Hey !
Et voilà un nouveau recueil. Parce que j'aime beaucoup ce ship, et que j'ai très très envie d'écrire dessus. J'ai plein de petites idées pour eux. (Et j'ai aussi des idées de fanfic longue, mais encore faut-il que je les écrive)
Aussi, ce texte a été écrit dans le cadre des Nuit du FoF, sur le thème Tentacule !
Bonne lecture !
Résumé : Gaara observe les poissons. Et puis, tout bascule.
Rating : K
Genre : Hurt/confort
Univers : UA Moderne
Personnages : Gaara, Lee.
Pairing : Gaara/Lee
La compagnie des pieuvres
.
La vitre est froide contre sa main. Aussi froide que l'eau derrière, sans doute. Gaara ne peut pas savoir, impossible de vérifier. Alors il imagine le liquide autour de ses doigts, qui grimpe doucement. La sensation fraîche, le frisson qui remonte le long de sa petite main. Il se voit là, tout entier dans l'aquarium, flottant au milieu des bêtes dormantes. Les yeux fermés. Plus besoin de respirer, de bouger, de penser. Il n'y aurait plus que le poids de l'eau sur lui, son murmure roulant dans ses oreilles. La caresse d'une peau d'écailles qui passe tout près.
Un monde de sensation.
Il regarde le sable si proche, qui tapisse cette étrange chambre où dorment les créatures marines. Il sait comme il pèse lourd quand il est humide, au creux de sa paume. Et pourtant, quand il le relâche dans la mer, les milliers de grains s'éparpillent en une brume scintillante, légère, un nuage sublime qui avale ses pieds. Il adore faire ça. Attraper des poignées de sable, les relâcher, admirer.
Ici, bien sûr, il ne peut pas. La barrière de verre le sépare d'un univers de couleurs chatoyantes. Mais, parfois, une créature retourne le sol d'un coup de nageoir, de queue. Et les étoiles de terre s'élèvent et retombent dans le silence de l'eau.
Gaara pourrait rester là des heures, à admirer ce monde. Dans l'ombre caressante de l'aquarium, il ne sent plus le temps qui court. Les pas des visiteurs ne l'atteignent pas. Il est là, loin du monde. Il observe.
Aujourd'hui, c'est la pieuvre qui l'intéresse. La pieuvre et ses longs bras pleins de ventouses, sa tête gonflée comme une baudruche. Sa peau à l'allure mole où il se voit enfoncer ses doigts. Est-ce que c'est doux, cette texture, comme les ailes des raies ? Est-ce que c'est gluant ? Et les ventouses ? Il invente en pensées un long tentacule qui s'enroule autour de son bras, curieux. Les pressions éparses sur sa propre peau alors que la bête le traîne au travers de la pièce. Un vol dans ce ciel liquide qu'il sentirait couler contre sa peau.
Il caresse la vitre.
Où sont les yeux de la pieuvre ? Il pense les avoir trouvés à la naissance de son crâne gonflé, mais il doute. Peut-être les deux globes ne sont-ils que deux points de plus parmi les tâches qui maculent le céphalopode. Deux-
– Oh ! Des poulpes !
D'un bruit. La bulle éclate. Gaara redescend brusquement. Le pas des visiteurs cogne le sol. Le ronron des aquarium raisonne comme un immense murmure qui remplit la salle, fendu par les voix basses traîtres au silence pesant du lieu. Quelqu'un cogne contre la surface de verre. Le garçon qui vient de parler, en l'occurrence.
La pieuvre qu'il admirait s'élance du sol et unit ses tentacules comme une immense nageoir pour se propulser plus loin, vers les rochers où elle disparaît, sa peau confondue dans les formes brusques. On ne la devine plus qu'à la grosseur de sa tête, pour les plus attentifs. Un trésor caché.
La frustration gonfle le cœur de Gaara.
– Oh non, elle est partie ! l'intrus s'exclame.
– C'est ta faute.
Sèche, sa bouche, comme le sable des plages que les vagues n'atteignent pas. Ses lèvres serrées retiennent une grimace.
La moue blessée du garçon ne lui apporte même pas la satisfaction qu'il espérait.
– Tu lui as fait peur.
Il ne faut pas toquer contre le bac, Kankuro le lui a expliqué la première fois qu'il l'a amené ici. Mais apparemment, personne n'a daigné dire à ce gosse que les chocs répétés contre la surface étaient mauvais pour la masse d'êtres vivants ramassés derrière. Il serre les poings.
– Mais j'ai juste tapé sur la vitre.
Juste ? Gaara sent ce pic de colère qui perce et enfle à l'intérieur de lui. Il voudrait lui dire que le bruit sous l'eau est plus fort que celui qu'il a vaguement perçu dans son doigt a tapoté la surface. Qu'il gonfle et remplit la tête, comme sa propre tête déborde de tous les bruits qu'il entend désormais. Ce n'est pas un simple son, un tout petit coup. C'est tellement plus grand, et cet énergumène ne réalise même pas ce qu'il vient de faire, et…
Et Kankuro n'est pas là. Gaara le cherche du regard, mais il n'aperçoit pas l'étrange maquillage que son frère dessine sur son visage. Aucune trace de ses tenues sombres, de sa veste noire. Il a dû aller faire un tour. Sauf que c'est lui qui a son casque.
Les voix. Les gens. Tout est bruyant.
Le rouquin serre les dents. Il ramène ses mains contre lui, sur son torse, près de sa peau. Il se replie.
– Tu sais quel poulpe c'était ?
– Non.
Il connaît les noms, mais il ne sait pas les reconnaître. Pas encore. Il y a juste la pieuvre photogénique qu'il trouve toujours, avec ses couleurs pétantes, ses tentacules cernés de rouge et de blanc à l'allure toxic. Celle-là était blanche et brune et pleine de taches, avec ses ventouses énormes, sa grosse tête et ses petits yeux aux pupilles allongées, mais il ne sait pas.
– Attends, c'est marqué sur le tableau !
Tais-toi, Gaara pense. Je ne veux pas te parler. Je ne veux pas t'entendre.
– C'est une pieuvre blanche !
Pieuvre blanche, bien, ça marche, même si elle n'est pas toute blanche. Il sait, maintenant l'autre peut partir. Il a tout l'aquarium pour lui, alors qu'il se trouve un autre bac à observer, maintenant qu'il a fait fuire la majestueuse créature qu'il admirait.
– Oh !
Gaara a besoin d'espace.
– Elles ont un bec !
Oui, pour se nourrir, un bec caché sous le replis de leurs longs bras, crochu comme celui des perroquets, minuscule. Il sait déjà. Tout comme il sait qu'elles aiment les crabes, qu'elles sont capables d'injecter du venin, et que quand elles nagent, leur corps se déploie comme un tissu lourd, une robe déformée par la force de l'eau qu'elles agitent. Un fantôme aquatique qui se ramasse avant de s'élever. Il sait aussi que certaines pieuvres changent de couleur, qu'il en existe de toutes petites que son frère compare aux ennemis de Pac-Man, et d'autres si longues qu'elles peuvent mesurer plusieurs metres. Des pieuvres plus grandes que lui, immenses, qui pourraient l'envelopper de leurs bras mous et l'emmener loin du bruit, au fond de l'eau.
– Et des ventouses ! Comme dans les toilettes !
Elles peuvent aussi cracher de l'encre et faire autour d'elle cette brume noire qui avale la lumière. Et elles sont capables de se déplacer sur terre.
– Oh, elles vivent pas longtemps.
– Arrête.
Il pose ses mains sur ses oreilles. Mais c'est moins efficace que le casque.
– Tu fais du bruit. Ça me dérange.
Encore une fois, cette expression outrée sur la tête du garçon. Une tête toute ronde avec deux yeux tout aussi ronds surmontés d'une paire de sourcils épaisse comme la brosse qu'on utilise en classe pour effacer le tableau. Il est habillé tout en vert, et Gaara n'aime pas le vert. C'est une mauvaise couleur. Celle des légumes qu'il déteste.
– C'est pas poli de parler comme ça aux gens.
– Je m'en fous.
Kankuro lui a déjà dit de ne pas utiliser ce mot. Mais lui, il dit putain et sale con, alors qu'il est mal placé pour lui faire la morale. Même Temari, des fois, elle traite ses profs de teubés.
Il appuie ses mains plus fort, mais ça ne sert à rien. Il veut son casque. Celui que son frère garde pour lui. Il est où son frère ? Pourquoi il ne lui a pas dit qu'il allait faire un tour ? Ou peut-être qu'il lui a dit mais qu'il n'a pas fait attention, trop occupé à regarder les poissons. Il ne sait plus. Ça fait combien de temps qu'il est là ?
– Ça va ?
Il lui faut un moment pour comprendre que le garçon lui parle encore. Qu'il s'entête. Il veut lui dire de partir.
– Je cherche mon frère.
Mais ce ne sont pas les bons mots qui sortent de sa bouche. Ça arrive, parfois. Comme si ça dérapait entre son cerveau et ses lèvres.
– Il est où ?
– Je sais pas.
– Il est comment ?
– Grand.
Il est comme il est. Toujours habillé en noir même en été. Il a un sac sur le dos, avec le goûter dedans. Gaara ne sait pas comment le dire.
– Il te ressemble ?
– Non.
Le petit va pour lui toucher l'épaule, mais il se recule avant que ses doigts n'atteignent son pull. Tout son corps tendu grogne contre les phalanges traîtres qui en veulent à sa peau. Il ne veut pas qu'on l'approche.
– Il a du maquillage violet.
Il lâche ça comme pour faire fuir l'autre, et ça marche un peu, parce que le garçon se recule. Mais il ne part pas. Gaara ne sait pas si ça l'irrite ou si ça le rassure. Il veut Kankuro. Et les pieuvres. Et les raies. Il doit voir les raies avant de partir. Mais il veut du silence, aussi. Il a envie de crier, de mordre et de se terrer dans un coin loin des regards. D'exploser et de disparaître.
– Tu veux qu'on aille le chercher ?
Gaara déglutit.
– Il faut qu'il vienne.
Il y a un homme, non loin. Un homme qui ressemble à l'intrus, qui les observe en fronçant les sourcils. Qui s'approche.
– Lee ? Ça va ?
Il y a des mots que Gaara essaie de ne pas écouter. Il pense au vol délicat de la pieuvre, aux ailes tendres des raies qu'il imagine glissant sous sa main, si douces. Aux poissons pleins de couleurs pétillantes qui lui sautent aux yeux alors qu'il se presse contre la vitre. Poisson chirurgien, scorpion, clown, lune. Il récite leur nom, puis ceux des différents requins qu'il connaît. Il imagine les méduses et les petits fils qui pendent sous leur chapeau rebondi, le rose flottant de leur robe.
– Mon papa est allé chercher ton frère.
La voix de l'enfant casse les images dans sa tête. Un éboulement. Mais c'est une bonne nouvelle. Il essaie de s'accrocher à ça.
Il le laisse s'asseoir à côté de lui, s'assure seulement qu'il est assez loin. Qu'il ne le touche pas.
– Tu veux qu'on regarde les hippocampes en attendant ? Ils sont dans l'aquarium juste en face.
Les hippocampes. Gaara ne fait presque jamais attention aux hippocampes. Il les confond avec les algues, et leur drôle de museau ressemble à un mélange entre une tête de cheval et un coquillage.
– Y a personne devant, on peut en profiter.
C'est au fond de la pièce, là où il fait tout sombre. La noirceur délicate enrobe les murs.
– D'accord.
Il y a moins de monde par là. C'est plus léger. Il veut s'y réfugier, et regarder les bêtes flotter dans l'eau sous la forêt marine. Il veut s'enfoncer avec elles derrière la vitre, fouler le sable et plonger ses doigts malhabiles dedans.
Le garçon se relève d'un coup. Il faut plus de temps à Gaara pour dégager ses jambes. Les déplier comme la pieuvre allonge ses tentacules.
Il refuse la main qu'on lui tend. Garde les siennes sur ses oreilles. Mais il trottine derrière son guide, les yeux au sol. Il suit la paire de chaussures qui foule la moquette et s'enfonce dans l'ombre.
Et voilà pour ce premier OS !
