One-shot écrit dans le cadre de la cent-trente-septième nuit d'écriture du FoF (Forum Francophone), sur le thème "Polytraumatisé". Entre 21h et 4h du matin, un thème par heure et autant de temps pour écrire un texte sur ce thème. Pour plus de précisions, vous pouvez m'envoyer un MP !


Naoto essayait de se concentrer sur ce que le médecin lui disait, mais il n'arrivait pas à assimiler le concept de "polytraumatisé". Oui, c'était un mot compréhensible. Oui, il saisissait parfaitement que son frère était blessé et souffrait de multiples lésions. Mais "polytraumatisé" ? Ça voulait dire que c'était si grave que ça ? Qu'il allait… mourir ?

Voilà, c'était ça que Naoto n'arrivait pas à comprendre. Son petit frère ne pouvait pas mourir. C'était juste… impossible. Certes, ils avaient été de nombreuses fois en danger dans leur vie, mais il était toujours parvenu à le sauver de dommages trop graves en utilisant son pouvoir. Un pouvoir dont il n'aimait pas se servir, parce qu'il débordait immanquablement sur les gens et sur les choses autour d'eux et que, pour protéger son frère, Naoto devait consentir à causer quelques dommages à des innocents. Mais… il était toujours parvenu à éviter les blessures à Naoya. Alors comment… son petit frère pouvait-il se retrouver "polytraumatisé" ? Ça n'avait… aucun sens…

Sans doute découragé par ses prunelles noires, à la fois stupéfaites et complètement vides, le médecin esquissa le geste de rebrousser chemin dans le couloir bleu-vert de l'hôpital, mais Naoto le rattrapa.

« Attendez…, balbutia-t-il. Mon frère… est-ce que je peux le voir ?

-Pas pour le moment, s'opposa le praticien. Comme je vous l'ai dit, son état est grave. Il souffre de nombreuses blessures internes, notamment à la tête, ce qui nous fait redouter une hémorragie du cerveau. S'il vous plaît, restez dans la salle d'attente. Une infirmière viendra vous chercher quand vous pourrez vous rendre à son chevet.

-M… mais…, balbutia Naoto, incapable d'accepter ce qu'on lui disait. Il s'agit de mon petit frère…

-Je suis vraiment désolé, monsieur. Nous faisons tout notre possible. Asseyez-vous sur cette chaise, s'il vous plaît. »

Naoto s'assit, en effet, sur l'inconfortable siège en plastique lisse et froid, mais il n'en eut presque pas conscience. Des tremblements terribles l'avaient pris, qui semblaient agiter jusqu'aux tréfonds de son être. Blessures internes… polytraumatisé… hémorragie du cerveau… Tous ces mots qui rappelaient inévitablement la mort… Ce n'était pas possible…

Ce n'était pas possible !

Naoto eut encore moins conscience de son environnement, après ça. Le monde devint étrangement sombre et comme inexistant. Mais comme ça, au moins, il ne risquerait pas de blesser qui que ce soit avec son pouvoir qui commençait à déborder.

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Naoto se réveilla en sursaut quand il fut frappé par l'impression de la présence de Naoya à ses côtés. C'était presque comme si leurs deux esprits, liés par ces pouvoirs psychiques qu'ils étaient condamnés à supporter, se reconnectaient l'un à l'autre. Ou alors, c'était juste la présence télépathique de Naoya qui demeurait terriblement puissante malgré son inconscience. En tout cas, l'aîné des frères Kirihara se redressa et remarqua qu'un infirmier et une doctoresse le tenaient chacun par un bras en le fixant d'un air horrifié. Ils l'assirent sur une chaise à côté du lit de Naoya et l'homme aux cheveux noirs s'effondra en avant, privé d'énergie. Son frère était là, dans ce lit d'hôpital, relié à tout un tas de machines et définitivement inconscient, ses cheveux bruns étalés sur l'oreiller et la bouche couverte d'un masque pour l'aider à respirer.

« Naoya…, souffla Naoto en lui prenant immédiatement la main par réflexe. Je…

-Vous voyez ! s'éleva soudain la voix d'une jeune fille, juste au seuil de la chambre. Je sais que c'est étrange, mais vous devez les laisser ensemble, sinon Naoya ne guérira jamais et Naoto sombrera définitivement dans le coma. Ils… ils ont besoin l'un de l'autre pour fonctionner. Je ne sais pas comment ni pourquoi… mais leurs esprits sont connectés.

-Yoshimi… »

Naoto dévisagea la lycéenne avec surprise, eux qui ne l'avaient pas revue depuis qu'ils l'avaient aidé à survivre à la vengeance d'un enfant lui aussi doté de superpouvoirs. Le bras en écharpe, elle avait l'air plutôt mal en point, elle aussi… mais elle avait reconnu dans le couloir des urgences la silhouette inerte de Naoto et les soignants qui s'agitaient autour de lui, effarés, et elle avait décidé de l'aider.

« Merci…, murmura Naoto en la gratifiant d'un hochement de tête. »

Puis, il se tourna une nouvelle fois vers son frère.

« Naoya, chuchota-t-il en serrant ses doigts dans les siens. Naoya… Je sais que tu m'entends. Bats-toi contre ces blessures, je t'en prie… Tu sais que je ne supporterai jamais de te perdre. »

Le cadet des deux frères ne se réveilla pas pour autant, mais il poussa quand même un léger soupir. Son visage se détendit et un « Grand frère… » passa le seuil de ses lèvres livides. Naoto resta toute la nuit à côté de lui. Au fur et à mesure que les heures s'écoulaient, ses forces diminuèrent mais celles de Naoya augmentèrent. Le lendemain, ils étaient pareillement exténués tous les deux. Mais Naoya était vivant. Comme quoi, leurs pouvoirs surnaturels étaient des fardeaux et des malédictions de chaque instant, mais Naoto ne pouvait demeurer aveugle à leurs avantages. C'était aussi eux qui sauvaient la vie de son frère à chaque fois. Alors soit, ils les mettaient souvent dans le pétrin, mais pas toujours, et, dans ces occasions totalement ordinaires, il aurait pu perdre son frère à de nombreuses reprise sans pouvoir rien faire. Cette certitude que ça n'arriverait jamais grâce à leurs dons valait la peine d'en être affublé, au bout du compte…