de notre comportement. Black est assez grand pour savoir ce qu'il doit faire ! »
« Vous êtes stupides, tous les deux ! » s'énerva Remus. « Vous mettez votre santé en danger pour une bêtise, une vulgaire question d'ego ! »
« Ce n'est pas stupide ! » répondit Severus avec la même hargne. « J'aimerais savoir où cet énergumène à posé ses pattes poilues, » ajouta-t-il en désignant Sirius qui riait à gorge déployée. « J'ai peut-être déjà une maladie ! »
« Allez Remus, » continua Sirius avec un sourire goguenard à son ami. « Moi aussi j'aimerais savoir ce que nous avons fait ce soir-là, » dit-il avec un clin d'œil.
« Vous n'avez pas besoin de cette foutue potion ! » cria Remus. « Je vais vous le dire moi, ce qui s'est passé ! »
Le silence s'abattit sur les trois hommes. Remus regardait le sol d'un air coupable, alors que les deux autres le fixaient, l'un avec colère, l'autre avec curiosité.
« Qu'est-ce que tu veux dire Remus, » demanda doucement l'animagus. « Ça y est, tu te souviens ? »
« Je n'ai jamais oublié, » murmura le loup-garou, s'effondrant sur le fauteuil qu'il venait de quitter, le visage dans les mains.
« Tu veux dire que tu nous a laissé chercher en vain, Lupin ? » grogna Severus. « J'ai passé des mois à chercher une solution pour rien ?! »
« Je ne pensais pas que tu y mettrais autant de temps et d'énergie ! » protesta Remus. « Je pensais qu'avec le temps, vous ne seriez plus aussi intéressé par l'idée de savoir. Mais vous allez trop loin ! Toutes ces expérimentations sont trop dangereuses ! »
« Pourquoi n'as-tu rien dit ? » demanda Sirius, toujours aussi calmement.
« Au début j'étais sous le choc… » murmura Remus. « Ensuite je vous ai vu vous rapprocher, vous apprécier, et c'était plaisant de ne pas vous voir agir comme deux crétins. Et puis j'ai eu honte… »
« Honte de quoi ? »
« De ne vous avoir rien dit plus tôt… »
« J'espère que tu as honte, Lupin ! » cassa Severus.
Sirius grogna de colère contre le Potionniste, bien que celui-ci sache que ce n'était pas par méchanceté. Severus savait que Sirius comprenait son mécontentement, mais qu'il ne voulait pas faire de la peine à Remus qui avait déjà l'air bouleversé par son propre aveu. L'animagus se releva et s'approcha doucement de son ami, s'accroupissant devant lui et posant les mains sur ses genoux noueux.
« Explique-moi, » dit-il avec tendresse.
Severus avait remarqué, grâce au temps qu'il avait passé en compagnie des deux Maraudeurs, que Sirius était le seul à savoir comment parler à Remus. Peu importe son humeur, qu'il soit triste, en colère, nostalgique ou plein de remords, l'animagus savait trouver les mots pour l'apaiser. Bien qu'il le cache, Severus était jaloux de ce savoir, de la tendresse que les deux hommes partageaient si facilement.
« J'ai bu autant que vous à cette soirée, » murmura Remus. « Mais mon corps ne l'assimile pas de la même façon que le vôtre. Je n'étais pas ivre. Je crois même ne l'avoir jamais été de ma vie. »
« J'avais oublié ça ! » haleta Sirius, jetant un regard à Severus qui, impassible, ne bougea pas d'un pouce. « Alors, tu as fait semblant ? » ajouta-t-il, l'air blessé en regardant à nouveau Remus.
« Non ! » contra le loup-garou. « Évidemment que non ! Pour être franc, vous étiez si ivre que je n'avais pas à faire croire que je l'étais. J'étais simplement heureux et je passais un bon moment. L'euphorie n'arrive pas seulement avec l'alcool. »
« Alors quoi ? Que s'est-il passé ? » cracha Severus, cachant autant que possible sa fébrilité.
Après des mois de travail, d'attente, il allait enfin savoir ce qui s'était passé et bien que ce ne soit plus aussi important pour lui que ça l'avait été, il ne pouvait nier sa curiosité maintenant qu'il avait la possibilité de savoir.
« Lucius a été le dernier à partir, » murmura Remus. « Juste après Harry. C'est donc là que nous avons commencé le strip poker qu'ils avaient fuit. C'était… légèrement chaotique, » rit-il doucement.
« Chaotique ? » demanda Sirius.
« J'ai bien essayé de vous faire respecter les règles mais… Tu semblais plus intéressé par l'idée d'enlever tes vêtements. Quant à Severus… Il a... développé une étrange passion pour mes bretelles. »
Severus sentit ses joues se réchauffer et essaya de se contrôler. Il savait parfaitement à quoi Remus faisait allusion et il n'était pas près d'y faire face maintenant.
« Et ensuite ? » demanda-t-il, cachant son trouble.
« Nous nous sommes beaucoup amusés et avons fini complètement nu assez rapidement, » répondit Remus avec un sourire, mal à l'aise. « Avant de continuer, je veux préciser qu'il n'y avait rien de malsain, tout le monde était consentant et riait beaucoup mais… Sirius s'est mis à… comparer nos engins… » dit-il, rougissant intensément.
« Quoi ? » cracha Severus.
« Et tu trouvais ça très amusant ! » ajouta très rapidement Remus. « Mais vous en avez vite conclu qu'il faisait trop froid pour que les chiffres soient pris au sérieux… Alors, pour avoir moins froid, plutôt que de remettre vos vêtements, vous avez pensé qu'il était plus judicieux de monter dans la chambre, car elle bénéficiait d'une cheminée. »
Severus roula des yeux et regarda en direction de Remus.
« Je suis sûr que c'est une idée du cabot. »
Le sourire incertain que lui renvoya Remus fit disparaître l'air narquois qu'il affichait.
« Quoi qu'il en soit, » continua le loup-garou, « nous sommes montés dans la chambre et nous nous sommes installés, puis nous avons discuté. Simplement discuté... »
« Discuté de quoi ? » intervint Sirius, toujours à genoux devant Remus.
« De Poudlard, » répondit Remus avec un sourire doux, regardant à nouveau son ami. « Nous avons parlé de notre passé, notre présent. Et… »
Il s'interrompit soudainement et regarda Severus avec ce que celui-ci pensa être un mélange de culpabilité et d'espoir dans les yeux. Le Maître des Potions soupira et alla s'asseoir sur le canapé en face d'eux, ne parvenant plus à contenir sa façade. Il plongea la tête dans le creux de ses mains et souffla :
« Vas-y… Je pense que je n'ai plus rien à espérer… »
« Tu… » hésita Remus. « Tu as avoué avoir eu un béguin pour moi à l'école... » murmura-t-il finalement.
Severus ne releva pas le visage, se contentant d'un léger tressaillement des épaules. Il avait donné lui-même des munitions pour l'abattre et ne se sentait pas de répliquer. Il ne bougea pas lorsqu'il entendit Remus reprendre :
« Tu as dit que tu m'avais vu un jour dans le parc avec les Maraudeurs. Nous avions fait une bataille d'eau et avions enlevé nos robes et nos chemises pour les sécher. J'étais… J'étais allongé dans l'herbe, torse nu, mais j'avais laissé mes bretelles et… »
« Et c'était la première fois que j'avais une érection pour un autre homme…» finit Severus. « Tu as alimenté mes fantasme pendant des mois ensuite. J'ai commencé à t'observer et à prendre conscience de ta douceur, ta gentillesse… » grogna-t-il.
Il y eut un petit silence, avant que Remus ne reprenne :
« Et Sirius a avoué à quel point il te trouvait attirant maintenant. »
Aussitôt, Severus redressa la tête et posa son regard sur Sirius, qui n'avait esquissé le moindre mouvement. Seul son visage, toujours concentré sur Remus, était maintenant chiffonné par un froncement de sourcil.
« Pardon ? » demanda le Potionniste d'une voix rauque. « Tu dois te tromp- »
« Il a raison, » l'interrompit Sirius, sans se retourner. « Les années précédentes ont été dures avec toi, mais elles t'ont aussi donné ce côté sombre, dangereux, solide, qui te rend très attrayant. »
« C'est insensé, » grogna Severus, se relevant d'un geste brusque pour arpenter la pièce. « Je ne suis pas attirant... Et toi bien sûr, tu n'as rien avoué, » dit-il en se tournant vers Remus, quelques traces d'accusation dans la voix.
« Je t'ai dit que je n'étais pas ivre, » répondit Remus en rougissant. « J'avais encore des inhibitions et je n'ai rien avoué, contrairement à vous. Je pourrai vous donner mon souvenir si vous voulez vérifier. »
« Bien sûr, comme c'est facile, » grogna Severus, se sentant trahi malgré lui. « Tu fais semblant d'être dans notre état, récolte des informations et ne donne rien en retour. »
Remus ne répondit rien, semblant honteux, regardant le sol. Severus siffla de rage et se détourna pour partir. Lorsqu'il eut atteint la porte, la poignée en fer froid dans sa main inflexible, il entendit Remus haleter :
« Et si je te disais aujourd'hui, que je suis tombé amoureux de Sirius en troisième année ? »
« Pardon ? » résonna la voix de Sirius.
Severus fit volte-face et regarda les deux hommes toujours très proches l'un de l'autre. Remus avait posé les yeux sur l'animagus et, la main en suspension au-dessus de son propre genou, semblait hésiter à toucher le visage de son meilleur ami de longue date.
" Tu... Tu es amoureux de moi Remus ? » murmura Sirius.
« Je l'étais, » répondit le loup-garou sur le même ton. « Pendant nos années d'école... Tu sortais avec des filles et moi je ne comprenais pas vraiment mes sentiments. C'était très confus dans ma tête. Et puis nous avons fini Poudlard et nous nous sommes éloignés. Je suis sorti de mon côté, toi du tien. Vous m'avez suspecté d'être le traître, et même si je ne l'ai pas compris à l'époque, c'était la raison pour laquelle vous étiez plus distant encore. Mes sentiments se sont éloignés avec le temps, comme toi. Je t'ai ensuite cru Mangemort, j'ai pensé que tu étais le traître et à cet instant, mes sentiments ont disparu. Quand tu es revenu dans ma vie, tu n'étais plus le même garçon souriant et plein de vie que j'avais connu à l'école. »
Remus se tut quelques instants, semblant remettre de l'ordre dans ses idées. Sirius attendait, patiemment pour une fois, et Severus les écoutait avec attention, essayant d'ignorer la sensation qui naissait lentement dans le creux de son estomac. Était-ce de la jalousie ?
« Et ensuite ? » murmura Sirius, attrapant la main toujours en suspension dans l'air.
« Ensuite je ne sais pas. J'ai réappris à te connaître. Ou plutôt appris à connaître le nouveau toi. Nous vivons ensemble, sommes tendres l'un envers l'autre. Comme Severus l'a si souvent remarqué, on ressemble à un couple. Par Merlin, nous avons si souvent dormis ensemble pour éloigner les cauchemars... »
Severus regardait les deux hommes, fascinés par cette douceur et ce lien qui les unissait tous les deux. Il se sentirait bientôt mal pour sa propre solitude, mais souhaitait tout d'abord observer et profiter de cette fusion qui irradiait de Remus et Sirius comme à chaque fois qu'ils étaient ensembles.
"Embrassez-vous, » souffla-t-il avant même d'avoir pu penser à ouvrir la bouche.
Les deux Maraudeurs se tournèrent vers lui d'un même geste, intrigués, Sirius tenant toujours la main fébrile de Remus.
« S'embrasser ? » demanda celui-ci. « Pourquoi ? »
Severus croisa les bras, tentant de reprendre son attitude austère et froide, sachant que tout était gâché par l'avidité dans son regard.
« Ainsi tu sauras si tu es vraiment amoureux de lui, » dit-il avec un geste de main négligent.
Sirius le regarda intensément, semblant scanner son âme, puis se tourna vers Remus. Alors que celui-ci ouvrait la bouche pour répondre à Severus, l'animagus plongea en avant et passa sa main derrière sa nuque pour abaisser son visage devant le sien. Avec plus de douceur que quiconque aurait pu le prévoir venant de lui, il approcha ses lèvres de celles de Remus, lui laissant la possibilité de refuser le baiser imminent.
Lorsque leurs lèvres se rencontrèrent, Severus sentit une intense chaleur inonder son corps. Il ne pouvait pas nier avoir toujours trouvé ces deux hommes attirants. Sirius était une beauté brute, stéréotype masculin des magazines. Il n'avait pas besoin de faire beaucoup d'effort pour être sexy. Remus, quant à lui, était d'une beauté moins classique. Tout en contradiction, son corps si maigre cachait pourtant des muscles puissants, dûs à sa condition. Il était marqué par la violence, les cicatrices, alors que son visage exprimait une douceur incomparable. C'était une beauté plus sombre, plus animale, plus électrique.
Oh oui, ces deux hommes étaient d'une beauté flagrante, bien que différente, et Severus ne pouvait nier s'être servi de cette image, entièrement fabriqué par son cerveau fertile, comme matériel masturbatoire à de nombreuses occasions. Cependant, le voir en vrai était mille fois plus excitant que ce qu'il avait imaginé.
Il n'avait pas pensé à la gêne de Remus, qui colorerait ses joues d'une jolie nuance rose, ni à la mâchoire rugueuse de Sirius qui ne s'était pas rasé le matin même. Il n'avait pas pensé pouvoir apercevoir de temps à autre, deux langues se caresser langoureusement. Il n'avait pas pensé à la main virile de Sirius plongée dans les mèches courtes du loup-garou. Il n'avait pas pensé au gémissement qu'étoufferait celui-ci lorsque ladite main tirerait un peu plus fort ses cheveux.
Severus, les bras maintenant ballants, la bouche entrouverte et les yeux écarquillés, ne pouvait pas rêver meilleur souvenir pour les années à venir. Il se demanda brièvement s'il avait envie d'être à la place de Remus ou celle de Sirius, et se rendit compte qu'il ne pouvait pas faire de choix. C'était impossible.
Lorsqu'ils se séparèrent, ils n'avaient d'yeux que l'un pour l'autre et Severus sut instinctivement qu'il assistait au début d'une grande et belle histoire d'amour. Il ressentit un coup douloureux écraser brièvement son cœur, mais le cacha avec aisance. Il devait partir, et laisser ces deux hommes se découvrir en tant qu'amant.
Il essaya de ne pas penser à la prochaine fois qu'il les verrait, sachant qu'il n'avait plus aucune raison de revenir dans cette demeure. Les souvenirs dévoilés, l'expérience inutile et avortée : il ne reviendrait pas. Surtout pas pour voir un couple heureux et amoureux lui cracher son bonheur au visage.
Alors qu'il se détournait à nouveau pour partir vers la porte, il entendit.
« Où vas-tu ? »
Severus tourna la tête et regarda Remus qui avait parlé. Il avait une main posée sur la joue de Sirius, et tous deux l'observaient.
« Je vois que je ne suis plus utile ici, » murmura Severus d'une voix rauque.
« Tu oublies ce que Sirius a avoué hier, » répondit Remus, fronçant les sourcils. « Et ce que tu nous a révélé. Ça n'a donc pas d'importance ? »
« Ça n'en a plus... Vous vous êtes trouvés et, croyez-le ou non, j'en suis heureux. »
« Ça en a pour moi, » répondit Sirius, se détachant de son désormais petit-ami et se relevant pour lui faire face.
« Tu vas faire un jaloux, » dit Severus avec ironie, roulant des yeux.
« Je vais me faire un jaloux, » susurra Sirius avec un sourire perfide, s'avançant rapidement pour attraper sa nuque et l'attirer à lui dans un baiser fougueux.
Severus ne savait pas si ce baiser était semblable à celui qu'il avait partagé avec Remus quelques secondes auparavant. Il ne savait pas si Sirius en profitait autant que lui, et n'essaya pas de réfléchir à ce sujet. S'il n'avait pas eu le béguin pour Sirius, il ne pouvait nier qu'embrasser avec un tel spécimen était attrayant.
Lorsque leur langue se mêlèrent, Severus ressentit une décharge de plaisir traverser son corps et mit plus d'ardeur que jamais dans le baiser. Il rapprocha ses hanches de celles de Sirius, et celui-ci gémit à la friction. Une main sur les fesses de son ancien ennemi juré, une autre entre ses omoplates, le Maître des potions savoura entièrement les sensations provoquées par celle qui jouait négligemment avec ses cheveux et l'autre qui caressait doucement son biceps, remontant habilement vers son cou.
Il ne sursauta pas lorsqu'il sentit une autre paire de main sur son corps, bien que la sensation soit étrange. L'une d'elle caressa légèrement son ventre, le chatouillant presque à travers la chemise et l'autre effleura sa hanche pour se poser au creux de ses reins. Il sentit une autre paire de lèvres embrasser son cou, puis l'abandonner. Sirius gémit et Severus en déduisit qu'elles avaient trouver une autre partie de peau à embrasser, sur un autre homme. C'était étrange.
Lorsqu'ils rompirent le baiser, Severus n'ouvrit pas immédiatement les yeux. Il posa son front sur l'épaule de Sirius et respira profondément.
« Qu'est-ce qu'on est en train de faire… » murmura-t-il.
« J'en sais foutrement rien, » répondit Sirius, tournant la tête. « Mais qu'est-ce que c'est bon… »
Severus entendit d'autres bruits humides et su que ses deux compagnons étaient à nouveau en train de s'embrasser, Remus à côté d'eux, collés à leur corps enlacés. C'était toujours étrange, mais pas assez pour les faire cesser. Le plaisir parcourait ses veines et il souhaitait que cela ne s'arrête jamais.
« C'est immoral, » grogna-t-il.
« Depuis quand le grand Severus Snape se soucie-t-il de la morale ? » gloussa Sirius après avoir mis fin au baiser.
« Un point pour Gryffondor, » ricana le Potionniste.
« Tu as été attiré par Remus, ce qui prouve bien qu'il est ton type d'homme, » murmura Sirius, à son oreille. « Je te trouve putain de sexy, tu es donc mon type et ce que nous venons de partager indique une certaine alchimie. Quant à Remus et moi, il paraît évident d'après ces dernières années et ce baiser renversant, que nous sommes tout aussi compatibles. »
« Qu'en est-il de Severus et moi ? » demanda Remus qui n'en avait pas perdu une miette.
« Il ne vous reste plus qu'à le découvrir, » souffla Sirius, faisant frissonner ses partenaires.
Severus releva la tête et observa les orbes gris de l'animagus. Un mouvement à sa gauche le poussa à se détacher de cette vision de luxure pour se plonger dans le regard d'ambre de Remus. Les deux hommes se dévisagèrent un instant, sans que l'un d'eux ne puisse faire le premier pas.
« J'ai donné un beau spectacle à chacun de vous, » murmura Sirius. « Vous ne voulez pas me rendre la pareille ? »
Il ne fallut pas plus d'encouragement pour que, bravement, Remus tende le cou et pose ses lèvres sur celles de Severus. A nouveau, ce fut un tourbillon de plaisir. Le loup-garou avait un goût de chocolat, comme Severus l'avait de nombreuses fois imaginé. Il en mangeait trop souvent pour ne pas en être imprégné, et la tablette posée sur la table basse signifiait qu'il en avait mangé récemment. Il était bien plus doux que Sirius, mais plus exigeant. Et plus… chaud ?
Sentir la main de l'animagus sur sa hanche ajoutait un soupçon d'interdit. Severus savait que l'homme les observait, gravait ce souvenir dans sa mémoire et devenait de plus en plus excité par l'affichage de leur intimité. Un gémissement les sépara et ils se tournèrent vers celui qui l'avait émis.
Sirius avait les pupilles dilatées et haletait dangereusement.
« Peut-on vraiment faire ça ? » haleta Severus.
« Détends-toi, on ne parle pas de mariage, » souffla Remus. « Seulement de passer du temps ensemble, comme on l'a fait ces derniers mois. Tout en étant un peu plus intime… Si on y réfléchit bien, Sirius et moi étions déjà quasiment un couple. Tu es simplement celui qui nous manquait pour sceller ce que nous avions… Et je ne suis pas sûr de pouvoir le supporter sans ton soutien, » répondit Remus avec un sourire rieur.
Severus regarda les deux hommes se chamailler, toujours enlacés dans une étreinte étrange. Pouvait-il faire cela ? Vivre une histoire passionnée, si ce n'est d'amour, avec deux Gryffondor qui avaient été ses ennemis ?
Il n'en était pas certain, mais pouvait dire qu'il voulait essayer. Son regard se déplaça dans la pièce et se posa sur le portrait de Walburga Black, posé contre un mur. La pauvre femme les regardait, hurlant à pleins poumons bien qu'heureusement, aucun son ne leur parvienne. Sirius avait réussi à l'enlever et la faire taire, mais avait décidé de la laisser dans la maison pour pouvoir venir l'embêter de temps à autre. Pour la première fois de sa vie, Severus avait été d'accord avec l'animagus et il était tenté d'accepter cette histoire de trouple juste pour la voir s'étouffer de rage.
Et s'il avait besoin d'une excuse aussi misérable pour accepter quelque chose dont il avait profondément envie, qui pourrait lui en vouloir ?
.oOo.
Severus grogna d'inconfort alors qu'il écoutait son compagnon Sirius, tourner autour du pot pour expliquer leur relation à son idiot de filleul. Il n'avait plus aucune animosité pour le garçon depuis bien longtemps, c'était évident, mais ne pouvait s'empêcher de s'adonner à sa passion pour insulter les Gryffondor, surtout maintenant qu'il était dans une relation avec deux d'entre eux depuis plus de trois mois.
Et ce besoin était encore plus prononcé depuis que ledit Gryffondor était entré sans frapper dans la chambre de son parrain alors que celui-ci était à quatre pattes sur le lit, au dessus de Severus, en train lécher son pénis comme s'il s'agissait d'une glace à la fraise. L'image de Remus, couché à côté du Potionniste et l'embrassant goulûment, ne l'avait apparemment pas aidé à digérer le choc.
Le fils Potter avait précipitamment fermé la porte et s'était enfui dans sa chambre. Ils s'étaient donc tous rhabillés, ignorant leur différent seuil de frustration et avaient attendu dans le salon que le jeune homme réapparaisse. Severus avait bien essayé de s'éclipser, prétextant une potion à vérifier mais, étant celui qui avait oublié de verrouiller les portes, il avait été contraint de rester.
Cependant, lorsque Potter n'avait pas eu le courage de se montrer après quatre heures d'attente, Sirius avait décidé de le faire venir et de jouer un peu avec son filleul en inventant une histoire farfelue pour lui faire peur. Severus se retrouvait donc à côté de Remus, à regarder le jeune pâlir à vue d'œil.
« Et donc, cette potion glissée dans les boissons le jour de la fête, vous a forcé à coucher ensemble ? » demanda Potter avec une grimace.
« C'est ce que je me tue à t'expliquer ! » répondit Sirius avec une urgence feinte. « Je sais que nous avons évité le sujet jusqu'à maintenant, mais ce n'est plus possible ! »
« Mais c'était il y a plus de six mois ! » s'irrita le jeune homme. « Pourquoi je vous ai retrouvé dans cette position aujourd'hui ? »
« Ca fait partie des choses que je ne t'ai pas encore expliquées, » déclara l'animagus, se frottant la nuque avec gêne.
« La potion ne nous a pas seulement forcée à coucher… Nous avons inconsciemment formé un lien et… Bon, pour faire court, la magie nous a marié cette nuit-là ! Harry, je te présente tes beaux-parrains, Severus et Remus Black ! »
Severus observa le garçon qui semblait plus pâle encore que le mur blanc derrière lui, bien que se soit impossible. Malgré lui, il compatit légèrement à sa douleur : Sirius aimait faire des blagues stupides et Severus en avait été la cible plusieurs fois. Faire croire que l'horrible chauve-souris des cachots, le Maître des potions graisseux, lui était en quelque sorte apparentés, devait être choquant.
Cependant, ils furent tous surpris lorsque Potter se leva, tel un inféri. Il regarda les différents occupants de la pièce sans vraiment les voir et marcha jusqu'à la cheminée.
« Harry ? » interrogea Sirius, à présent inquiet.
« Je le savais… » murmura celui-ci. « Je savais que je n'avais pas pu coucher avec lui de mon plein gré ! » continua-t-il avec fougue, le poing en l'air.
Il attrapa une poignée de poudre de cheminette et la jeta dans le feu qui devint vert, avant de se retourner et de s'adresser à son parrain :
« Je reviens, je vais dire à Lucius qu'on est marié ! » grogna-t-il avant de disparaître dans les flammes.
« Il… Il a dit quoi là ? » bafouilla Sirius, libérant ainsi les vannes du plus gros fou-rire que l'homme impassible qu'était Severus n'ait jamais connu.
FIN
Voilà ! J'espère que ce petit OS léger vous aura plu. J'essaie de reprendre l'écriture, mais ce n'est pas forcément facile, j'ai l'impression d'être rouillée !
Merci à l'adorable LoupSpell pour la correction. Un grand merci pour tous vos mots gentils, toutes vos reviews, tous vos encouragements, ça me fait chaud au cœur !
Et pour ceux qui ne sont pas au courant, sachez qu'on a commencé a publier une longue histoire de Time travel avec la talentueuse Pauu-Aya sur le compte Aupaupsi. Ça s'appelle "La Nouvelle Salamandre", l'histoire d'Hermione qui arrive au temps des Maraudeurs. Elle fait onze chapitre et un tome deux déjà écrit ;)
Bonne semaine à tous et à toutes !
Epsi
