Petit mot de l'auteure : Hey ! Je vous propose une petite fic qui ne devait être à l'origine qu'un petit drabble Cerion pour motiver Black Angelis à réviser et lui offrir en "récompense" du travail. Finalement... 2600 mots plus tard et loin d'avoir terminé, je me dis que je vais plutôt faire en deux parties. Donc tadam !


Le soleil brille haut dans le ciel tandis que les cloches sonnent joyeusement l'arrivée du couple royal. Robert semble radieux ; mais comment pourrait-il ne pas l'être alors sa vie est désormais parfaite ? Les fourbes Targaryen ont été vaincus, Port-Réal enfin reconstruite, la jeune reine enceinte. Cette dernière ne partage pas l'enthousiasme de son époux. Cersei se contente de suivre Robert, de saluer vaguement la foule et de feindre un sourire. Et surtout, tâche qui mobilise toute sa volonté, elle essaie de retenir ses larmes.

Elle a de plus en plus de mal à les contenir alors que le cortège avance dans les rues. Bien que celles-ci aient été refaites, les traces du drame qui s'y est produit deux ans plus tôt sont toujours perceptibles. Robert n'y fait pas attention – il ne voit que le peuple, son peuple, s'incliner devant, il ne voit que sa victoire. Mais Cersei remarque ces vestiges d'un passé somme toute encore récent ; ici, une maison dont la famille sûrement trop pauvre n'a pas pu encore se payer un nouveau toit, là un pavé qui porte les traces de cendres qui se sont incrustées si fort qu'elles ne partiront jamais. La bile lui monte à la gorge, comme à chaque fois où la perspective de venir installer la cour là où elle devrait être, à Port-Réal, a été évoquée. Elle parvient toutefois à se contenir, garde le masque de glace qu'elle a prit l'habitude de porter en permanence, et donne le change.

Il suffit d'une couronne de fleurs pour que celui-ci s'écaille complètement. Elle en avait croisé plusieurs, pourtant, et avait réussir à rester forte. Mais celle-ci était différente ; elle était faite de boutons d'or.

La fleur préférée de Jaime.

Elle avait rit lorsque son jumeau lui avait fait cette confidence. « Un homme n'est pas censé avoir de fleurs préférées » lui avait-elle dit. Lui, avait répondit le plus sérieusement du monde : « Je ne suis pas censé t'aimer. Et pourtant, je te dirai "je t'aime", tous les jours, pour m'assurer que tu te souvienne que tu es très aimé dans ce monde. Car c'est la vérité. Je t'aime, même si je ne suis pas censé le faire. Et de la même manière, j'aime les boutons d'or. Tu sais pourquoi ? » Cersei avait hoché la tête tout en souriant. « Parce qu'ils sont si dorés qu'assemblés, ils pourraient former la couronne que tu mérites ».

Aujourd'hui, Cersei avait une vraie couronne, garnie des pierres les plus précieuses. Mais elle aurait préféré avoir la couronne aux boutons d'or de Jaime.

Et que Jaime soit là, bien évidement.

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Robert tâche de ne pas laisser éclater sa fureur lorsqu'il voit les larmes de Cersei. C'est peut-être ça qui est le plus fourbe – il ne montre rien de sa violence, de ses impulsions qui la font trembler de peur, de ses mouvements de colère. Devant ce peuple qui l'acclame, il ne fera rien, ne lui fera aucun reproche. Au contraire, il s'approche d'elle avec un air inquiet, lui demande haut si elle se sent souffrante tout en lui murmurant à l'oreille d'arrêter de lui faire honte ainsi – comment peut-elle oser gâcher son grand jour ?

Cersei ne sait pas quoi répondre. Elle ne peut lui dire qu'elle pleure parce que contrairement à lui, elle ne voit aucune victoire à être enfin apte à venir à Port-Réal. Pour elle, la capitale n'est que le symbole de la plus horrible des défaites. Que chaque pas qui l'amène lui vers le trône, l'approche elle du lieu où son jumeau est décédé. Qu'il ne peut s'imaginer que ce que cette petite couronne de bouton d'or représente pour elle – à vrai dire, elle doute même qu'il ne sache ce qu'elle représente pour tous ceux qui les ont fixés sur leurs portes. Peut-être y voit-il l'acclamation du peuple venu le couronner de fleurs ; alors qu'en réalité, celles-ci ne sont là que pour marquer la présence des absents, offrir un substitut de tombe à ceux qui ont périt lorsque le roi fou a incendié la ville – mais ce n'est qu'un substitut, une mascarade, quelques plantes pour combler le fait que les morts ont été réduits en cendres sous le feu grégeois et que personne ne peut enterrer de la poussière volant au vent.

- Alors, pleurnicharde, tu me réponds ? Chuchote Robert, plus énervé.

Pleurnicharde.

Elle déteste ce surnom. Elle est une lionne, fière et altière ; elle ne verse pas de larmes. Du moins, avant de rencontrer son époux et ses poings ivres de colère.

Elle sait qu'elle devrait répondre, la voix de Robert gronde et cela ne présage rien de bon, mais aucun son ne franchit ses lèvres ; ses pensées sont trop tournées vers cette petite couronne de boutons d'or. Pour qui a-t-elle été posée ? Par une épouse pleurant un mari qui recouvrait sa peau de fleurs et non de bleus ?

- Cela doit être la grossesse, Majesté, intervient alors une voix. Le voyage a été long, et les cinq mois commencent à être durs. Votre fils est déjà vigoureux. Il tient de vous.

Robert se calme devant la flatterie et hoche la tête.

- Hâtons nous, dans ce cas, conclu-t-il avait de rajouter : il me tarde de pouvoir enfin m'asseoir sur le trône qui me revient.

Le cortège reprend, Cersei sèche ses larmes, détourne le regard de la couronne pour le fixer vers celui qui a fait écran entre elle et le roi.

Tyrion.

C'est vrai que le nain était invité.

Elle l'avait complètement oublié.

Après tout, ce n'était pas le frère qu'elle aurait aimé avoir à ses côtés.

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Cersei déteste le Donjon Rouge. Elle ne peut passer un jour sans se demander dans lequel de ses couloirs ou pièces Jaime a perdu la vie. Parfois, elle regarde à travers les vitres neuves et observe le peuple s'agiter en dessous, se demande si Jaime faisait de même. D'autres fois, lorsque la pensée de son jumeau la fait menacer de s'écrouler, elle se concentre sur la foule qu'elle perçoit au loin. Elle essaie de se mettre à leur place, s'interroge – à quoi est-ce que je ressemble vue d'en bas ? Est-ce que mes cheveux blonds brillent eux aussi dans la lumière du soleil ? À moins que je ne sois qu'un fantôme plein d'aigreur, une ombre derrière le carreau ?

Tout, plutôt que de penser à elle-même, et à tout ce qui a changé dans sa vie – certains diraient ce qu'elle a pu gagner, un roi, une couronne de pierres précieuses, un palais. Mais elle trouve qu'elle a seulement perdu – une âme sœur, une couronne de boutons d'or, les bras de Jaime dans lesquels elle savait être en sécurité. Maintenant, les bras qui l'entourent sont violents, lui laissent des bleus et des griffures qu'elle camoufle sous de longues manches et derrière un sourire feint.

Étrangement, il n'y a avec qu'une personne où elle laisse tomber son masque.

Tyrion.

Peut-être parce qu'avec lui, elle n'a jamais eu à feindre – il sait bien combien Cersei est un monstre. Finalement, peut-être avait-elle eu raison de tenter de le tuer plusieurs fois enfant. Cela fait longtemps qu'elle n'a plus à faire semblant d'être une femme qu'elle n'est pas avec lui.

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Cersei n'a jamais autant détesté Tyrion qu'en cet instant.

Une des rares pluies de Port-Réal s'abat sur la ville, et elle est condamnée à l'affronter pour trouver son imbécile de petit frère. Robert requiert sa présence sur le champ, et n'a rien trouvé de mieux que de demander à sa femme, qui vient d'accoucher une semaine tout juste plus tôt, d'aller le chercher. Soi disant qu'elle le connaît bien mieux que n'importe qui – foutaises. Le seul frère qu'elle connaissait vraiment, c'est celui qu'elle a perdu dans le vert du feu grégeois. Mais elle n'a pas cherché à lutter, prend cet ordre comme une bénédiction – de la pluie contre quelques heures de liberté, elle ne peut trop râler. Finalement, peut-être qu'une part d'elle est reconnaissante de la dépravation de Tyrion. Celle-ci la force à toquer à tous les bordels de la ville – et à chaque porte qu'elle frappe, c'est un coup qui n'atterrit pas sur sa peau.

Au final, ce n'est pas dans un bordel qu'elle le retrouve.

Il est debout sous la pluie, en pleine rue. Elle s'apprête à le réprimander – mais quelle idée de rester comme cela, se prend-il pour un dieu pour croire qu'il ne peut par mourir de froid ? Mais elle regarde ce que lui même fixe, et elle reste debout, à côté de lui.

Ils ne disent rien, laissent la pluie couler sur eux comme si elle pouvait par magie enlever leur tristesse ou leur rendre Jaime. Mais la pluie comme la vie n'a rien de magique. Alors au bout de quelques minutes, Cersei se racle la gorge.

- Robert te demande.

- D'accord, répond-il.

Ils remontent alors tout deux vers le Donjon Rouge, laissant derrière eux la porte aux boutons d'or.

C'est à ce moment là qu'elle remarque que l'eau sur les joues de Tyrion n'est pas due qu'à la pluie.

Depuis ce jour-là, Cersei ne regarde plus Tyrion de la même manière.

C'est idiot, mais il a fallu le surprendre en train de subir une pluie battante devant une maison avec une couronne de boutons d'or pour réaliser que lui aussi, a perdu son frère.

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Elle ne peut s'empêcher de détester Tyrion. La prophétie résonne trop pour qu'elle puisse un jour le laisser s'approcher d'elle. Mais si avant elle le détestait offensivement, aujourd'hui, elle se contente de le détester cordialement. C'est un changement qui lui est somme toute agréable.

Elle est fatiguée des guerres.

La dernière lui a pris un frère. Elle ne veut pas qu'une autre, menée par elle-même de surcroît, lui prenne le second.

Tyrion a bien sûr remarquer sa baisse d'hostilité. Pourtant, il ne tente pas de rapprochement – il est trop intelligent pour s'y aventurer. Une haine pacifique lui va parfaitement.

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Le jour où elle découvre qu'elle est enceinte est le troisième anniversaire de la mort de Jaime. Elle attendait une nouvelle grossesse avec impatience ; son premier-né est tout ce qui la retient de sombrer, un deuxième enfant ne peut faire de mal. Mais voilà, elle s'en rend compte le mauvais jour, le jour où son monde s'est écroulé, et elle ne peut que penser que cet enfant, c'est avec Jaime qu'elle aurait dû l'avoir, pas avec cet ivrogne qui sait à peine comme son fils s'appelle.

La douleur de la perte est telle qu'elle ne parvient à s'arrêter de pleurer lorsque la porte s'ouvre. Heureusement, il ne s'agit que de Tyrion. Depuis qu'elle l'a surprise à pleurer devant la porte aux boutons d'or, elle ne craint plus qu'il l'a voit dans ce même état.

Il sourit faiblement, avant de lui tendre la main.

- J'ai quelque chose à te montrer.

Cersei hésite. Cette main est censée être celle qui causera sa perte, qui s'enroulera autour de son cou pour détruire tout ce qu'elle a jamais pu avoir. Mais peut-être est-ce parce qu'elle se fiche bien de mourir, elle finit par la prendre. Elle n'écoute pas la voix qui lui dit qu'elle le fait parce qu'elle a commencé à faire confiance à Tyrion.

Elle ne l'écoute pas non plus lorsqu'elle lui dit qu'elle a eu raison.

Elle est trop occupée à regarder le jardin devant eux. Il n'a rien de spécial, est toujours aussi fleurit que d'habitude. Pourtant, son regard est immédiatement attiré vers un parterre nouveau.

- J'ai demandé aux jardiniers de les planter. Je me suis dis que... que cela serait bien d'avoir nos propres boutons d'or pour nous. Pour lui.

Cersei est trop émue pour répondre. Mais elle presse la main de Tyrion. Un peu plus fort, mais pas violemment.

C'est une étreinte qui signifie « merci ».

Elle n'a pas vraiment l'habitude de dire ce genre de chose, alors Tyrion s'en contente et répond de la même manière.

« De rien ».

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Cela fait quatre ans.

Quatre ans que Cersei a cessé de respirer, et pourtant, elle est encore vivante. Du moins, elle le pense – elle en est de moins en moins sûre alors que le temps passe.

- Tu sais pourquoi les boutons d'or étaient ses fleurs préférées ?

Ils sont tous les deux assis devant le parterre. Tyrion hoche négativement la tête.

- Il voulait m'en faire une couronne. Il disait que je méritais une couronne aussi dorée que les boutons d'or.

Tyrion ne dit rien, mais Cersei poursuit – et c'est là qu'elle commet une erreur.

- J'aurais préféré avoir une couronne de boutons d'or à celle que je porte aujourd'hui.

Tyrion voit le coup arriver sans qu'il n'ait le temps de réagir.

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Il est dans la chambre de Cersei depuis quinze minutes et celle-ci n'a encore rien dit. Ce n'est pas normal – d'ordinaire, elle l'aurait déjà insulté. Ou peut-être pas. Après tout, l'année passée les a quelque peu rapproché. Mais de toute façon, silence ou pas, la situation n'est pas normale.

Ce n'est pas normal que Cersei ne sorte plus de ses quartiers pour cacher le bleu qui couvre sa joue.

Ce n'est pas normal que Tyrion ne réalise que maintenant que ce coup est loin d'être le premier. Cersei ne lui a pas dit cela. Elle n'en a pas eu besoin – elle a juste eu à hausser les épaules en disant « Il finira par partir. Tout est destiné à partir ».

Tyrion lui a dit qu'elle se trompait – lui ne partirait pas. Il resterait près d'elle.

Pourtant, le lendemain, il est forcé d'admettre que sa sœur avait raison.

Les boutons d'or du parterre sont partis.

Il n'a pas à chercher loin le coupable. Après tout, le coup de poing de Robert est né parce qu'il a entendu que sa femme préférait être parée de fleurs plutôt que de diamants. Mais qui pourrait le lui reprocher alors que celui qui lui offre des diamants est celui qui dépose des saphirs sur sa peau ?

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Cersei n'a pas besoin qu'il parle pour comprendre lorsqu'il revient la visiter.

- Il a détruit le parterre, n'est-ce pas ?

- Oui, murmure Tyrion.

- Je te l'avais dit, souffle Cersei – et Tyrion est triste de constater que pour une fois, elle n'est pas dédaigneuse en disant cela. Tout est destiné à partir.

Tyrion inspire un grand coup avant de répondre :

- Oui. Tout. Y compris nous.

Cersei le regarde sans comprendre – la prophétie revient dans son esprit, obsédante, veut-il la tuer ? Mais Tyrion se contente de la fixer, avant de dire :

- Nous allons partir. Toi, moi, les enfants.

Cersei voudrait dire qu'il s'agit d'une idée idiote. S'enfuir de la capitale... et pour aller où ? Et avec quel argent ? Et comment ?

Mais tout ce qu'elle répond, c'est une pression sur la main tendue de Tyrion.

« Oui »

Oui, ils allaient partir eux aussi, vers un endroit où ils pourraient accrocher une couronne de boutons d'or à leur porte.