" — Peut-être qu'un jour, toi et moi, on ne devra plus rien à nos peuples.

— Je l'espère..."

Clarke se réveille soudainement, le souffle court et le portrait de Lexa ancré fermement à ses pensées. Ses amis, qui ont décidé de renoncer à la transcendance pour ne pas la laisser toute seule, dorment encore profondément. La lune est encore haute dans le ciel, ce qui signifie sûrement qu'on est au beau milieu de la nuit. Si elle a longtemps imaginé une vie d'après les crises, conflits et guerres qu'elle a souvent dû géré, elle ne s'est jamais imaginé passer le restant de sa vie en paix, mais sans Lexa. Sans sa commandante, dont —malgré toutes les années— elle est toujours amoureuse. Et l'a toujours été. Rien ni personne n'a jamais pu changer ça et encore moins atténuer la douleur que représente cette perte.

Pire encore, depuis que la flamme a été entièrement vidée de ses données. C'est comme si elle l'avait perdue une troisième fois. Un revers difficile à avaler et qui rouvre des plaies jamais vraiment refermées.

Afin de s'aérer l'esprit, elle décide d'aller faire une balade nocturne. Sans s'en rendre compte, de chaudes larmes se sont mises à couler le long de ses joues. Elle tente de les essuyer mais rien à faire : elles se déversent par torrents. Ses yeux sont bien vite embués et Clarke se retrouve à avoir du mal à voir à plus de dix mètres autour d'elle.

Elle parvient finalement à marcher jusqu'à une grande plaine. Une fois arrivée, elle se laisse tomber dans l'herbe verte tandis qu'elle éclate en sanglot.

" — Lexa, attends ! ... Je t'aime...

— ... Je serais toujours avec toi."

Clarke n'oublie pas une chose : si c'est Titus qui a tiré la balle, il n'est pas le seul responsable de la mort de sa bien-aimée. En réalité, c'est un enchainement d'évènements qui a conduit à cette tragédie. Et le premier évènement qui a mené à ça est sans doute leur relation intime. Une relation interdite entre deux clans en guerre. Deux clans qui ne réussissent pas à contenir leur soif de sang. En perpétuel conflit. Une histoire à la Roméo et Juliette : empoisonnée mais immortelle. Une histoire que même le temps ne peut éroder.

Sûrement la plus belle chose que l'univers a pu offrir à Clarke, et ce, malgré la fin dramatique.

Clarke reprend peu à peu ses esprits, ses yeux se perdent dans l'infinité stellaire que lui offre le ciel dégagé. Une étoile filante fait même son apparition, aussi courte que soudaine. Même si elle n'a jamais cru au pouvoir des étoiles qui réalisent les souhaits, Clarke se surprend à en faire un.

Quand brusquement, elle est aveuglée par une vive lumière blanche. Elle retrouve sa vision quelques secondes plus tard mais panique lorsqu'elle se rend compte qu'elle n'est plus allongée dans la prairie. Autour d'elle, un vide intersidéral. Plus de sol, plus de ciel, plus d'espace. Plus rien.

— Clarke.

Elle se retourne vivement à l'entente de son prénom et constate la présence de son père. Ou plutôt, la présence de l'être supérieur avec l'apparence de son père.

— Encore vous ? Cela ne vous a pas suffit de prendre l'apparence de la femme que j'ai toujours aimé, il faut maintenant que vous enfonciez le couteau dans la plaie avec mon père ?

— J'observe que vous avez une bien piètre opinion de moi. Pourtant, je ne suis pas là en tant que juge.

— Alors pourquoi ? s'impatiente Clarke.

— Je dois dire que je suis impressionné. Et il est vrai, qu'après observations et réflexions, j'arrive à mieux vous comprendre.

— Ah oui ? coupe-t-elle, sarcastique. Au contraire, je ne pense pas que quiconque soit en capacité de comprendre ce que je suis. Je suis un mystère pour moi-même.

— Vous êtes une jeune femme qui a dû apprendre à survivre sur le tas. Souvent confrontée à des choix impossibles. A devoir prendre des décisions pour ne pas que les autres aient à le faire. Supporter tout le poids de la culpabilité et des regards méprisants de ses proches à chaque décision qui ne leur plaisent pas. Mais tout cela n'est rien, comparé aux pertes. Ton père, ta mère, Finn, Lexa, Madi... Et à chaque fois, tu as l'obligation de faire taire tes sentiments, de relever la tête pour guider ton peuple.

— Pas la peine de me rappeler tout ce que j'ai perdu et tout ce que j'ai sacrifié pour que mon peuple survive.

— Ton amie Raven est très convaincante quand il s'agit de prendre ta défense, tu sais.

— Peut-être bien...

— Ton échec au test a entraîné ton non-accès à la transcendance, néanmoins, après avoir étudié la situation, j'ai décidé de t'accorder une offrande.

— Une offrande ? Que c'est aimable.

— En signe de ma bonne volonté, je t'offre la possibilité de revoir deux personnes que tu as perdu. Bien sûr, la durée est limitée.

— A cet instant précis, les deux seules personnes que je souhaite revoir sont ma fille et la femme que j'aime. A moins que vous n'ayez pas de mémoire, l'une des deux n'a pas transcendé.

— À moins que vous ayez, vous, la mémoire courte, je suis un être supérieur.

Sans un mot de plus, Clarke est à nouveau aveuglée par une vive lumière blanche. Lorsqu'elle ouvre les yeux, elle est à l'entrée d'une cabane en rondins, à la fois rustique et accueillante. Elle se tourne dans tous les sens, pour en apprendre plus sur son environnement mais rien à faire : elle n'a aucune idée d'où elle peut bien être. Une chose dont elle est cependant sûr : les températures à l'extérieur sont glaciales.

Afin d'éviter de se transformer en un grand glaçon, Clarke pénètre à l'intérieur de la demeure. L'endroit est tout aussi accueillant qu'à l'extérieur avec une touche de chaleur apportée par la cheminée au centre de la pièce principale qui couvre la totalité du rez-de-chaussée.

— Suis-je arrivée au paradis ou l'enfer de Dante se cache-t-il derrière ses apparences trop belles pour être réelles ? s'interroge-t-elle à voix haute.

— Ni l'un ni l'autre, vous êtes dans ce que j'ai nommé : l'entre-deux.

L'apparition soudaine de l'être supérieur fait sursauter Clarke.

— C'est pas possible, souffle-t-elle, vous allez finir par me tuer avec vos apparitions.

— L'entre-deux est une des créations dont je suis le plus fier. Il donne la possibilité d'avoir un point de rencontre entre le monde des vivants et celui des morts.

— Oh, wouah, c'est le moment où je dois crier mes félicitations et applaudir ?

— Votre sarcasme est tout à fait inapproprié avec le cadeau que je vous offre.

— Quel cadeau ? Tout ce que je vois, c'est une cabane dans un monde un peu plus artificiel.

— L'entre-deux n'est absolument pas artificiel. Au contraire, il est réel.

— Chacun son point de vue, j'ai envie de dire.

Soudain, la porte du chalet s'ouvre avec fracas. Clarke a à peine le temps de cligner des yeux qu'une importante masse vient s'accrocher à elle, manquant de justesse de les faire tomber toutes les deux. Clarke reconnaît la personne grâce à son parfum constitué principalement d'odeur des bois. Elle se souvient qu'elle lui avait fabriquée le tout premier mélange avant de le lui enseigner.

— Tu es là... soupire Clarke, les yeux s'inondant de larmes.

— Oui...

Au moment où Clarke ouvre les yeux en direction de la porte, elle aperçoit une silhouette au milieu du contre-jour. La posture ainsi que le souhait de Clarke de revoir cette personne à n'importe quel prix ne laissent aucun doute possible : il s'agit de Lexa.

L'être supérieur disparaît à nouveau, laissant ainsi la petite famille se réunir tranquillement.

— Lexa...

Clarke se précipite dans les bras de la femme qu'elle aime. Plus d'une centaine d'années qu'elle attendait ce moment. Celui où elle retrouverait enfin le bonheur de serrer Lexa dans ses bras et de pouvoir lui dire à quel point elle l'aime, à quel point, chaque jour est une torture à vivre sans elle à ses côtés.

Mais ses mots se perdent et la seule phrase qu'elle parvient à prononcer est :

— Je suis désolée... tellement désolée, si tu savais...

— Tu n'as pas à l'être, Clarke.

— Si, parce que j'ai échoué. J'ai échoué à te sauver et ma soif de sang et de vengeance nous a privé d'un avenir en paix.

— Allons, allons, calme-toi et profitons de cet instant, indique la commandante en resserrant son étreinte.

— Tu as raison, excuse-moi. Tu m'as tellement manquée !

— Je t'avais dit que je serais toujours à tes côtés, je l'ai toujours été. Mais c'est vrai que tu m'as aussi terriblement manquée.

Madi et ses mères vont ensuite s'installer dans le coin salon autour de la cheminée.

— Alors, racontez-moi tout, comment ça se passe la vie là-haut ?

— Ca fait encore bizarre de ne plus voir personne avec des armes à la main, je ne te cache pas, mais la paix est appréciable.

Clarke baisse immédiatement les yeux vers le sol. La paix... Il s'agit bien de la chose qu'elle ne pourra jamais connaître. Pourtant, elle ne l'aurait pas volé, après tout ce qu'elle a dû faire, vivre et sacrifier pour le bien commun. Pour la survie de l'humanité.

— Et toi alors, tu te sens pas trop seule ? enchérit Madi. Je trouve ça injuste que tu ne puisses pas être avec nous.

– Ça va, ne t'en fais pas, je survie. En plus, certains de nos compagnons ont refusé de transcender pour rester avec moi.

— Oui mais tu vas finir par disparaître et on ne pourra plus jamais être ensemble.

— Madi, interrompt Lexa d'une voix autoritaire.

— Ce n'est rien, rassure Clarke, elle a raison après tout.

— Est-ce que ça en valait la peine au moins ? Tu t'es sentie mieux après ce que tu as fait ?

Madi emploie désormais un ton de reproches. Clarke, ne sachant quoi répondre, se contente de se murer dans le silence.

— Tu as toujours répété à qui voulait l'entendre que le sang ne devait pas répondre au sang, malgré ça, tu retombés toujours dans le même schéma. Tu te mens à toi-même et tu mens à tout le monde. Je ne vois pas ce que je fais là à t'écouter finalement.

Madi se lève et part s'isoler à l'extérieur. Clarke demeure sans réaction. Enfin, elle ne montre rien plutôt, car, en réalité, tout son être se brise. En plus de son mal être, sa propre fille la déteste et ne veut même plus la voir.

— Elle ne pense pas ce qu'elle dit, tente de rassurer Lexa.

— Au contraire, elle pense chacun de ses mots et elle a raison. Je ne peux pas lui en vouloir. Et tu devrais être d'accord avec elle. Les choses n'auraient jamais dû se passer ainsi. Mais voilà, encore une fois, j'ai été faible, j'ai laissé ma soif de vengeance dicter mes actes et nous priver de notre bonheur.

— Ne dis pas ça, n'importe qui aurait fait la même chose à ta place. Tu as un très bon instinct maternel.

— Vraiment ? Tout ce que je vois c'est que cet instinct fait souffrir ma propre fille et m'empêche de vivre le restant de mes jours en paix avec la femme que j'aime. Lexa, j'ai trahi ma promesse, comment peux-tu être si calme ?

— Je ne suis personne pour juger tes actes. Tu pensais faire ce qui était juste.

Le cadeau de l'être supérieur se révèle être empoisonné pour Clarke qui se met à douter du fondement même de sa volonté à vouloir revoir les femmes de sa vie.

Clarke se lève soudainement et fait désormais face à Lexa en la surplombant légèrement.

— Cris-moi dessus, ordonne-t-elle à la commandante.

— Engueule-moi ! Frappe-moi ! Déteste-moi !

Le ton que Clarke emploie monte au rythme de ses larmes qui s'abattent sur ses joues.

— FRAPPE-MOI LEXA !

— Il en est hors de question ! Ca suffit Clarke, maintenant, assis-toi !

— P-pourquoi ? ... Pourquoi tu veux pas me détester ? ... Pourquoi tu rends les choses si compliqué ? ...

— Parce que je t'aime, Clarke.

Le halo blanc refait son apparition, éblouissant l'assemblée. Lorsque Clarke rouvre les yeux, elle se trouve à nouveau au milieu de la plaine qu'elle a quitté quelques temps auparavant. Elle essuie ses larmes mais son visage demeure très marqué par ce fiasco. Elle en vient à se dire qu'il est sûrement temps pour elle de disparaitre de la vie des gens qui lui sont proche.

— Je suis navré, intervient l'être supérieur, en quittant la zone de l'entre-deux, Madi a interrompu la communication des mondes.

— Ce n'est rien, de toute façon ce n'était pas une bonne idée.

— Madi n'est qu'une enfant, elle ne comprend pas forcément tous les mécanismes de l'instinct humain.

— Madi est une grande fille. A son âge, on m'a lâchée au milieu d'une planète hostile à ma présence ainsi qu'à celle de mes camarades. J'ai dû apprendre sur le tas à survivre dans un environnement totalement inconnu. Alors, je sais parfaitement qu'à son âge, on est conscient de qu'on dit et de ce qu'il se passe autour de nous. Il faut arrêter de prendre les adolescents pour des demeurés.

Face à la tirade de Clarke, l'être supérieur ne répond rien.

— L'être supérieur a tous les pouvoirs sur cet univers, n'est-ce pas ?

— En effet.

— Alors, rendez-moi un service s'il-vous-plait. Remonter le temps, juste avant que mes amis ne décident de ne pas transcender et effacer mon souvenir de la mémoire de tous ceux qui m'ont connu. Vous leur rendrez un sacré service. Ah, et essayer de ramener Costia auprès de Lexa, je n'ai aucun doute sur le fait qu'elle la rendra bien plus heureuse que je n'ai jamais pu.

— Clarke Griffin, une nouvelle fois prête au sacrifice ultime afin d'assurer le bonheur de ceux qu'elle aime.

— Je connais Lexa, elle n'arrêtera jamais de m'attendre et je ne veux pas la condamner à une éternité de chagrin. Elle mérite mieux.

— Comment pouvez-vous en être sûre ?

— Parce que c'est ce que je ferais si j'étais à sa place.

— Très bien, je vais vous accorder ce que vous souhaitez.

L'être supérieur ferme les yeux tout en joignant ses mains. Une nouvelle fois, le même halo blanc aveugle Clarke. Si elle s'attendait à revenir là où sa vie de solitude a débuté, il n'en est rien. En réalité, elle se trouve à nouveau dans le chalet où elle était avec Madi et Lexa plus tôt.

— Qu'est-ce que cela signifie ? Je ne comprends pas.

— Au contraire, je pense que vous avez parfaitement compris. Nous commettons tous des erreurs. Peut-être en ai-je commis une en vous jugeant trop vite. De ce fait, j'ai décidé de vous accorder la chance de pouvoir enfin être heureuse.

Clarke reste de marbre, digérant la nouvelle, elle, qui n'y croyait plus. Elle, qui pensait que tout était perdue, qu'elle était condamnée... Soudain, une personne qu'elle reconnait comme étant Lexa l'enlace tendrement.

— Bienvenue à la maison, lui murmure-t-elle au creux de l'oreille, provoquant les larmes de Clarke.