Hello, déjà le troisième jour et pour changer aujourd'hui je n'ai choisi qu'un seul prompt : Bartender (donc alcool and stuff folks)
Merci as usual à mes copines et à ma sœur, love yall
Lorde - Supercut
Because ours are the moments I play in the dark
Eren enfonça ses mains dans ses poches en suivant Mikasa et Armin, retenant les remarques qui lui brûlaient la langue. Les regards que sa sœur lui avait lancés depuis qu'ils s'étaient retrouvés lui avait clairement fait comprendre que sa mauvaise humeur n'était pas la bienvenue, et il faisait de son mieux pour ne pas exposer sa frustration à la vue de tous.
C'était l'anniversaire d'Armin, et il se devait de faire son devoir de meilleur ami. Mais franchement, lui demander de passer la soirée dans un endroit pareil sans qu'il n'affiche toute sa consternation relevait de l'impossible, parce qu'ils se rendaient dans ce genre de lieu réservé aux personnes qui savaient, ce genre de lieu où tout le monde ne parlait que de politique et d'écologie et où si tu n'avais pas au moins sept tatouages chacun avec trois explications différentes, tu ne pouvais être honorable : un Bar Secret.
Eren, lui, préférait largement s'acheter un pack de bière dans la supérette à côté de chez lui et traîner dans le parc aux alentours. Certes, les gens y étaient un peu louches et il comprenait qu'Armin n'y soit pas à l'aise, et il n'avait pas vraiment su lui offrir de contre-argument quand le blond lui avait présenté à quel point le lieu était mal famé et qu'y fêter son anniversaire serait le summum de la décadence, mais ce n'était pas une raison pour lui imposer l'exact opposé, si ?
Un coup d'épaule le ramena à la réalité : Mikasa le tenait à l'œil. Il s'efforça de ne pas lever les yeux au ciel et força un sourire ridiculement faux qui la fit froncer les sourcils. Elle s'approcha de lui et tira sur son col pour murmurer contre son oreille :
- Arrête. C'est son anniversaire.
Eren haussa les épaules et se dégagea de son emprise. Avant qu'il n'ait pu trouver quelque chose à dire qui ne le fasse pas passer pour un gros égoïste, ils arrivèrent devant l'Endroit. Qui se nommait littéralement l'Endroit. Si ce n'était pas là le plus gros avertissement de la planète, Eren était un aveugle. Un miracle le poussa à garder sa bouche fermée quand Armin lui tendit un large sourire, et ils pénétrèrent dans le lieu maudit.
La lumière tamisée donnait un faux sentiment de confort et les notes de rock indé qui parvinrent aux oreilles du brun manquèrent de le faire frissonner. Le reste n'était pas horrible : des plantes au mur, des affiches censées être rigolotes et des tables réparties sans régularité.
Mikasa et Armin étaient connaisseurs puisqu'ils le tirèrent vers leur table habituelle qu'ils avaient réservée, une planche de bois poncé fixée au mur et entourée d'une banquette qui ne grinça pas quand ils s'y installèrent. Immédiatement, la jeune fille lui tendit la carte et Eren comprit que c'était dans l'espoir qu'il se la ferme. Il parcourut pourtant ses options du regard, se retenant de grimacer en voyant le nom des cocktails.
- Tu trouves ? lança la voix joviale d'Armin par-dessus la carte.
Il abaissa cette dernière pour lui lancer un regard, sentit l'aura de Mikasa et haussa les épaules.
- Je regarde, marmonna-t-il.
Armin lui tendit un sourire et Eren camoufla son expression désabusée derrière le morceau de carton, fine protection face aux menaces sourdes qu'il pouvait toujours sentir planer au-dessus de sa tête.
Un raclement de gorge attira son attention et quand Eren leva les yeux vers celui qu'il supposa être le serveur, il dut cligner des yeux à plusieurs reprises, entendant à peine les mots qui sortirent de sa bouche. Parlons-en, d'ailleurs, de sa bouche : ce mec avait tout pour plaire. Ses cheveux lui retombaient devant les yeux sans masquer leur couleur qui brillait presque sous les néons, sa mâchoire était si bien dessinée qu'Eren crut voir celle d'un acteur connu et son nez épousait parfaitement la forme de son visage. Il portait son costume d'employé, une chemise blanche par-dessus laquelle il avait rajouté des bretelles, mais même ces dernières ne parvinrent pas à faire en sorte qu'Eren détourne le regard – au contraire. Il fallut que Mikasa lui assène un coup de pied sous la table pour qu'il se rende compte de son indécence, ce qui le fit rougir furieusement.
Le serveur lui adressa un regard qui disait à quel point il avait l'habitude, et Eren se sentit soudain affreusement bête, plus bête encore qu'il ne l'avait été depuis le début de la soirée.
- Je disais, reprit le jeune homme dont la voix n'était pas en reste et Eren se fit violence pour lui accorder toute son attention, avez-vous choisi ?
Visiblement, Armin et Mikasa avaient déjà donné leurs commandes puisque le serveur – Jean, indiquait son badge – ne regardait que lui.
- Un Americano, balbutia Eren en tentant de ne pas exploser sur place.
Le dénommé Jean haussa un sourcil mais ne fit aucune remarque. Il tourna ensuite les talons, laissant enfin assez d'espace à Eren pour qu'il respire.
Il n'eut pas le temps de faire rouler le fameux prénom sur sa langue puisque son trouble n'était pas passé inaperçu. Armin le regardait fixement et Mikasa avait croisé les bras. Pourtant, il n'y avait aucune explication à donner : le brun lui-même aurait bien voulu comprendre d'où ça lui venait. Il avait beau ne pas être un saint, ce n'était pas dans ses habitudes de reluquer ainsi quelqu'un et même en règle générale, il se sentait rarement attiré par qui que ce soit, du moins pas avec autant de force.
Il inspira pour se redonner contenance et haussa les épaules, signifiant qu'il n'acceptait pas les questions.
- Depuis quand les serveurs viennent jusqu'à toi de toute façon…, marmonna-t-il en sortant son téléphone de sa poche, brûlant l'écran du regard.
Du coin de l'œil, il vit l'expression d'Armin devenir moqueuse et l'ignora délibérément.
- C'est aussi le barman, lança le blond.
Eren releva la tête de l'appareil et dut se faire violence pour ne pas la tourner trop rapidement, prétendant regarder par curiosité laxiste plutôt que par véritable intérêt. En effet, le fameux Jean était à l'autre bout de la pièce derrière le bar, essuyant machinalement un verre que sa collègue venait de lui tendre.
Eren grogna un truc entre ses dents que même lui ne comprit pas et, à deux doigts d'enfouir sa tête entre ses mains, espérait juste que ses joues ne soient pas trop rouges.
- D'accord, capitula-t-il sans plus d'explications, joyeux anniversaire Armin.
Le blond lui offrit un sourire rayonnant.
- Merci !
Heureusement, son ami n'insista pas et ne lui demanda pas s'il regrettait d'être venu, ce qu'il aurait sûrement fait si la panique d'Eren ne s'affichait pas comme une tâche au milieu de sa figure.
La conversation dériva doucement sur leur quotidien, et ils parlèrent des études et du travail et de toutes ces choses dont les étudiants discutaient, entre des sujets bien trop adultes et d'autres blagues de leur adolescence.
En attendant leurs verres, Eren s'était enflammé sur un sujet qui le concernait à peine et tentait d'expliquer à Armin et Mikasa en quoi il trouvait dangereux que la couronne périurbaine de la ville prenne du terrain sur la campagne en Italie. Au moment où le blond allait lui rappeler qu'il ne faisait même pas des études de géographie, le serveur/barman/Jean revint en déposant doucement les boissons sur la table.
L'effet fut instantané : Eren en perdit sa langue et se contenta de marmonner un « merci », prenant son verre entre ses doigts et l'utilisant comme bouclier, regardant fixement le breuvage qui s'y trouvait. Les mouvements de Jean avait mis son bras en lumière et le brun avait pu y apercevoir un large tatouage. Même sans vraiment en avoir saisi le dessin, l'idée avait suffi à ce qu'il reprenne des couleurs.
Quand Jean retourna à son bar, Mikasa se pencha vers Eren.
- Va lui parler.
Eren leva les yeux au ciel, masquant sa gêne derrière une agitation exagérée.
- T'es dingue ? Pour lui dire quoi ?
Il devait avoir parlé à un volume plus élevé que ce qui était attendu de lui dans un tel bar puisqu'Armin lui intima de baisser la voix.
- Tu peux lui parler de la couronne périurbaine, rajouta le blond en haussant les épaules.
Eren le fusilla du regard.
- Très drôle, Armin.
- En tout cas, ça avait l'air de l'intéresser, rajouta Mikasa.
Eren sentit ses entrailles fondre dans son ventre.
- Comment ça ? croassa-t-il, mais sa sœur se contenta d'hausser les épaules.
Le brun en était convaincu maintenant : il était condamné à traverser une longue vie de souffrance et de galère absolue, tout ça parce-que sa sœur et son meilleur ami étaient incapables de l'aider comme il se le devait.
Il passa le reste de la soirée à ou bien participer activement à la discussion, ou bien se laisser – discrètement – distraire par les gestes de Jean à l'autre bout de la pièce. Peut-être que le garçon était aussi un étudiant : il n'avait pas l'air d'aimer particulièrement ce qu'il faisait, et les rares fois où il ne souriait pas par politesse étaient quand il discutait avec sa collègue.
Une fois que le trio eut terminé leur dernier verre, Eren sortit sa carte en premier.
- J'y vais.
- C'est à toi de payer, de toute façon, précisa Mikasa.
- Et c'est mon anniversaire.
Le brun leva les yeux au ciel : ils étaient incapables d'apprécier sa générosité légendaire. Il leur laissa sa veste et quitta la banquette, traversant la pièce, les jambes fébriles d'être resté assis aussi longtemps – ou bien de savoir exactement dans quelle direction il se rendait.
Une fois arrivé au bar, il s'y accouda de la façon la plus nonchalante possible. Jean était à quelques mètres à peine, et le brun vit sa collègue lui faire un signe pour lui indiquer sa présence.
Il dut se faire violence pour ne rien y lire et présenta sa carte avec un sourire quand Jean se plaça en face de lui.
- Ce serait pour régler, s'il te plaît.
Le barman ne sembla pas se formaliser du tutoiement : lui aussi devait voir qu'ils avaient le même âge. Ou peut-être qu'il faisait semblant et qu'Eren venait d'être le plus impoli possible.
Cette dernière pensée s'évapora au moment où Jean lui présenta de quoi payer, lui annonçant le montant.
De près, sa voix sembla résonner contre le corps d'Eren et faire trembler tous ses os, si bien qu'il commença sérieusement à se poser des questions sur sa santé mentale. Depuis quand s'emportait-il aussi vite ? Il allait devoir se réserver un instant pour y réfléchir – mais Eren n'était pas dans la réflexion, Eren était dans l'action qu'il regrettait ensuite et c'était ou bien tant pis, ou bien tant mieux, alors Eren prit son courage à deux mains et fit ce qu'il savait faire de mieux : il ne s'embarrassa plus de considérations internes.
- Jean, c'est ça ?
L'interpellé haussa un sourcil, de la même manière que quelques heures plus tôt, et Eren était curieux de le connaître assez pour savoir ce que ça signifiait vraiment et à quel niveau de l'échelle il se trouvait entre intérêt et consternation.
- C'est ce qui est écrit, oui.
Bien sûr, le garçon restait poli, mais le brun ne pouvait s'empêcher de déceler au fond de sa voix ce qu'il voulait y entendre : une goutte d'amusement qui n'avait rien de forcé.
Eren récupéra sa carte et la fourra dans sa poche.
- C'est toi qui as fait nos verres ?
Super façon de faire la conversation au barman. Mais considérant qu'il n'était pas le seul, il y avait des chances que ce ne soit pas le cas.
Pourtant, plutôt que de lui répondre, Jean afficha un rictus qui cette fois, n'avait plus rien de poli.
- Americano, hein ?
Eren se sentit rougir et pria pour que la faible luminosité des lieux camoufle son embarras. Il eut une pensée pour Armin et Mikasa et puis se fit la réflexion que c'était eux qui l'avaient traîné ici, alors il pouvait bien les faire attendre.
- Il y a un problème ?
Jean secoua doucement la tête mais ne perdit pas son sourire en coin.
- C'est pour Casino Royale ?
Eren sentit ses tripes faire un bond en entendant le nom du film, mais resta méfiant.
- Si je dis oui, c'est une bonne chose ?
- Dis toujours, et on verra.
- Oui.
- C'est une bonne chose.
La discussion prenait un tournant divin : non seulement Jean avait ses références cinématographiques – au moins une – mais en plus, il entretenait la conversation. Soudain, pour Eren, ce bar devint le lieu le plus sacré de la planète.
- Tant mieux, dit-il en masquant difficilement sourire.
- Tu m'excuses, hein ? répondit alors Jean en désignant sa collègue du pouce, signifiant qu'il devait retourner travailler.
Eren retint sa moue déçue et hocha vivement la tête.
- Ouais. Carrément. Bah… À la prochaine ?
Il ne sut dire si le sourire de Jean était moqueur ou amusé, cette fois.
- C'est ça, lança le barman avant de tourner les talons.
Eren retourna auprès de ses amis, incapable de savoir comment il devait se sentir, et tous les trois prirent la direction de l'appartement d'Armin où ils devaient se faire un marathon – n'importe lequel, le brun n'intégrait pas vraiment ce qu'ils disaient.
Il pensait à Jean, à son joli prénom et à ses pommettes bien placées, à la conversation ou bien, la naissance de discussion qu'ils avaient partagée, et se fit la réflexion qu'il était sûrement drogué à l'adrénaline d'une soirée inhabituelle et qu'il l'oublierait vite.
I'll be your quiet afternoon crush,
Be your violent overnight rush
Eren ne l'avait, finalement, pas oublié du tout. Il avait donné trois jours à son imagination qui embellissait ses souvenirs et rendait sûrement Jean plus beau qu'il ne l'était vraiment, mais même en ce beau mercredi, il était à la bibliothèque avec son nom sur les lèvres.
Il se trouvait ridicule : qui se laissait embarquer dans de telles illusions ? Eren s'était jeté corps et âme dans ses études, écoutant ses cours plus qu'il ne l'avait jamais fait et portant de l'attention à des choses inutiles comme les horaires de la bibliothèque plutôt que ceux du cinéma.
Il blâmait la littérature : forcément, elle mentait et donnait aux relations une dimension irréaliste pleine de beauté et de sensibilité qui n'existaient jamais, et le brun était tombé dans le piège. Maintenant, il idéalisait tant et si bien le barman qu'Armin ne pouvait s'empêcher de l'interroger au moins une fois par jour sur celui qu'il appelait son crush.
Eren vomissait sincèrement ce mot : qu'est-ce que ça voulait dire, de toute façon ? Que Jean le réduirait en miettes, ou inversement ? Il n'en voulait pas, il ne voulait même pas d'une relation tout court. Il ne le connaissait pas, savait à peine comment son visage se transformait et à quoi ses faux sourires ressemblaient.
Quand il fit part de ces arguments à Armin, le blond releva la tête du cahier sur lequel il travaillait, lui intimant de parler moins fort.
- T'as qu'à faire sa connaissance, murmura-t-il en haussant les épaules.
- Comme si c'était aussi simple.
Eren avait posé le front contre ses feuilles, à deux doigts de s'envoler vers un autre pays pour se changer les idées. Sa fixation n'avait aucun sens.
- Oui, ça l'est. Tu veux même pas que ça fonctionne, t'as dit.
- Justement.
- Non mais écoute : tu vas lui parler, si ça se passe bien vous faites vos trucs et tu l'oublies et si ça se passe mal et ben tant pis.
- Comment tu peux dire un truc pareil ? marmonna Eren.
Il n'eut pas besoin de lever la tête pour sentir le regard d'Armin sur lui, probablement rempli d'une lassitude qu'il lui pardonnait.
En rentrant chez lui, le brun se figura tout de même que ce n'était pas une si mauvaise idée, et c'est ce qui le poussa le vendredi suivant à se rendre au bar de lui-même. Le retrouver ne fut pas compliqué : il eut juste à regarder dans son historique d'adresses, ce qui au moins lui accorda un répit des probables messages qu'Armin et Mikasa lui auraient envoyés pour le déstabiliser – ce qu'il allait de toute façon déjà être.
Quand il pénétra dans l'endroit –l'Endroit, le nom lui paraissait toujours scandaleux -, il fut rassuré de voir que rien n'avait changé. Plutôt que de se diriger vers les banquettes, il prit son courage à deux mains et alla directement s'installer au bar. Il s'assit sur un tabouret et ne vit d'abord que la barmaid de la dernière fois qui le regarda un peu de travers, et puis fut rassuré de voir une tête dorée dans son champ de vision.
Jean croisa son regard et n'eut aucune réaction indiquant qu'il le reconnaissait, mais Eren s'était attendu à ce cas de figure : il était prêt à lui rafraîchir la mémoire.
Le garçon s'approcha pour prendre sa commande, et le brun lui offrit un large sourire. Il n'avait même pas besoin de faire semblant : il était véritablement content de le revoir. Là, sous la lumière des néons, il sentit toutes ses certitudes s'envoler. Il n'avait rien romantisé, Jean était véritablement et sincèrement magnifique, et la façon dont ses tripes s'écrasèrent les unes contre les autres quand il arriva devant lui suffit à ce qu'Eren se rende compte qu'en effet, il était dans une situation véritablement désespérée et que peut-être que ouais, il avait sincèrement envie d'apprendre à le connaître.
- Salut, commença-t-il, je sais pas si tu te-
- Americano.
Toujours stable, la voix de Jean suffit à ce qu'Eren sente une poussée d'adrénaline agrandir son sourire plus encore. Il hocha la tête, doucement impressionné que le barman ait retenu et s'aventura en terrain plus glissant. Il essayait de se convaincre qu'il lui avait laissé une certaine impression.
- Je vois que je t'ai fait de l'effet.
Eren avait beau y avoir ajouté un sourire, il se sentit ridicule au plus haut point et résista à l'envie de rentrer chez lui et de s'enterrer sous sa couette. Mais le brun était du type à affronter les défis qui se présentaient à lui, alors il ravala ses inquiétudes et s'arma de détermination.
C'était décidé : à la fin de la soirée, il aurait le numéro de Jean. Si ce dernier était d'accord pour le lui donner, bien sûr.
- Si ça peut te faire plaisir, marmonna le barman en poussant la carte vers Eren.
Ce dernier secoua légèrement la tête.
- Un Americano.
Comme ça, Jean se souviendrait doublement de lui. Le garçon eut un rictus doucement moqueur.
- Un vrai fan, hein ?
- On peut dire ça.
- Je t'apporte ça.
Eren le regarda s'éloigner en se faisant violence pour ne pas laisser ses yeux traîner sur lui trop longtemps. Il reporta ensuite son attention sur son téléphone où bien sûr, Armin et Mikasa s'intéressaient de ses allers et venues. Il les ignora pour ne pas avoir à leur mentir – pas qu'il avait honte, surtout qu'il voulait être tranquille – et traîna un instant sur les réseaux sociaux. Quand il reçut un message du blond disant « Je sais que t'es connecté, ça devient louche », il rangea rapidement l'appareil dans sa poche, juste à temps pour voir son verre être déposé devant lui mais… pas par Jean.
Il se retint d'hausser un sourcil ou bien de s'indigner pour ne pas avoir à véritablement déménager et eut un hochement de tête de remerciement pour la collègue de Jean. Son badge indiquait Ymir, et Eren fit un effort pour le mémoriser.
- Merci.
- Mais pas de soucis. T'attends quelqu'un ?
Sa voix n'avait rien à voir avec celle de Jean : elle n'avait ni ses accents forts ni ses lettres coupantes, mais Eren y entendit une forme de rudesse inconsciente. Et puis, la question en elle-même le surprit et il espéra très fort que cette fille ne soit pas en train de le draguer, parce que premièrement, il n'était pas là pour elle et deuxièmement, cela voudrait dire que son intérêt était purement égoïste et qu'elle ne demandait pas pour ensuite en discuter avec Jean – qui aurait pu venir poser sa question de lui-même, mais Eren était comme ça et Eren se faisait des films.
- Comment ça ? répondit-il finalement, choisissant la prudence.
- Est-ce que t'attends quelqu'un ? répéta Ymir plus lentement et tout dans son regard traduisit une désillusion qu'Eren ne comprit pas.
- Non, affirma-t-il finalement après quelques secondes supplémentaires d'hésitation.
- Tant mieux.
Elle le regarda de haut en bas un instant et Eren se retint de froncer les sourcils et reporta son attention sur son verre pour lui montrer qu'il n'était clairement pas intéressé. Il tenta de regarder derrière elle pour voir s'il apercevait Jean revenir de peu importe là où il était, et puis Ymir s'en alla pour s'occuper d'un autre client.
Quand Jean revint quelques minutes plus tard, Eren était à la moitié de son verre et s'ennuyait ferme. Il le vit le regarder et se redressa inconsciemment, essayant de ne pas paraître trop impatient. Pour le faire revenir, il fallait qu'il termine sa boisson, alors il s'attela à la tâche.
Heureusement pour lui, il attrapa le regard de Jean et ce dernier vint récupérer son verre.
- Un autre ?
Eren hocha distraitement la tête, mais ne le laissa pas partir comme ça :
- C'est quoi ta couleur préférée ?
Ouais. Apprendre à le connaître. Peut-être n'était-il pas des plus originaux quand il était dans l'urgence.
- Quoi ?
- Ta couleur préférée.
- C'est une question piège ?
Eren fronça un peu les sourcils.
- Pourquoi ce serait un piège ?
- Genre faut que je réponde tes yeux ou un truc comme ça ?
Son ton indiqua à Eren que Jean abandonnait peu à peu la politesse excessive qu'il semblait avoir avec chacun de ses clients, et cela ne fit que l'encourager.
- Tu peux si tu veux.
Jean le considéra du regard un instant avant d'afficher un rictus amusé.
- Ok. Maintenant je peux plus répondre à ta question. Si je dis vert, tu vas penser que c'est dans la poche et si je dis violet, tu vas penser que c'est pas le cas.
- C'est violet ? demanda Eren avec un large sourire.
Jean bien sûr, n'était pas né de la dernière pluie et avait forcément compris ses tentatives désespérées pour attirer son attention. Il avait l'avantage dans la conversation et le savait sûrement, mais Eren le lui laissait gracieusement s'il pouvait, comme il l'avait prévu, repartir avec son numéro avant la fermeture.
- Ouais.
- Qu'est-ce qu'il faut que je pense alors ?
Plus que de s'effleurer, leurs regards se cognèrent un peu et Eren reposa ses yeux dans les siens, juste le temps de sentir son cœur se serrer dans tous les sens. Du peu qu'il avait vécu, il savait qu'il y avait quelque chose d'étrange et de désagréable, au fond, dans l'attraction, mais il savait aussi que peu de choses pouvaient égaler ce qu'il ressentait maintenant.
- C'est pas marrant si je te le dis.
- Ça m'arrangerait quand même.
- C'est assez clair non ?
Eren jeta un coup d'œil distrait à l'heure sans se départir de son sourire.
- Tu finis dans combien de temps ?
- Peut-être que tu resteras assez longtemps pour le savoir.
Eren leva les yeux au ciel mais ne protesta pas. De toute façon, il n'avait pas grand-chose à faire de sa soirée. Il regarda Jean repartir vers de nouveaux clients, et ne le retint pas quand il lui ramena son verre à nouveau rempli.
Il échangea quelques regards avec Ymir qui semblait l'observer de loin, et s'occupa comme il le put. Il ne poussa pas sa consommation d'alcool à l'excès et attendit patiemment, osant même répondre à Armin et Mikasa qui ne s'embarrassèrent pas de politesse et l'inondèrent de messages dans l'immédiat.
Quand l'aiguille s'arrêta sur une heure du matin, Eren vit Jean passer un coup de chiffon sur le bar et une fois qu'il eut terminé, se redressa, impatient de discuter avec lui et d'accessoirement se dégourdir les jambes.
- Je me change et j'arrive.
Le brun retint ses remarques et hocha la tête, rejoignant déjà la sortie. Jean ne tarda pas et ils se mirent à marcher dans une direction qu'Eren ne reconnaissait pas.
- Ça te va si on va chez moi ? demanda le barman sans vraiment le regarder.
Eren se sentit rougir et se maudit d'avoir des réactions aussi lisibles, puisque Jean lui offrit un sourire en rectifiant :
- Non. Pas comme ça. Juste, il fait chaud, et j'ai cru comprendre que t'aimais bien les films.
- Ouais. D'accord.
- Si ça t'embête c'est pas grave, on peut traîner dehors.
Eren se sentit hurler intérieurement, et il secoua doucement la tête.
- Non, ça va.
- T'es du genre à aimer les challenges hein ?
- Peut-être.
Il vit Jean mettre ses mains dans ses poches et l'imita inconsciemment, regardant la façon dont ses cheveux bougeaient avec le vent et comment sa peau se détachait par rapport au reste.
- Tant mieux, sourit Jean.
Eren sentit les questions se presser au bord de ses lèvres mais les retint avec force : il ne voulait pas que sa curiosité maladive ne fasse fuir l'autre garçon. Il prit son mal en patience.
- Comment était ta journée ?
- Pourquoi t'as demandé ma couleur préférée ?
Eren haussa les épaules et ne se formalisa pas du manque de réponse.
- Pourquoi pas ?
- Tu veux connaître mon signe astro aussi ?
En dehors du cadre que représentait le bar, la voix de Jean se faisait plus dure encore et Eren le trouva d'autant plus beau, comme si toute la vulgarité du monde ne suffisait pas à lui faire perdre l'aura délicate qui l'accompagnait.
- Tu dois être genre, Lion.
- Pas du tout.
- J'y connais rien.
- Je m'en doutais.
Ils échangèrent un sourire, et Eren se fit la réflexion qu'il était quand même facile de lui parler.
- T'es étudiant ? finit-il par demander, parce qu'il avait beau respecter sa vie privée, il était quand même là pour y entrer.
- Ouais. Toi aussi ? T'es sur quel campus ?
- Lettres.
- Sérieux ?
- Ouais. Et toi ?
- Je suis dans une école. Du ciné.
Jean agita lâchement sa main comme pour signifier que ce n'était pas important, mais Eren leva la tête vers lui, agréablement surpris :
- Sérieux ?
Le barman dut voir quelque chose au fond de ses yeux parce qu'il afficha un sourire qui lui donnait presque l'air attendri.
- T'es plus enthousiaste pour mes études que moi, faut le faire.
Eren faillit présenter ses excuses, mais Jean n'avait pas l'air de lui en vouloir, alors il se contenta de sourire.
Avant qu'il ne sélectionne une autre question parmi toutes celles qui bourdonnaient dans sa tête, ils arrivèrent devant l'immeuble de Jean et l'ascension jusqu'à son appartement fut plutôt silencieuse.
L'intérieur n'avait rien de surprenant : un mug sur une table basse, un portemanteau vide et pas de rideaux aux fenêtres. Eren remarqua sans grand mal l'immense affiche accrochée au-dessus du canapé.
- C'est quoi ? dit-il en la pointant du doigt.
Jean haussa les épaules.
- Un vieux film. Je l'ai pas vu.
- Et t'as une affiche aussi grande ?
- Je la trouve jolie, sourit Jean.
Eren, c'était lui qu'il trouvait joli. Et c'était terrible comme pensée, un truc aussi niais alors qu'il n'était même pas encore deux heures et qu'il était sobre.
Le brun haussa les épaules et avant qu'il ne le sache, il était trois heures et demi et il était en train de s'endormir à moitié sur le canapé de Jean.
Quand il reprit tout à fait conscience à cause d'une scène d'action un peu plus bruyante, il se tourna vers Jean dès qu'il se souvint d'où il était, passant une main fatiguée sur son visage.
- Putain désolé, c'est trop nul.
Il frotta ses yeux pour essayer de s'intimer de rester éveillé, et Jean lui offrit un sourire qui rayonna contre le bleu de la télé.
- T'inquiète. Dors.
- Je voulais te parler.
- Je sais. On parlera demain.
- T'es sûr que ça te dérange pas ?
- Ouais.
Il hocha la tête, ferma doucement les yeux et puis soudain, sembla avoir une révélation.
- Tu connais même pas prénom.
Il trouva son regard dans la pénombre.
- C'est ça, Eren Jaeger. Dors maintenant.
- Com-
- C'est écrit sur ta carte de crédit.
- Ah putain, s'exclama Eren en passant ses mains sur son visage une fois encore, cette fois-ci pour masquer son embarras.
- Ouais.
- T'es genre Sherlock.
- C'est ça.
La voix de Jean s'effaça doucement et après ça, Eren s'endormit bien vite.
Le lendemain, il se réveilla complétement ankylosé. Il avait dormi pratiquement assis, la nuque dans un angle trop étrange pour qu'il ne la masse pas immédiatement. À quelques mètres de lui, Jean était assis à table, une jambe jetée par-dessus l'autre.
Il portait un simple tee-shirt qui laissa à Eren tout le loisir de détailler ses bras tatoués, jusqu'à ce que son regard se pose sur lui et que le brun se sente obligé de détourner les yeux.
- Hey, bien dormi ?
Eren hocha vaguement la tête et fouilla dans sa poche à la recherche de son téléphone. Et merde, parce-que Mikasa allait le tuer. Quelque chose dans son expression dut indiquer son trouble, parce-que Jean eut un soupir amusé.
- Tu manques à quelqu'un ?
- Ma sœur, dit Eren en levant les yeux vers lui, et il put jurer avoir vu un éclair de soulagement passer sur son visage.
Plutôt que de rétorquer quelque chose, Jean lui présenta la théière devant lui et Eren secoua la tête pour répondre à sa question silencieuse.
- Je bois du café, en fait.
Jean eut une grimace.
- Honte à toi.
Le brun lui tendit un sourire mais se leva tout de même en arrangeant discrètement ses cheveux, et le rejoignit à table.
- Et toi ? Bien dormi ?
- Ouais, dit Jean et Eren remarqua à cet instant qu'il avait un livre retourné sur ses genoux.
Ce mec était parfait, il n'y avait plus aucun doute.
- Je sais que je me suis endormi hier, alors ça te va si on se prend un café un de ces quatre ? Ou un thé.
- C'est pas ce qu'on est en train de faire ?
- Plutôt comme un rendez-vous.
- Un rendez-vous ? répéta Jean avec un rictus moqueur.
Eren se sentit rougir et se fit la réflexion qu'il était bien trop tôt pour ce genre de conversation.
- Ou pas. Comme tu veux.
- Non, ça me va. Je te retrouve au campus ?
L'idée de Jean sur son campus suffit à Eren pour se réveiller tout à fait, et il hocha la tête.
- Ouais. Du coup-
- Ouais, le coupa déjà Jean en tendant sa main pour qu'Eren y dépose son téléphone.
Une poignée de secondes plus tard, le brun avait son numéro et considérait que quand même, son but était plus qu'accompli.
- Merci, dit-il en lui offrant un sourire.
Jean hocha la tête dans sa direction, mais Eren vit bien qu'en-dessous de sa fausse expression occupée, lui aussi souriait.
.
Bien sûr, ne soyez pas comme Eren et n'allez pas chez les gens comme ça hein surtout chez un loser comme Jean (love him)
Also il est temps pour moi de rappeler que I hate Eren
Merci d'avoir lu, à demain pour Office AU et Ennemies to lovers !
zoubi
