Ce one-shot aurait dû être intégralement écrit à l'origine. Je l'ai imaginé il y a longtemps, peu après la parution de the cursed child, peu après mon intense déception de Potterhead donc. Je voulais en faire une histoire complète, mais, finalement, j'ai préféré cette forme. Peut-être que c'est une sorte d'adieu informel à cette fiction que j'avais mis tant de temps à imaginer au cours de mon adolescence. Ou bien peut-être que c'est seulement la forme qu'elle aurait toujours dû prendre. Je ne sais pas, à vous de décider.

Je sais que les OC ne sont pas très populaires dans l'univers des fictions Harry Potter, mais je ne pouvais pas faire autrement. Le personnage qui a été présenté dans the cursed child était, pour moi, trop mauvais pour être récupéré. Je déteste la facilité scénariste. Et je trouve, pour ma part, que ce personnage est de l'ordre de la facilité scénariste.

De plus, l'origine des pouvoirs de Voldemort ( dont cette étrange capacité qu'il a de pouvoir sentir les êtres autour de lui) m'a toujours intrigué, comme l'origine de la magie elle-même. Si comme moi, vous êtes des éternels déçus de the cursed child, et particulièrement du personnage de Delphini Jedusor, cette histoire est faite pour vous.

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires sur ce one-shot, même s'il n'aura pas de suite malheureusement.

Bonne lecture et à très vite.

Hans zimmer- Time ( C'est la musique qui m'a accompagné pendant l''écriture de cette nouvelle, il me semble donc naturel de la dédicacer ici)


LA DAME DU LAC

Un proverbe arabe dit que la destinée de tous les hommes est écrite sur un livre en caractères ineffaçables. Je ne sais pas si c'est le cas pour tous les hommes. Ce que je sais, c'est que la mienne a été écrite il y a longtemps.

Mon destin ne m'a jamais appartenu. Cependant, est-ce qu'un humain peut réellement se rendre maître de sa destinée ? C'est une question que bien des penseurs se sont posés à travers les siècles et, j'ai bien peur de moi-même ne pas avoir de réponse à donner.

Je serais tentée de dire que j'ai été libre de prendre mes propres décisions. Et il est vrai que, lorsque le moment de l'ultime choix de mon existence est venu, c'est moi qui ai choisi et non la destinée. Cependant, se serait mentir que de dire que mon histoire est le simple fruit de mes seuls choix.

Je ne sais donc pas si on peut être maître de son destin. En revanche, ce que mon histoire m'a apprise, c'est que tout acte apporte son lot de conséquences. Le monde est fait d'une succession de conséquence d'actes que nous accomplissons ou qui ont été accomplis avant nous.

J'en sais quelque chose. J'ai dû abandonner tout ce que j'étais pour payer les conséquences d'actes qui ont été menés bien avant ma naissance. Afin de racheter la faute que mon père a commise il y a bien des années, sur une île mystérieuse que peu d'humain ont eu la chance de visiter.

Chez les moldus, cette île a eu de nombreux noms à travers les âges : Ogygie, Avalon, Bouïane ou encore Tir na nog. Selon le nom qu'ils lui ont donné, les non-magiques lui ont attribué de nombreuses caractéristiques fantastiques, toutes plus farfelues les unes que les autres. Peu importe les prénoms qu'ils lui ont trouvé, aucun des leurs mythes n'a rendu réellement justice à ce qu'elle est.

Chez les sorciers, elle n'a toujours eu qu'un seul et unique nom : Asylos. Et les propriétés qu'ils lui ont donné ont toujours été la fidèle représentation de son être.

Il n'y a pas de lieu qui soit plus proche du sacré que cette île mystérieuse. Autrefois, les sorciers le savaient. Et, bien que classée au rang de mythe depuis quelques siècles, sa légende continue d'être racontée par les magiciens, comme une histoire pour endormir leurs enfants le soir.

C'est d'ailleurs de cette manière que j'ai entendu parler d'Asylos pour la première fois. Comme une histoire qu'on me contait le soir afin de me mener aux portes du sommeil. La femme qui m'a élevé et que j'appelai mère, me racontait qu'Asylos était l'endroit où la magie était tombée du ciel il y a des milliards d'années. Elle disait que c'était dans le lac de cette île que la magie avait donné naissance aux premiers êtres vivants du monde. Bien sûr, ce qu'elle ne m'avait jamais dit, c'est qu'avant de créer les premiers êtres de la terre, la magie avait donné vie au premier esprit gardien de la terre, la première Dame du Lac, et que c'était par son biais que la source avait généré ses premières créations terrestres.

Mais à cette époque je me moquais de la véracité de cette histoire. Ce n'était pour moi qu'un conte de fée qui n'avait rien de réel. Comment je pouvais savoir, à seulement l'âge de six ans, que cette île magique était bien réelle et qu'elle faisait partie intégrante de mon destin ? Non je ne pouvais pas. En ce temps-là, je ne savais rien. Je croyais que ma mère était réellement ma mère, que je n'avais pas de père et que les visions que j'avais de cette étrange femme vêtue de blanc, n'était qu'un rêve.

En réalité tout était faux. Ma mère n'était pas ma vraiment mère, mon père était bien réel et la femme de mes rêves également. Mais, quand on est aussi jeune, toutes les vérités ne sont pas bonnes à prendre. À cet âge si innocent où la barrière du bien et du mal n'était pas encore vraiment née en moi, apprendre que mes parents étaient en réalité des mages noirs fous dangereux et que la femme de mes rêves était Nimue, la Dame du Lac, aurait peut-être rendu ma vie très différente.

Aurait-elle été meilleure ? Aurait-elle été pire ? Ce sont des questions auxquelles je n'aurai jamais de réponses. Car ça ne s'est pas passé comme ça. Toutes ces révélations sont arrivées bien plus tard. Peut-être trop tard.

Avec le recul, j'aurai peut-être dû le voir venir. Un rêve d'enfant ne devient pas plus fort avec le temps ou ne se matérialise pas en face de vous en plein cours particulier de potion pour vous dire qu'il faut à tout prix que vous la retrouviez. Mais si ça vous arrivait, auriez-vous vu un présage ? Ou n'auriez-vous interprété ça que comme un signe de fatigue, comme je l'ai fait ?

Vous seriez-vous davantage penché sur les visions que cette mystérieuse dame dans vos rêves vous envoyait ? Est-ce que vous vous seriez dit que tout ce qu'elle vous montrait n'était pas des extraits de votre trop grande imagination, mais des souvenirs ? Que l'homme dans ces dits souvenirs, était en réalité votre père et que la faute qu'il avait commise dans ces visions, était l'entrave qui vous enchainerait à jamais à un destin bien plus grand que vous et que vous n'avez pas choisi ?

Non. Vous n'auriez pas pu savoir. Comme je n'ai pas su.

Je n'ai pas choisi mon destin. C'est lui qui la fait pour moi. Mon père. L'homme que je rêvais de pouvoir rencontrer, jusqu'au jour où j'ai appris qui il était et tout ce qu'il avait fait. Y compris cet acte néfaste qui m'avait condamné.

Mais le savait-il à l'époque ? Ai-je le droit de lui en vouloir de m'avoir fait porter le poids de ses erreurs alors même qu'il ne savait pas que c'est moi qui les porterai ?

On pourrait facilement répondre non à ce questionnement, s'il l'avait fait pour les bonnes raisons. Or, ça n'a pas été le cas. Ses raisons étaient toutes aussi égoïstes que celles que j'ai eu en voulant fuir mon destin à ma première visite d'Asylos. Il l'a fait pour lui-même.

Voler le cœur de l'esprit gardien de la source de la magie est un acte qui entraînerait forcément des conséquences. Mon père devait le savoir. Mais il s'en fichait à cette époque. Il voulait le pouvoir. Et le cœur de la Dame du Lac est aussi puissant que la source de la magie elle-même. L'un des pouvoirs les plus grands de ce monde. Pour un être aussi malfaisant qu'il l'était, la tentation était sans doute trop grande pour laisser cette occasion lui filer entre les doigts.

Est-ce qu'il savait qu'en le faisant, il contaminerait la source de la magie terrestre ? Peut-être que non. Mais ce fut pourtant le cas.

Sans son cœur, Nimue était vouée à lentement disparaître. Une longue agonie qui menaçait la source elle-même. Sans esprit gardien, le lac-mère ne peut prospérer. Il est voué à suivre sa protectrice dans la perte, comme un corps privé de sa défense immunitaire.

Nimue avait tenu longtemps sans son cœur, plus qu'Hécate avant elle. Son cœur n'avait pas été détruit après tout, il avait été volé et utilisé comme une batterie. Cependant, en mourant, le sorcier qui me servait de géniteur avait annihilé ce qu'il restait du pouvoir de la gardienne. La seule raison qui l'avait faite tenir quelques années de plus, était le peu de son cœur qui avait été transmis à la progéniture de son voleur. À moi donc.

C'est ainsi que, tout naturellement, Nimue s'était introduite dans mes rêves. Pendant longtemps, elle n'avait d'ailleurs été que cela. Un rêve. L'amie imaginaire que je m'étais créée enfant, faute de réelles amies avec qui jouer.

Pas facile de se lier avec d'autres enfants quand on passe son temps à voyager à travers le monde entier. À cette époque, je pensais que c'était à cause du travail de ma mère que nous voyagions si souvent. Elle me disait que, tenir le compte des populations de dragons sauvages pour son petit-frère Félix et sa compagnie d'étude, était une tache compliquée qui demandait beaucoup de déplacements.

C'était un mensonge bien sûr. Ma mère ne travaillait pas pour son frère. Ce gentil sorcier qui m'envoyait toujours de la peinture pour que je puisse continuer à dessiner sur les murs de mes chambres éphémères comme je le faisais depuis l'enfance. Je ne sais pas pourquoi je faisais ça. Je suppose que c'était ma manière à moi de marquer mon passage dans ce monde.

Je pense aussi qu'il y avait une volonté de ma part, aussi petite soit-elle, de susciter la curiosité du prochain occupant de mes anciennes chambres. Je voulais qu'il se demande qui l'avait peinte et qu'est-ce que ces dessins signifiaient pour moi. Je voulais qu'il se demande quels sentiments m'avaient inspiré lorsque j'avais composé cette fresque. Je souhaitais qu'il réfléchisse sur le pourquoi j'avais tracé cette ligne ou coloré cet arrondi pour cette chambre. Qu'il voit ce que j'avais ressenti dans mon passage dans ce pays, dans cette maison et dans le temps qui était passé avant le sien.

J'aimais dessiner. C'était ma plus grande passion et, sans vouloir me vanter, mon plus grand talent. Il suffisait que j'attrape un pinceau, que je mette un disque des années 80, que ma mère chérissait tant et qu'elle m'avait appris à aimer à mon tour, et le monde extérieur disparaissait pour ne laisser place qu'à mon propre univers. Je ne savais pas si oncle Félix comprenait ce que la peinture faisait naître en moi. Cependant, comme ma mère, il me trouvait si douée pour le dessin qu'il ne faisait rien pour me dissuader, au contraire. Il m'encourageait sans discrétion en m'envoyant toujours de nouveaux pinceaux ou de nouvelles couleurs qui égaillaient mon imagination.

Mon oncle était le seul à qui ma mère autorisait quelques rares visites. Il venait nous voir trois fois par an. À mon anniversaire, à la fin du mois d'août et lors des fêtes du solstice d'hiver.

Je me souviens de chaque moment que j'ai passé avec lui. Il me faisait toujours rire quand j'étais petite. Il me racontait plein d'histoires fantastiques où mille et un monstres fantasmagoriques étaient affrontés par de braves sorciers ou sorcières. Il me portait parfois sur son dos en mimant un Norvégien à crête pour mon simple amusement et entrait sans gêne dans mes jeux de petite fille, prenant à la perfection le rôle de monsieur grognon, le compagnon de thé idéal pour une après-midi enneigé. Une fois que j'eu grandi, il était devenu moins enfantin avec moi, mais il était tout de même resté très aimant et plein d'attentions.

Aujourd'hui, je sais que c'était à cause de moi et de ma triste généalogie qu'il nous voyait aussi peu. La seule raison pour laquelle ma mère et moi déménagions tous les trois mois, faisant de moi une peintre de si nombreuses chambres et une nomade revendiquée, c'est qu'elle m'avait volé elle aussi.

Comment lui en vouloir ? Elle avait perdu son bébé depuis à peine un mois lorsque sa tante, Anthéa Lestrange (née Rosier), était arrivée dans sa maison irlandaise avec un bébé de quelques heures dans les bras, lui ordonnant d'en être la nourrice. Devrais-je lui en vouloir de s'être attachée instinctivement à moi, m'apportant l'amour que ma vraie mère ne m'aurait jamais apporté même si mon père l'avait autorisée à me garder ?

Non je ne peux pas.

Je ne peux pas non plus lui en vouloir à elle également. Ma vraie mère. La sorcière Lestrange n'avait pas plus choisi son destin que moi. Elle ne m'avait pas désiré. La seule chose qu'elle voulait c'était lui. Mon père. Elle ne désirait que son amour. L'amour d'un être qui en était incapable.

Comme Nimue avant elle, Lord Voldemort avait volé le cœur de Bellatrix Lestrange et avait fini par la détruire avec. C'est comme cela que je suis née.

Mon père n'avait sans doute aucune intention de me créer. Tout ce qu'il voulait c'était la punir pour quelque chose dont elle n'était même pas responsable. Une mission au ministère qui n'avait pas tourné à son avantage et qui l'avait mis dans une colère noire. Une colère qui, au fil des tortures qu'il avait infligé à ma mère, s'était changé en un puissant désir cruel et pervers de retourner l'amour qu'elle lui portait contre elle, à seul fin de la briser.

Ma mère l'avait supplié. Elle avait hurlé son désaccord. Elle avait pleuré en l'implorant pour qu'il arrête. Elle avait même osé tenter de se débattre, sans se rendre compte que son désespoir face à la situation était justement ce qu'il cherchait. Que c'était ce qui l'avait poussé à continuer son abominable action jusqu'à sa finalité.

Ce n'était ni de l'amour, ni du sexe. C'était de la destruction. Un simple désir d'anéantir ma mère rien de plus…Et ça avait marché. Pendant les mois où elle m'avait porté, ma mère avait été détruite.

C'est un fait. Ma conception n'a pas été joyeuse. Mon développement in utero ne l'avait pas été davantage. À la minute où ma mère avait su que j'étais en elle, elle avait voulu m'arracher au ventre maternel. Comment l'en blâmer… Qui souhaiterait garder un enfant que l'on sait qu'on ne nous permettra jamais de garder ? Et surtout, qui souhaiterait avoir un enfant conçu dans de telles circonstances ? Personne.

Si mon père ne lui avait pas ordonné de me garder dans son ventre, sous peine de tuer sa sœur, unique gardienne du secret de ma naissance à cette époque, je n'aurais jamais foulé cette terre. Peut-être que les choses auraient été plus simples ainsi.

Mais, malgré les souhaits différents de ma mère, j'étais née.

Un jour froid de Janvier 1997, dans le manoir lugubre des Malefoy, j'ai poussé mes premiers cris. Et à peine l'oxygène eut-il imprégné mes faibles poumons, qu'on m'avait éloigné d'elle. Ma mère. Je n'ai jamais connu ses bras, son odeur, sa chaleur… à la place on m'a placé dans le giron de la mère de mon beau-père pour m'envoyer dans un autre pays. Là où ma nourrice s'est attribuée pleinement le rôle de mère, une fois que mes parents aient rejoins le royaume des morts.

J'imagine que les très rares sbires survivants de la guerre qui étaient au courant de mon existence, n'avaient pas été très contents de voir la promesse d'un possible retour de leur maître s'envoler dans les bras de Daphné Rosier. Ce qui explique nos déménagements si fréquents.

Être seule avec ma mère ne m'avait jamais dérangé. J'avais toujours l'impression que c'était elle et moi contre le reste du monde.

Je me souviens qu'à chaque fois qu'on arrivait dans un nouvel endroit, elle m'amenait toujours sur le point le plus haut de la ville pour regarder le ciel étoilé. Elle disait qu'elle avait toujours l'impression d'être à la maison lorsqu'elle se rapprochait des étoiles. Petit à petit, ce sentiment était devenu le mien. Il n'y avait rien de plus beau et de plus terrifiant pour moi que de m'asseoir sur le haut d'un gratte-ciel, d'une colline ou d'un arbre et d'observer la voute céleste scintillante de lumière.

Ma mère et moi avions toujours le sentiment d'être perdues dans l'immensité.

C'est une émotion effrayante, presque vertigineuse, que d'être aussi proche de l'infinité. On a l'impression de n'être rien du tout en comparaison de cette grandeur étoilée.

Je me sentais toute petite à chaque fois que j'observais cette multitude d'étoiles qui peuplent le ciel terrestre. Aussi insignifiante qu'un grain de sable sur une plage gargantuesque. Et pourtant, il n'y a rien sur cette terre qui m'a fait me sentir plus vivante que ces moments de contemplations célestes.

Je suppose que c'est cela que ma mère voulait me transmettre. Une sorte d'humilité et de plénitude face à la beauté de l'univers. C'est en tout cas les leçons que j'en ai tiré. La sorcière Rosier a toujours été un exemple pour moi. Une sorte de guide spirituel qui m'a enseigné toute la complexité du monde. Un monde fait de beauté comme de laideur, de malheur comme de bonheur, de bonté comme de méchanceté…

Daphné Rosier m'aimait. Elle m'aimait autant que les étoiles qu'elle contemplait. C'est peut-être pour cela qu'elle m'a nommé en hommage à la Titanide étoilée. Pour que je sache que je concentrais en moi tout ce qu'elle ressentait lorsqu'elle regardait le ciel nocturne. Un amour infini.

Un amour qui m'a été nécessaire pour me montrer meilleur que mon père et tous ceux qui sont venus avant moi. Sans elle, sans le modèle qu'elle m'a donné, je n'aurai peut-être jamais eu le courage d'accomplir mon destin en répondant à l'appel d'Asylos.

Je me rappelle qu'un jour, lors de notre voyage vers Valadouvre, la cité montagneuse magique hindoue, elle m'avait dit que pour renaître, il fallait sacrifier ce que l'on a été.

Peut-être avait-elle toujours su que c'était mon destin et voulait-elle me préparer. Peut-être que c'est également pour cela que nous avons autant voyagé. Elle devait savoir que mon temps sur terre était probablement compté.

Ma vie a été courte. Pourtant, grâce à elle, j'ai eu la chance de voir plus de choses et d'endroits que peu d'autres humains dans toute leur vie. Lorsque Tisaya était venue jusqu'à moi, enclenchant les évènements qui allaient me mener jusqu'à mon destin, j'avais vu au moins une fois chaque endroit du monde.

Tisaya…

Je n'ai eu que peu de regret face au choix que j'ai dû accomplir. Mais, abandonner l'amour que j'avais pour cette druidesse d'Asylos a sans doute été le plus grand.

Notre amour n'a duré que quelques mois à peine, pourtant il a marqué celle que j'ai été à jamais. Ma magnifique druidesse à la peau brune.

Lors de ma première visite de l'île, Nimue m'avait dit de ne pas laisser l'amour entraver ma voie. Mais comment m'y résoudre ?

Si comme moi vous êtes déjà tombé amoureux, vous devez savoir que l'amour ne se commande pas. Lorsqu'il prend un cœur, on ne peut l'arrêter, le contrôler ou le contraindre. Ma mère me disait souvent que nulle magie ne pouvait égaler ce sentiment dans le monde. Je n'avais pas vraiment compris ce que cela voulait dire à l'époque.

Jusqu'au jour où Tisaya d'Asylos est venue toquer à la porte de notre maison temporaire en Nouvelle-Zélande.

La population d'Asylos est faible. Elle n'est constituée que d'un village d'à peine cent druides (comme ils aiment à s'appeler). On raconte qu'ils se sont extraits du monde il y a des centaines et des centaines d'années dans l'unique but de prendre soin de la source.

Dès le plus jeune âge, chaque druide, ou druidesse, voue sa vie à la préservation de l'île et de son pouvoir. Cependant, malgré cette dévotion, rares furent ceux qui acquirent le statut d'élu de la Dame du Lac. Tisaya m'avait expliqué que c'est le plus grand honneur qui puisse être donné. Répondre aux commandements de l'esprit gardien de la source était l'accomplissement ultime pour les druides.

La mère de Tisaya avait d'ailleurs été tellement fière quand sa fille était revenue sur leur île natale, trainant une jeune fille de 16 ans sur ses talons qui n'avait aucune idée de ce qui était en jeu.

Pourquoi j'avais accepté de suivre Tisaya jusqu'à Asylos ?

Et bien, on dit souvent que la curiosité est un vilain défaut. Cette jeune sorcière, âgée d'à peine quelques mois de plus que moi à l'époque, disait connaître la femme de mes rêves. Elle disait qu'elle m'appelait et qu'elle l'avait envoyée pour me chercher. Je pense qu'à ma place tout le monde aurait été envahi par cette forme de curiosité qui m'a assailli.

Ma mère n'était pas d'accord pour que je parte. Elle disait que c'était de la folie de tout quitter comme ça pour suivre une étrangère dans la poursuite mystérieuse d'un simple rêve. Mais je ne l'ai pas écoutée.

Je ne sais pas pourquoi…Mais, déjà en ce temps-là, je sentais que je devais le faire. Alors j'étais partie dans la douceur d'une nuit de cet été 2013.

Si j'avais su que c'était la dernière fois que je voyais ma mère ce soir-là, je ne l'aurai pas quittée ainsi. J'étais partie comme une voleuse, ne laissant qu'une simple lettre pour apaiser le chagrin de ma disparition.

Peut-être ne valais-je pas mieux que mon père après tout. En le faisant, j'avais volé le cœur de ma mère et l'avait détruit par mon retrait prématuré, comme il l'avait fait.

Je n'avais aucune intention de lui faire du mal bien sûr. À l'époque je pensais que je la reverrai. Que je reviendrai. Je pensais que le destin n'était rien d'autre qu'un mot sans importance et qu'il n'y avait rien de plus facile que de lui échapper.

Je n'étais qu'une jeune fille stupide en vérité.

Aujourd'hui, je sais que je n'aurai jamais pu échapper à mon destin. En suivant Tisaya vers Asylos, j'avais celé mon sort à jamais. Mais, à cette époque, même la druidesse dont je suis tombée amoureuse ne le savait pas.

Elle ne faisait qu'accomplir sa mission en me guidant vers l'île enchantée. Elle n'avait aucune idée de ce que Nimue attendait de moi. Si ça avait été le cas, peut-être que l'amour qui était né au cours de notre long et périlleux périple vers l'île, aurait été différent.

Peut-être n'aurait-elle jamais osé m'aimer ou me déclarer son amour si elle avait su.

Cependant, je ne regrette pas qu'elle l'ait fait. Ce mois passé sur la route d'Asylos avait été merveilleux. Il a peuplé ma courte vie de plus de joie que je n'aurai pu l'imaginer.

Un court moment dans le temps qui n'appartiendra jamais qu'à nous. Et même si ce moment fut bref et qu'il n'est qu'un souvenir à présent, il forme aujourd'hui encore l'éternité de celle que j'ai été.

Je l'aimais tellement.

Lorsque Nimue m'a confessé ce que le monde avait prévu pour moi et que j'avais tenté de fuir pour y échapper, je l'avais suppliée de partir avec moi. Mais Tisaya avait refusé.

« Si Nimue est mourante on doit la sauver ! La Dame du Lac protège la source de la magie ! Et la magie est à l'origine de la vie sur terre ! Si elle disparaît, alors tout disparaîtra avec elle ! »

C'est ce qu'elle m'avait dit afin de rejeter mon projet de quitter l'île pour construire notre propre vie, loin d'ici.

C'était égoïste de ma part de partir, je le savais, même à ce moment-là. Mais j'avais peur.

Au moment où Nimue m'avait révélé le prix que je devais payer pour la trahison de mon père, la terreur m'avait envahie. J'imagine que c'est naturel. Je n'avais que seize ans après tout. Ma vie était devant moi. Au nom de quoi c'était à moi de payer pour les erreurs d'un horrible père que je n'avais jamais connu ?

En ce temps-là, j'estimais que ce n'était pas à moi de porter ce fardeau, bien qu'une petite partie de moi-même savait que c'était faux.

Depuis sa mort, la magie que mon père avait dérobée, coulait dans mes seules veines. Alors, si. C'était précisément à moi que cette tâche était dévolue.

C'était la seule raison pour laquelle j'étais venue au monde. C'était mon destin.

Mais j'étais si jeune…

Avec ma mère, la fuite avait toujours été la solution pour régler tous les problèmes. Alors, je pensais que fuir réglerait ça. Que ça me permettrait d'échapper à mon sort.

J'avais tort.

Fuir ne règle jamais rien.

Nimue m'avait pourtant dit que ça ne changerait pas mon destin. Mais je n'avais pas écouté et, une nuit, j'avais quitté cette île mystique cachée au milieu de l'atlantique par un étrange brouillard que seuls les plus avisés peuvent traverser.

Je croyais avoir gagné la bataille en le faisant. Mais c'était faux.

Nimue était toujours mourante.

La source était toujours en danger.

Tisaya le savait. Voilà pourquoi elle m'avait cherché une deuxième fois. Cette fois-ci, c'est en Angleterre que nos chemins s'étaient croisés à nouveau.

J'avais besoin de réponse. Nimue venait de m'apprendre que tout ce que je pensais sur ma vie était un mensonge. J'avais besoin de savoir si ce que m'avait dit cet esprit mourant était vrai ou non. Bien que j'espérais fortement que tout ceci ne soit qu'une grossière erreur. Lorsque j'avais demandé à la Dame du Lac comment c'était possible que je sois la fille de deux si abjects personnages, Nimue n'avait fait que me répondre ceci :

« Ce sont des ténèbres que naissent parfois les fleurs les plus lumineuses. »

C'était une jolie phrase, j'en convenais parfaitement. Mais ça ne répondait pas à mes questionnements. Ça ne me suffisait pas de savoir que l'obscurité donnait naissance à la lumière aussi bien que la lumière donnait vie à l'obscurité. J'avais besoin de plus que ça.

Alors, faute de pouvoir fuir loin avec Tisaya, j'étais allée jusqu'à la terre de mes ancêtres et j'avais cherché des réponses par moi-même. Un nom, un livre, une statue, un témoignage. N'importe quoi qui pouvait me confirmer que tout ceci était faux. Ce que j'avais trouvé, c'était un monument commémoratif de toutes les victimes que l'homme que Nimue m'avait présenté comme mon père avait faites. Il y en avait tellement… Voir tous ses noms avait fait naître un vertige dans mon cœur. J'avais l'impression d'avoir le sang de toutes ces personnes sur les mains.

Je ne pouvais pas le supporter. J'avais besoin que quelqu'un me dise que je n'étais pas l'enfant d'un tel personnage. Que ses crimes ne coulaient pas dans mon sang. Alors, je m'étais présentée au ministère de la Magie anglais sous un faux nom, en quête d'information sur le lieu où j'étais venue au monde.

Le manoir Malefoy. La réceptionniste avait eu un mouvement de rejet en entendant ce nom, comme s'il était maudit. Pourtant, elle m'avait indiqué l'emplacement du manoir, en me spécifiant que je ne pourrais cependant pas y entrer. Il était protégé par la magie.

Mais je m'en moquais. J'avais besoin de réponse, plus que jamais. Et la femme mourante qui vivait à l'intérieur de ce « manoir » était la seule à pouvoir m'en apporter.

C'est au moment où j'allai pouvoir enfin les avoir, que Tisaya m'avait trouvé. Elle m'avait dit que le témoignage que Narcissa Malefoy me donnerait, n'apaiserait pas ma colère. Et c'était vrai. Entendre cette vieille femme me conter mon histoire, ne m'avait nullement soulagé.

Cela n'avait fait que me plonger encore plus dans la colère et le désespoir.

Je me souviens de la fureur que j'ai ressenti contre ma mère, Daphné. Elle m'avait menti pendant toutes ses années sur tellement de choses ! Comment avait-elle pu me faire ça ? C'était aussi douloureux et rageant que de recevoir un coup de couteau dans les entrailles.

Et Voldemort… Je sentais un immense désespoir à avoir un tel monstre pour père, d'autant plus maintenant que je savais ce qu'il lui avait fait à elle, ma vraie mère. J'avais l'impression que mon crâne allait exploser sous le poids de ma douleur.

Sans Tisaya, je ne sais pas où mon tourment m'aurait mené. La druidesse est restée à mes côtés malgré tout ce qui avait été révélé. Avoir grandi sur une île magique, coupée du monde, avait sans doute aidé à sa relative compréhension. Elle n'avait pas vu le nombre de noms inscrits sur le monument de commémoration. Elle ne savait rien sur le monstre que j'avais pour père.

La seule chose qu'elle savait c'est qu'un jour, bien avant sa naissance ou la mienne, un jeune homme était arrivé sur Asylos après l'avoir longtemps cherchée. Les anciens de sa tribu lui avaient raconté qu'il s'était montré curieux du savoir que cette terre avait à offrir, comme tous ceux qui s'étaient échoués sur cette île avant lui. Ils avaient dit que sa curiosité malsaine et sa quête de pouvoir l'avaient conduit au vol de l'une des choses les plus précieuses de la planète.

L'essence terrestre la plus pure de la terre. La sphère magique la plus puissante de la création, située au sein même de la montagne où le lac originel d'Asylos prend sa source.

Le cœur de la Dame du lac.

Tisaya savait depuis le début que mon père était le responsable et pourtant, elle m'aimait malgré tout. Qu'il ait commis d'autres atrocités, elle s'en moquait bien. Pour elle, il n'y avait que moi qui comptait.

C'est ce qu'elle m'avait dit en me retrouvant sur cette colline où je m'étais perchée en attendant l'arrivée des étoiles, pensant que seul ce spectacle aurait le pouvoir de m'apaiser.

Mais c'était elle qui l'avait fait.

À ce moment-là, je me souviens avoir su. Je savais qu'elle était devenue ma nouvelle immensité. Celle pour qui mes sentiments étaient aussi merveilleux que terrifiants.

J'aurai dû lui dire à cet instant précis, que mon destin ferait de ce moment d'amour que nous avons partagé, le seul et unique que nous aurions.

J'aurai dû lui dire ce que Nimue m'avait dit avant que je ne quitte l'île.

Est-ce que les choses auraient été plus faciles pour elle ou pour moi ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que nous aurions peut-être davantage chéri cet instant.

On ne sait jamais quand les choses vont s'arrêter définitivement. On croit toujours avoir la vie devant soi. On pense que c'est à nous de décider du déroulement du temps alors même que nous n'en avons aucun contrôle. Et, quand enfin on comprend notre erreur, il est trop tard pour profiter des choses que nous avions.

Oui, si seulement j'avais su…Je me serais complètement abandonnée à elle. J'aurai chassé de mon esprit tous les sentiments négatifs qui comprimaient encore mon cœur, pour ne laisser place qu'à cet amour une seule fois consommé.

Malheureusement, ça n'avait pas été le cas. Et, lorsque le soleil avait respecté son cycle éternel dans le ciel, en dressant son aurore sur la terre, j'avais senti l'ultime souffle de Nimue dans tout mon corps, comme une brise chaude qui passe pour laisser place à un vide cosmique et glacial.

Ça m'avait réveillé en sursaut.

Nimue était morte.

Je le sentais au plus profond de mes os, au plus profond de mon cœur. J'avais l'impression qu'une connexion à l'intérieur de moi venait de se couper. J'avais l'impression d'avoir perdu quelque chose.

Et, avant même que Tisaya ne se réveille, j'avais compris ce que cela voulait dire. J'avais compris ce qui allait se passer avant même que mon amante ne commence à perdre ses forces.

Je savais que l'heure était venue. Je devais faire un choix.

Je devais mettre mon amante au courant à présent. Elle devait connaître le prix que je devais payer pour que la magie, l'énergie motrice de la vie sur terre, soit préservée. Pour racheter les fautes de mon père.

Tisaya n'avait pas bien réagi. Elle avait exprimé son refus catégorique. Elle m'avait dit qu'il y avait forcément un autre moyen. Qu'elles pouvaient trouver une solution pour sauver Nimue à la place.

Je l'avais alors faite asseoir, puis, j'avais pris ses douces mains entre les miennes. Je me souviens de cette sensation. Sentir ses doigts sur mes paumes. C'est la plus belle de toutes celles qui m'avaient été donnée de ressentir dans cette vie.

J'aurai souhaité que cette douceur soit la seule chose qui ait existée à ce moment-là. Mais mes souhaits personnels n'avaient plus aucune espèce d'importance à présent. Je le savais. Je le sentais, alors même que j'étais encore à des kilomètres de ma destinée. Je percevais déjà les eaux du lac m'appeler, comme un écho dans mes os.

Je savais qu'aucun pouvoir sur cette terre ne pouvait restaurer le cœur de Nimue. La dame du Lac me l'avait annoncée de la même manière que je l'annonçais à Tisaya. Avec cette étrange vibration dans la voix.

Les paroles de quelqu'un qui sait que son sort est déjà celé.

Mon amante n'avait pas pris ma résignation avec joie. Elle m'avait dit qu'elle n'acceptait pas cette « unique voie ». Elle me répétait qu'on trouverait un autre moyen sur place. Qu'elle ne laisserait pas ça se produire. Elle s'était levée abruptement et un vertige l'avait prise.

Sentir la froideur anormale de son front avait fini de me convaincre de suivre le chemin que mon père et Nimue avait tracé pour moi.

Tisaya m'avait dit que ce n'était rien, mais je savais que ce n'était pas le cas. Je savais que ça avait commencé.

La source suivait sa gardienne dans la mort.

La druidesse m'avait alors mené jusqu'à Asylos, pensant que je l'aiderai à pallier le mal qui frappait désormais toutes les créatures magiques et qui était voué à s'étendre sur toutes les autres si rien n'était fait.

D'une certaine manière, je ne lui avais pas menti. J'avais bien l'intention de pallier au fléau qui se répandait. Mais contrairement à elle, je savais qu'il n'y avait pas d'autres solutions pour sauver la source. Pour sauver le monde. Pour sauver les êtres de la terre.

Pour la sauver elle.

Avant même d'arriver sur l'île, j'avais fait mon choix.

Je ne pouvais pas effacer ce que mon père avait fait à Nimue et à tous ses pauvres gens dont les noms étaient à jamais gravés dans la pierre du monument de Londres. Je ne pouvais pas les ramener à la vie. Mais je pouvais sauver ceux qui leur avait survécu. Préserver tout ce pourquoi ils étaient morts. Je pouvais racheter tout le mal qu'IL avait causé.

Je pouvais et je devais restaurer l'équilibre que mon père avait brisé. C'était mon destin. La seule et unique raison pour laquelle la magie m'avait donné la vie.

Avant même que le bruissement de la source intensifie ses appels, je savais que toutes les solutions que Tisaya tentait déjà de mettre en place dans son esprit, ne fonctionneraient pas. Parce qu'aucun pouvoir sur terre ne pouvait me détourner de cette destinée, pas même un retourneur de temps.

Lorsque trois jours après notre départ, Asylos s'était enfin présentée à nous, Tisaya était très faible, comme malade. La plupart des sorciers et autres créatures magiques étaient dans cet état à travers le monde d'ailleurs.

Plus tard, on avait appelé ce moment de l'histoire : la pandémie mystérieuse. Hormis les druides, personne n'avait jamais su que, sans moi, la « pandémie » aurait pris un tournant bien plus dramatique.

Voir Tisaya dans cet état avait été déjà difficile. Mais voir ses proches souffrir du même mal, avait précipité l'heure de mon destin.

Le moment était venu.

Alors, malgré les protestations de Tisaya, je l'avais mise au lit et avais caressé une dernière fois son visage.

La druidesse m'avait dit qu'elle n'avait pas sommeil, qu'elle devait me sauver. Je lui avais alors souri et je l'avais amoureusement bercé jusqu'à ce qu'elle s'endorme avant de lui faire mes adieux.

« Mon cœur t'a toujours appartenu et il t'appartiendra toujours, Tisaya d'Asylos. »

Voilà les seuls mots que j'avais pu lui dire avant de baiser une dernières fois son front, rendu froid par le mal.

J'aurai voulu lui dire plus. J'aurai voulu lui dire que je l'aimais plus que toutes les étoiles qui m'avaient été données de voir, mais, avec le recul, ce denier baiser l'avait exprimé mieux que tous les mots de monde.

Je l'avais alors laissée là, sur ce baiser, la sachant en sécurité auprès de sa famille. Et c'est ainsi que je m'étais avancée vers mon destin qui palpitait dans mes veines comme un tambour furieux.

Les marches vers la source du lac d'Asylos avaient été les plus difficiles que je n'avais eu à gravir. Je n'avais plus peur cependant. Je connaissais ma destinée à cet instant et je l'avais acceptée.

Le seul moyen de restaurer l'équilibre était de rendre ce qui avait été pris. Il n'y avait pas d'autres solutions pour sauver la source. Pour sauver la vie.

Le cœur de Nimue ne pouvait pas être restitué…

…mais un autre pouvait prendre sa place.

Le mien.

« Je vois que ta lignée s'éteindra avec un sacrifice »

Voilà ce qu'un oracle avait prédit à mon ancêtre Salazar Serpentard. Voilà ce que les moires avaient tissé de mon avenir près d'un millénaire avant ma naissance.

Puis-je dire que mon destin m'appartenait alors ? Tandis que les autres m'avaient imposé, par deux fois, à suivre la voie sinueuse qui me menait à mon sacrifice ?

Peut-être que si j'avais été aussi égoïste que mon père, en voyant que le mal ne m'affectait pas, le choix que j'ai pris, aurait été différent. Mais j'ai pris celui-ci, en toute connaissance de cause.

Et, tandis que je me frayais un passage vers le centre du cratère, vers la source, un sentiment étrange de plénitude m'avait envahi. Exactement comme lorsque je regardais le ciel étoilé.

Je savais que mon existence sous cette forme prenait fin et j'étais prête.

Alors, sans hésiter davantage, je m'étais plongée dans ce bassin, fixant le cratère vide.

Au-dessus de moi, derrière l'étrange édifice vide qui planait dans la cheminée du volcan et qui faisait penser à un gigantesque globe terrestre, le ciel faisait apparaître ses premières étoiles. J'avais reconnu, avec tristesse, la constellation d'Orion briller au-dessus de ma tête. Une étoile avait attiré mon attention. Bellatrix scintillait de mille feux en cette soirée.

Je n'ai jamais connu la femme qui m'avait mise au monde, mais à ce moment-là, j'y avais vu un signe. Celui que je pouvais enfin lâcher prise. Alors, c'est ce que j'avais fait.

En fermant les yeux, une dernière larme avait perlé sur mon visage, allant rejoindre l'eau de la vie dans laquelle je baignais. Puis, j'avais abandonné mon être à la source.

Cette dernière avait alors exercé sur moi son pouvoir, sentant que l'enfant qu'elle avait choisi il y a longtemps, acceptait de se donner pleinement, comme il était dû à toutes les dames qui l'avaient précédée.

La dernière chose dont je me souviens de mon existence terrestre, c'est une lumière. Un faisceau lumineux qui partait de mon cœur pour venir se loger dans le mécanisme de pierre que j'avais prise pour un globe.

Une fois que cette structure fut de nouveau entièrement remplie d'une énergie aussi scintillante que celle d'une étoile, une nouvelle Dame du Lac était née.

Lorsque cela s'était passé, mon esprit et mon corps avaient changé de forme.

La petite sorcière qui aimait regarder les étoiles et qui entretenait un amour éternel pour Tisaya d'Asylos, n'existait plus. Tout mon être avait fusionné avec la source. J'étais une partie d'elle et elle était une partie de moi.

J'étais la Dame du Lac.

Je suis la Dame du Lac.

Je serais toujours la Dame du Lac.

Mon destin est celé à jamais. Pas de passé, pas de présent, pas de futur. Tant que mon cœur brillera sous cette forme dans ce monde, je serai la gardienne et la voix de la source.

Mon essence est liée entièrement à cette île et à son pouvoir originel désormais. Je ne peux plus intervenir dans les affaires des vivants. Je ne peux plus faire partie du monde des vivants. Je ne peux plus exister ou parler qu'à travers la source de la magie et sa volonté. Je ne pourrai jamais plus être autre chose que son émissaire et sa protectrice.

C'est un concept que Tisaya avait eu du mal à comprendre au début. Elle venait tous les jours à la source et tentait de lui parler à elle. La fille que j'avais été.

Elle ne comprenait pas que cette sorcière n'existait plus à présent. Mais je pouvais sentir dans son essence magique qu'elle n'était pas prête à recevoir cette vérité. Alors je n'avais pas répondu à ses appels.

Il fallait qu'elle comprenne toute seule que la femme qu'elle avait tant aimée, s'en était allée pour toujours et qu'elle ne reviendrait jamais.

Cela avait pris longtemps. Très longtemps. Des années à dire vrai.

Elle avait commencé par s'installer en Angleterre cinq ans après tous ces évènements. Je crois qu'elle n'arrivait plus à supporter la proximité de la source. Ça ne faisait que lui rappeler pourquoi je n'étais plus là. Alors, elle avait quitté Asylos et était partie là où s'était passée notre seule nuit d'amour. Le pays qui m'avait vu naître.

Cependant, ce voyage n'avait pas apaisé sa douleur, au contraire. Elle avait arrêté d'utiliser la magie et s'était mise à se droguer avec une potion illicite qui faisait ravage depuis quelques années dans la population magique : l'animium. Je comprends ce qui l'attirait tant dans cette petite potion. Il suffisait d'une petite dose pour que les hallucinations de votre choix se matérialisent quelques minutes sous vos yeux.

Tisaya ne voyait que moi. Que mon souvenir.

La seule chose qu'elle voulait c'était plus de temps avec moi. Alors, elle avait passé ses journées enfermée dans un petit appartement miteux à augmenter toujours plus les doses d'animium pendant quatre ans. Pour essayer de ramener à la vie le souvenir qu'elle avait de moi.

C'est avec l'aide d'un certain James Sirius Potter que les choses avaient changé. Elle l'avait rencontré alors qu'elle se fournissait en drogue auprès d'un petit dealer de quartier. Le jeune homme, diplômé de Poudlard depuis à peine un an, était en stage au département de la justice magique (au service des usages abusifs de la magie plus précisément) en ce temps-là. Lui et son mentor avait fait une perquisition au moment où elle était là et le jeune James avait été chargé de l'arrêter lorsqu'elle s'était enfuie en courant. Il avait fini par la laisser partir cependant, avec juste une amende pour consommation de potion interdite et délit de fuite à payer.

S'il n'avait pas été touché par sa visible détresse psychologique, je ne sais pas si Tisaya aurait pu s'en sortir. Il l'avait retrouvée, prétextant que son payement d'amende n'était pas arrivé ( alors que c'était le cas), puis, il l'avait aidée à laisser de côté le souvenir à laquelle elle s'accrochait désespérément.

Cela avait pris plusieurs mois. Ce garçon ne pouvait pas comprendre ce que l'ancienne druidesse ressentait après tout. Comment l'aurait-il pu ? Lui qui ne savait pas même ce qu'était l'amour, comment pouvait-il savoir ce que ça fait que de perdre le GRAND amour de sa vie ?

Il ne pouvait pas comprendre ce qu'on peut ressentir lorsqu'on était privé de la moitié de son être. Il ne pouvait pas concevoir que mon amante se sentait comme privée de son oxygène.

Tisaya suffoquait et aucun des mots qu'il avait pu lui donner n'avait pu soulager le mal qu'elle ressentait à l'absence de son âme-sœur.

Cependant, le temps et sa présence constante à ses côtés, avaient fait le reste. Par sa seule présence physique, Il avait fini par se rendre indispensable à la jeune femme, comme un respirateur artificiel ou une bouée de sauvetage dans un naufrage.

Finalement, Il avait fini par attraper ce qu'il restait de son cœur en miette et, trois ans plus tard, ils s'étaient mariés. L'année d'après un petit Arthur Potter était né. L'année encore d'après ce fut le tour d'une petite fille.

Une petite fille à qui Tisaya avait donné mon prénom, dans un hommage lancinant à sa perte.

L'ancienne druidesse avait été une femme relativement heureuse par la suite. Cependant, même après avoir construit une vie merveilleuse avec son mari et ses enfants, elle ne s'était jamais vraiment complètement remise de la perte brutale de l'amour de sa vie.

Jamais.

C'est une partie d'elle-même qui était restée blessée à jamais, malgré le sparadrap que James Sirius Potter avait posé sur la plaie.

Le deuil est une phase difficile pour les êtres cognitifs.

Quand j'étais humaine, c'est un sentiment que je n'avais jamais connu. Et pourtant, encore aujourd'hui, il fait partie des sentiments que je perçois quotidiennement. Je l'ai senti déchiré le cœur de mon ancienne amante toute sa vie. Je l'ai vu ravagé ma mère jusqu'à la précipiter prématurément dans la mort. Je l'ai entendu dans les sanglots de mon oncle Félix lorsqu'il regardait une photo de nous deux, prise il y a longtemps. Je l'ai aussi bien perçu chez la jeune femme qu'on a fait passer pour moi en Angleterre, Delphini, que chez l'homme qui a défait le père qu'elle pensait pleurer. Je l'ai ressenti chez une orque qui venait de perdre sa fille. Chez une éléphante qui venait de perdre sa mère. Chez un Botruc qu'on avait privé de son arbre. Chez un vieil elfe de maison qu'on avait privé de sa maîtresse. Je le sens chez tous ceux qui ont perdu des êtres qu'ils aimaient.

C'est une sensation étrange, que d'être connectée à tous les êtres de ce monde. Je ressens continuellement la balance de la vie et de la mort, de la joie et de la peine, de la lumière et de l'obscurité, chez chaque être vivant qui peuple ce monde.

Un humain ne pourrait le supporter. Mais je ne suis plus humaine. Je suis un esprit gardien. Un être en dehors de l'espace et du temps qui a abandonné toute trace d'individualité. Je garde la balance fragile qui façonne ce monde. Je protège l'équilibre naturelle de la vie que ma mère, la magie, a créé.

Tel est mon but. Telle est ma seule destinée.

Je ressens tous les enfants de ma mère en moi. Je ressens tout. Jusqu'au plus petit organisme du monde.

Cependant, même si mon corps et mon esprit ont cessé d'exister sous leur ancienne forme, je sais qui j'ai été jadis. Je me souviens d'elle. Je me rappelle ce que ça faisait d'être la fille torturée par un destin plus grand qu'elle.

Mais malgré ces souvenirs qui resteront présents dans ma mémoire à jamais, je ne suis plus cette fille.

Je ne suis plus une sorcière. Je ne suis plus la fille de Lord Voldemort et de Bellatrix Lestrange. Je ne suis plus l'enfant que Daphné Rosier a élevé comme le sien. Je ne suis plus la nièce que Felix faisait sautiller sur son dos. Je ne suis plus cette jeune fille qui dessinait ses rêves sur les murs de ses anciennes chambres. Je ne suis plus cette jeune femme qui aimait regarder la voute céleste. Je ne suis plus l'amante de Tisaya d'Asylos.

Je suis Astria, la dame du Lac.