Cet OS a été écrit pour la 137e Nuit du FoF autour du thème «polytraumatisé». Le FoF est un forum ouvert à tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou participer à des jeux. Le lien est dans mes favoris !
Diagnostic
Loki tombait. Depuis exactement vingt-quatre minutes et quarante-sept secondes à cet instant précis – il avait toujours eu une notion très fine de l'écoulement du temps. Depuis qu'un trottoir de New York s'était ouvert sous ses pieds, le projetant dans une faille – spatiale ? temporelle ? multiversielle ? – très profonde, très noire et très pleine d'objets massifs aux arêtes tranchantes et aux angles aigus qui le heurtaient de toute la vitesse de sa chute, lui arrachant des jurons et des cris de douleur que personne n'entendait. Autant dire qu'il commençait à trouver le temps long. Cinq minutes et dix-sept secondes plus tard, le noir fit brusquement place à un monde de couleurs et son corps entra en contact avec un sol carrelé. Une rencontre plutôt violente.
À plat ventre, le souffle coupé, Loki rejeta d'un mouvement de tête rageur ses longs cheveux noirs de son visage.
« Je tombe depuis plus d'une demi-heure ! » s'exclama-t-il, furieux.
Il roula sur le dos pour découvrir, au milieu d'un décor luxueux dominé par un grand escalier, son maudit demi-frère dans son camouflage ridicule de bûcheron terrien en compagnie d'un humain portant une cape rouge, des gants jaunes et un gros pendentif manifestement magique. Un sorcier. Un maudit sorcier qui avait ouvert une faille spatio-temporelle multiversielle juste sous ses pieds !
« Comment osez-vous ? s'indigna Loki en se redressant en position assise, tout grimaçant de douleur. Je suis polytraumatisé !
– Non, répliqua posément le sorcier.
– Bien sûr que si !
– Bien sûr que non.
– Vous pensez savoir mieux que moi ce que je ressens ? rugit Loki avec hargne en se massant les côtes.
– Bien sûr que je le sais mieux que vous, je suis médecin, répliqua le sorcier. Un polytraumatisé a, comme son nom l'indique, subi plusieurs traumatismes dont un au moins compromet ses fonctions vitales, expliqua-t-il d'un air docte. Vous n'êtes clairement pas agonisant, et vous ne semblez même pas vous être cassé quelque chose. On dira tout au plus que vous êtes polyblessé, mais c'est bien pour vous faire plaisir.
– Plaisir ? »
Scandalisé, Loki ne trouvait même plus ses mots. À côté de l'humain, Thor s'efforçait de ne pas rire trop ouvertement.
« Est-ce que ça concerne aussi les traumatismes psychologiques ? demanda-t-il en consultant le sorcier du regard. Enfant adopté, jalousie fraternelle, tombé du Bifrost, tout ça tout ça…
– Mmh, je vois, dit le sorcier qui scrutait Loki de ses yeux perçants tandis que celui-ci se relevait en époussetant son costume noir. Œdipe non refoulé, mégalomanie, trouble de la personnalité narcissique, mensonge compulsif…
– Il n'arrête pas de vouloir voler le Tesseract et il a une passion pour les casques à cornes, glissa Thor.
– Kleptomanie et fétichisme, ajouta le sorcier au tableau clinique. Dramatique. Mais non, polytraumatisme n'est pas un terme de psychiatrie. Au demeurant, je suis navré que votre histoire familiale ait été si pénible, ajouta-t-il à l'adresse de Loki qui feula de colère.
– Mais qui êtes-vous ? demanda-t-il en dégainant ses poignards.
– Loki…, fit Thor en levant une main apaisante, mais Loki l'ignora.
– Vous vous prenez pour un sorcier, persifla-t-il en s'avançant vers l'humain, poignards brandis. Vous n'êtes qu'un amateur, et je… »
Imperturbable, le sorcier leva une main gantée de jaune.
« Allez, bye bye ! » dit-il, et il les balaya tous deux hors du Saint des Saints de New York.
Une fois débarrassé des Asgardiens, Stephen Strange se frotta les mains, puis soupira à la pensée de tout le rangement qu'il y avait à faire, sans compter les réparations : au bruit, il estimait que le « parapluie » du dieu du tonnerre avait dû briser une bonne dizaine d'artefacts magiques extrêmement précieux en traversant les pièces du 177A, Bleecker Street pour rejoindre son maître. Pauvre Saint des Saints : lui était bel et bien polytraumatisé.