La jeune femme coupa le contact et fit la moue en regardant à travers son pare-brise. Depuis quelques jours, le climat alternait entre rafales de vent et pluie diluvienne. Autant dire qu'elle n'avait pas vu le soleil depuis un petit moment.
Elle se glissa dans sa veste et partit au pas de course vers l'entrée à l'arrière du magasin, verrouillant sa voiture par-dessus son épaule. Puis, le garde de sécurité mettant plus d'une minute à venir lui ouvrir, elle finit tout de même trempée jusqu'aux os avant d'avoir pu se mettre au chaud.
- Et ton masque ? Demanda l'agent de sécurité en la voyant entrer.
Pour toute réponse, elle plongea sa main dans son sac et la ressortit en dressant son majeur.
- Charmant..., marmonna-t-il.
- T'avais qu'à ouvrir plus vite, répliqua-t-elle en contournant le colosse de presque deux mètres pour aller dans les vestiaires.
Elle suspendit tout d'abord sa veste au porte-manteau pour la laisser sécher, puis s'essuya le visage dans son pull kangourou, avant de le mettre sur un cintre et le remplacer par le gilet portant le logo du magasin. Elle attrapa un masque propre au fond de son casier et alla travailler, juste avant l'heure à laquelle elle devait commencer.
- Salut, lança un manager en la voyant arriver et en tendant son poing pour checker. T'as un arrivage de bâtard.
- Yay. Il était temps. On est que le 26 décembre, lança-t-elle avec ironie.
- Pourquoi nous envoyer la came pour Noël quand on peut nous l'envoyer juste après !
Elle lâcha un rire jaune et se mit à allumer ses ordinateurs, lançant la musique à pleine balle. S'occupant de la section Audio du magasin, elle était chargée de mettre de l'ambiance et, avant l'ouverture, elle s'amusait à diffuser de la musique punchy. Pour "motiver les troupes", aimait-elle à dire. Et c'est au son de la Motown qu'elle commença à vider ses caisses.
Dans le commerce, il y a des dates qu'on sait à l'avance comment ça va se passer. On sait que pour le Black Friday, on sera à court de bras. On sait qu'en Février, en dehors des vacances scolaires, on va bâiller aux corneilles. On sait aussi qu'un 26 décembre, c'est pénible. Il y a beaucoup de monde, et les gens ne comprennent pas qu'on n'ait plus tel ou tel produit, comme si on les avait attendus avant de se faire dévaliser. Et avec la fatigue cumulée depuis un mois, on a tendance à être à fleur de peau. La preuve, le matin-même avec l'agent de sécurité.
Il y a donc certains moments de la journée qui sont sacrés et qu'on attend avec impatience. Comme la pause déjeuner. Ou la pause de l'après-midi. Ou la pause clope. En bref, tout ce qui commence par le mot "pause". Et être dérangé en période de Noël pendant sa pause déjeuner, est assez mal reçu. Alors quand la jeune femme leva les yeux de son café et qu'elle vit la tête de son collègue se glisser dans la pièce, elle fit immédiatement la moue.
- Désolé de te déranger... commença-t-il. Y'a un Asiat' qui parle pas français...
- Je parle pas l'Asiat', fit-elle remarquer en buvant un gorgée de sa boisson chaude.
- Je crois qu'il parle Anglais. Et le mien est rouillé.
Finissant son café, elle jeta son gobelet à la poubelle avant de remettre son masque et de suivre son collègue qui la remerciait infiniment et s'excusait encore. Elle fit un vague geste de la main pour lui dire de laisser tomber et retourna sur la surface, toujours emmitouflée dans son gros pull à capuche doublé de moumoute.
La première chose qu'elle vit, ce fut ses cheveux décolorés cachés sous une casquette. Les côtés de sa tête étaient tondus et laissaient deviner leur couleur originelle, qui était châtain foncé. Il était plutôt grand et portait un blue jean, des Converse, et une veste en cuir par-dessus un tee-shirt. "Ce type est pas humain" se dit-elle en réprimant un frisson, et elle remontait sa fermeture éclair alors qu'il se tournait vers eux. De sa main droite, il tenait son bras gauche, et elle devinait une attèle qui sortait de sa manche.
- J'espère que je ne vous dérange pas, commença-t-il en guise de bonjour.
En un éclair de seconde, le collègue avait disparu pour la laisser toute seule. "Traitre !" La plus grande partie de son visage était cachée par un masque en tissu noir, et elle ne pouvait voir que ses yeux bridés qui la scrutaient. Son Anglais était parfait, et elle décelait peut-être un accent américain.
- Aucun souci. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?
Il balança son poids sur sa jambe gauche, puis droite, puis se stabilisa, alors que ses yeux se plissaient encore plus sous l'effet d'un sourire.
- Je voyage pas mal pour le travail, et quand je vais dans un nouvel endroit, j'aime découvrir la musique locale. Alors je me disais que vous pourriez peut-être me conseiller quelque chose. Pas forcément très traditionnel, mais plutôt un truc relativement moderne que des gens de notre âge pourraient écouter, expliqua-t-il en faisant un geste qui les englobait tous les deux.
- Hum... Alors la musique locale a de grosses influences celtiques, comme on peut retrouver aussi dans la musique Irlandaise ou Britannique. Il y a du trad, mais il y a aussi pas mal de rock qui serait peut-être plus ce que vous cherchez, lança-t-elle en mettant le mode vendeuse ON et en dirigeant le client vers le rayon en question. On a dû condamner nos bornes d'écoutes à cause du covid, mais... je vais vous faire écouter sur mon portable, dit-elle en le sortant de sa poche pour lancer Spotify.
- C'est très gentil, sourit-il encore, et ses yeux disparurent sous ses paupières.
Ils écoutèrent la musique pendant une dizaine de minutes, alors que l'homme se concentrait, marquait le rythme en tapant du pied, ou refusait avec un "No" catégorique. En fin de compte, il avait réduit le choix à trois albums, dans trois styles différents, et il remercia la vendeuse en courbant légèrement l'échine d'une façon très asiatique.
- Alors, vous partez où avec tout ça ? Lui demanda-t-elle le montrant les CD du doigt.
- Ca repart en Corée du Sud. Je ne suis là que pour quelques jours. J'aurais bien aimé pouvoir aller à des concerts, mais...
- M'en parlez pas, les festivals, les voyages, les restos, les cinémas... Vivement que ce soit fini.
- Absolument. Eh bien, je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Merci beaucoup pour vos conseils, et je vous souhaite de très belles fêtes.
Il fit un pas comme pour s'éloigner, puis se tourna à nouveau vers elle.
- Namjoon, dit-il en lâchant son bras gauche pour poser sa main droite sur son torse.
- Katell, sourit-elle à son tour alors qu'il s'éloignait d'une démarche irrégulière.
Quittant une boutique de produits animaliers bio, la vendeuse pesta encore une fois contre le climat et ouvrit son parapluie, alors qu'elle maudissait son chien tout bas. Monsieur, qui descendait d'une longue lignée de pures races et de lauréats de concours canins, était très difficile avec la nourriture, et les seules croquettes qui trouvaient grâce à ses yeux venaient d'un magasin du centre-ville et coûtaient une fortune. Elle sortit un sac plastique de sa besace et y glissa le sachet de croquettes. Les emballages en papier biodégradables étaient bien mignons, mais avec le déluge qui tombait sur la ville, il ne survivrait pas jusqu'à la voiture. Serrant sa précieuse cargaison contre elle, elle s'engagea dans la rue piétonne en direction du parking.
Elle n'avait fait que quelques pas lorsqu'elle vit que les gens s'écartaient à l'approche d'un homme dans la rue, qui tentait d'attirer l'attention des passants. Il portait une doudoune et un bonnet en laine, alors que ses cheveux trempés collaient à son visage. Il n'était pas bien grand, et n'avait pas l'air menaçant, mais le voir gesticuler dans tous les sens ne donnait pas aux gens l'envie de s'en approcher. Katell se dit qu'elle allait faire comme tout le monde, plonger sa tête dans le col de sa veste, et marcher tout droit. Cependant, lorsqu'elle passa à sa hauteur, elle entendit sa voix lâcher un "help me, please" d'un ton las, et ne put s'empêcher de lever les yeux vers lui. "Merde, contact visuel", se dit-elle alors que l'homme se ruait vers elle, s'arrêtant à la lisière de son parapluie, comme s'il ne voulait pas envahir son espace personnel.
- S'il vous plait, juste une question, commença-t-il en joignant ses mains comme pour prier, avant de passer sa paume sur son visage pour en écarter ses cheveux, dévoilant une paire d'yeux bridés.
"Décidément, je suis entourée d'Asiatiques aujourd'hui".
- J'ai besoin de prendre un taxi, ajouta-t-il avec un accent relativement marqué. Ca fait au moins une heure que je tourne et j'en ai pas vu un seul. Est-ce que vous pourriez me dire où il y a une station ?
- Un taxi ? Pour aller où ?
Il haussa un sourcil, comme s'il se demandait s'il devait répondre à la question.
- C'est pour aller quelque part dans Vannes ? Précisa la femme alors que le jeune homme avait l'air de saisir.
- Non, c'est plus loin, à environ un quart d'heure d'ici, il me semble.
- Alors, déjà, vous allez jamais trouver de taxi dans la rue, ici, il faut les appeler. Et puis ça va vous coûter une fortune d'aller aussi loin.
Il cligna des yeux deux fois, puis allait répondre lorsqu'une voix l'interpella.
- Yoongi !
La jeune femme se tourna vers le nouvel arrivant, et son interlocuteur en profita pour se glisser sous le parapluie, ni vu ni connu. L'autre homme, qui avançait aussi rapidement que sa claudication le lui permettait, se cachait le visage d'une main pour se protéger de la pluie, et lorsqu'il leva les yeux, il s'arrêta net.
- Oh ! Katell ! S'exclama-t-il avant de sourire sous son masque désormais trempé.
- Hey... désolée, je me souviens pas de votre nom, s'excusa-t-elle en tendant son parapluie vers lui, laissant Yoongi encore une fois à découvert.
- Namjoon, répondit-il, l'air pas gêné du tout. Vous avez rencontré Yoongi ?
- Par hasard, il me disait qu'il cherchait un taxi.
Le premier intéressé les regarda discuter comme un match de ping pong, et s'avança pour se mettre sous le parapluie avec eux. La vendeuse, pour sa part, lança un regard circulaire avant de leur faire signe de la suivre, et s'engagea dans une ruelle, alors que Namjoon suivait, pas dérangé le moins du monde par la pluie, et que Yoongi longeait les murs pour se protéger au mieux. Ils se trouvèrent vite sous un échafaudage, devant un vieil immeuble en rénovation, et Katell posa son parapluie à terre avant de se hisser pour s'asseoir sur une barre transversale.
- Bon, expliquez-moi.
- Yoongi, un autre ami et moi, on est venus passer le nouvel an ici. On a loué une maison sur Airbnb, mais on ne pouvait se présenter qu'à partir de 18h, alors en attendant, on a mis nos valises à la consigne de la gare et chacun est parti se balader de son côté. On devait se retrouver à 17h là où vous nous avez trouvés.
Pour toute participation à la conversation, Yoongi enleva son bonnet, l'essora, puis le remit sur sa tête.
- Comme j'expliquais à votre ami, les taxis ne sont pas chose courante ici, vous n'allez pas en trouver dans la rue. Il faut les appeler pour qu'ils viennent. A la rigueur, il y a des cars, mais tout dépend d'où vous allez.
- Hum... l'endroit s'appelle... chercha-t-il sur son portable avant de tourner l'écran vers elle. Trédion.
- Trédion ?! S'exclama-t-elle d'un ton si surpris, que même Yoongi écarquilla les yeux. Mais c'est pas du tout à un quart d'heure, c'est plus du double ! Et je pense même pas qu'il y ait de car pour y aller !
Les Coréens se regardèrent, commençant à s'inquiéter, alors que la vendeuse se grattait l'arrière du crâne avant de descendre de son perchoir.
- Bon, appelez votre copain, je vais vous emmener.
- On veut vraiment pas vous déranger, secoua la tête Namjoon en levant sa main valide.
- C'est bon, je vais dans cette direction-là. Mais on tarde pas, faites venir votre troisième comparse, on fait un saut par la gare et on y va.
- Vous êtes la meilleure, lança son client en dressant son pouce, alors que son ami se dépêchait de passer un coup de fil en coréen avant qu'elle ne change d'avis.
Ils se dirigèrent vers le point de rencontre que les garçons avaient décidé puis, dès que le troisième arriva, ils partirent vers le parking sous-terrain où la jeune femme avait garé sa voiture. La plupart des véhicules étaient gris, noirs ou parfois blancs, alors la Seat Cordoba se voyait de loin avec sa carrosserie bleu électrique. La jeune femme secoua son parapluie pour le débarrasser des gouttelettes d'eau et le fourra dans son coffre sans ménagement, avant d'y mettre aussi son sac de croquettes et de les caler contre le côté en prévision des valises qui allaient arriver. Se glissant derrière le volant, Namjoon prit d'office la place du mort, alors que Yoongi et le nouveau, qui avait l'air d'être le plus jeune, s'installait à côté de lui.
Le nouvel arrivant, qui avait gardé le silence jusque-là, fit un coucou des deux mains en regardant dans le rétro, et elle devina un large sourire sous son masque coloré. Alors elle se tourna dans le véhicule et enleva son masque.
- Bonjour, le nouveau. Moi c'est Katell, je suis votre taxi aujourd'hui.
- Oh, vraiment ? Vos chauffeurs de taxi récupèrent les passagers dans la rue ? Lança-t-il surpris.
- Aish... lâcha Namjoon en se tournant à son tour alors que Yoongi plaquait une main sur son visage. Bien sûr que non. Katell nous rend service, il n'y a pas de taxis ici. Elle va nous déposer au Airbnb parce que c'est sur sa route.
- Ohhhhhh, je comprends, écarquilla-t-il les yeux. Vous êtes un Uber.
- Mais non, marmonna Yoongi. C'est pas son boulot. Elle nous rend juste service.
La jeune femme posa sa main sur sa bouche pour cacher le sourire qu'elle n'arrivait pas à réprimer. "Toi, se dit-elle, t'es mon préféré des trois".
- J'ai rencontré Namjoon cet après-midi, on a discuté. Je suis tombée sur Yoongi par hasard tout à l'heure. Vous êtes dans la dèche, je vous dépanne, expliqua-t-elle de façon claire et succincte.
- Je comprends mieux. Jeon Jungkook, se présenta-t-il en courbant l'échine en signe de respect. Mais vous pouvez m'appeler Kookie !
La tentation fut trop grande et elle lâcha un bref éclat de rire alors que les deux autres Coréens n'avaient pas l'air surpris le moins du monde par leur ami.
- Vous pouvez enlever vos masques, les gars, lança-t-elle en bouclant sa ceinture avant de mettre le contact. Et les ceintures sont obligatoires.
Les trois hommes obéirent et glissèrent leurs masques en tissu dans leurs poches alors que Katell quittait la place de parking et roulait lentement dans le sous-terrain. Elle allait prendre la rampe de sortie lorsque son regard se posa sur Jungkook, puis sur Yoongi, et finit sur Namjoon, dont elle découvrait les visages. Et le coup de frein qu'elle mit les aurait tous fait s'écraser contre les sièges de devant ou le tableau de bord s'ils n'avaient pas déjà mis leurs ceintures. Elle se tourna vers Jungkook, puis regarda Yoongi dans son rétro, puis Namjoon qui se frottait le torse, puis Yoongi qui remettait son masque, Jungkook qui recoiffait une mèche, puis Namjoon, qui la fixait en attendant qu'elle réagisse.
- Vous seriez pas... les BTS ?
A peine ces mots-là sortirent de sa bouche, qu'elle se sentit stupide. D'un côté, elle se dit que pour elle, tous les Asiatiques se ressemblaient, et sa seconde voix lui cria "raciste !". Elle fut interrompue dans ses pensées par la tête de Jungkook qui se glissait entre les sièges avant.
- Tu connais ? Moi, je suis Jungkook, le maknae. Je suis le plus jeune de la bande ! J'ai 23 ans.
Elle le fixa dans les yeux pendant une longue seconde avant de se tourner vers son volant, et de remettre la première.
- Je peux pas digérer ça maintenant, on en reparlera tout à l'heure. On va à la gare chercher vos affaires. Et BTS ou pas, si quelqu'un change ma musique, il descend de ma caisse.
- Bien reçu, répondit Namjoon, le leader du groupe, épaté par le stoïcisme avec lequel elle avait reçu la nouvelle.
[NDA]
Bonsoir, bonsoir!
Bon, alors pour commencer, je ne suis pas une ARMY. Je précise, au cas où vous trouveriez des incohérences. J'aime bien certains de leurs titres, je les trouve intéressants, mais honnêtement, quand j'ai commencé à écrire, je savais même pas qui était qui. J'aime juste écrire sur tout et n'importe quoi, et ces gars-là m'ont inspirée.
J'ai depuis fait mes devoirs et me suis renseignée sur les membres et tenté de créer des personnages qui collent un peu à la réalité, ou du moins à ce que j'en ai vu.
Par ailleurs, j'ai une vie, et pas forcément le temps d'écrire tous les jours, alors je posterai les chapitres quand je pourrai.
Soyez indulgents :D
Shai
