Cet os est écrit pour un jeu du FoF, il fallait le rédiger sur les thème "naïf" et "plénitude" en deux heures. Pour plus de précisions vous pouvez m'envoyer un mp.

Rating M parce qu'il y a des thèmes adultes (merci Zévran), mais sans détails.

Bonne lecture ^^


Zévran était bien des choses : un coureur de jupons, un meurtrier, un enfant de putain, un excellent assassin qui avait brillé, si tant est qu'un tueur de l'ombre pouvait briller. Mais à l'instant, il ne brillait pas vraiment, étant donné qu'il était attaché, couvert de blessures et à la merci des quatres Gardes des Ombres qu'il avait été chargé de tuer.

Définitivement pas son moment le plus glorieux, ça non.

Zévran était bien des choses, mais il n'était pas naïf. Oh, il pouvait peut-être espérer d'attirer la compassion et d'être épargné, mais on ne pouvait pas dire que ses interlocuteurs étaient très avenants : une elfe, un nain et trois humains, dont une mage. L'un des deux hommes arborait une lourde hache, qui ne faisait que le rendre plus intimidant, malgré sa beauté rayonnante. Beau, certes, mais il le regardait comme un père vous regarde avec une déception si lourde qu'elle a sa propre gravité. L'elfe qui l'accompagnait avait l'air d'une louve enragée prête à lui sauter à la gorge (elle aurait fait fureur au sein des Corbeaux), et le nain... le nain essuyait le sang sur son visage sans vraiment se préoccuper de ce qui se passait autour de lui.

Cependant, lorsque Zévran mentionna avoir été acheté en bas âge par les Corbeaux, cela attira l'attention du nain. Bon, d'accord, la formation d'assassin permettait de remarquer la moindre faille chez l'adversaire, et le regard du nain était plus expressif, mais d'une façon absolument indéchiffrable.

- Et pourquoi voudrions-nous de vos services ? demanda l'humain à la hache, interrompant les pensées de l'elfe.

Le nain intervint alors et posa fermement sur sa main sur le poignet de son compère.

- On le prend avec nous.

Cela provoqua la surprise général du groupe.

- Tu as perdu la tête, Kliff ? demanda l'elfe, abasourdie.

- Il n'a pas choisi sa vie, rétorqua le nain — Kliff, donc.

Cela eut pour effet de faire taire les protestations. Quelle qu'ait pu être l'histoire de ce nain, les autres la connaissaient suffisamment pour comprendre ce qu'il sous-entendait.

- Kliff, hein ? sourit Zévran alors que le nain l'aidait à se remettre sur pied. Un joli nom qui sied à un beau dieu de la mort.

Kliff renifla et cracha au sol.

- Garde tes compliments pour ceux qui les méritent.

Zévran s'était attendue à tout, sauf à cette réaction.

- Je sens qu'on va regretter cette décision, se lamenta le deuxième homme.

- Pour une fois, mon avis rejoint celui d'Alistair, ajouta la mage. Nous devrons faire attention à ce que nous mangeons, désormais.

L'homme à la hache opina.

- Vos paroles sont sensés, mais nous aurons également besoin de tous les bras nécessaires si nous souhaitons vaincre l'Enclin. Kliff, puisque tu as souhaité lui donner une seconde chance, c'est toi qui te portera garant de notre nouveau compagnon.

Kliff écarquilla les yeux de façon extrêmement comique.

- Tu te fous de moi, Orion ? Est-ce que j'ai une tronche de nourrice ?

- Pourquoi pas ? sourit l'elfe. Après tout, tu as été adorable avec ces enfants perdus à Lothering…

- Ah non tu vas pas t'y mettre Aria !

Zévran n'apprécia pas vraiment d'être comparé à un enfant, mais les chamailleries entre les Gardes des Ombres étaient extrêmement distrayantes. Il sentait que cette expérience allait être… intéressante.


Au bout de plusieurs semaines passées avec cette étrange clique, Zévran pouvait effectivement affirmer que cette compagnie était des plus intéressantes.

Wynne avait insisté pour faire un grand nettoyage, ce que Zévran appréciait, car leurs vêtements empestaient à des lieues à la ronde. La troupe avait profité du grand soleil pour s'installer près d'une rivière, et tout le monde s'était à moitié déshabillé pour laver le plus de vêtements possibles.

Alistair courait après Morrigan, qui lui avait volé un médaillon ; le pauvre homme n'arrivait jamais à attraper la sorcière, qui esquivait avec l'agilité d'un chat. Léliana et Aria riaient aux éclats devant ce spectacle. L'elfe était certes magnifique, mais la seule fois où Zévran avait osé flirter avec elle (cela l'amusait, après tout), il avait fini au sol en tenant son entrejambe douloureux. Cette femme n'appréciait guère la compagnie des hommes, au grand dam de Zévran qui aurait aimé en savoir plus sur une compatriote. Mais bon, on ne pouvait pas plaire à tout le monde.

Orion lavait stoïquement les draps dans la rivière. Zévran avait rapidement compris pourquoi les autres le considéraient comme le chef attitré ; il était charismatique, ouvert d'esprit et toujours prêt à offrir une épaule pour qui souhaitait y pleurer. La brûlure qui lui dévorait la joue gauche ne faisait qu'ajouter à son aura de roc inébranlable… mais Zévran savait dénicher les fissures, et elles étaient nombreuses chez cet homme. Zévran avait brièvement entendu dire qu'il était le seul rescapé du massacre de sa famille.

L'elfe ignorait cette douleur ; il n'avait jamais eu de famille à perdre. Sa mère n'était plus qu'un vague souvenir, ensevelie quelque part dans les méandres de sa mémoire, et les Corbeaux n'étaient pas réputés pour leurs marques de tendresse.

Quant à Kliff, il étendait en silence les vêtements aux branches des arbres environnants. Torse nu, il était facile de voir les nombreuses cicatrices qui zigzaguaient sur ses muscles saillants. Ainsi que la marque de dents que Zévran avait laissé hier soir.

Les choses avaient… étrangement évolué avec le nain. Kliff était hargneux avec tout le monde, mais Zévran avait rapidement su faire tomber cette façade. À présent les deux hommes partageaient la même couche, ce dont l'Antivan ne se plaignait guère.

Zévran avait mené sa petite enquête et ainsi appris que Kliff était un paria, un chien galeux que ses semblables ne daignaient jamais regarder. Le dédain, Zévran connaissait ça, lui l'enfant de putain. Et il comprenait, à présent, pourquoi Kliff avait décidé de l'épargner.

On n'a pas choisi notre vie.

Ces mots résonnaient encore dans l'esprit de l'elfe. Kliff n'avait aucune pitié envers lui ; comme lui, il cherchait une autre existence que celle qu'on lui avait imposé. Mais lui n'avait pas une épée de Damoclès qui pendait au-dessus de la tête.

Ils étaient passés d'inconnus à amants lorsque Zévran avait tenté, une énième fois, de complimenter Kliff. Le nain l'avait saisi par le col pour le forcer à se baisser et ainsi plonger ses yeux dans les siens.

- Si tu veux coucher avec moi, dis-le simplement, avait-il grogné. Te perds pas en idioties inutiles.

Zévran ne voyait pas en quoi flirter était inutile ; ça épiçait un peu les choses. Certes, les nuits avec Kliff offraient un sentiment de plénitude et de satisfaction que Zévran n'avait que peu connu, mais c'était purement physique. Les sentiments étaient un sujet… compliqué qu'il ne préférait pas envisager. De toute façon, Kliff avait donné un avis tranché sur leur futur.

- Je vais crever, Zév, avait-il murmuré un soir sous la couette — c'était toujours après leurs petits jeux qu'il était le plus bavard. C'est ça, la vie de Garde des Ombres : crever et emporter le plus d'engeances avec soi.

Il avait posé sa main rêche sur la joue de l'elfe, qui était trop confus pour bouger. Zévran ne l'avait jamais vu aussi vulnérable, aussi… ouvert.

- Je sais pas ce que tu en tires, de tout ça. Au moins tu me vois pas comme un bout de viande à louer. Si je dois être bouffé par une engeance demain, j'aurais pu goûter à un peu de bonheur avant de crever la bouche ouverte.

L'idée que Kliff meure… à ce moment-là cette pensée l'avait horrifié au point que Zévran avait manqué de vomir. Même aujourd'hui, cette réaction le laissait perplexe.

Il ne devait pas s'attacher. Il le savait. Cela ne servait à rien, sinon à rendre la souffrance plus grande. Pourtant, lorsque Kliff lui avait fait cette confession, Zévran n'aurait rien tant voulu le prendre dans ses bras et lui promettre qu'il ne crèverait pas, ni demain, ni jamais. Il aurait pu être son ombre, son protecteur silencieux.

Mais ces mots n'avaient jamais franchi ses lèvres. À quoi bon ? Ils cherchaient du réconfort dans le corps de l'autre, et rien d'autre. Kliff n'attendait rien de lui ; Zévran devait faire de même, au lieu de se répandre en promesses creuses.

Lorsque l'Enclin serait terminé, si Zévran était encore vivant, il prendrait sa liberté. Orion lui avait expliqué qu'il n'était pas leur serviteur et qu'il pourrait aller où bon lui semble. Cela convenait amplement à Zévran.

Mais dans ses projets d'avenir, nulle part il ne voyait Kliff. Et cette absence le plongeait dans une grande anxiété, anxiété qu'il chassait au plus vite.

Les héros, dans les livres, finissaient souvent leur quête par un noble sacrifice, ou alors c'était leur plus proche ami qui offrait leur vie. Zévran préférait amplement survivre, et il imaginait mal Kliff faire preuve d'abnégation, mais…

Qui était capable de voir l'avenir ?

Kliff dut sentir le regard de l'elfe sur lui, car il se retourna et lui adressa un petit signe de tête, accompagné d'une ombre de sourire. Sourire que Zévran lui rendit, puis il le rejoignit pour l'aider dans sa tâche. Les pensées qui lui hantaient l'esprit un peu plus tôt, il les avait rapidement balayées, comme toujours.

À quoi bon se tourmenter pour quelque chose qui n'arriverait pas ? Zévran décida de suivre l'exemple de Kliff et de simplement profiter de ce qu'il pouvait avoir à l'heure actuelle.

Les petits plaisirs étaient rares après tout, pour les meurtriers et les parias.