Disclaimer : Riviera est l'oeuvre de Neil Jordan.

Résumé : Irina n'a jamais su quand s'arrêter. Et au bout d'un moment, Christos finit par lui dire ses quatre vérités.

Note de l'auteur : Cet OS répond au défi calendrier de prompt de la page Facebook « Bibliothèque de Fictions » qui dure pendant tout le mois d'avril. 4 avril : Ecrire une scène de dispute

Une soupape qui saute

Christos serre les dents et Adriana voit sa mâchoire crispée. Elle connaît assez son frère pour savoir que la colère lui monte au nez et elle ne tient pas à être là quand ça va exploser. Ce qui est étonnant, c'est que leur mère ne le remarque pas. Soit elle ignore les signes, ce qui est triste venant d'une mère à propos de son enfant, soit elle s'en fiche, ce qui est pire. Il l'évite depuis presque deux semaines, se montre poli mais c'est tout. Il met une distance entre eux et la jeune fille sait pourquoi. Il a besoin de temps de panser les blessures de son cœur, des blessures qu'Irina a en partie causées mais qu'elle refuse de reconnaître.

- J'ai entendu dire que le glacier près de la plage a un nouveau parfum. J'ai bien envie de l'essayer. Tu veux venir avec moi, Christos ? Tente-t-elle

Son aîné la regarde et il semble comprendre la manœuvre. Il acquiesce, ferme son ordinateur portable et se lève pour prendre ses clés.

- Tu me fuis ? Lance Irina. Tu es obligé de te cacher derrière ta petite sœur, c'est pitoyable.

- Peut-être que si tu apprenais à me laisser tranquille, je n'aurais pas à sauter sur la moindre occasion d'éviter un énième drama. Rétorque Christos sans la regarder, enfilant sa veste.

- Te laisser tranquille ? Oh mais si tu veux, je te laisse tranquille. On verra qui appellera l'autre quand il y aura un souci à régler ! Mais bon, si ça t'amuse de croire que tu es capable de te débrouiller sans moi !

Ada voit combien la pique blesse Christos qui prend sur lui pour ne pas s'emporter.

- On te rapporte une glace, Maman ? Essaye-t-elle à nouveau pour apaiser les esprits

- Non merci, ma chérie. Lui répond-t-elle. Mais s'il te plaît, ne te mêle pas de ça. C'est entre ton frère et moi.

Adriana veut répliquer mais Christos lui fait comprendre que ce n'est pas la peine.

- Ada, demande à Georgina si elle veut quelque chose, s'il te plaît. Il me semble qu'elle n'a jamais goûté aux glaces de Jacques.

L'adolescente comprend le sous-entendu de son frère. Elle acquiesce, dit « à tout à l'heure » à sa mère et part.

- Bon, maintenant qu'on est seuls, tu peux me sortir tout ce que j'ai encore fait de travers ? Que je puisse partir. Déclare-t-il, amer.

- C'est un comble ! Je rêve ! C'est toi qui oses m'en vouloir ?! Je te rappelle que c'est toi qui m'évites comme la peste ! Tu ne réponds ni à mes appels ni à mes messages, tu ne viens plus à la maison, si je veux te voir, c'est limite si je dois prendre rendez-vous !

Le jeune homme a un rire désabusé.

- Si je ne réponds pas, c'est peut-être parce que je suis occupé, non ? J'ai une banque à diriger.

- J'aimerais éviter de parler à ton dos.

Christos se retourne et Irina ne peut s'empêcher de sursauter. Il y a dans les prunelles brunes de son fils une haine, une rage, qu'elle ne lui a jamais vues. Il est évident qu'il se contient pour ne pas dire des choses qu'il regretterait, pour rester respectueux envers elle qui l'a mis au monde. Mais elle ne se démonte pas.

- Oui, tu as une banque à diriger. Grâce à ton père. Grâce à moi ! Je te rappelle que tu ne serais pas là où tu es sans moi ! Tu serais sans doute encore caché dans cette chambre forte à te piquer ! Si tu m'en veux encore à cause de cette fille...

- Ne va pas sur ce terrain-là.

- Pourquoi ? Mais enfin, Christos ! Ouvre les yeux, elle n'était pas faite pour toi ! Tu pensais l'aimer mais elle n'était qu'une béquille !

- Okay. Tu veux vraiment savoir pourquoi je t'ignore ?

Elle soutient son regard.

- Parce que si je ne le fais pas, j'ai peur de t'en mettre une.

La nouvelle la frappe en plein visage et la rend muette.

- Je ne pense pas aimer Fatima. Je l'aime. Et oui, même si elle avait pu faire sa déposition sans encombre, elle serait sans doute repartie en Syrie. J'aurais dû lui dire au revoir. J'y étais préparé. C'est étrange comment elle était assez bien pour moi quand elle me soutenait à la clinique mais qu'elle ne l'a plus été du moment où tu as su qu'elle était une prostituée.

Irina veut répliquer mais Christos la coupe :

- Une prostituée de Negrescu. Reprend-t-il, sa voix s'élevant de plus en plus. Et tu le savais ! Donc tu savais aussi qu'elle ne l'était pas de son plein gré et que ce gros porc l'a « testée » avant de la droguer et de la forcer à se vendre ! Bordel, il a fait tuer sa sœur ! Il a voulu la tuer parce qu'elle a voulu parler et s'en sortir ! Elle s'est mise en danger pour venir vous prévenir que les amis russes de Papa m'ont enlevé ! Et toi, qu'est-ce que tu fais ? Tu la balances à ce salaud !

- J'ai sauvé Fatima ! Rétorque sa mère. J'ai appelé la police avant de prévenir cet homme !

- Ouais... Et tu as un peu oublié de nous le dire, à Fatima et à moi. Les principaux concernés. Et après, tu as le culot de me reprocher de ne pas avoir compris ton plan ! De mon point de vue, je t'avais confié un secret, je t'avais demandé de le garder et tu m'as trahi ! Et si jamais ton plan n'avait pas marché, hein ?! Tu y as pensé à ça ?! Pour l'amour du ciel, Ada a tenté de les arrêter ! Ada ! A dix-sept ans ! Elle aurait pu être blessée ! Negrescu aurait pu attraper Fatima et la tuer dans la maison au lieu de sortir pour fuir ! Tu as mis en danger ma petite sœur et la seule amie sincère que j'avais en cette vie ! Et ne me dis pas que c'était pour la sauver ! Tu n'en as rien à foutre de Fatima, tu me l'as assez répété ! Tu l'as fait parce que Negrescu est devenu un problème à régler pour toi ! Et parce que tu t'es tellement occupé de mon cul que tu crois pouvoir en faire de même pour mes couilles ! Alors oui, je t'évite. Je t'évite parce que dès que je te vois, je me rappelle que tu m'as trahi ! Que tu m'as traité en gamin alors que tu clames m'avoir toujours traité en adulte ! Que tu as mis en danger des gens qui me sont chers ! Parce que tu m'as bien fait comprendre que je ne peux pas compter sur toi. Si tu fais quelque chose, ce n'est pas pour m'aider mais pour te glorifier. Je ne suis pas ton fils, je suis ton putain de faire-valoir. Donc oui, si je n'ai pas envie de te parler en ce moment, c'est parce que j'ai juste besoin d'air. De digérer. Mais même ça, je n'en ai pas le droit apparemment.

- Christos... je suis ta mère... tu me dois le respect.

- Encore faudrait-il le mériter. Ca va dans les deux sens. Et j'en ai assez de donner sans jamais recevoir.

Le jeune homme tourne les talons, récupère son téléphone et son porte-feuille avant de rejoindre sa petite sœur. Adriana discute avec Georgina dans l'entrée. Si elles ont entendu la dispute, elles font mine qu'il n'en est rien. Mais quand elle voit l'expression de son frère, Ada s'inquiète.

- Christos, ça va ?

Il ouvre la bouche mais il n'y a qu'un sanglot qui en sort. Il ne se rend même pas compte qu'il pleure. L'adolescente l'enlace et sa belle-mère lui frotte gentiment le bras.

- Et si je vous l'offrais, cette glace ? Demande maladroitement Georgina

- On a quelque chose à fêter ? Répond-il

- Eh bien, ça fait un mois que tu es clean. Pour moi, ça se fête.

Oui, c'est terriblement gauche mais il apprécie l'effort.

Et puis, quoi de mieux qu'une bonne crème glacée quand on est secoué émotionnellement ?

FIN