Cette petite histoire a été écrite par le biais du défi Pièce de Huit, lancée par le Forum de Tous les Périls. Le thème était le suivant : Fleur fanée.
Après avoir maté l'arc de Thriller Back, je me suis rendue compte que j'adorais Hildon. J'aurais réellement adoré qu'il survive, malheureusement les désirs sont rarement accomplis en ces eaux troubles.
J'espère que le texte vous plaira !
۩๑ ๑۩ An ending don't mean it's over ۩๑ ๑۩
Une énième nuit lugubre se levait sur Thriller Back. Enveloppée dans son écrin de brouillard, l'île rôdait dans le Triangle de Florian. À l'affut de proies inconscientes et malchanceuses, le domaine de Gecko Moria s'étendait à perte de vue. Les zombies profitaient de leurs ombres, et d'une accalmie nouvelle afin de goûter les plaisirs terrestres. Certains jouaient aux cartes, d'autres répondaient aux caprices de leur maître respectif tandis que les derniers se reposaient.
Au milieu de la houle, perché sur un arbre au feuillage rabougri, Hildon surveillait la forêt. Cet être à l'apparence vampirique prenait son rôle très à cœur. La surveillance de l'île lui échoyait servir Maître Moria remplissait son cœur de joie. Sa force ne rivalisait certes pas avec les zombies généraux, mais il connaissait l'importance de sa tâche. Sa présence prévenait les incidents, lorsqu'il n'escortait pas les « invités » du Maître dans son antre impitoyable.
Aujourd'hui encore, il épiait les mouvements suspects des vivants, guettait l'horizon et appréciait la robustesse de son perchoir.
Hildon adorait son quotidien et ne l'échangerait pour rien au monde. Maître Moria et Maître Hogback lui avait redonné vie, son obéissance n'était qu'un maigre prix à payer pour leur générosité. Tant qu'Absalom ne l'embêtait pas avec ses grognements incessants, il estimait que ses jours – et ses nuits – se déroulaient sans accro. Il n'aimait pas l'homme invisible, mais par chance ses pensées n'appartenaient qu'à lui. Personne ne savait et ce secret le protégeait du courroux de la bête perverse.
Tandis que ses yeux perçaient l'obscurité, le zombie considérait la tranquillité de son poste. Grâce à ses ailes, il survolait toujours le danger et se tenait à l'écart des affrontements. La vigie lui convenait parfaitement et il esquissa un sourire en imaginant la fierté de ses maîtres.
Hildon était utile et reconnaissant reconnaissant et utile car il pouvait à nouveau se mouvoir sur la terre mais aussi dans les cieux.
Il songeait à sa fierté de serviteur docile lorsqu'un fredonnement proche attira son attention. Son regard inspecta la forêt épaisse en contrebas, tenta de deviner la silhouette du chanteur mais ne rencontra qu'arbres et buissons. Sans hésitation, le zombie abandonna sa branche pour s'enfoncer dans la noirceur et la brume. Discret, il se faufila entre les obstacles puis remarqua enfin la cause des bruits étranges.
À quelques mètres sous ses ailes, une femme d'âge mûr sifflait une mélodie inconnue. Ses chaussures crasseuses s'enfonçaient dans la terre asséchée, elle avançait en fixant le sol, vraisemblablement à la recherche de quelque chose.
« Son ombre ? » supposa le zombie chauve-souris. Caché derrière des feuilles aux teintes jaunies, il observait la marche lente de la femme aux cheveux sombres. Elle marmonnait doucement, et força Hildon à se rapprocher. Si cette humaine prévoyait d'attaquer le manoir, il devait en informer ses maîtres au plus vite.
Et la petite brise se perdit dans les vents violents…
Le messager de Thriller Back tendit l'oreille, intrigué.
Elle appela longtemps sa maman, mais la mer l'avait emportée
À l'autre bout du monde, par-delà les montagnes et le temps.
Tandis que Hildon se penchait pour mieux la détailler, la femme s'arrêta brusquement. Le zombie crut un instant qu'elle avait senti sa présence, mais se rassura lorsque son corps se pencha sur le sol.
Courageuse petite brise se perdit dans les océans,
Fut noyée par les cris et le chant des morts
Tombés dans les abysses sombres et froids
D'un monde qui ne les désirait pas…
Elle ramassa quelque chose, à moins qu'elle n'arrachât une plante à son terroir et reprit sa chanson.
Hm hm hm…
La petite brise s'égara dans le monde
Rencontra des idées vagabondes…
Hm hm hm…
Vit l'amour et les peines
Les mariages et les divorces
Les morts et les naissances
Hm hm hm…
Cette vivante dépossédée de son ombre errait seule dans la forêt. Elle ne semblait guère dangereuse, aussi inoffensive et fragile qu'un lapin de taille adulte. Si elle sortait du brouillard, les zombies du cimetière pourraient se charger de son cas. Hildon pouvait l'abandonner à sa folie singulière, sa chanson et sa recherche de plantes.
Hm hm hm…
La la la…
La petite brise courageuse s'égara…
La chauve-souris la suivit encore un instant, puis lorsqu'il fut certain de ses intentions, s'envola jusqu'au manoir de ses maîtres. Et tandis qu'il préparait son rapport, la mélodie de l'inconnue dansait dans son esprit.
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Deux nuits plus tard, le chemin de l'humaine et de Hildon se croisèrent à nouveau. À l'orée de la forêt dans laquelle rampaient les victimes de Gecko Moria, elle longeait les arbres et les buissons en fredonnant.
Le zombie s'approcha encore, vif et silencieux afin de ne pas attirer son attention. Il se percha dans les plus hautes cimes, l'épia et l'écouta chanter longtemps. Ne pas comprendre les intentions de cette femme mystérieuse le rendait soucieux, et il craignait pour la sécurité de ses maîtres. D'après les zombies du cimetière, elle ne s'était pas présentée à eux mais rien n'assurait que tout ceci se prolongerait dans le temps. Et si cette humaine décidait soudainement de confronter le shichibukai ? Et si elle semait le chaos parmi les morts-vivants afin de récupérer son ombre ? Hildon devait absolument veiller au grain.
Pendant qu'il réfléchissait aux conséquences d'une attaque, la quarantenaire s'effondra contre le tronc d'un arbre mort. La chauve-souris s'arracha à ses suppositions pour le détailler avec méfiance. Assisse sur les racines, l'humaine déposa un tas à ses pieds.
Hildon se pencha, haussa un sourcil curieux et découvrit une myriade de fleurs salies par la terre et la poussière.
« Est-ce qu'elle les a toutes rassemblées ? », le zombie ne comprenait pas. La plupart des plantes paraissaient mourantes, beaucoup avaient perdues leurs vives couleurs tandis que d'autres ressemblaient à des cadavres desséchés, vidés de toute substance. Elles étaient laides et pourtant la femme paraissait subjuguée par leurs imperfections.
Hm hm hm…
La petite brise courageuse s'égara
Traversa le monde sans carte, ni bateau
Admira toutes les merveilles des mers
Mais jamais ne retrouva sa maman.
Ses grandes mains calleuses, abimées par le temps et une existence dans l'ombre, saisirent les fleurs une à une. Adossée contre l'arbre creux, la femme créait d'étranges couronnes fleuries ternes et rigides. Au milieu de la terre et du brouillard, cette humaine dépossédée de son âme semblait indifférente à l'enfer. Son visage n'était pas enlaidi par la colère, la rage ou le désespoir. Se moquait-elle des zombies ? Et du sort qui la condamnait à se terrer dans l'obscurité d'une immense forêt ? Pour une prisonnière du Thriller Back, elle semblait bien paisible.
Elle tissait ses couronnes, cousait fleurs et pétales un à un avec le souci du détail. Ses grands yeux bleus cernés de noirs brillaient dans la nuit, tandis que sa courte chevelure sombre faisait ressortir la pâleur de sa peau.
Elle visita les tréfonds de la mer
Des cavernes et des mystères
Puis un jour elle aperçut
Au détour d'un fort courant
L'amour au bord d'un bateau blanc
Il s'agissait du pirate au masque de fer
Hm hm hm…
La la la…
La petite brise se trouva.
Hildon ne comprenait pas, et ce fût pour cette raison qu'il resta.
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Voilà deux semaines que le zombie épiait les moindres faits et gestes de l'humaine chantonnante. Lorsque Maître Moria ne lui confiait pas de tâche plus importante, il rejoignait la forêt des victimes et se lançait à la recherche de la femme. Sa voix attirait inévitablement Hildon qui, une fois proche de sa proie, se dissimulait dans le feuillage des arbres.
Chaque jour, elle confectionnait une couronne de fleurs.
Chaque jour, le messager de Thriller Back réécoutait sa chanson.
Elle fredonnait toujours la même chose, puis une fois son ouvrage achevé, disparaissait dans les ténèbres comme si de rien n'était.
La brise tomba amoureuse
Du pirate sans visage
Elle déposa sur son masque de fer
Mille et un baisers pour le réconforter
Et lorsque le temps lui était défavorable
Ni une, ni deux
Elle se glissait dans les voiles
Pour qu'il poursuive son voyage.
Aujourd'hui encore, le schéma se reproduisit.
Jusqu'à ce que…
— Tu n'as pas envie de descendre, petit être ?
Hildon cligna des yeux, surpris. En contrebas, l'humaine terminait sa quinzième couronne.
— Ce n'est pas très poli d'épier les femmes à longueur de journées.
— Je… Je ne fais pas que ça !
Mince ! Il avait répondu sans y réfléchir les mots lui avaient échappés.
Et maintenant, la femme savait qu'il l'espionnait. Elle esquissa d'ailleurs un sourire tandis que ses yeux inspectaient sa dernière création.
— J'espère bien. Si cette île doit avoir un avantage, c'est bien de me débarrasser des pervers lubriques.
Une minute passa dans le silence une minute durant laquelle ni l'un, ni l'autre ne bougea.
Et finalement, mu par sa curiosité, le zombie chauve-souris délaissa son perchoir. Il survola un instant la femme étrange, puis se résigna à lui faire face. Quant à elle, elle ajoutait quelques pétales sur sa couronne.
Lorsque Hildon toucha terre, il hésita à questionner l'humaine sur ses intentions mais se ravisa aussitôt. Personne n'était honnête chez l'ennemi tous mentaient pour sauver leur vie ou récupérer leurs ombres.
— Maître Moria ne…
— Me rendra pas mon ombre ? Oui, je le sais. Toutefois je te remercie de réduire à néant mes derniers espoirs, ils commençaient à m'agacer.
Le messager pencha la tête sur le côté, incertain.
— Hm…
— Je ne lui chercherais pas d'ennuis, ne t'en fais pas pour ça.
Quelle humaine singulière.
— Habituellement, les ombres manquent aux humains.
— Habituellement, les humains ont peur des zombies, des manoirs hantés, des vampires et de tant d'autres choses. Et si je devais faire une liste non-exhaustive des angoisses humaines, j'en aurais pour le restant de mes jours.
Malgré lui, Hildon haussait les sourcils. Il ne savait comment réagir, ni quoi répondre face à une telle sérénité. Cette femme se moquait-elle réellement des récents évènements ? Ne nourrissait-elle aucune rancœur envers son maître et le zombie qui détenait son ombre ? Son calme était inhabituel, une exception qu'il n'aurait jamais cru croiser.
Alors qu'il s'interrogeait sur la raison d'une pareille plénitude, l'humaine tapota le sol à ses côtés.
— Assieds-toi donc, petit être.
En dépit de sa méfiance, le zombie s'exécuta et les lèvres de la femme s'étirèrent en un sourire satisfait.
Hm hm hm…
Puis, comme si de rien n'était, la quarantenaire reprit son ouvrage en fredonnant. Contrairement aux autres victimes du Maître Moria, elle ne s'enfuyait pas en hurlant. La présence de la chauve-souris ne l'arrachait pas à sa couronne, et cela désarçonnait le messager de Thriller Back. À quoi pourrait bien ressembler son rapport ? Hildon craignait que ses maîtres n'appréciassent pas ses hésitations et cette femme dont les intentions floues encourageaient la vigilance de tous.
Le regard incertain, il détailla l'humaine avec attention. Deux pattes lisses et noires encadraient son visage elles retombaient sur ses épaules usées, affaissées par le poids des années. Sa tenue aux couleurs sombres contrastait avec la blancheur de sa peau. Elle portait bien le bleu marine, Hildon devait le reconnaître. Aucune extravagance, aucun surplus dans son attitude ou ses habits cette femme sans nom ne ressemblait en rien aux habitants de l'île vagabonde.
Alors qu'il se torturait l'esprit d'interrogations, l'humaine déposa la couronne son crâne.
— Là. Elle te va bien.
Elle esquissa un sourire tandis que le messager zombie rougissait. Vraiment, cette femme ne comprenait ni sa situation, ni les conséquences qu'elles engendreraient sur sa vie. Hildon se redressa brusquement puis s'envola.
— Je n'en veux pas !
Sans crier gare, il s'enfuit sous les rires attendris de l'étrangère aux mille fleurs.
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— Pourquoi ?
— Hm ?
Le regard de la femme et du zombie se croisèrent. Ils se dévisagèrent un instant, puis Hildon explicita sa question, tandis que des fleurs reposaient entre ses doigts crochus.
— Pourquoi prenez-vous des plantes mortes ? Vos couronnes seraient bien plus jolies si vous choisissiez des fleurs plus jeunes.
— Tu penses, Hildon ?
Les joues froides de la chauve-souris se colorèrent de rouge, et ses griffes tranchèrent plusieurs pétales. Lorsqu'il prit conscience de son geste, il bégaya quelques mots mais le sourire de l'humaine le dissuada d'en ajouter. Finalement, il garda le silence et elle déposa une troisième couronne sur son crâne.
— Cette fleur n'est pas plus morte que toi. Elle est toujours habitée par quelque chose, par un esprit.
— Je doute que Maître Moria s'amuse à joindre des ombres à des fleurs.
— Ah, je ne parlais pas de lui…
Elle passa une main sur son menton, le frotta trois secondes puis entreprit une quatrième couronne de fleurs.
— Lorsque j'aurais trouvé comment t'expliquer, j'arrêterais de te couvrir de fleurs, ça te va ?
— Hm… Oui… D'accord.
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Dans le hall du manoir, des rires retentirent soudain. Dans l'obscurité, les bouches des tableaux se déformèrent en d'étranges rictus. Un premier homme s'extirpa de la toile, puis un second le rejoignit.
— Tiens, tiens… Ne serait-ce pas…
— … Hildon qui revient de ses rencards ?
Les sourires ressemblaient à des accusations silencieuses les mots avaient le goût d'une menace à peine voilée. Au milieu du hall à l'aspect gothique, des perles de sueurs suintaient sur le front de la chauve-souris.
— Il n'y a rien entre elle et moi.
Des gloussements moqueurs lui répondirent.
— Hildon est peut-être le messager du Maître, mais il n'est pas très malin.
— Ce n'est pas bien de mentir à ses camarades, petit être.
Trois paires de mains sortirent des ombres pour saisirent les couronnes une à une.
— Tu aurais pu au moins choisir une humaine qui fait la différence entre les fleurs mortes et vivantes.
— Ou alors, elle a peut-être un très mauvais goût en matière floral ?
— Quoiqu'il en soit, cette humaine va t'amener des soucis, Hildon.
Accroché au mur, un trophée-cochon avisa le concerné. Ses lèvres rosées s'étirèrent en un sourire malsain, puis il se joignit aux railleries de ses comparses.
— Hildon pense peut-être que les humains et les zombies peuvent devenir amis ? Quel imbécile.
— Elle n'est pas comme les autres ! Elle se fiche de vivre dans la forêt et de ne plus avoir son ombre !
Cochon et tableaux se turent un instant avant qu'un sombre fou-rire ne se propageât dans le hall et les couloirs. Aussitôt, Hildon rentra sa tête et sa chevelure folle dans ses épaules, tenta de se fondre aux dalles glacées mais rien n'y fit. Il se tenait là, exposé à la vue de tous. Au milieu des œuvres horrifiques et de leurs rictus macabre, le zombie paraissait infiniment petit.
Des doigts griffus frappèrent son dos, la femme à la longue chevelure noire sortait de son cadre pour lui faire face. Il détourna le regard elle attrapa son menton sans douceur.
— Et tu la crois ?
— Elle ne s'est jamais approchée du manoir… Et elle n'a jamais cherché à m'attaquer…
Le cochon renifla avec mépris.
— Bien sûr que non, elle est maligne. Elle joue les petites innocentes pour te duper.
— Bientôt vous parlerez de Maître Moria et elle te poussera à lui révéler tout un tas de choses…
— Où se trouve son ombre…
— … Comment la récupérer…
— … Quelle est la faiblesse des zombies…
— Et toi, petit imbécile, lui livreras tout parce qu'elle t'a promis de ne rien faire ?
— Idiot.
— Imbécile.
— Stupide.
Les rires s'amplifièrent, d'autres commentaires fusèrent sans pitié. Pendant ce temps, Hildon se couvrait de rouge. Ses dents pointues mordirent ses lèvres bleutées, il essaya de récupérer ses couronnes mais nul ne lui accorda ce vœu. Au contraire, les zombies se jetaient les fleurs, les émiettaient au fil des secondes et s'échangeaient des regards complices.
Au bout d'une demi-heure, ne restait plus que des pétales écrasés, déchiquetés et abandonnés sur les dalles gelées.
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Hm hm hm…
La petite brise voyageait
Au rythme de la houle
Elle découvrait toujours plus
De merveilles cachées sous les flots
Accompagnant son homme
Celui qui portait les rêves
D'un monde en pleine expansion
La petite brise trouva l'amour
Mais également bien plus,
Un trésor inestimable…
Depuis des jours, Hildon ne s'approchait plus de la femme sans nom. Il l'observait de loin, surveillait ses faits et gestes sans l'interrompre. Malgré certaines envies brûlant sa chair, la chauve-souris écoutait les voix insidieuses de ses camarades.
Il reconnaissait sa bêtise.
Même une femme pouvait mentir, manipuler le cœur et faucher les idiots au moment opportun. La croire innocente de tout pêché lui apparaissait maintenant stupide.
Aucun humain ne supportait une existence sans son ombre.
Elle entremêlait pétales et fleurs comme à son habitude la même chanson au bord des lèvres égayait son visage aux traits tirés. L'humaine ignorait sa présence, à moins qu'elle ne feignit l'indifférence. Hildon ne la connaissait pas assez pour prédire ses pensées. Il se contentait de suppositions et il ne comptait pas les vérifier auprès de la concernée.
Dissimulé derrière des feuilles asséchées, les yeux du zombie détaillaient les gestes de la femme. Les mains calleuses parcouraient les fleurs, caressaient les moins chanceuses et liaient les autres entre elles. Aujourd'hui, elles composaient lentement, presque au ralenti. Depuis trois heures, la femme grimaçait et ses doigts se rétractaient brusquement. À six reprises, la couronne en construction avait échappé à sa prise et s'était effondré à ses pieds. Des morceaux fanés reposaient, s'accumulaient et ressemblaient à la dépouille d'un insecte ayant mué.
Lorsque la couronne tomba une septième fois, la femme ne se pencha pas pour la ramasser.
— Tu ne m'aimes plus, petit être ?
Le corps d'Hildon fut parcouru d'un frisson, mais sa bouche resta close.
— Tu ne voulais pas savoir pourquoi j'utilisais de vieilles fleurs ?
Le silence répondit à l'humaine.
Elle esquissa un sourire, saisit délicatement la couronne inachevée puis se redressa.
Le goût de l'immortalité
De changer au gré des jours
Mais de toujours rester
Discrète et sincère
La petite brise porta mille noms
Des identités incroyables
Des souvenirs désagréables
Fut appelée traitresse par les uns
Bienfaitrice par les autres
Hm hm hm…
La la la…
Alors qu'elle s'enfonçait dans l'obscurité, Hildon entendit sa voix vaciller.
— La mort ne signifie pas que tout s'achève.
Et la chanson s'évanouît dans les ténèbres.
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— Qu'est-ce qui s'est passé ?
— Un humain a réussi à récupérer son ombre ?!
— Mais non imbécile ! Il n'y avait personne !
— 8 a perdu son ombre… ça ne peut vouloir dire qu'une chose.
— L'humain est mort ?
— Cet idiot a dû s'exposer au soleil. Il en avait assez de vivre dans l'ombre.
— Ce n'est pas grave.
— Maître Moria trouvera vite une ombre pour le remplacer !
— Peut-être que cette ombre sera même plus forte.
— Oh oui !
— Avec un peu de chance, elle ne nous bassinera pas la tête avec ses chansons bizarres et sa fascination pour les fleurs.
— Dans tous les cas, ce n'est pas très grave.
— Ouais, ne vous inquiétez pas !
— Retournez auprès de votre maître.
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Cette nuit, aucune chanson ne retentit aux oreilles du messager de Thriller Back.
Il trouva, tout autour du tronc creux où elle avait l'habitude de s'asseoir, une vingtaine de couronnes vieillissantes.
Elle avait disparu. Ne restait plus que des fleurs, des cadavres qui témoignaient de son passage.
Les zombies de la forêt se disputèrent les couronnes, les déchirèrent au cours de disputes puériles dont personne ne connaissait l'origine.
De toutes les compositions florales, Hildon ne put en sauver qu'une seule. Il tira la rescapée de la poussière, des débris et de ses consœurs déchiquetées.
Ses doigts griffus se refermèrent autour des pétales, puis tressautèrent tandis qu'il retenait un sanglot au plus profond de sa trachée.
Il ne comprenait pas.
Malgré les semaines passées en compagnie de l'humaine sans nom, il ne comprenait pas pourquoi des fleurs fanées.
Et il ne comprenait pas pourquoi elle avait fanée.
Et voilà ! J'espère que ce texte sur Hildon vous a plu !
