Disclaimer: Rien ne m'appartient.

Remarque: Après une longue pause de plusieurs années dans l'écriture, j'ai décidé de me lancer en même temps que le challenge Camp Nanowrimo 2021.
Je n'ai pas écrit depuis 2012, autant dire que ça date. J'ai dû faire face à pas mal de difficultés qui ont presque complètement détruit ma confiance en moi, et cette année, j'ai pour objectif de changer ça. Du coup, je me lance en publiant une petite histoire simple et courte. Je ne suis absolument pas confiante et c'est pour ça que je suis à l'écoute de la moindre critique ou remarque qui pourra me faire progresser (Sans méchanceté please), que ce soit sur mon orthographe (Désolée, je n'ai pas de correctrice donc si vous remarquez des grosses fautes, n'hésitez pas à me le dire pour que je corrige ça), sur les descriptions, ou même l'histoire en elle-même.
En ce qui concerne la fiction en elle-même, je ne sais pas s'il y aura une suite, je n'y ai pas encore vraiment réfléchis. Tout dépendra de ma motivation et de mon état-d 'esprit.

Chambre 34 :

C'était par une nuit sombre et froide, des plus tristes et troublantes. De ces nuits où la lune n'éclairait pas la cime des plus grands arbres et où les lampadaires n'aveuglaient pas les rues de leurs longues tentacules de lumière.
De ces nuits où la pluie tombait sans relâche, jetant son dévolu sur le monde, répandant sa triste existence sur les trottoirs gris de pas déjà franchis.
De ces nuits lancinantes où les plus bas sentiments gagnaient de nouveau sur les bons, où les souvenirs les plus mielleux disparaissaient sous une couche d'amertume.

Et Castiel marchait seul. Terriblement seul sous cette pluie diluvienne. Avec pour seule compagnie, les doutes incessants qui assaillaient son cœur.

Il l'avait bien cherché pourtant. Tout ça, c'était sa faute. Sa femme n'y était pour rien, elle n'avait rien demandé. Et ses pleurs résonnaient encore dans sa tête quand il avait doucement fermé la porte derrière lui, comme un adieu définitif à tout ce qu'il avait un jour été. A tout ce qu'il avait un jour atteint.

Pourtant…

Il ne regrettait rien. Non pas qu'il ne souffrait pas, loin de là. Juste que la bonne décision avait enfin été prise. Que son cœur avait loyalement combattu sa raison bien trop honnête.

Avec un soupir, il abattit sa main trempée sur une lourde porte de chêne, s'étonnant de l'aura chaleureuse qu'il délivra innocemment et qui vint habilement caresser son visage luisant. Une douce musique s'élevait, accueillante, lui faisant presque oublier la fraîcheur de ce début d'hiver. Et c'est un sourire blasé qui franchit ses lèvres quand il pénétra les lieux, en sécurité.

- Bonsoir jeune homme, et fermez bien la porte, vous allez attraper la mort !

La voix nasillarde de la septuagénaire devant lui le fit doucement sourire alors qu'il enlevait docilement son manteau, le suspendant immédiatement tout près de la fenêtre.

- AH ce temps ! Ce n'est pas le moment de goûter aux joies de la promenade ! Qu'est ce qui vous amène mon grand?

- Je cherche une chambre pour la nuit. Répondit-il, un sourire poli dessinant ses lèvres.

- Ça tombe bien, j'en ai plein. Matthew ! Monte les affaires de Monsieur dans la 34 !

Aussitôt, un jeune homme vraisemblablement sur les nerfs arriva presque en courant, perlant de sueur. Sans perdre une seconde, il s'empara d'un coup d'un seul des bagages du nouvel arrivant, et fit volteface. Il n'eut même pas le temps de le remercier. Le valet pressé n'était déjà plus là.

- Je vous sers quelque chose ? Chocolat chaud, café… Un petit remontant peut-être ? Vous avez l'air d'en avoir bien besoin.

Les yeux fixés sur son évier qu'elle tenterait longtemps de faire briller sans succès, elle ne leva la tête qu'au bout de quelques malheureuses secondes d'un interminable silence.

- Ah… Euh… Un chocolat chaud… S'il vous plaît.

- Matthew ! Accompagne Monsieur jusqu'au petit salon !

Il sourit doucement au son de l'escalier craquant qu'on dévale à toute allure. Le jeune valet, les yeux toujours baissés, lui fit une timide courbette tout en lui indiquant le chemin d'une main tremblante.

Quelques souvenirs en noir et blanc se tapissèrent devant son regard lointain. Plus jeune, et à peine embauché, il courait lui aussi de droite à gauche, à deux doigts du malaise hypoglycémique, juste pour faire ce qu'on attendait de lui le plus rapidement possible. La voix impétueuse de son supérieur faisait partie des sons marquants, de ceux qu'il n'oublierait jamais, un peu comme le son crépitant d'un vieux disque rayé, répétant, intarissable, sa mélodie ancestrale.

- Et monte un peu le chauffage veux tu ! Il fait un froid de canard ici, j'ai pas envie de finir congelée derrière mon bar.

A ces mots, elle se frotta les mains, le regard perdu sur la fenêtre fermée donnant sur la rue désertée.

Avec un sourire qui ne le quittait plus, et rassuré par cette atmosphère brûlante et intimiste, il prit place sur un des fauteuils dépouillés et cacha ses longs doigts encore froids sous ses manches. L'étendue de son séjour ici n'était pas encore définie. Quelques jours, quelques semaines… Au fond, ça ne dépendait plus que de lui. Sauf que prendre une décision maintenant, en une période aussi sombre et désordonnée qu'était sa vie, serait comme jeter toutes ses cartes sur table sans s'être assuré au préalable du jeu des autres. Stupide.

Il avait pris la bonne décision. Pas la plus simple certes, mais la plus honnête. Il avait déjà trop attendu, trop pensé, trop hésité. Sa vie n'était déjà plus qu'une succession d'erreurs quand il avait enfin pris sa décision.
Sa lâcheté avait créé de nombreuses fissures, bien trop profondes désormais pour être colmatées. Ses erreurs s'étaient accumulées, entassées. Et même s'il n'était pas sûr d'y avoir gagné au change, il y avait enfin gagné un début de bonheur.
Cette brèche, il s'y était engouffré. Qu'importe ce qui pouvait l'y attendre.

Une main dans son champ de vision le fit sursauter. Son breuvage chaud et réconfortant l'attendait désormais sur la petite table lustrée.

- Buvez pendant que c'est chaud jeune homme. Et allez m'effacer ces vilains cernes après ça ! Votre chambre est prête.

La vieille femme lui rendit son sourire avant de se retourner et d'apostropher de nouveau son apprenti, les mains liées devant elle.

- Pour l'amour de Dieu monte moi ce chauffage !

Calé dans son fauteuil, il se surprit à sourire à nouveau. Cette femme lui rappelait sa grand-mère.

Une vibration le tira de ses pensées, et c'est de nouveau les traits tirés d'inquiétudes qu'il sortit son portable de sa poche.
Un message simple, efficace : « Où es-tu ? » auquel il répondit tout aussi simplement, déjà impatient à l'idée de le voir franchir cette porte. Parce qu'il allait la franchir, c'était une certitude. Jamais il ne l'abandonnerait maintenant, dans un moment aussi tourmenté de son existence, à l'instant où il avait le plus besoin de lui.

Dean était son meilleur ami.
Un vrai meilleur ami. Le seul.
Celui qui l'aiderai toujours, sans remettre en question ses décisions, bonnes ou mauvaises. Celui qui croyait en lui. Depuis toujours. Qui le guidait, le faisait avancer.
Celui qui l'aimerai toujours. Malgré tout.

Et Dieu sait à quel point il avait besoin de lui.

Il poussa de nouveau un soupir, la tête entre ses mains, coudes sur la table. La tasse fumante de son chocolat s'évaporait doucement dans l'air, regagnant l'effluve déjà fort chaleureuse de son petit confort. Plus loin, le son de la vaisselle manipulée ne l'atteignait même pas. Pas plus que les plaintes constantes de la maîtresse de maison, elle qui s'échinait à raconter des bribes de sa vie à un client nauséeux. Perdu dans ses pensées, seul le son d'une porte qui s'ouvre se fraya un chemin jusqu'à lui. Il ne sut pas combien de temps il avait attendu, le temps n'avait plus tellement d'importance. Mais il était convaincu que c'était lui.

Sa tasse disparut de son champ de vision et il releva la tête. Face à lui, son ami la portait à ses lèvres, les cheveux trempés et la mine sombre, avant de grimacer et de la reposer tout aussi soudainement.

- C'est froid ton truc.

Il ne répondit pas, se contentant de le regarder, son dos désormais bien ancré dans son siège.

- April m'a appelé. Elle m'a dit que c'était fini. Prononça le nouveau venu doucement.

Un faible « oui » fut tout ce qui sortit de ses lèvres en réponse, les yeux baissés sur ses mains timidement sorties de ses manches blanches.

- Tu es sûr que c'est ce que tu veux ? Demanda Dean.

Il n'eut qu'à le regarder pour que Dean ne pousse un discret soupir, convaincu. Lentement, ce dernier s'installa un peu plus confortablement sur son siège et entreprit d'enlever sa veste qu'il posa négligemment à ses côtés. Un long silence s'installa finalement, seulement entrecoupé des brefs passages de la vieille femme et de son apprenti, désireux de contenter leur nouveau client. Toujours agréable, Dean leur répondait avec le sourire, peu préoccupé par le regard insistant qu'il sentait posé sur lui.

Ce fut lui qui brisa à nouveau ce silence apaisant.

- Tu comptes rester ici longtemps ?

- Je ne sais pas trop encore… Le temps de trouver une meilleure solution j'imagine.

- Tu peux toujours venir chez moi tu sais.

Pour seule réponse, il pouffa avant de se mordre la lèvre nerveusement.

- Je parle sérieusement Cass, viens chez moi. Insista Dean, légèrement penché vers lui. Reste pas là, tu vas déprimer ici, tout seul.

Ledit Cass s'installa un peu plus confortablement, les yeux fixés sur lui.

- C'est une mauvaise idée et tu le sais.

Son ami lui lança un regard peiné avant de baisser les yeux. Deux nouvelles tasses d'un chocolat encore chaud apparurent soudainement devant eux, accompagné d'un sourire réconfortant de la septuagénaire qui s'attelait à ôter son tablier.

- C'est offert. Prenez le temps qu'il vous faut jeunes hommes. Pour ma part, je ferme le bar et je vais me coucher. Passez une bonne nuit.

Castiel risqua un coup d'œil à l'apprenti, désormais seul, qui avait, semble-t-il, retrouvé un peu de sérénité, avant de répondre agréablement à la vieille femme qui s'éloignait déjà. Apparemment, le jeune novice passait ses nuits ici, seul, à la tête d'une auberge qui ne porterait jamais son nom.

De nouveau, le silence les entoura. Cette brume lénifiante s'installa de longues et douces secondes, où seule leurs respirations calmes avaient leurs places. Dehors, la nuit s'était définitivement installée. Les lumières alentours s'étaient éteintes. Seul le vent, la pluie et la lune régnaient en maître sur le monde, cohabitant silencieusement afin de chasser une autre journée déjà achevée et de la remplacer. De nouveau. Avec cette même constance.

Il avait remonté ses jambes sur le siège, les croisant en tailleur avec souplesse, comme pour se protéger. Castiel était fragile. D'autant plus maintenant qu'il était seul.

- Cass

Lui accordant toute son attention, Castiel cacha de nouveau ses mains sous ses manches.

- C'est à cause de moi… C'est à cause de moi que vous n'êtes plus ensemble… C'est ça?

Un discret soupir s'échappa des lèvres de Castiel alors qu'il baissait de nouveau les yeux sur ses jambes croisées. Il n'était pas sûr de vouloir répondre à cette question. Non pas qu'il avait tort. Juste qu'il n'était pas sûr que ce soit à cause de lui. Mais plutôt… Grâce à lui.

Les lèvres meurtries à force d'être mordillées, Castiel releva les yeux et fixa un point invisible plus loin devant lui. Un instant déconcentré par les mouvements désordonnés de l'apprenti derrière le bar, il les fixa de nouveau sur le brun face à lui.

Une seule question lui brûlait les lèvres. Celle qui lui murmurerai que, oui, peut-être, il n'avait pas fait tout ça pour rien.

- Tu regrettes?

- Et toi ? Répondit Dean après une brève hésitation.

Penché en arrière sur son fauteuil rapiécé, Castiel lui lança un regard courroucé, agacé de se voir questionner à son tour sans que réponse ne lui ait été donnée.

- Dean… Si je regrettai, tu crois vraiment que j'aurai quitté April ?

Cette simple phrase lui fit baisser les yeux de gêne. D'un geste souple, Dean attrapa la tasse encore fumante de chocolat face à lui et la porta à ses lèvres doucement, sans pour autant en boire la moindre gorgée, les yeux dans le vague.

- Non, Murmura t'il finalement, je ne regrette rien.

Le doux bruit de la pluie les enveloppait entièrement, accompagné du faible fond sonore de la télévision que l'apprenti regardait d'un air absent. L'unique client face à lui, les bras croisés sur le bar, semblait perdu dans ses pensées, bercé par le silence réconfortant des lieux.
Castiel était sûr d'avoir pris la bonne décision, même si résonnaient encore en lui les sanglots déchirants de sa femme alors qu'il lui annonçait, honteusement, que l'amour qu'il lui portait depuis plusieurs années maintenant c'était tari, remplacé par une douce complicité, une tendre amitié qu'il ne voulait pas perdre. Il n'avait pas eu cœur de lui avouer ses méfaits et de la détruire davantage. Même s'il savait qu'il ne faisait que retarder l'inévitable.
Le simple fait de l'imaginer seule et en larmes sur ce grand lit qu'ils avaient partagé de longues années durant lui donnait le vertige. Seule la certitude qu'il avait bien fait l'empêchait d'y retourner pour la prendre dans ses bras.
April l'avait tant de fois soutenue. Elle n'avait jamais failli dans son rôle d'épouse aimante, n'avait jamais lâché sa main alors même qu'il tentait péniblement de trouver sa place dans cette douloureuse aventure qu'était la vie. Elle l'avait tant aimé… Et c'était comme ça qu'il la remerciait.

La main chaude de Dean attrapant timidement ses doigts le sortit de sa torpeur, et il plongea ses yeux dans cette immensité verte qui avait brisé toutes ses certitudes.
L'homme pour qui il avait tout quitté semblait lui-même hésiter, incapable de prononcer le moindre mot, empêtré dans des émotions contradictoires et tourmentées. Castiel prit les devants, le coupant dans ses réflexions.

- Te fatigue pas Dean. Je ne te demande rien.

Dean ne put que se soustraire à son regard alors qu'il serrait plus fort encore les doigts entre les siens.

Ils ne s'étaient pas concertés au préalable. Il n'avait jamais été question de ça.

Castiel avait quitté April parce qu'il refusait de se moquer d'elle et de ses sentiments. Parce qu'il était incapable de faire semblant, de l'humilier davantage en lui cachant ce qu'il ressentait vraiment. Il ne l'aimait plus, ou en tout cas pas comme il aimait l'homme qui caressait ses doigts d'un air absent. Cet homme qui avait tant de fois étouffé ses soupirs de ses lèvres. Cet homme qui avait su toucher aussi bien son âme que son corps, silencieusement, dans l'intimité d'une chambre d'hôtel sordide.
A chaque fois, en rentrant chez lui, il devait faire face au tendre sourire de son épouse et de son intérêt sincère. C'était plus qu'il ne pouvait en supporter.

Pour Dean, la problématique était toute autre. Il aimait Lisa, autant qu'il l'aimait lui. Il ne lui avait rien promis, ne lui avait rien demandé. Sitôt ses entrevues romantiques avec Castiel terminées, il retournait dans les bras de sa femme. Sans remords et sans regrets. Castiel n'avait pas le droit de lui en vouloir.

La pluie redoubla d'intensité, en même temps que le vent violent faisait trembler la charpente. Une chaise racla le sol et Castiel vit le dernier pilier de bar se lever pour enfiler sa veste, alors que l'apprenti attrapait son verre sale avec ennui.

- Tu devrais y aller Dean. Lisa doit t'attendre. Murmura Castiel en éloignant ses doigts des siens.

- Lisa est avec April, tu t'en doutes. Elle ne s'attend pas à me voir rentrer ce soir.

La proposition silencieuse réchauffa le cœur de Castiel. Il avait besoin de lui. De ses bras. De son étreinte.
Il avait douloureusement besoin de lui. C'était une mauvaise idée, il le savait. Mais la perspective de passer une nuit à ses côtés le faisait frémir d'impatience.

- Finis ton chocolat… Et montre-moi ta chambre.

Castiel s'exécuta sous le regard brûlant de Dean. Son cœur battait tellement fort qu'il n'entendit pas la porte de l'auberge claquer quand le dernier client sortit pour affronter l'obscurité déchaînée. Il n'entendait plus la pluie, plus le vent. Seuls les battements effrénés de son cœur et la douce promesse d'une étreinte passionnée.
Face à lui, Dean se leva et contourna la table, se rapprochant discrètement, emplissant ses narines de son parfum boisé. Le dominant de sa hauteur, il lui murmura de se hâter.

Demain, seul dans les draps blancs d'une chambre froide et impersonnelle, il aurait tout le loisir de faire le point. De réfléchir à ce que serait désormais sa vie et de pleurer sur sa solitude.
Demain, il s'apitoiera sur son sort.

Demain.