Disclaimer : Les personnages de Supernatural ne sont pas à moi. Je ne fais que les emprunter, eux et le physique des acteurs, pour notre bon plaisir.
La musique ne m'appartient pas, elle est de Jérémy Frérot.
Note : Cette histoire est totalement inventée. A ne pas prendre au sérieux.
Un homme
Depuis combien de temps il est assit là devant ces livres de légendes ? Il n'en sait plus rien. Des heures. Ses yeux lui brûlent et sa tête lui fait mal. Il baille très souvent depuis plusieurs dizaines de minutes déjà mais il doit continué. Il le faut.
Il le faut parce que le monstre qu'ils chassent depuis des jours avec Dean a encore fait une victime aujourd'hui. C'est la septième depuis qu'ils ont quitté le boomker, y laissant Jack et Castiel. Et ils se sont retrouvés impuissants en arrivant trop tard sur la scène, seulement pour trouver le corps d'une jeune femme en lambeaux.
Hors de lui, Dean a préféré aller faire des courses pour s'occuper et calmer sa rage. Quant à lui, il est resté à la chambre de ce Motel bas de gamme. Son téléphone portable, posé sur la table près de lui, diffuse de la musique à travers ses écouteurs et allège un peu sa fatigue. Le réconforte un peu dans la froideur de la pièce sans chauffage.
La pluie tape contre le carreau de la fenêtre du coin cuisine de leur chambre. Les éclairs qui zèbrent le ciel illuminent en flash chromatiques la pièce et diffusent des grondements sourds dans le ciel. La lune est cachée depuis le début de la nuit derrière les nuages noirs, imitant le soleil qui ne s'est pas montré de la journée. Une journée macabre et glaçante d'une fin d'automne triste.
Après un énième bâillement, tandis que la musique change pour passer à la suivante, Sam se laisse aller en arrière dans la chaise qui craque sous son imposante carrure. Ses yeux se posent sur l'extérieur, distraitement. Il observe la place vide où Dean gare l'Impala depuis leur arrivé au motel. Le bitume mouillé renvoi les flashs par miroir et lui fait froncer les sourcils.
Il a besoin d'une pause. Juste toute petite. Sinon il va devenir dingue. Alors il se passe une main sur le visage en fermant les yeux dans l'espoir de calmer son mal de crâne. Comme un réconfort, apportant un soulagement qui le détend un tout petit peu, les premières notes de la mélodie résonnent à ses oreilles. Elles sont lentes et claires, parfaitement audible malgré le faible volume de la musique et il se concentre distraitement sur les paroles.
"Regarde comme je suis
Un cœur, et deux poings
Je vis, je veux, j'oublie
Comme toi ni plus ni moins"
Étonnement, les premières paroles semblent tout de suite faire écho en Sam. Le ton un peu triste et perdu de la musique semble parfaitement coller à la situation. A cette journée. Mais en analysant plus les paroles, il réalise qu'elles ne collent pas juste à la situation. Elles lui correspondent aussi. Leur correspondent.
Car oui, c'est ce qu'il a l'impression d'être très souvent. Un simple cœur et des poings, rien d'autre. Juste là pour protéger le maximum de personne, pour les sauver. Dean aussi. Oui, les paroles font aussi écho à Dean. Peut être même encore plus. Lui qui est toujours celui qui va en premier donner et prendre les coups.
"Regarde comme je crie
Comme je ris aux éclats
Je cours, je crée, je brille
Je sais, je ne sais pas"
Non, cette fois, les paroles ne marchent pas pour lui. Elles ne marchent que pour son frère. Que pour Dean.
Parce que Sam ne brille pas. Il est noir et corrompu. Il est sale et entaché depuis tout petit. Mais Dean brille, lui, par contre. Il rayonne et l'éclaire comme un soleil pour guider ses pas et le réchauffer de son sourire et de son amour. Il est pure, comme le soleil, comme la lumière elle même.
Puis il crée tout ce que Sam connaît. Tout ces sentiments réconfortants et agréables. Toutes ses fois où Dean met tout en œuvre pour que son petit frère soit en sécurité. Tout ce qu'il crée et entreprend pour le faire sourire et rire. Il l'a toujours fait. Et il le fera toujours, Sam le sait. Chaque fois qu'il aura besoin, il sait qu'il n'aura qu'à appeler pour voir son frère courir vers lui.
Cet homme qui est un peu perdu. Ce grand frère qui sait tant de choses, qui lui a tant apprit, et pourtant qui semble constamment chercher des réponses. Qui sait parfaitement quand il s'agit de son petit frère, mais qui semble ne rien savoir quand il s'agit de lui même.
Cet homme qui crie de temps à autre. Qui hurle même. Mais qui rit encore bien plus souvent quand il est avec son petit frère, en sécurité.
"Toi, tu veux un homme, toi, tu veux un père
Tu me dis "ralentis" tu me dis "accélère"
Et plus je te suis, et plus je te perds
Dis-moi, dis-moi, pour toi, c'est quoi"
Là encore, les paroles semblent avoir été écrites et chantés pour désigner Dean. Peut importe qu'il prenne son propre point de vue ou celui de Jack, Sam est obligé d'admettre qu'il a cherché une figure paternelle dans son grand frère parce que leur propre père était toujours absent ou distant. Et cette figure paternelle en Dean n'a jamais vraiment disparut. Sam en a simplement moins besoin, alors que Jack retrouve et replace Dean dans la même position, le copiant, l'écoutant, l'observant, apprenant de cet homme qu'il considère à son tour comme un père.
Mais c'est aussi Sam qui dit à Dean si souvent de ralentir quand il veut foncer trop vite face au danger pour sauver le plus de monde possible. Qu'il dit aussi à Dean d'aller plus vite quand il faut qu'il se lève après une chasse tandis qu'ils doivent quitter le motel et reprendre la route.
Et Sam, qui pourtant reste toujours avec son grand frère, a l'impression que plus il est avec lui, et plus il lui échappe. Parfois il voit son frère partir si loin de lui dans ses pensées, devenir si inaccessible, qu'il a l'impression qu'il ne pourra plus jamais l'atteindre.
Mais à cause de quoi ? Le cadet Winchester aimerait tellement qu'il lui parle, qu'il lui dise ce qu'il est, ce qui ne va pas, ce qui le change et le ronge autant. Ce qui l'écrase sous un poids que son frère ne comprend pas.
"Un homme au pire, au mieux, perdu
Un homme, c'est quoi? Je sais pas, je sais plus
Regarde-moi dans le yeux, qu'est-ce que tu vois? Dis-moi
Un homme, c'est quoi un homme, pour toi?"
Les paroles que Sam reconnaît sans mal être le refrain font réagir quelque chose en lui. Une fois de plus il ne parvient pas à dissocier les paroles de la chanson qu'il écoute de Dean. De ce qu'il sait, voit et comprend chez lui.
Parce que Dean a toujours été perdu qu'il soit dans son pire ou dans son meilleur jour. Et plus les années passent, plus il semble perdu. Il fait ce qu'il faut pour les autres. Mais quand il n'a aucun monstre à chasser, aucune fin du monde à empêcher, Sam a l'impression de voir un enfant perdu au milieu d'un centre commerciale immense, sans argent, sans portable, sans famille, sans repère. Avec cet air parfaitement déchirant d'enfant abandonné et livré à lui même sans savoir quoi faire ni où aller.
Parce que depuis tout petit, Dean fait ce qu'il estime le mieux. Et la plupart du temps, Sam doit admettre qu'il le voit agir à l'instinct, sans certitude de ce qu'il fait ou de si ça réussira. Combien de fois l'a-t-il vu agir avec cette étincelle du désespoir, de la dernière chance, dans les yeux, comme pour ceux qui jouent tout au casino ? A mettre tout ses jetons au centre de la table avant d'abattre ses cartes d'une main qu'il a toujours voulu assuré mais la peur au ventre lui tordant l'estomac ?
Sans parler que depuis le début Dean a toujours été perdu pour bien des choses. Pour pleins de raisons. D'abord entre le monde de l'enfance et celui des adultes. Entre l'environnement sombre de la chasse et du combat et celui de l'école, des jeux et des dessins animés. Entre le rôle de père et de mère pour l'élever à la place de leur père et de petit garçon pour lui même. Perdu entre amour inconditionnel pour le cadet et égoïsme de survie pour ne pas s'oublier. Puis plus tard, à cause de tout ce qu'il a vécu. Perdu entre l'envie de sauver la terre entière parce qu'il n'y a qu'eux pour le faire, ou abandonner et laisser le monde se détruire pour arrêté de souffrir. Perdu entre le désir d'avoir une vie normale et simple et le besoin de chasser et de sauver des vies. Perdu entre le courage dont il doit faire preuve pour Sam et les autres et les éternelles incertitudes et frayeurs qui l'habitent.
Et il en a vécu tellement, Dean. Sam a mal au cœur rien que d'y songer à nouveau. C'est tellement injuste. Personne ne peut survivre à ça. D'ailleurs, Dean en est mort. Plusieurs fois. Pourtant, il fait face, encore. Toujours. Perdu entre son propre être brisé et son rôle de protecteur. Envers lui. Envers Castiel et Jack. Envers leur mère et Bobby. Envers le monde. Parce que Dean n'est qu'un homme, pas vrai ?
"Un peu dur, un peu fragile
Un peu libre, un peu docile
Un peu fort, un peu sensible
Un peu fou, un peu tranquille
Un homme au pire, au mieux, perdu
Un homme c'est quoi? Je sais pas, je sais plus"
"Dur" disent alors les paroles. Oui, Dean est dur. Parce qu'il n'a pas eu le choix. Il a du le devenir pour le protéger lorsqu'ils étaient petits. Pour les protéger tout les deux à la place de leur père absent. Pour le protéger lui, du monde, des monstres, de son père. Alors il s'est endurci et l'est devenue avec les autres aussi. Parce qu'il ne pouvait simplement pas montrer la moindre faiblesse au risque de mettre leur père en rogne ou que Sam ne soit blessé. Et maintenant, il ne sait plus faire autrement. Mais Sam sait. Il sait qu'au fond, Dean n'est jamais aussi dur avec quelqu'un d'autre qu'il ne l'est envers lui même. Et Sam en veut aux monstres pour ça, en veut à la vie, en veut à leur père, en veut à la terre entière. Parce que Dean n'a pas eu le choix.
"Fragile." Il est fragile aussi. Tellement de fois brisé en milles morceaux sans jamais être parvenue à se reconstruire totalement qu'il danse quotidiennement sur un équilibre précaire. Son être est fissuré de toutes parts. Ses nuits sont emplies de cauchemars. Son regard est toujours hagard. Son corps toujours tendu. Une arme, toujours sur lui. Parce qu'il a peur Dean. Peur de relâcher la pression et de s'écrouler. C'est un équilibre qui donne à Sam l'impression que parfois, un simple souffle pourrait le faire s'effondrer.
Pourtant, si il est fragile, c'est aussi parce que lui qui a vu et vécu tant d'horreur continue d'être touché par la simple vue de la mort d'une personne. Une fragilité que Sam affectionne chez lui et lui donne envie d'être le protecteur pour Dean qu'il est pour lui. D'inverser les rôles, juste un peu. Fragile parce qu'il vit à travers Sam, Castiel, Jack, et les autres plus qu'à travers lui même.
"Libre". Oui, ça c'est un mot qui a été inventé pour son frère, songe Sam. Surtout quand il est dans l'Impala. Il n'y a aucun endroit où Dean ne puisse pas aller. Aucune chose qu'il ne puisse pas faire. Même la mort ne parvient pas à l'enchaîner. A l'arrêter.
"Docile". C'est rare, mais ça arrive. Quand il laisse Sam prendre les choses en main. Quand il baisse les armes et choisit de s'en remettre à son frère. Docile aussi quand il est blessé après une chasse et que Sam le fait asseoir pour le soigner. Même si Dean râle un peu, il se laisse toujours faire. Docile. C'est le mot.
"Un peu fort". Cette fois, Sam rouvre les yeux et fronce les sourcils. Non. Dean n'est pas seulement "un peu fort".
Dehors, un éclair zèbre le ciel avec violence, diffusant une lumière bien plus vive qu'avant. Le son qui parvient à ses oreilles ensuite est bien plus fort lui aussi. Et Sam à l'impression que la nature répond à son désaccord avec les paroles qu'il vient d'entendre.
Parce qu'après tout, pour Sam, Dean est la personne la plus forte qu'il connaisse. Il a tellement de fois porté l'avenir du monde tout entier sur ses épaules. Avec les anges et Lucifer par exemple, alors que Sam voulait dire oui. Le plus âgé, lui, a résisté et continué de dire non pour eux deux, finissant par le convaincre qu'à deux, ils gagneraient forcément. Qu'ils y arriveraient. Puis il y a eu les ténèbres aussi. Quand il est parti la voir tout seul dans le but de les tuer tout les deux et de sauver le soleil, le monde. Personne n'aurait osé aller jusque là. Personne n'aurait été aussi fort. Sauf lui. Et Sam a été terrorisé et incroyablement fier tout à la fois.
Oui, Dean est fort, incroyablement fort. Aussi parce qu'il est celui qui a toujours été le soutient de la famille, le pilier. D'abord avec lui et leur père, élevant Sam comme deux parents à la fois alors que leur père cuvait ou chassait. A s'occuper même de leur père quand celui-ci n'était même plus capable de le faire de lui même, inversant les rôles "parents-enfants".
Puis ensuite leur père est mort et il n'y a plus eu qu'eux deux. Juste eux deux. Et là aussi, Sam a pu aller de l'avant grâce à Dean, fort pour eux deux. Bobby était là, mais c'est Dean qui était le pilier encore une fois.
Puis Castiel est entré dans leur famille. Et il y a eu Charlie aussi. Et Kevin. Chaque fois, chacun d'eux se sont reposés sur Dean, sur sa force. Même leur mère ensuite, ramené par les Ténèbres en remerciement. Elle lui laissait prendre les décisions. Et c'est toujours le cas. Et enfin Jack qui s'inspire littéralement de la force de Dean et prend exemple sur lui pour être fort à son tour.
Oui, songe Sam, Dean est incroyablement fort. Plus que n'importe qui. Sans même parler de comment il se bat.
"Sensible". Sam pouffe. Voilà un trait de caractère qu'il sait particulièrement présent chez son frère même si il essaye toujours de le cacher. Mais Sam le voit, le poids de toutes ses souffrances qui pèse sur lui. Et n'est-ce pas faire preuve d'une incroyable sensibilité que de souffrir et de se fustiger continuellement même quand ça concerne quelqu'un d'autre ? N'est-ce pas faire preuve de sensibilité quand Dean cache continuellement ses sentiments et ses souffrances pour ne pas les inquiéter, lui, Castiel, Jack, leur mère ou Bobby ? N'est-ce pas faire preuve de sensibilité quand Sam le retrouve attablé au boomker, silencieux et lui découvre une main sur les yeux et les épaules tressautant au rythme des sanglots ? Oui, Dean est quelqu'un de sensible. Véritablement.
"Fou". A bien y réfléchir, Sam réalise que c'est vrai aussi. Quand Dean se jette à corps perdu dans la bataille. Ou quand il choisit de se sacrifier pour sauver les autres. Mais aussi quand il fait tout pour le contenter, subvenir à ses besoins ou le protéger s'oubliant lui même. Ou encore quand il se met à chanter faux ou à danser de manière un peu bancale dans un bar après avoir beaucoup trop bu pour fêter la fin d'une chasse compliquée.
"Tranquille". La tranquillité est une chose bien plus rare chez l'aîné des Winchester. Sam ne le connaît tranquille que lorsqu'il sait que son petit frère est en parfaite sécurité, quand il n'y a aucune affaire et que tout les autres vont bien. Alors là, seulement là, il est tranquille pour quelques minutes, heures tout au plus.
"Moi, je change ton jeu
Lancé, je me venge
Trouve de la place
Me crée d'autres espaces"
Sam pouffe pour la deuxième fois quand les paroles font de nouveau réagir les pensées en lui. Combien de fois son frère a-t-il changé les règles du jeu déjà, que ce soit pour les fins du monde, simplement la vie et la mort, ou un simple jeu de société ?
Et combien de fois s'est-il vengé ? Parce que Sam avait été blessé, lui ou quelqu'un d'autre d'ailleurs ?
Puis Dean trouve toujours sa place. Partout. Pour tout. Qu'il en soit conscient ou non. Sam le sait, le voit. Même dans la réalité alternative de Zacaris ou dans le monde sans monstres et magie où ils étaient acteurs. Même dans le dessin animé de Scoubidou. Et quand il ne trouve pas sa place, il se la crée. Sam grimace de l'admettre, mais lorsque Dean était devenue un démon, il s'était créé une telle place, qu'aucune démon que Sam interrogeait ne voulait dire où il était.
"Je te suis, j'invente
Je me ré-invente
Je suis, je m'efface
Le feu et la glace"
Avec une bouffé de tendresse soudaine, Sam réalise que son frère l'a toujours suivit. Il est toujours là, dans l'ombre, sur ses pas, non loin. Et combien d'histoire a-t-il inventé pour le bercer lorsqu'ils étaient enfants ?
Puis il y a ça aussi. Son grand frère, Dean qui vit au jour le jour, qui est lui même autant qu'il le peut, autant qu'on le lui permet, mais qui se réinvente continuellement pour pallier aux diverses fins du monde, pour correspondre à ce que Sam attend de lui, pour être un bon ami pour Castiel, pour être un bon père pour Jack même si il est totalement dépassé, et pour être un bon fils pour leur mère.
Dean qui souffle le chaud et le froid de temps à autre. Qui peut être incroyablement chaleureux quand il s'ouvre un peu, quand il est avec Sam, quand il est en bonne compagnie. Mais qui peut aussi être particulièrement froid quand il est en colère ou face à un ennemi.
"Moi j'veux être un frère, un pote, un amant
Un phare, un repère et j'en veux autant
Et plus j'ai d'envies et plus je me perds
Si tu sais, dis-moi, pour toi, c'est quoi"
Le cadet des Winchester sourit en observant le spectacle orageux qui se déchaîne dehors. Un frère, Dean l'est déjà. Bien plus que simplement par le sang et avec plusieurs mais rares personnes. Un pote ? Aussi. Même pour Sam. Ce genre de pote avec qui Sam peut rire et être lui même. Être détendu. Un amant ? Dean l'est pour tellement de femmes. Mais malheureusement, pour des histoires toujours trop courtes.
Mais Sam préfère ça dans un sens. Égoïstement, il est soulagé. Content. Parce que si son frère n'a pas de femme à aimer, alors il reste avec lui, avec eux. Parce qu'Dean est tout pour Sam. Oui, tout. Un frère, un pote, un modèle, mais aussi un phare et un repère comme le dit si bien la chanson. Et Sam espère qu'il est au moins tout ça pour Dean, lui aussi.
Pourtant, Sam sait que Dean voudrait plus. Qu'il veut tellement plus. Il le voit dans ses yeux quand il le regarde discrètement fixer son portable alors que son grand frère se pense seul. Il le voit observer, fixer des photos. Leur mère et lui enfant, en train de sourire. Sam et lui, bras dessus bras dessous. En train de rire ou simplement en train de boire une bière, appuyé contre l'Impala. Et Lisa et Ben... Une femme et un enfant normal dans une vie normale qu'il ne s'autorise pas.
Chaque fois que Sam le découvre dans l'un de ces moments, il ne peut s'empêcher de remarquer l'air profondément perdu et triste qui déchire les traits de son aîné. Mais Dean est Dean. Alors cet air ne reste jamais bien longtemps. Et même si la plupart du temps Sam se détourne de la scène avant, il sait que l'heure suivante son frère sera redevenu ce gars aux multiples facettes qui pourtant ne laisse rien paraître.
"Un homme au pire, au mieux, perdu
Un homme c'est quoi? Je sais pas, je sais plus
Regarde-moi dans le yeux, qu'est-ce que tu vois? Dis-moi
Un homme, c'est quoi un homme, pour toi?
Un peu dur, un peu fragile
Un peu libre, un peu docile
Un peu fort, un peu sensible
Un peu fou, un peu tranquille"
La musique continue et Sam étire un sourire en réentendant le refrain qui sonne si juste à propos de son frère. Son regard est toujours perdu sur l'extérieur. Il regarde la pluie ruisseler au sol vers les plaques d'égouts, éclairé par les lampadaires de la rue, les lumières du motel et les éclairs qui zèbrent le ciel.
Il ne remarque pas qu'il joue distraitement avec le fil de ses écouteurs en écoutant la musique.
"Un peu d'rien, un peu d'folie
Un peu loin, un peu ici
Un peu rêveur un peu speed
Un peu joueur, un peu clean
Un peu là-haut, un peu froid
Un peu chaud, un peu plus bas
Un peu d'égo, un peu d'sale
Un peu salaud, un peu calme
Un peu d'candeur, un peu d'vice
Un peu daron, un peu Christ
Un peu nature, un peu glace
Un peu ou pas dans les cases"
L'allongement du refrain surprend le cadet mais, curieux, il analyse les nouveaux mots.
"Un peu loin, un peu ici". Ça c'est tout Dean aussi. Même quand Sam était à Stanford et Dean loin de lui, son grand frère était là, tout près, omniprésent. Et Sam sait, que peut importe où il est, assit à un mètre de lui ou ailleurs à des centaines de kilomètres, son frère sera toujours avec lui. Parce qu'il est dans son sang, dans son cœur, dans ses pensées.
"Un peu rêveur". Sam sourit. Son frère adore rêver mais la plupart du temps ce ne sont qu'à propos de choses farfelues et déplacées parlant de malbouffe, de film, de voiture ou de filles. Mais des fois, Dean surprend son frère en parlant d'un air rêveur des vacances qu'il aimerait faire avec lui au bord d'une plage. Ou lui demande de cet air rêveur peu assuré si il a déjà imaginé un monde sans monstres, sans démons, sans anges, sans surnaturel. Et Sam est bizarrement attendri à chaque fois. Conquis par les rêveries douces de son frère.
"Un peu speed". Instantanément, Sam pense à son frère lorsqu'il mange un Burger. Personne ne mange plus vite et plus amoureusement un burger que lui. Mais il n'y a pas que ça. Sam sait que son frère n'est pas la patience incarnée. Il faut qu'il agisse souvent vite et bien sous peine de se sentir inutile ou énervé.
"Joueur". Indéniablement. Dean est joueur. Que ce soit en taquinant son frère, ce qu'il fait constamment, ou en balançant des blagues à tour de bras. Tout peut être un défi amusant pour lui. Et tout peut être un jeu. Ou presque. Même avoir tué Hitler est devenue un jeu à sa manière d'en parler, cranant comme si il avait finit un jeu vidéo ultra compliqué. Puis il y a toutes les fois où il joue au billard ou quand il drague une femme. Il joue là aussi. S'amuse comme un petit fou pour se détendre et revient presque toujours avec le sourire.
"Clean". Sam songe que ce trait ne s'applique que pour trois choses chez Dean. L'Impala, sa chambre au boomker, et ses armes. Il s'assure que ce soit toujours parfait. Les seules fois qui ont dérogé à la règle, Dean était soit devenue un démon, soit dans un mal-être trop fort pour qu'il en ait quelque chose à faire.
"Un peu là haut, un peu froid". Sam pince les lèvres. Cette fois les paroles sont à la fois vraies et fausses. Parce que Dean est toujours froid avec les autres, toujours distant quand il ne connaît pas. Caché sous un masque souriant et extravertie, Sam sait qu'il est toujours sur ses gardes et renfermé. Il ne laisse personne s'approcher. Pourtant, Castiel y est parvenue à force de preuves et de patience. Puis il y a eu Charlie aussi, qui a percé la carapace de Dean. Kevin. Même Lisa et Ben.
"Un peu chaud, un peu plus bas". Cette fois, Sam réalise tout de suite le sens caché et se passe une main sur la nuque. Cette fois, ce trait chez Dean, au delà des femmes qui partagent son lit le temps d'une nuit, est réservé à Lisa. Enfin... l'était.
"Un peu d'égo". Encore une fois les paroles sonnent justes. Parce que Dean a tout de l'égo déficient. Les jugements envers lui même, les critiques, les ruminations, les auto-dévaluations. Sam se souvient avoir apprit comment se manifeste l'égo à Stanford et Dean en est l'incarnation même. Avec ses évasions mentales vers des futurs qu'il imagine toujours angoissant et ses ruminations de ses erreurs passées.
"Un peu d'sale". Comme tout le monde, Dean a un coté sombre. Une violence caché en lui, une haine pour la vie elle même, une noirceur et un dégoût profond pour tellement de choses. Tout ça, Azazel l'a vu, l'a senti, et s'en ait servi, l'a exploité et fait remonté à la surface. Comme si la vie qu'ils mènent ne suffisait pas. Et il y a Caen aussi, le père du meurtre, qui s'est reconnu en Dean. Puis l'attirance entre l'aîné Winchester et les ténèbres. Ou encore ce changement plutôt faible entre le Dean humain et le Dean démon, montrant une limite déjà très mince.
"Salaud". Malheureusement Dean l'est aussi. Avec beaucoup de femmes qu'il drague et ne rappelle pas. Qu'il utilise pour son plaisir d'un soir. Mais aussi avec les autres gens dans des circonstances toutes autres, les oubliant, les envoyant limite à la mort, si Sam est en danger. Même salaud envers Sam quand il est en colère ou blessé, quand il a peur ou je sens acculé. C'est un mécanisme de défense dans ces cas là, alors Sam ne lui en veut pas.
"Calme". Sam voit son frère ne l'être que rarement quand tout va bien. Ou alors l'être trop souvent quand il torture et domine les monstres. Là, Dean est très calme, trop calme, alors que le reste du temps il a tant de mal à l'être.
"Un peu de candeur". Non... ça, Dean ne l'est plus depuis longtemps. Depuis le feu dans leur maison. Depuis que John lui a mit son petit frère entre les bras en lui demandant de le protéger. Dean a oublié la candeur. Il l'a oublié pour que Sam puisse la garder un peu plus longtemps malgré leur vie.
"Un peu de vice". Oui, ça par contre, Dean en a. La nourriture, les femmes. Ce sont les deux principaux.
Sam fronce les sourcils en réalisant qu'il se trompe. Parce que quand il réfléchit, le vice principale de Dean, c'est l'obsession. Son obsession pour son cadet, pour sa sécurité, pour la sécurité de Castiel et de Jack, pour la sécurité du monde. Alors il a l'obsession de vouloir éradiquer le mal complètement, comme si il pouvait le faire à lui tout seul.
"Un peu Christ". Juste un peu, songe Sam avec un faible sourire en coin. Parce que son frère n'est pas l'homme le plus croyant du monde. Mais il les a vu, ses regards vers le ciel et ses suppliques muettes. Il sait qu'il a prié des fois, complètement abattu, cherchant la solution dans un ultime recourt. Pourtant il fait toujours semblant de rien. Alors Sam ne le confronte jamais.
"Nature". Le sourire de Sam s'agrandit. Son frère déteste la nature autant qu'il l'aime. Sa dangerosité à l'opposé avec sa pureté. Tout les fois où Dean a arrêté la voiture pour faire une pause et manger un morceau, appuyé sur l'Impala, c'était avec un spectacle sauvage devant les yeux. Des champs. Un lac. Une montagne. Un désert. Mais bien trop souvent pourtant, c'est dans les bois sauvages qu'ils ont retrouvés et chassés des monstres.
"Un peu ou pas dans les cases." Le cadet des Winchester se passe une main dans les cheveux en songeant que Dean n'a jamais été et ne sera jamais dans les cases, peu importe combien il essai. Il est trop particulier, trop lui, trop protecteur, trop chasseur pour être simplement dans les cases. Et Sam l'a vu lorsqu'il est aller le voir chez Lisa et Ben. Il avait beau ne pas avoir d'âme, Sam se souvient. Il se souvient d'avoir vu son frère faire le tout de la maison, chaque soir. De barrer chaque entrer avec des lignes de sel. De vérifier l'intégrité du pentagramme sous le tapis à l'entrée. De vérifier la présence de toutes ses armes partout où il les a caché dans la maison. Non, définitivement, Dean ne peut pas être simplement dans les cases. Parce qu'il sait trop de choses sur les horreurs du monde.
"Un homme au pire, au mieux, perdu
Un homme, c'est quoi? Je sais pas, je sais plus
Regarde-moi dans le yeux, qu'est-ce que tu vois? Dis-moi
Un homme, c'est quoi un homme, pour toi?
Un homme au pire, au mieux, perdu
Un homme, c'est quoi? Je sais pas, je sais plus
Regarde-moi dans le yeux, qu'est-ce que tu vois? Dis-moi
Un homme, c'est quoi un homme, pour toi?"
Sam soupire en étendant ses longues jambes devant lui sous la petite table. Son regard quitte une seconde l'extérieur pour aller voir l'heure dans le coin en bas à droite de son écran. 02H47. Il repose ensuite son regard sur l'extérieur en écoutant les dernières paroles de la musique qui se répètent.
Avant qu'il n'ait le temps de songer que son frère n'est toujours pas là, il voit des phares briser la noirceur de la nuit. Un éclair illumine dans un flash le véhicule et révèle les lignes caractéristiques de l'Impala.
Voilà. Dean revient. Encore. Toujours.
Sam l'observe garer la voiture et couper le moteur et le contact. Il le regarde sortir de l'habitacle et aller jusqu'au coffre pour l'ouvrir et y récupérer quatre sacs sans sembler être gêné par la pluie battante.
Dean se détache en clair obscur dans la nuit noir. Si fort, si intouchable, que même la pluie n'a aucun effet malgré le temps intraitable.
Leurs yeux se croisent dans un flash blanc lumineux. Sam sait. Il sait que son son frère n'est qu'un homme. Pourtant, peut être est-ce à cause de la musique, peut être est-ce à cause du temps, de l'atmosphère étrange de cette nuit noire et sombre. Mais là dehors, alors qu'il s'avance vers la porte, Dean lui semble être bien plus qu'un simple Humain. Il semble être un peu surnaturel même. Un être incroyable que Sam ne parvient pas à saisir. Perdu entre leur monde et celui des dieux. Des êtres mystiques.
Sam reprend une brusque inspiration quand Dean abaisse la poignée et entre dans la chambre. Il n'a même pas conscience d'avoir retenue sa respiration. Pourquoi a-t-il l'impression que le temps s'était comme arrêté ?
Sam tourne de nouveau la tête vers dehors. Mais son frère n'y est pas. Non. Parce qu'il est là dans la chambre devant lui, en train de poser ses courses sur la seconde chaise et sur la table près de son ordinateur.
Le corps trempé par la pluie, le visage dégoulinant et les cheveux en épis hérissons, Sam observe son frère avec une sorte d'admiration et de fascination. Il le regarde retirer sa veste et la poser sur le dossier de la chaise vide. Puis ôter ses chaussures juste avec ses pieds. Il l'observe ensuite avancer dans la chambre en retirer sa chemise ouverte puis son t-shirt, défaire sa ceinture et se séparer de son pantalon. Même ses chaussettes mouillées sont retirés.
Et Sam découvre que malgré toutes les couches de tissus, le corps de Dean est quand même mouillé. Il observe une goûte glisser le long de sa nuque alors que les dernières notes de la mélodie de la musique parviennent à ses oreilles. Il la suis du regard jusque dans son dos pour rejoindre ses reins et s'écraser sur la ceinture du sous-vêtement. Un nouvel éclair met en avant toutes les cicatrices qui marbrent le dos légèrement bronzé de Dean et Sam n'est qu'encore plus fasciné.
Oui décidément Dean est un homme particulier. Un chasseur incroyable, un frère merveilleux, un père de substitution parfait, un ami génial. Et même si il est perdu entre une multitude de dualité, Sam est fière de l'avoir pour grand frère.
Parce que Dean est l'homme le plus incroyable qu'il connaisse. Parce que c'est l'homme qu'est Dean qui a fait que Sam est devenu l'homme qu'il est.
Alors Sam éteint la musique sur son portable et ferme son ordinateur pour se lever et se déshabiller à son tour. Quand il finit de retirer son t-shirt, le passant par dessus sa tête, il voit son grand frère revenir dans la chambre avec une serviette pour se sécher, le corps frissonnant de froid.
La pièce n'est toujours pas chauffée. Pourtant Sam a l'impression que maintenant que Dean est là, elle est soudainement plus chaleureuse. Plus accueillante.
Il observe Dean se glisser sous les draps après avoir mit une arme sous chacun de leur oreiller tandis qu'il finit de se déshabiller pour ensuite faire de faire de même.
Cette nuit, Sam n'a même pas besoin d'échanger le moindre mot avec Dean, parce qu'il sait. Il sait que son frère est exceptionnel. Et cet homme est là, dans cette chambre de motel, avec lui. C'est tout ce dont le cadet a besoin.
