Une dizaine de sonneries dans le vent déjà, et enfin le mécanisme si caractéristique du répondeur s'enclenche. Le con qui a inventé cette petite merveille – que quelqu'un note la touche d'ironie par pitié – qui permet d'harceler les gens à volonté et de manière presque légale, aurait aussi dû penser à raccourcir le temps d'attente jusqu'à l'entente du « bip ». Petit bruit qui n'était en réalité, qu'une manière polie d'envoyer chier son interlocuteur, de lui faire comprendre à quel point l'appel le dérangeait. Trois sonneries, c'est bien largement suffisant pour déterminer si notre interlocuteur va avoir la gentillesse, la bonté et la patience de décrocher ou non, bordel. Pas besoin de faire durer le suspense sur une minute complète.

« Bonjour. », résonne une voix grave à travers le haut-parleur. Ouais, parce qu'il n'est pas en état de maintenir son portable collé à son oreille et n'a aucune paire d'écouteurs à porter de main, la prochaine fois il essaiera de partir en vitesse de chez lui et de mettre la main dessus en même temps – drôle de challenge.

« Vous êtes bien sur le numéro de téléphone fixe de Katsuki Bakugo ... »

Alors qu'il s'apprêtait à rigoler franchement, parce qu'évidemment que l'on était sur son répondeur, c'était lui qu'on cherchait à joindre après tout ... Il n'avait pas délibérément composé ce numéro pour tomber sur quelqu'un d'autre. Bref, un bruit étrange lui coupa l'herbe sous le pied et son début de rire se perdit dans le fond de sa gorge. Quelque chose semble venir percuter brutalement le type qui s'emmerdait à configurer sa boîte vocale – il espérait qu'il en était à son premier essai. Un franc gémissement de douleur se faufile jusque dans le micro du téléphone et remplace la fin de sa phrase.

« Merde, Deku ! Tu fais chier !

Mais Katchan ! T'avais commencé sans moi aussi ! s'outre le fameux « Deku » à l'autre bout du fil, sûrement celui qui venait de rentrer sauvagement dans le premier homme.

C'pas une raison pour me péter les côtes, putain d'nerd !

La ferme, Katchan ! rétorque celui qui ne cesse de se faire insulter depuis qu'il a débarqué. Et de Midoriya Izuku ! se présente-t-il en adaptant un timbre de voix plus doux tout en augmentant ses décibels.

Gueule pas dans l'micro, pauv' con ! »

L'homme qui possède la voix la plus grave des deux, celui qui se prénomme Katsuki et qui n'a pas l'air de tenir à sa vie, lâche un autre gémissement de douleur néanmoins beaucoup moins fort que le premier, plus étouffé aussi beaucoup plus distant. Peut-être que le Midoriya venait tout juste de l'envoyer valser plus loin dans la maison ou l'appartement ? Si tel était le cas, il aurait bien eu raison : on n'avait pas idée de parler aux gens de cette manière.

« Putain de Deku ! N'utilise pas ton alter contre moi, merde ! vocifère Bakugo au loin. »

Le gars avait vraiment une voix qui portait et un instinct de survie inexistant visiblement. Merde alors, il venait tout de même de voler parce qu'il l'insultait à toute les sauces et voilà qu'il recommençait dans la seconde.

« Midoriya Izuku, bientôt Bakugo, reprend le second personnage, une touche de fierté dans la voix. Ou peut-être Katsuki Midoriya ? Oh, ça sonne vraiment bien ! Dit Katchan, t'en penses quoi de pren – ...

Ne m'ignore pas ! Et ne fais pas non plus un putain de soudage sur le répondeur !

Notre répondeur, corrige rapidement Izuku en rigolant.

Je n'prendrai pas ton nom ! claque le susnommé Katchan. »

Izuku étouffe un grognant qui se perd dans le téléphone.

« Et donc, l'ignore le futur marié boudeur, nous ne sommes pas là pour l'instant.

Nan, c'est surtout qu'on n'veut pas vous parlez ou bien que Deku prend cher, ajoute moqueusement Katsuki qui avait fini par revenir de sa malencontreuse chute de quelques mètres. »

Si Bakugo venait en effet tout juste de revenir de sa balade volante forcée, sa nouvelle impolitesse à l'encontre de son fiancé lui offrit le droit de subir un deuxième vol plané à travers la maison ou l'appartement, peu importe. D'ailleurs, un des murs de leur logement dû recevoir gracieusement le don d'un trou, parce que le bruit qui sifflait dans le micro du téléphone ne présageait rien du bon ni pour l'explosif ni pour le mur.

Cette fois d'ailleurs, si gémissement de douleur il y avait eu, il n'atteint jamais la sortie du haut-parleur. Peut-être que Katsuki allait enfin comprendre la leçon, et qu'il manquerait moins de respect à son copain dans les jours à venir ? Enfin bon, pour l'instant il était plutôt bon de parier sur un évanouissement : Izuku ne semblait pas y avoir été de main morte sur l'autre homme – et sur leur logement par extension.

Et maintenant qu'il y pensait ... Comment est-ce qu'ils expliquaient à leur propriétaire – dans le cas évidemment où ils n'étaient que de simple locataire – la destruction massive et régulière de leur appartement ou maison, merde il n'en savait foutrement rien concernant le type de lieu qu'ils habitaient. Il supposait que les deux hommes étaient capables de faire preuve d'un peu de bon sens et de jugeote – ils étaient des adultes, pour l'amour de dieu – et que par conséquent, non ils ne débarquaient pas juste comme ça, comme des fleurs en rendez-vous en lâchant un « Katsuki a encore été odieux avec moi, alors je l'ai envoyé dans le décor. » En plus, il voyait bien celui qui se faisait appeler Deku, insister sur le « encore » et foutre son mec un tantinet plus en rogne. « Et puis, c'est juste un mur, pas vrai ? », qu'il rajouterait tout sourire.

« Nous sommes occupés, toussote Midoriya. »

L'intervention inattendue eut le don de couper court à son intense réflexion. Son esprit prit quelques secondes pour se focaliser à nouveau sur la messagerie vocale du duo original, bien décidé à l'écouter jusqu'au bout et tant pis pour ses tympans. Il est un brin curieux, il veut connaître la fin de ce répondeur.

« Hum. »

Midoriya semblait chercher ses mots, et aucun doute sur le fait que sa gorge était pleine de gêne ; son sentiment de honte se ressentait à travers le téléphone. Cela l'amène à lever les yeux au ciel et lui tire un sourire moqueur. Bon sang, il n'y avait pas à être autant gêné pour une allusion sexuelle. Habiter ensemble signifiait tout de même avoir la majorité, et débouchait sur le fait que oui, ils avaient bien dû franchir le cap, merde. Et quand bien même si le cap n'était pas franchi – ce dont il doutait au vu du caractère sauvage du second larron – aucune honte ou gêne n'était à ressentir, voyons. Enfin, ceux qui tenteraient de les appeler, à savoir leurs amis les plus proches et leurs familles respectives, devaient bien les connaître un minimum. Ce qui par extension signifiait qu'ils devaient bien avoir eu vent du caractère cru et sans gêne de Katsuki. En soi, pas de quoi s'affoler : chacun savait sur quel pied danser et à quoi s'en tenir.

« Alors, reprit Izuku en se raclant la gorge. Laissez un message après le petit « bip ». »

Le « bip » de l'hypocrisie tient.

« On vous rappellera, c'est promis !

Certainement pas, braille le survivant. »

C'est que la grande gueule du couple était tenace en plus et pas vraiment désireux de vivre sur le long-terme.

« N'y comptez pas et lâchez notre veste !

La ferme, Katchan ! »

Bip.

Il fixe quelques instants l'écran de son portable, et puis laisse partir sa tête en arrière. Elle repose contre l'immense pierre, tandis que son bras trouve repos sur son genoux droit, replié.

La dernière phrase résonne un moment dans sa tête, dans un écho étrange et malsain, comme une impression de déjà-vu. Peut-être un souvenir coincé dans les cases de son crâne qui tente désespérément de forcer le passage de son rangement pour refaire surface ? La sensation de reconnaître la scène, de l'avoir déjà vécu et entendu lui ronge l'estomac.

Finalement, il se redresse un peu et dépose complètement son dos contre le marbre, pour y prendre appui et reprendre contenance. Déjà qu'il se permet de se reposer ici, il n'allait pas non plus dépasser complètement les limites en restant avachi comme un malheureux. Il manquait suffisamment de respect à l'endroit pour oser en rajouter une couche. Son doigt presse l'icône rouge, puis celui du verrouillage sur le côté et dans la foulée, il le remet dans la poche de son jean. Sentant un mal de crâne tumultueux commencer à pointer le bout de son nez, il commence à se masser les temps délicatement, parce qu'il déteste ressentir la douleur de ses migraines ; elles ne proviennent que d'une chose à chaque fois : les souvenirs douloureux.

Il n'empêche que pour cette fois-ci, malgré la souffrance qu'il commence à ressentir, un sourire amusé s'étire sur ses lèvres : quelque chose est différent, quelque chose remue agréablement au fond de lui.

Bizarrement, et il ne sait pas comment, c'est bel et bien de cette façon qu'il s'imaginait la relation entre ses deux pères adoptifs.

Il ne s'attendait pas forcément à quelque chose d'incroyable en tapant le numéro et en tombant délibérément sur cette messagerie. Honnêtement, il ne s'attendait même à rien, juste à entendre leurs voix se présenter et expliquer qu'ils étaient absents parce qu'ils avaient une vie, point final. Au lieu de cela ... C'était une énième dispute entre eux qu'il avait eu la chance d'entendre, un moment de complicité, un moment naturel entre eux.

De toute façon, il était totalement inconcevable pour lui de se les représenter niais à souhait et calme. Rien que son père seul était un volcan qui menaçait d'entrer en éruption et d'exploser à chaque respiration, à chaque minute il pouvait engloutir tout ce qui se trouvait autour de lui. Il ne s'autorisait à prendre du repos que très rarement, et n'était calme qu'uniquement en retrouvant le fond de son lit et sa multitude d'oreillers. Alors, il lui était plutôt évident qu'à deux ils devaient être intenables, ingérables et survoltés, une bande de gamin hyperactif. Une relation en somme énergétique, pleine d'embrouilles et de noms d'oiseaux à tout va, sans oublier les explosions et l'utilisation du One for All qui devaient se croiser dans tout l'appartement ou la maison, merde. Il plaignait sincèrement leurs voisins.

Pour autant, parce que cela est si palpable même au travers d'un répondeur de téléphone fixe, il ressent l'amour qui les unit. La complicité qui les lie, la confiance qui règne entre eux, cette connexion terriblement évidente. Ce qui remuait agréablement en lui finit par se tordre en quelque chose de plus douloureux et d'amer après cette constatation et même lui en est horriblement surpris : il en vient à jalouser son père et tout ce qu'il a eu la chance de vivre à avec son deuxième père. Bon sang, lui aussi aurait aimé ressentir cela plus longtemps, plus fort et de manière plus réelle. Pas juste par bribe de souvenir, pas juste à travers le micro d'un téléphone, pas juste par hallucination fiévreuse, pas juste dans ses nombreux rêves ou cauchemar.

Pourquoi a-t-il fallu qu'Izuku, son deuxième père adoptif, les quitte si tôt ?

— Personne ne t'a autorisé à chialer sur cette pierre et à la saloper, grogne une voix dure juste au-dessus de sa tête. Sale gosse, putain.

— La ferme.

Un soupir franchit la barrière des lèvres de l'homme qui vient de le rejoindre, et il n'a aucun doute sur son identité ... Devant la pierre se tient son dernier père. Le seul qui lui reste, le héros numéro un du Japon qui se bat contre vents et marées malgré la souffrance et la douleur, son ancre pour les jours de pluie, Katsuki Midoriya.

— Relève-toi et salue-le correctement.

Il lui faut un effort surhumain pour s'empêcher de soupirer et se redresser. Se remettre sur ses pieds devant l'énorme édifice tombale lui demande tout son courage. Il nettoie son pantalon en vitesse et lisse un peu son sweat noir, histoire de se rendre un minimum présentable : il lui a assez manqué de respect en venant se foutre en boule ici. Inutile d'essayer de discipliner ses cheveux, même le gel ne suffit pas à les dompter. Il sait – et espère bien – que son père ne lui en tiendra pas rigueur, et si jamais il s'avisait de le faire depuis son trône cotonneux, cela serait clairement de l'injustice et du favoritisme, parce que son mari possède des cheveux encore plus indomptables que les siens. Ses yeux le piquent encore un peu, parce qu'il se retient de pleurer sous l'afflux de souvenir que provoque la simple pensée de son père ... L'explosif à côté de lui se moquerait à coup sûr, alors qu'il n'en mène pas large non plus. Un vrai dégénéré.

Une main se pose sur le haut de son crâne et vient frotter affectueusement – ironie ici aussi, il vient juste accentuer le bordel – sa crinière blonde aux pointes vertes, un hommage envers son père.

— Résultat du sondage, commence en murmurant Katsuki les yeux rivés sur la pierre et les traits du visage plissé, j'ai pris son nom. Aujourd'hui, ça m'arrange bien ...

Un rire étranglé passe la barrière de lèvres du héros, sûrement parce que le souvenir refait surface dans sa tête. Et la douleur qui émane de l'homme qui le supporte lui vrille le cœur, l'amenant à s'en vouloir d'avoir osé être jaloux ne serait-ce que quelques secondes.

— J'espère que ce numéro de téléphone répond à ta question, reprend le cendré après s'être raclé la gorge. Mais n'en profite pas pour en faire ton journal intime.

— Merci, papa.

Le héros numéro un du Japon s'accroupit, et passe la main sur la plaque froide. Ses épaules tressautent, rien qu'un peu, et c'est tout ce qui lui indique qu'il pleure silencieusement. Comme à chaque fois, son père ne se laisse aller qu'en face de cette pierre, qu'en face de ses lettres si importantes pour eux.

— Appartement ou maison ? demande-t-il pour alléger l'atmosphère, pour calmer son père.

— Maison, marmonne l'explosif. La même que maintenant ... J'ai menacé le propriétaire pour qu'il me la vende puis je l'ai offert à Deku.

— Papa, bon sang, menacer ?

— J'me passerai de tes commentaires, sale gosse. Deku était heureux, et c'est tout ce qui comptait.

— Est-ce qu'il savait ? ose-t-il demandé, en venant rejoindre son père accroupi en face de la pierre.

— Il a toujours fait semblant de n'pas savoir comment j'ai fait pour l'acheter.

Katsuki rigole et touche du bout des doigts les lettres qui forment son prénom « Izuku » tandis que sa deuxième main se pose sur le haut de sa tête, attrapant sa tignasse et le secouant dans tous les sens.

— Il serait fier de toi ..., commence son père et il faudrait être bête pour ne pas s'attendre à la suite de sa phrase. Sauf si tu continues à venir te rouler en boule et mouiller sa tombe.

— Tu m'énerves.


Bien le bonjour,

Je reviens comme une petite fleur avec un petit one-shot tout kiki (est-ce que vous sentez l'ironie ? j'espère que oui.)

Après un petit mois d'absence ou plus (?), entièrement dû à mes révisions de partiel, l'achèvement des derniers dossiers et le début de mes candidatures en Master, j'ai la joie de vous annoncer mon retour. Ecrire m'avait manqué, j'vais pas vous mentir. Evidemment, je n'ai pas chômé : je me suis accordée des petits instants d'écriture entre tout ce bordel qu'est ma scolarité ; j'ai donc des débuts de One-shot, de nouvelles fanfics en cours d'écriture et quelques chapitres de rédiger pour celles en cours.

Bon vous aussi, vous m'avez manqué ... Et pour continuer dans le sentimental, je vous annonce qu'il y a une heure je passais mon dernier examen de Licence et que maintenant, bah, j'ai terminé. Et je suis : triste, nostalgique, en déprime, au bout du rouleau, dépitée, dégoûtée. Je me suis plainte si souvent de la fac que là, maintenant que j'ai officiellement terminé je suis trop triste purée.

Bref, j'arrête là sinon j'vais chialer merde. On se retrouve plus tard, bisous les potes.