T'aimer était une peine perdue
Le château était animé comme à son habitude, mais il y avait un sujet de conversation qui revenait le plus fréquemment sur les lèvres des différents sujets ces derniers jours : Le roi avait choisi un enfant pour être le garde officiel de son seul et unique fils. Cette idée était complètement incompréhensible, d'autant plus qu'elle venait directement de son conseiller le Rat, et tous les sujets avaient de sérieux doutes le concernant mais personne ne disait rien alors ce choix s'était fait sans la moindre critique officielle. Les remarques se feraient en privé, dans le dos du garçon, qui ne venait même pas du royaume en plus de ça, il ne venait pas de Parthenia mais d'un autre royaume du monde des Friandises et ils ne supportaient pas ça. Personne n'avait encore vu cet enfant qu'il était déjà jugé comme un étranger et un traitre. Ils attendaient tous qu'il fasse sa première erreur et en même temps, ils espéraient que ça n'arrive pas parce que la seule chose suffisamment grave que ce gamin puisse faire serait de perdre le prince.
En attendant, ils continuaient à critiquer cet enfant, et quand celui-ci arriva, les voix furent moins discrètes encore.
L'enfant refusait de porter l'uniforme des soldats, il gardait l'uniforme de son propre royaume, tout blanc, immaculé, et déjà personne ne pouvait le supporter. C'était d'ailleurs pour cela qu'il était abandonné tout seul au milieu de la salle du trône. Un certain Menthe lui avait dit qu'il devait rester là jusqu'à ce que le roi arrive, sans bouger, alors l'enfant obéit et ce ne fut qu'au bout d'un long moment que le roi se décida d'arriver, accompagné par son fils.
À ce moment-là, l'enfant qui ne savait pas encore exactement ce qu'il devait faire au juste mais en croisant le regard du prince, il comprit immédiatement qu'il était lié à lui d'une façon qu'il ne pouvait même pas expliquer. Le roi le regarda avec surprise, ne s'étant certainement pas attendu à ce qu'il soit aussi petit, mais en tant que roi inconscient et capricieux qu'il était, il était hors de question qu'il admette que son choix était une erreur. Il posa sa main sur l'épaule de son fils pour lui ordonner silencieusement de ne pas bouger et s'approcha de l'enfant.
« C'est toi qui m'as été envoyé pour devenir le garde de mon fils ?
- Oui, votre altesse, c'est ce que l'on m'a dit.
- Quel est ton nom, petit ?
- Sucre d'Orge. »
Le roi ne dit rien du tout, mais son regard le faisait bien comprendre, il jugeait son prénom, ne le prenant pas au sérieux. Il attrapa l'enfant, Sucre d'Orge, par son menton et étudia son visage attentivement, comme s'il cherchait quelque chose qui serait inscrit dessus, qui lui permettrait de juger s'il était digne ou non du travail qui lui était confié, seulement l'enfant avait encore un visage rond et des yeux innocents. Il n'était pas encore fait pour tout ça, il ne le savait pas encore mais il ne le serait en réalité jamais vraiment. Il ne le savait pas encore mais un jour le prince serait en danger et il ne pourrait pas le sauver de la pire des choses qui lui arriverait.
« Promets-tu de sacrifier ta vie pour le bien-être et la survie de mon fils ?
- Oui votre altesse.
- Serais-tu prêt à mourir pour lui s'il te le fallait ? »
L'enfant acquiesça une nouvelle fois. Il était beaucoup trop jeune pour faire ce genre de promesse mais il la fit quand même. Il n'avait pas le choix, son devoir était d'obéir à la famille royale du royaume des Friandises, peu importe les conséquences. Le roi le lâcha enfin, et autorisa enfin son fils à approcher, serrant sa main fort sur son épaule.
« Voilà, tu passeras donc ta vie à servir celle de mon fils, Éric. Peu importe ce que mon fils attendra que tu fasses, tu devras obéir, peu importe quoi. Maintenant, agenouille-toi devant lui pour lui prêter allégeance. »
Sucre d'Orge n'hésita pas une seule seconde et obéit, se mettant à genoux face au jeune garçon. Le prince Éric était à peine plus âgé que lui, et encore jeune aussi, et l'enfant le trouvait beau avec toute l'innocence qu'il avait encore. Il n'osait pas vraiment le regarder, il espérait juste qu'il pourrait faire un bon travail à son service.
-o-o-o-
Sucre d'orge n'était pas encore très rapide, ses jambes étaient encore trop petites pour le porter aussi vite que les autres jeunes garçons de son âge, mais il faisait tout son possible pour essayer de suivre le prince Éric. Ça faisait deux, ou trois ans peut-être qu'il était à son service, et il avait bientôt 11 ans. Il n'avait plus son visage d'enfant, mais il n'avait pas encore subi de choses trop difficiles. Être le garde attitré du jeune prince était facile, rien de mauvais ne se passait à Parthenia. Certes, le conseiller du roi était vraiment étrange par moment, mais tout se passait bien.
Éric était un adolescent très étrange et rapide, toujours en train de faire des bêtises et de courir partout pour échapper à ses punitions mais Sucre d'Orge ne le jugeait pas du tout pour tout ça. Il admirait le jeune prince, il voulait être au moins aussi bien que lui et il savait que ça n'arriverait jamais alors il se contentait de le protéger, pour que tout le monde puisse savoir à quel point il était extraordinaire. Sucre d'Orge était sincèrement fier d'être à son service et de le protéger au péril de sa vie.
Comme son travail était encore très paisible malgré tout, il s'entraînait pour devenir un garde royal à part entière et pas seulement celui du prince, et il espérait pour un jour avoir un rôle important, pour pouvoir peut-être rester aux côtés d'Éric quand il deviendrait roi. Il n'avait rien contre le roi actuel, il le respectait bien évidemment, mais il était persuadé au fond de son cœur que le jeune prince serait un monarque extraordinaire. Il était bien le seul à le penser, parce que le peuple ne semblait pas apprécier le prince plus que cela, mais lui il l'aimait et le respectait sincèrement. Il ne pouvait pas vraiment l'expliquer mais il pouvait juste savoir que le prince ferait un bon travail, il était déjà quelqu'un d'extraordinaire.
« Votre altesse, attendez-moi je vous prie ! Vous ne pouvez pas vous aventurer tout seul ainsi dans le palais ! »
Sa demande ne fit que faire rire Éric qui tourna la tête juste pour lui adresser un sourire amusé en continuant de courir, ne faisant que l'inquiéter encore plus parce que c'était vraiment dangereux de courir comme ça dans la cour du palais. Certes, le peuple ne représentait pas un réel danger, mais c'était de son devoir de faire attention à ce que le prince ne risque rien, peu importe quoi. Il fut d'autant plus inquiet quand il vit que le jeune monarque quittait l'enceinte de la cour intérieure pour rejoindre les cours extérieures auxquelles Sucre d'Orge n'avait pas le droit d'aller normalement. Sucre d'Orge n'était pas bien sûr de savoir quelle était la logique derrière cette interdiction mais il ne voulait pas que ça lui retombe dessus. Il se précipita derrière lui pendant encore un long moment avant que le prince n'accepte enfin de s'arrêter, s'asseyant sous un arbre parfaitement feuilli et fleuri.
Sucre d'Orge s'arrêta et prit du temps pour reprendre sa respiration, ses mains sur ses cuisses. Il pouvait sentir ses joues et tout son corps chauffer à cause de l'effort et ça ne devait pas être un grand changement visuellement mais lui il le sentait et ça le gênait. Le prince tapota l'herbe à côté de lui pour l'inciter à s'asseoir, souriant toujours comme un gamin.
« Allez, assieds-toi.
- Votre altesse, je n'ai pas le droit d'aller dans les cours extérieures !
- C'est stupide, pourquoi tu n'aurais pas le droit ?
- Demandez à votre père, ou au lieutenant Menthe.
- Oh tu sais, il ne fait ça que pour grimper en grades, il n'est pas vraiment méchant.
- C'est vous qui le dites… »
Éric lui tendit la main et Sucre d'Orge fut bien incapable de lui résister plus longtemps, il accepta la main tendue et s'assit à côté de lui, toujours un peu inquiet pour sa propre tranquillité. Il n'était vraiment pas à peu de choses près de se faire enguirlander si on le trouvait là. Il avait peur de faire une bêtise, il n'était pas supposé en faire, il devait assurer la sécurité du prince mais celui-ci ne faisait vraiment pas grand-chose pour lui faciliter la tâche.
Il tourna la tête vers le prince, se demandant pourquoi ils étaient venus ici mais il n'eut pas de réponse et oublia immédiatement sa question avant même de la poser en voyant le prince s'appuyer contre un grand arbre, assombri par les branchages et les feuilles. Sucre d'Orge le trouvait vraiment beau. Il ne pourrait jamais le dire, il en était tout simplement incapable, et il n'était pas vraiment sûr non plus de savoir pourquoi, mais il l'appréciait vraiment et il n'avait pas la moindre idée de quoi faire de cette information. Il voulait juste bien faire son travail, c'était tout ce qu'on lui demandait, c'était tout ce qui était bien de faire. Il ne voulait pas faire de bêtises. Il savait ce que tout le monde pensait dans son dos et il voulait leur prouver qu'ils avaient tort et qu'il était plus utile qu'ils ne le pensaient.
Éric lui adressa un autre sourire et l'attrapa par le bras pour l'attirer contre lui. Sucre d'Orge sentit tout son corps chauffer à nouveau mais cette fois ce n'était pas l'effort, c'était de la timidité et il n'osa pas bouger. Le prince se contenta de rire et il le lâcha, laissant Sucre d'Orge tout contre lui. Ça n'avait rien d'intime, c'était une embrassade d'amis, mais le jeune adolescent, pas encore un soldat, n'était bien sûr de savoir s'ils étaient vraiment amis, il ne savait pas s'il avait le droit d'espérer quelque chose comme ça, ne serait-ce qu'un peu, mais il l'accepta. Le prince Éric était bien plus supportable quand il ne courait pas partout, et c'était suffisamment rare pour qu'il laisse passer, juste une fois ou deux, tant que personne ne découvrait qu'il trainait dans des endroits où il n'avait pas le droit d'être.
-o-o-o-
Quelques années avaient passé encore, et il était d'affaire publique que le prince et son garde officiel étaient amis proches. Personne ne savait à quel point exactement mais les gens avaient leurs suspicions et comme peu de gens aimaient Sucre d'Orge ou prenaient le prince Éric au sérieux, cette amitié était mal vue, mais ça, seul l'un d'entre eux le savait, préservant l'autre de ces remarques autant que possible.
Cette journée était une journée très importante, Sucre d'Orge venait de gagner un grade dans l'armée, il était l'un des plus jeunes à avoir cette opportunité, et pour une raison ou une autre, tout le monde n'aimait pas ça, mais il s'en fichait bien. Il ne faisait tout ça que pour une seule personne, son prince. Ce que pouvaient penser les autres ne l'inquiétait absolument pas. Plus il gagnerait en grade, plus il serait important au sein de l'armée royale et plus il serait important au sein de l'armée royale, plus il serait utile pour son prince. Il ne savait pas combien de temps il lui restait avant qu'Éric ne prenne la place de son père et il était important qu'il soit prêt avant que ça n'arrive. Il devait rester aux côtés de son prince. C'était pour ça qu'on l'avait emmené ici, c'était pour cela qu'il devait être là. Il n'avait qu'un seul but dans sa vie, protéger celle du prince Éric, de son ami. Ça lui faisait toujours tout drôle d'appeler le prince ainsi, ami, mais ça lui plaisait plutôt bien, ça montrait bien qu'ils étaient proches l'un pour l'autre. Ce n'était pas quelque chose qui plaisait à tout le monde, même au roi lui-même qui voudrait que son fils ait des amis de son niveau, mais lui, il connaissait tous les secrets ou presque du prince, il était là à chaque instant. Parfois, ça le rendait un peu confus, il ne comprenait pas très bien pourquoi le roi qui l'avait choisi pour être le garde personnel de son fils ne voulait pas qu'il soit son ai mais ce n'était pas son problème.
Il était également plutôt fier d'avoir reçu une médaille, ça prouvait à tout le monde qu'il était important, particulièrement au commandant Menthe qui, bien que fier d'avoir obtenu l'une des plus hautes distinctions, ne semblait pas apprécier sa présence dans le palais et le lui faisait savoir. Sucre d'Orge ne voyait pas vraiment ce qu'il lui reprochait mais il s'en fichait bien. Le commandant Menthe pouvait être aussi important qu'il le voulait dans l'armée du roi, lui il était important dans la vie du prince et c'était tout ce qui lui importait. Il était prêt à tout pour son prince, et il l'avait suffisamment montré.
Lorsqu'il montra la médaille à son prince, après la cérémonie, un peu inutilement car c'était le prince qui la lui avait délivrée, celui-ci fit semblant d'être surpris, comme si c'était la première fois qu'il la voyait. Ça comptait beaucoup pour Sucre d'Orge, qu'il joue le jeu de cette façon, c'était vraiment quelqu'un de bien.
Éric tendit la main vers la médaille, toujours accrochée à l'uniforme de Sucre d'Orge, et la prit entre ses doigts doucement. Ce n'était pas la plus grande preuve d'affection mais le jeune soldat était fier de cette attention toute particulière.
« Je crois que tu mérites cette médaille plus que n'importe lequel des hommes de mon père. Tu es quelqu'un de véritablement plus brave qu'eux, mon Sucre d'Orge. »
Le jeune garçon se sentit tout fier. Avoir la reconnaissance de son prince, c'était vraiment tout ce qu'il lui fallait. Éric lâcha la médaille et continua de sourire.
« J'imagine que tu veux célébrer cela ?
- Oh non, mon prince, avoir cette médaille est suffisant à mon bonheur. »
Sa réponse fit rire son prince un peu, il ne savait pas très bien pourquoi, sa réponse lui semblait pourtant être cohérente et correcte. Il fronça les sourcils, intrigué.
Éric secoua la tête, semblant presque attendri, et lui jeta un regard vraiment surprenant et qui le rendit toute chose. Son prince s'approcha un peu plus, envahissant l'espace vital, mais il ne recula pas pour autant. Il n'avait pas de raison de le faire.
« Est-ce que je peux quand même te féliciter à ma manière pour avoir enfin eu cette médaille que tu mérites ? »
Le féliciter ? Sucre d'Orge hocha la tête, se demandant bien ce à quoi Éric pouvait bien penser pour le récompenser. Le prince baissa son regard légèrement, ne le regardant plus dans les yeux, et il tendit ses mains vers lui pour les poser sur lui, une sur son épaule, l'autre sur sa joue, vraiment doucement. Le jeune garde ne comprit qu'un peu tardivement ce qui allait arriver et il eut juste le temps d'écarquiller les yeux avant qu'Éric ne se penche vers lui et ne dépose ses lèvres sur les siennes très délicatement.
Le baisé ne dura pas un long moment, pas du tout, et Sucre d'Orge n'eut même pas le temps de réagir de quelque façon que ce soit qu'Éric se recula, le regardant avec un sourire fier et des yeux brillants, attendant quelque chose, sûrement une réaction de sa part, mais le jeune soldat ne sut pas quoi dire. Finalement, le prince finit par s'écarter et souffla du nez, comme si ce n'était rien en fin de compte, comme si ce n'était pas quelque chose de grave que ce baisé, cette preuve d'affection qui ne devait pas exister entre eux. Sucre d'Orge pourrait avoir des soucis si ça s'apprenait et Éric devait le savoir aussi, c'était peut-être pour ça qu'il n'attendait pas de réponse. Il tourna la tête sur les côtés, me pour vérifier qu'ils n'avaient pas été surpris, puis il donna une tape amicale sur l'épaule de son garde.
« Il est tard mon ami, il ne faudrait pas qu'on apprenne que je suis hors de ma chambre à une telle heure. »
C'était tellement une excuse. Il n'était pas si tard, même si la nuit était déjà tombée, et Éric n'en avait rien à faire que les gens le jugent, il savait qu'il n'y avait que peu de personnes dans le royaume qui l'appréciait, tous jugeaient ses moindres faits et gestes, mais Sucre d'Orge acquiesça et le ramena dans sa chambre, essayant de ne pas penser à ce qu'il venait de se passer, mais il en fut incapable, et bien après avoir laissé le prince seul, il continua à penser à ce baisé et à se demander ce que ça pouvait bien signifier. Il n'arrivait pas à savoir ce que son prince attendait avec ce baisé, pourquoi il avait voulu l'embrasser dans un premier lieu, si ça voulait dire quoi que ce soit, ou si c'était juste quelque chose qui ne signifiait rien du tout d'autre que des félicitations. Peut-être qu'Éric avait pensé sans malentendu qu'il voulait être embrassé, il lui avait peut-être laissé croire ça. Il ne savait même pas s'il avait aimé ce baisé. Il aimait son prince, bien sûr, mais de cette façon ?
Il ne réussit pas à trouver le sommeil cette nuit-là, et il lui fallut encore plusieurs jours avant d'enfin se rendre compte qu'il aimait sincèrement son prince, ce qui ne pouvait pas être une bonne chose. Aimer le prince, lui ? Personne ne voulait qu'il fasse ça, ce n'était définitivement pas une bonne chose, il en était sûr. Il était plus sage pour tout le monde et particulièrement pour Éric qu'il laisse ces sentiments de côté et les oublie. Que son meilleur ami l'aime ou non, ce n'était pas le problème. Il n'y avait aucune chance que ce soit une bonne chose qu'un prince s'intéresse à une personne qui ne soit pas également de sang royal, ou qui n'ait pas au moins un titre de noblesse, ce qu'il était loin d'avoir. C'était son devoir de protéger le jeune prince, c'était plus important que son propre bonheur.
Seulement, il n'eut jamais le temps d'oublier ses propres sentiments. Bientôt, sans qu'il ne puisse rien faire pour l'en empêcher, un drame allait arriver et son cœur en serait blessé et resterait marqué d'une plaie ouverte qui lui rappellerait encore et toujours qu'il s'était laissé tomber pour quelqu'un qu'il ne pourrait jamais atteindre de toute sa vie comme il était impossible pour Icare d'atteindre le soleil.
-o-o-o-
La mort du roi de Parthenia choqua absolument toute la population du royaume. Bien que le roi eût fait des choses très questionnables, son peuple l'aimait, allant jusqu'à porter pour responsable son fils le prince, et quand la nouvelle se répandit que conseiller du roi était coupable du meurtre, ils accusèrent tous le jeune monarque de n'avoir rien fait pour l'en empêcher, même s'il n'en était pas responsable. Peu de temps après, le conseiller prit la tête du royaume de force et se proclama Roi des rats. Il soumit le peuple sous sa tyrannie et annonça qu'il allait tuer le prince également. Quand cette annonce publique fut faite, seul Sucre d'Orge réagit. Il ne pouvait pas laisser son prince, son meilleur et seul ami mourir, il était de son devoir de l'en empêcher, mais il fut incapable de trouver Éric et lorsque le Roi des rats déclara que le prince avait fui en lâche et qu'il avait envoyé ses rats pour le tuer, il comprit qu'il était trop tard. Le prince ne survivrait jamais, il était mort et c'était sa faute. Il n'avait pas pu être aux côtés de son ami une seule fois et ça avait suffi à le condamner complètement. Jamais il ne pourrait se le pardonner.
Peu de temps après cela, un groupe de personnes mené par Menthe qui était devenu commandant fui le château et il les suivit. Il ne pouvait plus rien faire pour son prince, mais peut-être pouvait-il se montrer utile à d'autres personnes, c'était bien la seule chose qu'il pouvait essayer de faire pour se racheter de son échec cuisant. Seulement, personne ne lui en voulut de ne pas avoir pu protéger Éric, bien au contraire. Tout le monde était parfaitement heureux dans son malheur du fait qu'il n'avait pas réussi à sauver son meilleur ami et il avait tenu quelques temps avant de craquer, n'en pouvant plus qu'on le félicite pour ça, et il s'était fortement énervé, demandant qu'on ne lui parle plus jamais de son prince. Il préférait le laisser tomber dans l'oubli pour tout le monde et de souffrir dans le silence que d'entendre tout le monde parler d'Éric ainsi.
Il avait trop de regrets et il ne pouvait juste pas vivre comme ça éternellement, alors au bout d'un moment, il finit juste par taire complètement sa douleur. Des civils, des enfants avaient besoin de lui et il ne pouvait pas laisser tomber tout ce monde parce qu'il était triste, ce n'était pas juste. Il enfouit donc ses sentiments au plus profond de lui-même et ne se concentra plus que sur les autres. Il ne savait pas combien de temps il pourrait faire semblant ainsi mais il était un soldat, le bien être des civils était bien plus important que le sien. Après tout, il n'y avait plus aucun intérêt à espérer le retour du prince, il y avait tellement peu de chances que ça puisse arriver un jour malheureusement. Il avait promis de sacrifier sa vie pour celle de son prince, de son ami, de celui qu'il aimait et mais il n'avait pas réussi. Éric avait disparu, il était peut-être mort, et lui il était encore en vie. Jamais, au grand jamais il ne pourrait être heureux.
