HELLO! déjà le deuxième jour de la erejean week et j'ai failli oublier haha trop drôle

J'espère que vous allez toujours trop bien et que les annonces de ce soir vous ont pas mis mal. Les thèmes sont Hurt/Comfort et Roomates, que j'ai ABSOLUMENT combinés cette fois pas de triche.

TW! ils sont assez légers je précise, mais quand même : mentions de sang/indices de dépression et kind of self-harm? mais pas vraiment. Je donne l'explication en note de fin pour ceux que ça inquiète.

Les mêmes remerciements que hier franchement i love yall so much, also CATHARSIS best girl a écrit des OS aussi SO !

Je sais pas trop quoi penser de celui-là mais bon HERE WE GO

Lorde - Liability & Liability(Reprise) (et vraiment je conseille franchement la première en même temps)

enjoyyy


The truth is, I am a toy that people enjoy

Till all of the tricks don't work anymore


Jean n'avait pas l'habitude de s'inquiéter. Même lors de son grand déménagement vers la ville, il n'avait pas exprimé d'angoisses importantes. Certes, le fait que la plupart de ses amis le suivent avait dû jouer, mais il se targuait tout de même de pouvoir affronter n'importe quel retournement de situation sans cligner des yeux.

Bien sûr, « n'importe quel retournement de situation » n'impliquait pas et n'aurait jamais dû impliquer Eren Jaeger.

Se mettre en colocation avec ce dernier lui avait paru naturel : ils avaient appris à se supporter à coups de poings et d'efforts, et s'étaient tous les deux inscrits sur le même campus. Même si leurs cursus n'étaient pas les mêmes, ils avaient des cours en commun et des horaires qui se ressemblaient un minimum, alors quand Armin leur avait exposé l'idée et qu'Eren n'avait pas hurlé à la mort en l'entendant, Jean s'était laissé convaincre que c'était une bonne option – à défaut d'être excellente.

Il n'avait pas prévu, en revanche, toutes les complications que cette cohabitation avait entraînées, et parmi ces dernières une attirance massive pour la personne d'Eren qui pourtant, ne méritait pas le quart de son attention. Mais à force de se sentir crever comme un ballon en mauvais état dès que le brun passait la porte ou d'avoir envie de le faire rire, Jean avait dû se rendre à l'évidence : Eren lui plaisait. Beaucoup. Tellement que parfois, parfois le soir quand il voyait la lumière dépasser de la porte de sa chambre ou qu'il entendait les notes de guitare s'en échapper, il mourait d'envie d'aller le voir, rien que pour l'embrasser et peut-être lui dire tous les mots interdits qu'il avait appris à supprimer de son vocabulaire.

Mais Jean était Jean, et il se contentait de tourner les talons pour allonger son cœur lourd sur ses draps froid, incapable de se faire à l'idée que quiconque puisse vouloir de lui – déjà que lui voulait d'Eren, ce qui prouvait que son état de santé était peut-être plus instable que ce qu'il imaginait.

Mais les complications ne s'arrêtaient pas là, non, ç'aurait été trop beau de juste avoir affaire à une attraction indésirable et de s'en sortir au bout de cinq ans de cohabitation, une fois leurs cursus terminés et son diplôme en poche, passeport d'une fuite qu'il redoutait plus qu'il ne l'attendait. Ouais, ç'aurait était trop beau, mais il se trouvait aussi qu'Eren était invivable.

Bien sûr, il rangeait correctement ses chaussettes et ne lui volait pas de tee-shirt, faisait attention à la vaisselle et nettoyait la table. Mais il faisait partie d'une catégorie de personnes à laquelle lui seul appartenait, incapable de se taire, incapable de ne pas dire tout le temps tout ce qu'il avait sur le cœur, d'hurler au monde toute la rage qu'il avait emmagasinée et d'essayer d'insuffler des inspirations pleines d'espoirs dans le cœur des gens – et, en l'occurrence, de Jean.

Eren était un garçon plein d'une sensibilité qu'il ne savait que trop bien porter. Il en faisait une médaille, une fierté, comme si croire en la beauté du monde suffisait à gagner à la vie, suffisait à gagner tout court.

Mais ces explosions qu'il traînait sur son passage se retournaient contre lui, et parfois le soir, parfois il s'étouffait sur des considérations trop grandes. Jean s'en serait douté même sans le voir de près : on ne peut être un corps et retenir en soi tant de chaleur sans imploser au fond.

Alors Eren jouait. Peut-être que la guitare représentait son salut, ou peut-être était-ce la musique en elle-même, et Jean le sentait quand il s'attelait à gratter ses cordes, le sentait quand ça lui manquait et le sentait quand il sifflait : le brun traînait toujours ses mélodies derrière lui.

C'était en grande partie ce qui expliquait que ce soir, Jean se sentait trembler. Eren était rentré depuis deux heures et était directement allé s'enfermer dans sa chambre pour prendre sa guitare et ne plus la lâcher, et Jean se sentait trembler.

Après vingt minutes à essayer de se concentrer sur ce qu'il avait devant lui, il dut se rendre à l'évidence : même les jeux vidéo ne suffisaient plus à effacer ce qu'il ressentait, alors il se perdait dans des considérations qu'il n'appréciait pas. Il ne se pensait pas inquiet, mais suffisamment concerné pour que ça le brûle doucement, comme cette blessure à la gencive qu'on ne peut s'empêcher de toucher pour tenter de l'apaiser.

Jean n'avait pas envie d'aller le voir : il savait ce qu'il trouverait s'il ouvrait doucement sa porte, s'il regardait lâchement par l'interstice. Il était comme le gardien d'un secret qu'Eren ne lui disait pas, qu'Eren se contentait d'écrire dans l'air à coups de notes de musique qui n'allaient pas toujours ensemble.

À ce stade, Jean ne pouvait même pas dire ce qu'il jouait. Il avait résisté à l'envie de mettre ses écouteurs pour se couper de lui – il aimait l'entendre, il aimait l'entendre mais pas dans ces conditions, pas quand il savait que c'était là juste une feinte d'Eren envers son propre esprit, envers ses pensées qui tournaient trop vite et l'empêchaient de respirer.

La difficulté qu'avait Jean à ne pas poser les yeux sur la porte entrouverte lui crevait le cœur. Il savait pourtant ce qu'il devait faire, l'avait déjà fait et le referait encore. Interrompre Eren revenait à se placer entre lui et sa tempête interne, l'empêcher de jouer ne valait pas mieux que de lui ôter sa planche de salut. Jean savait qu'il devait attendre, malgré ses jambes qui le démangeaient et son estomac qui se serrait.

Il fallait qu'il s'occupe autrement.

Il quitta le canapé qui à force, avait pris sa forme, et se dirigea jusqu'à la cuisine où il mit de l'eau à chauffer. Eren noyait ses démons dans la musique, et Jean les étouffait entre ses pâtes à vingt-trois heures quarante-huit.

Il fit le double de la proportion par réflexe, même incapable de savoir si le brun sortirait un jour de sa chambre ou non.

Tout en regardant les bulles se former dans la casserole, attendant de pouvoir y mettre le reste, Jean se laissa porter par son introspection malvenue. Plus que d'être inquiet, il se sentait impuissant. Et c'était ça, qu'il détestait le plus. Cette impression de ne plus avoir de bras, ne plus savoir quoi dire, de seulement sentir des phrases génériques fleurir au coin de ses lèvres. Dès qu'il se trouvait face à un Eren qui tirait la gueule, il perdait la moitié de son vocabulaire.

Il se sentit serrer la mâchoire et se força à inspirer : ce n'était pas son combat. Pas directement. Il n'avait pas le droit de prendre sur ses épaules la mélancolie qui reposait sur celles d'Eren, pas le droit de lui dire que s'il pouvait, il aspirerait toute sa tristesse pour la mettre à bouillir avec l'eau de ses pâtes.

La musique s'arrêta alors, empêchant Jean de passer les dernières minutes de sa journée à fixer les bulles sans rien y ajouter, et il releva la tête en direction de la porte qui s'ouvrit timidement, au ralenti, comme dans un film.

Eren en sortit. Il avait les yeux fatigués, les cheveux en bataille et son teint faisait peur à voir. Et pourtant, Jean sentit encore sa poitrine se serrer, et comme d'habitude, cette envie de vomir qui l'accompagnait dès que sa réalisation se faisait trop forte – ce n'était pas exactement la même sensation, plus une forme de renvoi acide qui soudain, le faisait se sentir plus vivant que jamais.

Il se perdit un instant contre le vert terrible de ses yeux, celui qu'il voyait bleu dans ses rêves et que personne ne pouvait jamais véritablement décrire de toute façon. Il hocha la tête dans sa direction.

- Tu veux des pâtes ?

Il aurait voulu lui dire que ce n'était pas grave. Peut-être paraissait-il détaché, mais il savait aussi qu'Eren n'avait pas besoin qu'on le borde. Il le connaissait au fond, il le connaissait plus que Mikasa qui l'infantilisait ou qu'Armin qui l'analysait. Il avait conscience que s'il voulait l'aider à garder la tête hors de l'eau, il fallait que l'air y soit respirable.

Eren haussa les épaules et Jean ne put s'empêcher de remarquer qu'il dissimulait ses mains sous ses manches. Il se sentit grimacer mais retint sa remarque : pas maintenant, pas après l'effort monumental qu'il venait de faire pour se la fermer.

Il lui fit signe de s'asseoir mais Eren fit plusieurs pas vers lui et se contenta de le regarder dans le blanc des yeux comme s'il attendait une permission supplémentaire.

De près et sous la lumière moche de la cuisinière, il avait les yeux gris. Peut-être était-ce à cause de ses cernes, sangsues qui ne se séparaient plus de lui.

Jean chercha dans son regard un indice l'aidant à savoir comment il devait se comporter – le prendre dans ses bras ? L'asseoir et le nourrir de force ? – et n'en trouvant aucun, sentit toute sa retenue se faire la malle. Il ne s'inquiéta plus de laisser transparaître son trouble, et sentit ses épaules s'affaisser légèrement quand Eren fit encore un pas vers lui.

L'urgence de lui offrir une étreinte lui serra l'estomac tant et si bien que ses pâtes ne lui semblèrent pas plus attirantes que les cailloux qu'il ramassait dans la rivière quand il était gosse.

Il le laissa s'approcher le plus possible, c'est-à-dire en laissant encore une distance de politesse entre eux, et maintenant s'il levait la main, il pouvait sûrement le sentir, peut-être même arranger ses cheveux pour lui donner un air plus présentable.

Mais Jean resta immobile. Il peinait tant à trouver ses mots qu'il ne savait même plus les communiquer autrement. L'urgence lui serrait la gorge et chaque seconde le faisait se détester un peu plus, jusqu'à ce qu'un éclair de résignation passe dans les yeux d'Eren, et qu'il comprenne, qu'il comprenne enfin que si le brun ne disait rien, ne savait pas, c'était que lui aussi se battait contre lui-même, que lui aussi peinait à formuler des phrases qui sûrement dans sa tête sonnaient aussi creuses que son âme.

Alors il attendit en silence qu'Eren remporte son combat interne, qu'il lui présente sur un plateau d'argent tout ce qui l'animait. Mais plutôt que d'ouvrir la bouche, le garçon se contenta de prendre une large inspiration et de doucement remonter ses manches.

Ses gestes étaient irréels, comme sous l'impulsion d'un être que Jean ne voyait pas, et la chaleur dégagée par l'eau des pâtes lui aurait presque donné mal à la tête. Il n'osa pas pousser la casserole hors du feu et laissa son murmure envahir l'instant, incapable de bouger : il avait trop peur de le faire fuir.

Mais Eren n'était pas un animal blessé, Eren était un garçon plein d'une sensibilité qu'il ne savait que trop bien porter mais à peine expliquer, et qui le faisait imploser dans tous les sens, tant et si bien qu'il en étouffait.

Le brun lui présenta ses mains.

Jean y vit ce qu'il avait envie d'y voir, mais ne fut pas très loin de la vérité. La boule dans sa gorge lui apprit qu'elle pouvait s'agrandir plus encore et il leva ses doigts sur la peau d'Eren, pour le maintenir dans l'air. Le toucher l'électrisa, mais trop obnubilé par ce qu'il voyait, il l'ignora.

Les mains d'Eren étaient abîmées, et le mot était faible. La gauche, surtout, celle avec laquelle il pressait les accords qui imprimaient la marque des cordes. Les bouts de ses doigts étaient éraflés au point où certains en avait saigné, et les traces avaient creusé des renfoncements sur sa peau qui devaient forcément être douloureux.

Jean inspira, n'osant pas les caresser, et leva les yeux pour chercher ceux d'Eren qui regardait résolument ailleurs. Il ne demanda pas s'il avait mal, ne demanda pas s'il avait besoin de lui, et se contenta de délicatement entourer son poignet de sa main pour l'emmener à table.

Jean n'était pas délicat. Il n'avait pas l'habitude de cette douceur qui soudain lui envahit l'esprit, de ce velours qu'il ne comprenait pas et qui rendait sa réflexion molle et triste.

Une fois qu'Eren fut assis, il alla jusqu'à la salle de bain pour chercher ce dont il avait besoin, en se faisait la réflexion qu'il ne devait pas oublier l'eau de ses pâtes en revenant – ce qu'il fit tout de même, parce-que le regard qu'Eren lui lança suffit à lui donner envie de disparaître, peut-être six pieds sous terre ou peut-être entre ses bras.

Il s'assit à côté de lui après avoir déposé le désinfectant et les pansements sur la table, attendant de voir si le brun allait protester ou se dépêcher de s'en occuper. Il ne fit rien de tout ça, alors Jean reprit ses mains entre les siennes pour les poser à plat.

La réalisation que pour qu'Eren se laisse faire de la sorte il devait ne plus rien ressentir lui troua doucement le ventre.

Le silence était d'autant plus lourd qu'il ne savait pas quoi dire, alors il se contenta de panser les plaies ouvertes et d'examiner les autres. Et puis, n'y tenant plus, passant à la main droite qui était bien moins mal en point, il leva les yeux sur lui.

- Tu veux pas acheter une classique ?

Jean connaissait sa guitare par cœur et la redécouvrait dès qu'il en jouait, alors il savait que ses cordes en acier n'aidaient pas. Mais il savait aussi que la différence était importante et que plus qu'une véritable question c'était surtout une façon de lui transmettre son inquiétude – qui n'en était pas vraiment, qui ressemblait surtout à ce genre de sensation qu'on a quand une plaie nous démange et qu'on ne peut surtout pas gratter.

- Non, marmonna Eren.

Sa voix avait des accents larmoyants et Jean se détesta de l'avoir poussé à parler. Il savait bien, il savait bien que plus encore que la tessiture du son ou la longueur du manche, Eren s'attachait à la dimension émotionnelle portée par son instrument, et il savait bien qu'on ne séparait pas un enfant du dernier cadeau que lui avait fait sa mère.

Il hocha vaguement la tête et termina sa besogne.

Eren rangea ses mains dans manches.

Jean eut du mal à se souvenir qu'ils avaient dépassé la barre des vingt ans.

- Fais une pause alors. Au moins plusieurs jours.

Eren le fusilla du regard, mais Jean n'en prit pas ombrage et se leva simplement pour enfin s'occuper de ses pâtes. Derrière lui, il sentit les yeux du brun sur sa nuque et se demanda s'il s'imaginait l'assassiner ou l'embrasser.

Le bruissement de la chaise sur le sol indiqua à Jean que son colocataire retournait dans sa chambre, et à l'idée d'entendre à nouveau sa guitare, il sentit son ventre se tordre. Ce son qu'il avait autrefois associé au paroxysme de la sensibilité d'Eren était devenu un bruit d'ambiance qu'il craignait silencieusement, du moins dans cette configuration, quand il récupérait ensuite un être à ramasser à la petite cuillère – et qu'il ne savait pas comment s'y prendre et qu'il en mettait partout et que rien ne reprenait forme.

Mais la porte ne grinça pas, et il entendit une caresse derrière lui : Eren s'était adossé au chambranle de la porte de la cuisine, et le regardait.

Il sentit sur lui toute l'intensité de ses yeux et décida de l'ignorer, se concentrant sur ses pâtes.

- T'as faim ? marmonna-t-il sans se retourner.

Il avait déjà posé la question.

Un murmure approbatif lui répondit, et il sentit une vague de chaleur le traverser : si Eren avait envie de manger, c'était qu'il avait envie de quelque chose qui ne soit pas se faire saigner sur sa guitare. Il retint son soupir de soulagement et se contenta de faire son job à savoir, les pâtes.

Ils retournèrent à table une fois qu'elles furent prêtes et Jean le regarda manger sans parvenir à dissimuler sa satisfaction sourde, qui lui réchauffait l'âme et le rendait idiot.

Parce qu'il n'y avait pas que des moments comme ça, et qu'Eren restait une tête brûlée qu'il peinait à supporter trois jours sur quatre mais dont il – malheureusement et secrètement – adorait la compagnie.

Le silence n'était plus désagréable, et Jean retrouvait sa langue.

- Tu veux regarder un film ?

Il vit Eren esquisser un sourire et se trouva ridicule d'y prendre autant de plaisir, d'y trouver autant de confort.

- Si tu me proposes un film maudit, je veux bien.

Les films maudits, ou bien ceux que Jean, en bon étudiant de cinéma, classifiait comme tels.

- Jamais de la vie.

- Encore un Nolan et je te mets dehors.

Jean leva les yeux au ciel mais se laissa porter par le rythme de la conversation, ne saisissant plus l'intensité de la chaleur qui l'habitait maintenant tant elle l'avait envahi.

- D'accord, capitula-t-il finalement, trop transporté par le moment pour se permettre de cracher dessus.

Leur soirée retrouva un goût de stabilité, et au moment de se mettre au lit, Jean eut la meilleure idée du siècle, par-dessus ses pensées parasites qui lui hurlaient d'initier un contact, au moins pour lui dire bonne nuit.


(Liability) But you're not what you thought you were

(Much for me) But you're not what you thought you were


- On est le 30.

- Le 30 juin, oui, confirma Eren en levant les yeux de son livre, haussant un sourcil.

Jean adorait le voir lire, déjà parce qu'il se la fermait enfin pendant plus de deux minutes, et ensuite parce qu'il portait avec lui cet air calme réservé uniquement aux littéraires et qui n'allait qu'à lui. Les rides de son front disparaissaient et ses cheveux glissaient régulièrement devant ses yeux, ses gestes se faisaient long et sa respiration s'apaisait, comme s'il n'était pas en train de voyager.

- C'est un jour spécial.

- Non ?

Mais déjà, Jean avait quitté le salon pour aller fouiller dans sa chambre. Il revint deux minutes plus tard avec un objet emballé entre les mains, et dont la forme était assez révélatrice.

- C'est ton anniversaire.

- C'est en mars, corrigea Eren dont déjà la voix trahissait une fragilité perplexe.

- Je sais.

Et pourtant, Jean s'assit à côté de lui sur le canapé et posa l'objet entre ses mains – qu'il avait mis cinquante minutes à emballer, même avec l'aide de Connie et Sasha.

- Mais-, commença Eren, mais il était plutôt évident qu'il ne savait pas ce qu'il devait dire. Il fit glisser ses doigts sur le papier cadeau avant de le déchirer doucement, révélant le manche d'une guitare protégé par un étui neuf.

- Alors avant que tu dises quoi que ce soit : j'ai demandé aux autres. Armin, Mikasa, Marco, Connie, Sasha, et tout le monde. Tout le monde a mis un truc. Je sais que tu veux pas te séparer de l'autre guitare et j'veux dire, je comprends, mais tu vois, c'est un peu plus doux quand même avec du nylon, non ?

Eren hocha la tête et Jean vit ses yeux briller avec tant d'intensité qu'il se sentit petit comme quand il passait la nuit à regarder les étoiles. Le brun avait sorti l'instrument de son étui et l'avait installé sur ses genoux, jouant déjà doucement avec les cordes.

- Merci, souffla-t-il finalement, posant ses yeux sur Jean qui sentit ses lèvres s'étirer tout naturellement.

- C'est pas à moi qu'il faut dire ça. C'est juste- quand ça devient trop difficile.

Il n'osait pas dire, pas parler des blessures en voie de cicatrisation qu'il pouvait apercevoir dès qu'il baissait un peu les yeux.

- Merci, répéta Eren.

La reconnaissance au fond de sa voix lui fit l'effet d'un coup de poing, et Jean dut se faire violence pour enterrer toutes les déclarations qui le brûlaient au fond de sa gorge.

Il n'était même pas certain que ça serve à quelque chose, mais savait que sur le moment, seul le geste comptait. Les yeux humides d'Eren et son sourire tremblant le lui rappelait, alors il se l'autorisa, il se donna la permission de lui signifier que ce n'était rien, et tapota légèrement son épaule, laissant sa main y traîner un peu plus longtemps que nécessaire.

Il sentit les muscles d'Eren se détendre à son contact et put pratiquement deviner son soupir de bien-être, qui venait bien sûr uniquement du fait qu'il ne savait pas comment exprimer autrement sa reconnaissance. Mais ses yeux disaient assez.

- Non, vraiment, reprit le brun au bout de longues secondes de silence. Tu- Franchement-

- T'inquiète, dit Jean en haussant les épaules. Je sais.

Eren lui tendit un sourire, et il l'accepta. Il fallait qu'il lui dise, il fallait qu'il lui dise parce-que soudain ça brûlait de nouveau et s'il ne disait rien, il crèverait comme le ballon abîmé qu'il était.

Mais comment dire quand on savait à peine en parler, à peine y penser ? Jean laissa passer l'instant, il laissa le moment se suspendre entre eux, lui donnant l'impression que même Eren attendait quelque chose.

Alors plutôt que de formuler ce qu'il pensait tout bas, si bas que même lui parfois ne l'entendait pas, il fit glisser sa main dans son dos et la laissa là. Il compta jusqu'à cinq, se disant que si à cinq, Eren bougeait, il l'enlèverait, mais Eren ne bougea pas. Eren se figea, et Jean aussi, avec l'impression que sa respiration envahissait l'espace.

- Tu sais, commença finalement le brun, cherchant son regard, et Jean sut qu'il n'allait pas aimer la suite. Tu rends la vie plus facile.

Jean haussa un sourcil, hésitant. Comment est-ce qu'il était censé le prendre ?

- Tant mieux, je suppose, dit-il en haussant les épaules.

Eren avait cette manie, cette manie terrible de dire tout ce qui lui passait par la tête à condition que ça sonne un tant soit peu poétique.

- Je veux dire, au moins la mienne. Tu rends ma vie meilleure.

Jean sentit la gêne le poursuivre jusque dans ses derniers retranchements mentaux et ôta légèrement sa main du dos d'Eren pour la passer sur son visage. Il ne savait pas s'il tentait de cacher ses rougeurs ou l'expression qu'il ne savait pas afficher. On n'a pas idée de dire des trucs pareils, des mots avec un pouvoir aussi grand qui ne sont et ne seront jamais dénués de sens.

- Tant mieux je t'ai dit.

Il pouvait presque l'entendre sourire à côté de lui, mais plutôt que de s'appesantir sur le sujet, Eren alla poser la guitare dans un coin de la pièce avant de revenir s'asseoir avec Jean. Ce dernier était toujours plongé dans sa lutte mentale, à deux doigts de tout déballer, de tout vomir sur ses genoux et de regarder le brun remettre les pièces du puzzle ensemble, reconstruire les détails de leur relation pour en faire un tableau qui lui plairait.

Leurs bras s'effleurèrent et le courant électrique qui le traversa acheva de le décider, alors il prit son courage à deux mains pour une fois, et l'aurait pris à quatre s'il en avait le double, et se tourna vers Eren, et lui fit face en prenant garde à ne pas se perdre dans les plis de son visage.

Il échoua, encore, échoua tout court ou contre le bleu de ses yeux, tant pis, il ne savait pas et ne savait plus comment dire autant, comment transmettre tout ce qu'il pensait sans que ça ne lui ôte la langue à tout jamais.

Mais d'une manière ou d'une autre, Eren dut le comprendre, parce qu'Eren lui tendit un léger sourire qui disait merci, qui disait moi aussi.

Eren était un garçon plein d'une sensibilité qu'il ne savait que trop bien porter. Il en faisait une médaille, une fierté, comme si croire en la beauté du monde suffisait à gagner à la vie, suffisait à gagner tout court.

Et peut-être qu'il donnait envie à Jean, aussi, envie de regarder autour de lui avec cet émerveillement qui n'appartenait qu'à lui. Eren venait de le lui dire, lui dire qu'il faisait partie de ces personnes qui rendent la vie plus jolie, mais il pouvait lui rendre la pareille sans hésiter.

Alors il opta pour la version simple, la version basique de la déclaration grandiloquente d'Eren.

- Merci.

Le brun haussa un sourcil, comme pour dire qu'il n'avait rien fait, et dut voir quelque chose au fond des yeux de Jean puisqu'il se contenta de sourire. Alors Jean le prit comme une invitation et se rapprocha de lui, il se rapprocha tant qu'il put poser sa tête sur son épaule, et sentir Eren poser la sienne par-dessus.

Il lui prit la main, aussi, doucement, saisissant sous sa peau la rugosité du bout de ses doigts, et se sentant l'envie de vomir tant il la trouvait douce.

Ils restèrent ainsi jusqu'à ce que sa nuque hurle de douleur et qu'il sente son dos être réduit en bouilli, jusqu'à ce que les yeux d'Eren croisent les siens une fois qu'ils eurent relevé la tête et que la seule pensée qu'il ne reste à Jean soit « Armin avait raison. »

Et le brun se pencha sur lui, proche, plus encore que toutes les autres fois, si proche qu'il sentit la chaleur émaner de sa peau et la douceur dans son souffle, si proche qu'il n'eut qu'à faire quelques centimètres.

Il s'abandonna à son toucher, se sentant l'envie de mourir et d'imploser et d'exploser et de pleurer peut-être aussi, peut-être un peu.

Et maintenant, et maintenant il n'avait plus le choix que de lui dire, alors il se pencha sur son oreille une fois que le baiser fut terminé, et prononça les mots qu'il pensait si fort qu'ils lui parurent être une litanie, qu'il eut l'impression de les lui avouer mille fois alors qu'il ne le dit qu'une seule.

Il se baigna dans la voix d'Eren quand il les lui dit lui aussi, et quand l'envie de vomir fut remplacée par un éclat au fond de ses tripes qu'il identifia à peine mais qu'il savait maintenant permanent.

Le brun avait raison – il avait raison sur toute la ligne, toujours, mais Jean ne le dirait pas : les gens qu'on rencontre sont faits pour nous faciliter l'idée d'existence et d'exister, et vivre à côté de lui rendait tout plus joli.

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TW : Eren joue de la guitare avec des cordes en acier et ça le fait saigner à force

VOILA merci d'avoir lu, merci à Lorde d'avoir fait un album aussi erejean.

See you tomorrow pour BARTENDER! trop hâte de celui-là zoubiiii